LE MYSTÈRE DE MARIE

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Monique
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LE MYSTÈRE DE MARIE

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LE MYSTÈRE DE MARIE

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LES ORIGINES ET LES GRANDS ACTES
DE LA MATERNITÉ DE GRÂCE
DE LA SAINTE VIERGE


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PAR
P. R. BERNARD, O. P.
(tiré du 1er et 2ième livre)


DESCLÉE DE BROUWER & CIE
76ième, rue DES SAINTS-PÈRES
PARIS (VIIe)

NIHIL OBSTAT
7 martii 1933
Fr. J. PADÉ, O. P.,
Prior Provincialis.
IMPRIMATUR
Lutetiae Parisiorum,
die 24° septembris 1933,
V. DUPIN, v. g.


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INTRODUCTION

OÙ L'ON PRÉVIENT QU'IL FAUT ENTENDRE
PAR LE MYSTÈRE DE MARIE CELUI MÊME
DE SA MATERNITÉ DE GRÂCE, ET OÙ
L'ON INDIQUE COMMENT ON
VA TRAITER DE CE MYSTÈRE.


A proprement parler il ne s'agit point de la maternité divine de la très sainte Vierge, c’est-à-dire du privilège qu'elle a d'être la mère du Christ; mais il
s'agit de cette maternité toute spirituelle, dite sa maternité de grâce, par laquelle elle est dans un sens véritable la mère de tous les chrétiens.

Chaque fois qu'il est question du mystère de Marie dans cet ouvrage qui y est entièrement consacré c'est toujours dans ce sens-là.

Entre tous les grands spirituels des siècles derniers, le Bienheureux Louis-Marie Grignion de Montfort est sans contredit celui qui a le plus contribué à imprimer
parmi nous ce sentiment de notre dépendance envers la très sainte Vierge et de sa maternité à notre, égard. Il parle du mystère de Marie à peu près comme
d'autres à la suite de l'Apôtre parlent du mystère de Jésus. En l'écoutant publier avec tant de force et d'inspiration ce mystère qui lui tient tant à coeur, on
croirait entendre encore saint Paul prêchant à la primitive Église l'insondable richesse contenue dans le Christ.

« Vous pouvez, disait l'Apôtre, vous former une idée de l'intelligence que j'ai du mystère du Christ. » Et il avait conscience d'annoncer une grande chose, longtemps
cachée, maintenant révélée, mais devant être de plus en plus notifiée et divulguée. Cette grande chose, c'était que « le Christ est nôtre.» Et ce Christ, il voulait le
dire à tous, même aux Gentils, car il le savait pour tous. Il voulait « avertir tous les hommes et les instruire tous, en toute sagesse, pour les amener tous à leur
achèvement dans le Christ » (1).


Or, en ce qui concerne la très sainte Vierge, le Père de Montfort a une préoccupation toute semblable. Il semble dire que cette grâce lui a été accordée, à lui
tard venu dans l'Église, de mettre en lumière pour tous l'économie du mystère de Marie et de prêcher à tous l'incompréhensible richesse qui est en elle (2). Une
pensée l'obsède: manifester à quel point la Vierge est nôtre, Bien entendu, il n'innove rien, ni n'invente rien; mais il veut nous faire prendre conscience de ce
qui est. Il a écrit pour cela un Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge qui est devenu classique parmi les fidèles. Il s'y exprime avec une émotion touchante
et il a des accents dignes de saint Paul: « 0 mystère de grâce, répète-t-il, inconnu aux réprouvés et peu connu des prédestinés... mystère de grâce inconnu
même aux plus savants et spirituels d'entre les chrétiens »(3).
Et lorsqu'il s'adresse à ceux qu'il voit plus avancés dans la connaissance de ce mystère, il se fait encore plus
insinuant:
« Pauvres enfants de Marie ...réjouissez-vous, leur dit-il, d'avoir le secret que je vous apprends, secret inconnu de presque tous, les chrétiens, même les plus dévots »(1).
1. Éph., III, 4 sv.; Col., I, 26-28.
2. Éph., III, 8-9.
3. MONTFORT, Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge, I, ch. I,
art. I et 2.
1. Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge, II, ch. I, art. 3, S 8.


A suivre...
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Monique
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Re: LE MYSTÈRE DE MARIE

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En tête de sa version anglaise du petit livre d'où sont tirées les paroles que nous venons de rapporter, le P. Faber écrivait à son tour, en 1862 : « Ici, en Angleterre, Marie n'est pas moitié assez prêchée. La dévotion qu'on a pour elle est faible, maigre et pauvre; elle est jetée hors de sa voie par les ricanements de l'hérésie ... elle voudrait faire de la vraie Marie une Marie si petite que les Protestants puissent se sentir à l'aise autour d'elle. Son ignorance de la théologie lui enlève toute sa vie et toute sa dignité; elle n'est pas le caractère saillant de notre religion, comme elle doit l'être; elle n'a pas foi. en, elle-même. Et c'est pourquoi Jésus n'est pas aimé (2.) »

Dans ces vrais serviteurs de Marie se survit toute la sainte lignée, ininterrompue, Dieu merci, de ceux qui ont eu cette grâce de pénétrer le mystère de la très sainte Vierge et d'y rattacher leur vie spirituelle. On peut dire que ce qu'ils ont souhaité s'est réalisé. Les bons chrétiens sont plus que jamais appliqués à ce mystère, et la dévotion qui en résulte a pris de nos jours, tant en public qu'en particulier, un accroissement qui ne paraît pas contestable. Et ce n'est que par une de ces affirmations à outrance dont on le sait coutumier qu'un écrivain de notre-temps a pu dire, parlant de cette maternité de Marie: « Je ne crois pas qu'il y ait au monde un seul prêtre capable de te présenter ainsi cette sublime question. »

Il faut, d'ailleurs, reconnaître que ce même homme écrivait en effet à sa fiancée encore protestante d'admirables choses sur cette question: « Aussi longtemps, lui disait-il, que tu n'auras pas connu Marie et que tu ne lui auras pas donné ton coeur, tu seras dans les ténèbres parce que c'est en elle et par elle seule que le Saint-Esprit peut être obtenu ... Réserve dans le secret de ton âme l'enseignement exceptionnel que je te donne et qui te fera briller devant le Seigneur comme un magnifique flambeau. Tu sentiras, tu comprendras que le Verbe fait chair, Jésus Rédempteur ayant été donné au monde par Marie, sa mère, il faut nécessairement qu'à notre tour, nous autres qui sommes ses membres et ses frères, nous soyons engendrés par Elle, non pas selon la chair mais selon! Esprit. L'Église, dont le langage est ordinairement mystérieux puisqu'elle est forcée de parler comme Dieu lui-même a parlé, nous enseigne que nulle grâce, nulle force, nul amour, que rien, absolument rien, ne nous vient de Dieu, sinon par Marie - c'est-à-dire par l'Amour de Dieu, et par sa gloire et cela, c'est une admirable, une sublime vérité. Maintenant, si tu me demandes comment il se fait que Marie qui était une vraie femme ou plutôt la vraie Femme, se trouve tellement confondue avec la troisième Personne divine qu'on ne puisse les séparer, je serai forcé de te laisser sans réponse. Je ne suis pas le confident de la Sainte Trinité. Mais je sais d'une manière absolue, infiniment certaine, qu'il en est ainsi. L'Église, toujours mystérieuse, appelle Marie l'Épouse du Saint-Esprit. Cette expression ne donne pas beaucoup de lumière, cependant elle permet de supposer une importance et une dignité inouïes à la Mère du Fils de Dieu (1.)

Pour convier les chrétiens, même nos frères séparés auxquels nous penserons constamment au cours de cet ouvrage, à approfondir le secret de la maternité spirituelle de Marie, il serait difficile en vérité de trouver des termes plus chaleureux et plus pressants que n'en a ce catholique à l'adresse de la candide et généreuse enfant qui lui vient précisément des froides régions de l'hérésie.
2. Ibid, préface du P. Faber, p. XIX.
1. L. BLOY, Lettres à sa fiancée, p. 127, Stock, 1922.
Les mots en italique sont des mots soulignés par l'auteur lui-même.
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Monique
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Re: LE MYSTÈRE DE MARIE

Message par Monique »

Au fond, ce que l'Apôtre souhaitait le plus aux fidèles qu'il avait engendrés dans le Christ, c'était, en même temps que le progrès de leur charité, une intelligence de plus en plus pénétrante, toujours renouvelée, une « surintelligence » comme il disait, de tous les trésors spirituels qui sont contenus dans le Christ, le Bien-Aimé du Père. Il faut, leur écrivait-il, « que vous deveniez capables de percevoir, avec tous les saints, quelle, est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur, et de connaître cette charité du Christ pour nous », charité qui nous enveloppe, et qui « surpasse toute connaissance ». Il faut qu'enfin « vous soyez remplis (du Christ) jusqu'à l'entière plénitude divine. » (2) Ainsi seulement peut s'affermir ce que l'Apôtre appelle « l'homme intérieur » et qui n'est autre chose que « le Christ à demeure » dans le chrétien, « par les liens d'une foi » de plus en plus vive et de plus en plus éclairée. (1)

Or, il y a, comme on va le dire, une relation si nécessaire entre le Christ Jésus et sa sainte Mère, que ce que ce l'Apôtre désire que nous fassions pour l'un, il faut souhaiter que nous le fassions pour l'autre, afin d'être remplis de Marie comme de Jésus. Par une foi humble et fervente, cherchant à mieux comprendre afin de mieux aimer, nous devons donc aspirer à saisir en toutes ses dimensions, pour reprendre le mot de saint Paul, la véritable grandeur de Celle qui est notre Mère en Dieu et dans le Christ. Nous devons désirer d'avoir une vue aussi exacte que possible de l'immense charité maternelle dont nous sommes enveloppés en elle.

Lorsque saint Thomas a composé cette admirable théologie du Verbe incarné qui forme la troisième partie de sa Somme, il avait cette sainte ambition, lui aussi, de mettre en lumière pour tous le mystère de Jésus-Christ. Il nous semblerait bien beau d'organiser sur le même modèle de science et à partir des mêmes principes de foi, une théologie de la Bienheureuse Vierge par qui précisément le Verbe s'est incarné ainsi nous verrions mieux comment tout le mystère de Marie consiste à donner Jésus au monde.

2. Éph, III, 18-19.
I. Éphés., III, 16-17.
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Monique
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Re: LE MYSTÈRE DE MARIE

Message par Monique »

Les pages qui vont suivre n'ont pas la prétention de mener à bien ce bel ouvrage. Elles voudraient seulement s'y essayer, en reproduisant suivant un enchaînement théologique pareil à celui de la Somme ce qui se peut dire de plus précis au sujet de la maternité spirituelle de la Vierge. De même que saint Thomas étudie le mystère de l'Incarnation en tant qu'il est pour nous dans son fond un mystère de salut et de Rédemption, nous voudrions montrer comment celui de la maternité divine se transforme aussi pour nous par ses principes mêmes en un mystère de grâce : ainsi se révéleront les origines profondes de la maternité spirituelle qui est en Marie, et ce sera l'objet d'un premier livre.

Puis, de même que saint Thomas étudie ensuite; jusque dans le détail des actes et des états, tout ce que notre Sauveur a fait pour nous sauver, nous voudrions méditer pareillement tout ce que notre divine Mère a pu faire de son côté pour nous enfanter. dans le Christ.

Et comme ces grands actes se partagent naturellement en deux phases différentes, comprenant d'une part tout ce que Marie a fait et souffert pour nous en son
temps et de l'autre tout ce qu'elle fait pour nous dans l'éternité, nous verrons ainsi le mystère de la maternité de grâce se dérouler d'abord dans ses phases terrestres et se dilater enfin dans son épanouissement céleste, et ce sera l'objet d'un second et d'un troisième livre (1).

Livre 1er - Les origines profondes du mystère.
Livre 2e - Les phases terrestres du mystère.
Livre 3e - L'épanouissement céleste du mystère de Marie.
1. Cette suite dans les idées est suffisamment visible en toute la troisième partie de la Somme théologique,
et elle est déjà clairement annoncée dès le prologue de cette troisième partie.
Nous ne cesserons d'y demeurer attentifs, comme nos références mêmes le feront voir.
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Re: LE MYSTÈRE DE MARIE

Message par Monique »

En cette étude du mystère de Marie le présent volume n'ira pas plus loin. Nous pensons que même dans ces limites il forme déjà un tout complet. Néanmoins, de ces considérations sur les origines et les principaux actes de la maternité de grâce, notre désir serait de déduire ensuite une solide théologie relativement à la vraie nature et de la médiation que la très sainte Vierge exerce ainsi envers nous et de la dévotion que la sainte Église professe envers elle. Ce serait, s'il plaisait à Dieu, la matière de deux autres livres pour un second volume.

Livre 4e. - La vraie nature de la médiation de Marie
Livre 5e. - La vraie nature de la dévotion à Marie.

Un seul principe commande et inspire toutes nos recherches: c'est sur la grandeur du Fils que nous mesurons celle de la Mère. On dit couramment, et c'est bien vrai, que beaucoup d'âmes vont à Jésus par Marie. Mais c'est peut-être une vérité plus haute encore de penser que beaucoup viennent à Marie par Jésus. Une certaine intelligence de la maternité de grâce n'est possible que si l'on a assez profondément compris Jésus-Christ. Le mystère de Marie nous est révélé par celui de Jésus.

Daigne par conséquent Notre-Seigneur, si intéressé à ce que nous connaissions bien celle qui est sa mère et la nôtre, répandre un peu de sa divine lumière sur toutes les pages de ce modeste ouvrage et faire qu'il n'y soit rien dit que de vrai.
A suivre... LIVRE PREMIER (LES ORIGINES PROFONDES DU MYSTÈRE DE MARIE)
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Re: LE MYSTÈRE DE MARIE

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CHAPITRE PREMIER

LES ORIGINES PROFONDES DU MYSTÈRE DE MARIE

Où il est marqué formellement que la maternité de grâce a son origine dans la maternité divine, Marie étant la mère des chrétiens par cela même qu'elle est la mère du Christ-Jésus avec qui nous ne faisons qu'un.
Quand on cherche à se représenter l'origine première de cette parenté mystérieuse qui nous unit à la très sainte Vierge, on pense le plus souvent à la scène poignante que nous a racontée saint Jean:'' Près de la croix de Jésus, écrit-il, se tenaient sa Mère et la soeur de sa mère... Jésus donc, voyant sa Mère et, tout près, le disciple qu'il préférait, dit à sa Mère: '' Femme, voilà ton Fils...'' Ensuite, il dit au disciple: '' Voilà ta Mère...'' Et depuis cette heure là, le disciple l'a pris chez lui. (1) ''

Il est évident que saint Jean rapporte là un des souvenirs les plus décisifs de sa vie à lui ainsi que de la passion et de la mort de son divin Maître. Il considère comme sacré cette volonté de Jésus mourant, et il tient à nous dire qu'elle fut en effet le point de départ pour lui d'une complète intimité avec la très sainte Vierge.

Les paroles de Jésus sont peut-être d'autant plus significatives qu'il y a au pied de la Croix à côté de la Mère de Jésus une autre mère qui, selon beaucoup de vraisemblance, pourrait bien être celle même de saint Jean. (1) De sorte que tout se passerait dans cet instant entre le deux fils et les deux mères. Jésus cède pour ainsi dire la place à Jean, ou plutôt il s'identifie à lui. Mais Salomé de son côté aurait à s'effacer devant Marie. Il n'y a pas à en douter, Jésus demande à sa vraie mère selon la chair de se montrer pour ce jeune disciple aimé de lui une vraie mère selon l'esprit. Mais le disciple aussi devrait lui-même préférer à celle qui l'a enfanté selon la nature la femme qui l'enfante à la vie de la grâce.

Ce transfert des parentés, voulu par le Sauveur, revêtirait quelque chose de plus émouvant qu'on ne pourrait croire à première vue: toute maternité humaine se trouverait reliée par là à celle de la Vierge et toute filiation à celle même du Christ. (2)

1. Jean, XIX, 25-27.
1. Voir P. Lavergne, Synopse, S 293, d'après le P. Lavergne.- Il est vraie que, depuis, le P. Lagrange a un peu changé d'avis.
Il est moins sûr, maintenant, que cette soeur ou cousine de Marie qui est là soit Salomé, la mère de saint Jean, cf. son Évangile
de Jésus-Christ, p. 567, note 2.

2. Voir S. Bernardin de Sienne dans l'homélie rapportée au 3ième nocturne de l'Office de Marie médiatrice. CF.plus loin, ch. 30 fin.


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Re: LE MYSTÈRE DE MARIE

Message par Monique »

Quoi qu'il en soit, les chrétiens se sentent engagés dans ce testament, et toute la tradition en a souligné l'importance. Nous ne devons donc pas nous étonner qu'on soit si enclin à voir dans ce moment solennel le principe même de la maternité de grâce: c'est à cette heure-là que Marie serait devenue notre mère, et nous, ses enfants.

En réalité tel n'est cependant pas le sens du grand acte. Jésus ne crée pas en ce moment les liens spirituel qu'il veut voir entre sa mère et nous: il y appose seulement le sceau de la Rédemption.
Mais pour en saisir l'origine il faut remonter jusqu'à l'Incarnation.

Marie est notre mère depuis qu'elle est la mère du Fils de Dieu fait homme. Sa maternité de grâce ne vient pas s'ajouter à sa maternité divine par une disposition extérieure, mais elle en déroule par une sorte d'accroissement intime et d’extension inévitable.

Ses deux maternités sont contemporaines l'une de l'autre. c'est pourquoi la scène du Calvaire ne marque pas le commencement mais la consécration d'un état.
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Re: LE MYSTÈRE DE MARIE

Message par Monique »

On cite souvent à ce propos une parole impressionnante dont je ne sais pas l'auteur: « Marie a deux fils, l'Homme-Dieu et l'homme tout court: de l'un elle est la mère corporellement, de l'autre spirituellement. » Cette façon de parler n'est ni assez profonde, ni absolument exacte (1). Elle sépare trop deux maternités qui, tout bien considéré, n'en font qu'une. Ceux des Pères, ou des théologiens, ou des auteurs spirituels, qui se sont le plus appliqués à scruter le mystère, l'ont bien vu. « Je me tourne ici un moment vers vous, ô mon aimable Jésus, écrit le P. de Montfort, pour me plaindre amoureusement à votre Majesté de ce que la plupart des chrétiens, même les plus savants, ne savent pas la liaison nécessaire qui existe entre vous et votre sainte Mère (1). » Le saint homme se plaint aussi, et combien justement, de ce que nous ne savons jamais assez, non plus, quelle liaison il y a entre Jésus et nous.

Tout s'explique pourtant par cette double liaison. Le Christ, Marie ne l'a pas seulement conçu et enfanté d'une manière corporelle ; elle l'a, plus magnifiquement encore, conçu et enfanté d'une manière spirituelle: elle a été pour lui une mère admirable, corporellement et spirituellement. Or, suivant l'ordre des réalités spirituelles, nous sommes tous contenus dans le Christ et n'existons qu'en lui. Nous sommes « créés en lui », dit saint Paul (2). Le Christ total (3), ce n'est pas seulement Jésus de Nazareth, ce sont tous les chrétiens, c'est toute sa famille humaine avec lui. Donc, Marie concevant pleinement le Christ nous a tous en lui conçus et enfantés.
I. Elle est attribuée tantôt à Origène, tantôt à saint Bonaventure. Le
tour de phrase ferait songer aussi à saint Augustin; mais il serait surprenant
que la pensée fût de lui, car il est toujours si pénétré de notre incorporation
au Christ qu'on peut croire qu'il verrait ici les choses plus profondément
que ne le dit ce texte.
I. MONTFORT, Vraie dévotion, I, ch. 2, art. I, Ière vérité.
2. Éph., II, 9. .
3. « Christus totus » c'est le mot de S. Augustin.


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Re: LE MYSTÈRE DE MARIE

Message par Monique »

Il n'y a pas de meilleurs mots, pour exprimer dans toute sa vérité ce prodigieux enfantement spirituel, que les célèbres déclarations de l'Apôtre. Elles sont la formule même de toute paternité et de toute maternité dans le Christ. Aussi convient-il de les appliquer supérieurement à la très sainte Vierge. « Je vous reprends comme mes enfants chéris, écrit l'Apôtre, car auriez-vous des maîtres d'école par milliers, vous n'avez pas plusieurs pères; or, dans le Christ Jésus, c'est moi, par l'Évangile, qui vous ai engendrés (1).» Ou encore, et cette fois l'expression devient absolument maternelle: « 0 mes petits, dit-il, je suis toujours pour vous dans les douleurs de l'enfantement jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous (2). »

Marie elle-même ne pourrait rien dire de plus touchant ni de plus vrai. Seulement, de telles paroles sur ses lèvres et de tels sentiments dans son coeur sont d'une portée singulière. L'Apôtre, si grand pourtant et si près du Christ, et dans l'âme de qui s'affirme « le souci de toutes les églises » (3), l'Apôtre qui, lui aussi, conçoit en quelque sorte la chrétienté tout entière, ne peut aucunement revendiquer une mission comparable à celle de Marie. Il est néanmoins bien qualifié pour exprimer la formule de la maternité de grâce, puisque cette maternité est fondée uniquement sur notre adhérence au Verbe incarné et que c'est lui, Paul, le dernier venu des Apôtres, qui est chargé de nous révéler, dans toute sa vivante réalité, le mystère de cette incorporation à Jésus-Christ. « Il se surpasse soi-même sur ce sujet, écrit le P. Chardon, pour avoir employé à son établissement et à son éclaircissement plus d'étude, plus de pensées et plus de temps (4). »
1. I Cor., IV, 14-15.
2. Gal., IV, 19.
3. II Cor., XI, 28.
4. CHARDON, La Croix de Jésus, 1er entretien, ch. 4.


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Re: LE MYSTÈRE DE MARIE

Message par Monique »

Aussi est-ce toujours à lui qu'il faut revenir si l'on veut se convaincre que « par la subsistance mystique les âmes saintes sont une seule personne mystique avec Jésus », C'est de lui qu'il nous faut apprendre que « nous ne faisons point en la grâce avec Jésus un simple corps politique ainsi que plusieurs citoyens d'une république légitimement, organisée sous l'autorité d'un seul chef, avec lequel ils n'ont qu'une liaison externe, qui consiste, en une correspondance mutuelle de jugement et de volonté, à conspirer au bien public.

Mais nous faisons un corps sur le modèle d'un corps vivant, naturel, parce que Jésus, comme chef, nous vivifie en qualité de membres, par des liaisons spirituelles et secrètes; et par les conjonctures intimes et ineffables de sa grâce de plénitude qu'il répand dans nos âmes, il communique sa subsistance mystique à tout le composé » (1).

Ainsi parle, admirablement, le P. Chardon; et, avec lui, tous ceux qui se sont appliqués à réfléchir profondément « qu'il a plu à Dieu de faire habiter dans le Christ, corporellement, toute la plénitude de la déité et, en lui aussi, toute la plénitude de la grâce» (2). Ainsi parlent d'un commun accord tous ceux qui, prenant les choses au pied de la lettre, entendent bien que « nous sommes nous-mêmes englobés dans cette plénitude» et qu'il n'y a plus, en somme, dans toute l'humanité qu'un seul homme, « tout en tous, le Christ» (3).
I. CHARDON, La Croix de Jésus, ch.4 et ch.3, Il faut lire ces belles élévations.
2. Col., II, 9 ; I, 19.
3. Col., II, 10; III, II.


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