Pape Saint Gélase

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gabrielle
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Pape Saint Gélase

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PAPE GELASE. —SON SENTIMENT SUR LA PRESENCE REELLE.



« Voici comment ce Pape entendait l'Eucharistie : « Le sacrement du Corps et du Sang de Jésus-Christ est vraiment une chose divine, mais le pain et le vin y demeurent dans leur substance en nature de pain et de vin , et la célébration du saint mystère n'est autre chose assurément qu'une image ou une similitude du sacrifice du Corps et du Sang de Jésus. » Où est l'unité romaine ? » (A. Bost. l. cit., 20.)

Cette objection est reproduite de Blondell, de Basnage et d'autres écrivains protestants. Nous comprenons qu'elle leur ait paru sérieuse ; mais nous croyons que les apologistes catholiques l'ont complètement résolue, au moins sous le rapport de l'infaillibilité des Papes. Fixons d'abord le sens des paroles...


A suivre...

Tiré de : L’histoire et l’Infaillibilité des Papes tome II par l’abbé B.-M. Constant, 1859 pp. 24-43
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gabrielle
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Re: Pape Saint Gélase

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Avant tout, il importe de reproduire intégralement le texte :« Le sacrement du Corps et du Sang de Jésus-Christ, que nous recevons, est une chose divine et nous rend participants de la nature divine ; néanmoins la substance ou nature du pain et du vin ne cesse point d'être. Or on célèbre, dans l'action des mystères, l'image et la ressemblance du corps et du sang de Jésus-Christ; et cela nous fait voir avec assez d'évidence que ce que nous croyons, célébrons et prenons dans l'image de Jésus-Christ, nous devons le croire en Jésus-Christ même, et que, comme par l'opération du Saint-Esprit ces choses sont changées en la substance divine, tout en conservant les propriétés de leur nature, elles nous marquent aussi que ce mystère principal, c'est-à-dire l'Incarnation, dont elles nous rendent présente l'efficace et la vertu, consiste en ce que les deux natures demeurent proprement; et il n'y a qu'un Christ qui est un, parce qu'il est entier et véritable 1. »

1 « Certè sacramenta quæ sumimus Corporis et Sanguinis Christi divina sunt, propter quod et per eadem divinæ efficimur consortes naturæ: tamen esse non desinit substantia vel natura panis et vini. Et certè imago et similitudo Corporis et Sanguinis Christi in actione mysteriorum celebrantur : satis ergo nobis evidenter ostenditur hoc nobis in ipso Christo Do¬mino sentiendum quod in ejus imagine profitemur, celebramus, sumimus; ut, sicut in hanc, scilicet indivinam transeunt. Spiritu Sancto perficiente, substantiam, permanent tamen in suæ: proprietate naturæ. Sic illud ipsum mysterium principale cujus nobis efficientium virtutemque veraciter repræsentant in quibus constat propriè permanentibus, unum Christum, quia integrum verumque, permanere demonstrant. » (De duabus in Christo naturis.)

Nous avons donné de ce texte difficile et peut-être altéré la traduction que l'on trouve dans divers auteurs. Elle a le mérite d'être littérale, mais elle laisse à désirer sous le rapport de l'exactitude et de la clarté. Dans le Traité des deux natures en Jésus-Christ, ces expressions : « Corpus et Sanguis Christi,ipse Christus Dominus,mysterium principale,sont toutes les trois synonymes et signifient ordinairement « Jésus-Christ dans sa vie mortelle, — le Verbe uni à la nature humaine , — le mystère de l'Incarnation. » Le sens de celle phrase , imago et similitudo Corporis et Sanguinis Christi in actione mysteriorum celebrantur, serait donc celui-ci : le saint sacrifice de la Messe, ou bien, le mystère de l'Eucharistie nous offre une image et, une ressemblance mystère de l'Incarnation; et tout le passage devrait se traduire de cette manière:

«Certes, le sacrement dans lequel nous recevons le Corps et le Sang de Jésus-Christ est divin, et nous rend participants de la nature divine; et cependant il nous offre toujours les modes ou propriétés naturelles du pain et du vin: or le mystère de l'Eucharistie nous offre une image et une ressemblance du mystère de l'Incarnation ; de ce que nous trouvons dans le premier, nous pouvons juger de ce que renferme le second. Ainsi, de même que dans l'Eucharistie le pain et le vin sont changés en la substance divine sans cesser toutefois de retenir les propriétés de leur nature; de même dans l'Incarnation les deux natures demeurent proprement, de manière à ne faire qu'un Christ qui est un, parce qu'il est entier et véritable. »

Au reste, ce texte, comme on va le voir, peut s'expliquer catholiquement, même en admettant les mots substance du pain et image du corps.

La principale difficulté est dans ces paroles « Cependant la substance ou nature du pain et du vin ne cesse pas d'être. » L'auteur ne veut-il pas dire que le pain et le vin restent toujours véritablement dans l'Eucharistie?
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gabrielle
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Ce mot substance, dans Gélase et les auteurs de son siècle, a divers sens ; nous distinguerons les quatre suivants : le premier est opposé à mode, accident. C'est ainsi qu'il faut entendre cet axiome de métaphysique : Tout mode suppose une substance.

Le second sens est opposé à rien. «N'être nulle substance, dit saint Augustin, c'est n'être absolument rien : qui dit quelque chose, dit quelque substance 1. » Dans ce sens, les choses purement accidentelles, telles que le goût, la couleur, la forme, peuvent donc être appelées substances. Les scolastiques les appellent bien quidditas, essence.


Le mot substance s'emploie encore pour désigner les qualités originelles, natives, antérieures à l'état présent dont on parle. « L'homme par le péché, dit saint Augustin, est déchu de sa substance primitive 2. »

1 Quod uulla substantia est, nihil omnino est; substantia ergo aliquid esse est. (Enarr. in Psalm. 68.)
2 Per iniquitatem homo lapsus est à substantia in qua factus est. (Ibid.)


Et saint Pierre Chrysosologue nous dit que la résurrection avait changé la substance du corps de Jésus-Christ, mais non sa personnalité 1 « La substance de l'homme, dit le pape Gélase, a été dépravée par le péché originel2. »

Enfin nous lisons, dans le Lexicon philologicum de Matthias Martini, que le mot substance désigne quelquefois une partie déterminée soit de la matière, soit de la forme 3. Et Ducange nous assure qu'il a vu le commentateur de saint Irénée mettre quelquefois substance pour forme 4.

Cela posé, qui empêche de croire que Gélase, dans le passage que nous avons cité, a employé le mot substance comme synonyme de quelque chose , ou de qualité première, ou de forme ? Le sens serait donc celui-ci : « Le sacrement du Corps et du Sang de Jésus-Christ est vraiment une chose divine, et cependant le pain et le vin n'y disparaissent pas entièrement ; il en reste encore quelque chose, c'est-à-dire les espèces ou apparences. »

Ce qui prouve que c'est là réellement le sens de l'auteur, ce sont les paroles qu il ajoute : « Le pain et le vin, par l'opération du Saint-Esprit, sont changés en la substance divine, transeunt in divinam substantiam, tout en restant dans la propriété de leur nature, » c'est-à-dire, tout en conservant leurs accidents. N'est-ce pas le dogme de la transsubstantiation exactement exprimé ?

Blondell fait observer que « Gélase veut prouver contre les partisans de Nestorius et d'Eutychès la réalité des deux natures dans la personne de Jésus-Christ, et que son argument pour conclure suppose que l'Eucharistie contient tout à la fois en substance et Notre-Seigneur et la matière du sacrement. » Ce ne serait donc pas la transsubstantiation qu'exprimeraient les paroles de Gélase, mais l'impanation.

Nous répondons qu'un écrivain ne prétend pas que les comparaisons dont il fait usage pour rendre plus sensible sa pensée, soient également fortes et justes dans toutes leurs parties ; il suffit qu'elles le soient sous le point de vue particulier sous lequel on les considère.


1 Quod uulla substantia est, nihil omnino est; substantia ergo aliquid esse est. (Enarr. in Psalm. 68.)
2 Per iniquitatem homo lapsus est à substantia in qua factus est. (Ibid.)

1. Ut hoc sic mutasse substantiam, non mutasse personam. (Serm.82.)
2 Substantiam hominis peccato originali fuisse depravatam, (Epist. ad episc. sic. prov.)
3 Substantia..., pars substantiæ talis p**a materiæ aut formæ. (Lex. phil., art. Subst.)
4 A Substantia pro forma occurrit apud laud, interpret. (Lib. II, cap 14, n° 6.)

À suivre...

Tiré de : L’histoire et l’Infaillibilité des Papes tome II par l’abbé B.-M. Constant, 1859 pp. 24-43
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gabrielle
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Les Nestoriens soutenaient qu'il fallait admettre deux personnes en Jésus-Christ, parce qu’il y avait en lui deux natures. L'auteur nie la légitimité de cette conclusion, et à l'appui de sa négation il cite le sacrement de l'Eucharistie, qui renferme de la nature de deux choses, savoir, de Jésus-Christ le corps, le sang et la divinité, et du pain le goût, la couleur et la forme, et néanmoins ne contient réellement en substance que Jésus-Christ seul.

Cette comparaison offre moins de difficulté encore, si on en fait l'application aux Eutychiens. Ces hérétiques « enseignaient qu'il n'y avait qu'une nature en Jésus-Christ, et en concluaient que la nature humaine avait perdu toutes ses propriétés, en sorte qu'elle n'était plus ni visible, ni palpable, ni circonscrite ; qu'elle ne conservait plus son espèce, et qu'elle avait été changée en la nature divine. Ainsi ce que Gélase tâche particulièrement d'établir est que Jésus-Christ n'a rien perdu de tout cela, qu'il était palpable après sa résurrection comme auparavant, et qu'il avait toutes les autres qualités du corps humain.

Dans ce dessein, il allègue l'exemple de l'Eucharistie, dans laquelle les symboles ne laissent pas d'être palpables, visibles et figurés comme auparavant, et retiennent toutes les autres qualités du pain et du vin, pour en conclure que le corps de Jésus-Christ retenait aussi les mêmes qualités. C'est cette même pensée qu'il exprime quand il dit que la nature du pain et du vin ne cesse pas et demeure, parce que cet amas de qualités qui demeure dans l'Eucharistie s'appelle nature dans le langage des anciens, comme on l'a fait voir dans l'article de Théodoret.

En un mot, l'argument de Gélase se réduit à ce raisonnement : Les symboles dans l'Eucharistie ne deviennent point invisibles, impalpables, sans figure, sans circonscription ; donc le corps de Jésus-Christ n'est point devenu invisible, sans figure, sans circonscription et sans les autres qualités d'un corps humain.

Ainsi, de ce qu'il reconnaît que la nature commune du pain et du vin, c'est-à-dire les qualités de ces substances, demeurent, il ne faut pas conclure que la nature individuelle du pain et du vin, c'est-à-dire les qualités de ces substances, demeurent; il ne faut pas conclure que la nature individuelle du pain et du vin n'est point changée, puisqu'il assure formellement le contraire en disant que le pain et le vin passent en cette divine substance, c'est-à-dire au corps de Jésus-Christ 1 »

De même on peut dire que le sacrifice de la messe est l'image du sacrifice de la croix, soit parce qu'il a été institué en sa mémoire, soit parce que la victime que l'on offre n'est pas immolée de la même manière. En effet, sur le Calvaire, Jésus- Jésus-Christ s'offrit pour la rédemption du monde d'une manière sanglante, sur l'autel il renouvelle son offrande pour la même fin, mais sans renouveler ses souffrances; sur la croix, son corps fut réellement séparé de son sang, et son âme de son corps ; sur l'autel, son corps et son sang ne peuvent être séparés que d'une manière mystique, et sa mort ne peut être représentée qu'en figure.

À suivre...

1 Nouvelle Encyclopédie théologique, 21.—Diction. de Patrologie , tom. 11, col. 963.)
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gabrielle
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C'est dans le même sens qu'il faut prendre ces paroles d'Eusèbe de Césarée : « Le sacrement de l'autel est l'image et le symbole du corps de Jésus-Christ 1. » En parlant ainsi, ce Père n'a pas cru que l'Eucharistie ne fût que l'image ou que le symbole du corps de Notre- Seigneur, puisque ailleurs il exprime clairement la transsubstantiation en ces termes : « Le Saint-Esprit consacre les choses préposées ; le pain est fait le précieux corps de Jésus-Christ, et le breuvage son précieux sang 2. »

Il a voulu dire que l'Eucharistie était un de ces signes qui ont le privilège, tout à la fois, d'indiquer une chose et de la contenir, d'être en même temps figure et vérité : figure, selon la forme ; vérité, selon la substance ; figure, puisque le pain et le vin qui représentent le corps et le sang de Jésus-Christ sont séparés sur l'autel, comme son corps et son sang l'étaient sur la croix ; vérité, puisque, après la consécration, le sacrement contient réellement le corps et le sang divins. « S'il n'y avait aucune figure dans l'Eucharistie, dit Ratramne dans son Traité du corps et du sang de Jésus-Christ, il s'ensuivrait qu'il n'y a aucun mystère, et conséquemment aucune matière à la foi.

Il y a figure et vérité, parce que le pain, qui est fait le corps de Jésus-Christ par le ministère du prêtre, montre au dehors une autre chose aux sens, et une autre au dedans à l'esprit des fidèles : au dehors se présente la forme du pain tel qu'il était auparavant, etc. Nous avons montré, par tout ce qui a été dit jusqu'ici, que le corps et le sang de Jésus-Christ, qui sont reçus dans l'Église par la bouche des fidèles, sont des figures selon l'apparence visible, mais selon la substance invisible c'est véritablement le corps et le sang de Jésus-Christ. »

Cette objection, « l'Eucharistie étant un signe ne peut être une réalité, » fut faite à Bossuet; il la résolut en ces termes :

« La vérité que contient l'Eucharistie dans ce qu'elle a d'intérieur n'empêche pas qu'elle ne soit un signe dans ce qu'elle a d'extérieur et de sensible, mais un signe de telle nature que, bien loin d'exclure la réalité, il l'emporte nécessairement avec soi, puisque en effet cette parole, ceci est mon corps, prononcée sur la matière que Jésus-Christ a choisie, nous est un signe certain qu'il est présent; et, quoique les choses paraissent toujours les mêmes à nos sens, notre âme en juge autrement qu'elle ne ferait si une autorité supérieure n'était pas intervenue. Au lieu donc que de certaines espèces et une certaine suite d'impressions naturelles qui se font en nos corps ont accoutumé de nous désigner la substance du pain et du vin, l'autorité de celui à qui nous croyons fait que ces mêmes espèces commencent à nous désigner une autre substance.

Car nous écoutons celui qui dit que ce que nous prenons et ce que nous mangeons est son corps ; et telle est la force de cette parole, qu'elle empêche que nous rapportions à la substance du pain ces apparences extérieures, et nous les fait rapporter au corps de Jésus-Christ présent; de sorte que la présence d'un objet si adorable nous étant certifiée par ce signe, nous n'hésitons pas à y porter nos adorations 1. »

II Ces explications affaiblissent beaucoup la difficulté que les auteurs protestants ont tirée du texte ancien que nous avons rapporté sur l'Eucharistie; celles que nous allons donner achèveront de la faire disparaître.



À suivre...



1 Bossuet, Exposition, 13
1 Demonstr. ev., 1. VIII.
2 Apud Joan. Damasc. (Sacr. Parall., tit. 29.)
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gabrielle
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Lorsque, dans un auteur, on trouve un passage qui manque de clarté, la critique veut, la justice exige qu'on le compare avec les passages parallèles où l'auteur, traitant le même sujet, s'exprime d'une manière moins obscure. Appliquons ce principe au cas présent. Vous voulez connaître les véritables sentiments du pape Gélase sur le sacrement de l'Eucharistie, sur l'effet de la consécration et sur la nature du saint sacrifice de la messe ; écoutez ce qu'il dit quand il traite ces questions :

« Nous ne permettons au diacre de distribuer le sacré Corps que lorsque l'évêque ou le prêtre sont absents 1. »

« L'admission à la pleine communion, c'est-à- dire la permission d'assister à la réunion des fidèles et de recevoir le sacré Corps et le précieux Sang de Jésus-Christ, termine la pénitence canonique 2. »

Ces expressions de Corps sacré et de précieux Sang, sacri Corporis, sacri Cruoris, se trouvent encore dans un canon attribué au même Pape, et dont l'objet est de recommander aux fidèles, à cause des circonstances où l'on se trouvait, de faire la communion sous les deux espèces 3.

La superstition dont parle, dans ce canon, le pape Gélase est celle des Manichéens qui regardaient le vin comme un principe mauvais créé par le démon, et dont il n'était jamais permis de faire usage. Ce fut pour empêcher ces hérétiques de se glisser dans les assemblées chrétiennes, et en même temps pour prévenir les fidèles contre leurs erreurs, que Gélase se crut obligé, à l'exemple de Léon-le-Grand, de prescrire la communion sous les deux espèces. (Patrologiæ tom CXXVIII, col. 430.)

Le Canon de la messe tout entier peut être appelé aussi en témoignage des sentiments de Gélase sur l'Eucharistie ; car c'est lui qui a rédigé quelques-unes des formules qui le composent, et qui les a toutes transcrites, corrigées et approuvées 1.

Dans un inventaire de livres qui servaient à la célébration des saints Offices dans l'église abbatiale de Saint-Richer, on lit : Missels de Grégoire, anciens, trois. Missel de Grégoire, édition d'Albinus, un. Missel do Gélase, édition d'Albinus, un. Missels de Gélase, anciens, dix-neuf. (Spicileg. d'Acber, t. iv. Patrologiæ tom. CXXVIII, col. 129.)

Or voici comme cet antique document parle du pain et du vin, matières du saint sacrifice avant la consécration qu'en fait le prêtre :

« Nous vous supplions, Père très-miséricordieux, et nous vous conjurons par Notre-Seigneur Jésus-Christ votre Fils, d'agréer et de bénir ces dons, ces présents, ces sacrifices purs et sans tache que nous vous offrons. ( Quam oblationem, tu Deus,in omnibus, quæsumus, benedictam, adscriptam, ratam, rationabilem, acceptabilemque facere digneris, ut nobis Corpus et Sanguis fiat dilectissimi Filii lui Domini nostri Jesu Christi. )

« Nous vous prions, Seigneur, de recevoir favorablement l'hommage que nous vous rendons par cette oblation.

« O Dieu, qu'il vous plaise, nous vous en supplions, de rendre en toutes choses cette oblation bénie, approuvée, valable, raisonnable, agréable, en sorte qu'elle devienne pour nous le Corps et le Sang de Jésus-Christ votre très-cher Fils Notre-Seigneur »

Les paroles sacramentelles ont-elles été prononcées, le pain et le vin ne sont plus une oblation à préparer, à bénir, à sanctifier; c'est uniquement le Corps et le Sang de Jésus-Christ :

«Nous offrons à votre incomparable Majesté les dons que nous avons reçus, l'hostie pure, l'hostie sainte, l'hostie immaculée, le pain sacré de la vie éternelle, et le calice du salut perpétuel.—Qu'elle soit portée par les mains de votre saint Ange, en présence de votre divine Majesté ; afin que tous ceux qui, participant à cet autel, auront pris le Corps et le Sang très-saints de votre Fils, soient remplis de bénédictions et de grâces célestes. —-Que ce mélange et cette consécration du Corps et du Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ soient faits pour la vie éternelle de nous qui les recevrons. — Délivrez-moi, par votre saint Corps et votre précieux Sang ici présents, de tous mes péchés et de tous les autres maux. — Seigneur Jésus, que la participation de votre Corps, que j'ose recevoir tout indigne que je suis, ne tourne point à mon jugement. — Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez dans mon cœur. —Que le Corps de Notre-Seigneur garde mon âme pour la vie éternelle.—Que votre Corps que j'ai reçu, ô Seigneur, et que votre Sang que j'ai bu, s'attachent à mes entrailles, etc. . »

Ainsi s'exhalait chaque jour la piété du pape saint Gélase. Après des textes si clairs, qu'importe le passage obscur qu'on nous objecte ? On convient généralement que les ouvrages de Gélase nous sont parvenus dans un fort mauvais état de conservation : « Ses lettres, dit dom Simon Mopinat, et surtout ses traités dogmatiques, attendent encore une main habile qui rétablisse les phrases corrompues, et sépare l'ivraie du bon grain ; le texte disparaît quelquefois sous le nombre des fautes, et les remarques contradictoires des critiques n'ont servi jusqu'ici qu'à augmenter l'embarras du lecteur . »

Peut-être la phrase dont nous cherchons à fixer le sens est-elle du nombre de celles qu'ont altérées la négligence et l'ignorance des copistes. Mais en serait-il autrement, elle ne compromet en aucune manière l'autorité du Pape. Elle est extraite d'un Traité sur les deux natures en Jésus-Christ : ce n'est donc pas une définition de foi qu'on a découverte, c'est un raisonnement plus ou moins juste contre Nestorius et Eutychès; ce n'est pas un souverain Pontife adressant sa bulle à toute l'Eglise qui l'a écrite, c'est un auteur particulier qui l'a insérée dans son ouvrage. Or nous avons déjà dit que jamais école catholique n'avait prétendu que le Pape, considéré comme docteur privé, fût infaillible.






1 Sacri Corporis prærogativam sub conspectu pontificis seu presbyteri, uisi bis absentibus, jus non habeat exercendi. (Epist. ix, ad episc. Luc.)

2 Expletis iterum annis secundum judicium culpæ suæ redeat ple-nius a communione, id est consortium cæterorum fidelium et perceptionis sacri Corporis et Sanguinis Christi. (Patrologiæ Cursus compl., t. xix, c. 142.)

3 Comperimus quod quidam, sumpta tantummodo Corporis sacri por-tione, a calice sacri Cruoris abstineant qui procul dubio, quoniam nes-cio qua superstitione docentur obstringi, aut integra sacramenta percipiant, aut ab integris arceantur : quia divisio unius ejusdemque mysterii sine grandi sacrilegio non potest provenire. » (Patrologiæ Curs. compl., tom, cxxviii, col. 430.)

1 Fecit hymnos, fecit sacramentorum praefationes et orationes caulo sermone. (Lib, Pontif., Gel.)


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Saint Gélase Pape.
III.




A la vue du dernier moyen de défense que nous allons développer, le lecteur impatienté pourrait bien traiter de longueurs tout ce qui précède ; nous devons donc nous hâter de faire observer que c'est le désir de disculper un auteur du cinquième siècle qui nous a engagé à examiner intrinsèquement la difficulté proposée. Le texte à expliquer, quel qu'en soit l'auteur, est ancien; il n'était donc pas sans intérêt d'en montrer le sens catholique. Mais si l'orthodoxie du pape Gélase eût été seule attaquée, nous avions un moyen bien simple de la défendre : Ces paroles ne sont pas du pape Gélase.

Elles sont, disent Bellarmin et Melchior Canus, de Gélase évêque de Césarée, le même dont parle saint Jérôme dans son Catalogue des écrivains ecclésiastiques. Elles sont de Gennadius, dit Suffride dans sa Préface aux œuvres de cet auteur. C'est à Gélase de Cyzique qu'il faut les attribuer, disent Baronius et Duperron, et ils donnent en preuve le témoignage de Photius qui attribue à cet auteur le recueil des actes de Nicée, et les aveux de l'auteur de ce recueil qui se vante, dans la Préface, d'avoir composé un livre contre les Eutychiens. Pour nous, sans prendre la tâche d'établir quel est le véritable auteur du Traité des deux natures, nous allons indiquer les motifs sur lesquels repose la conviction où nous sommes que ce n'est pas le pape Gélase.

Gélase évêque de Rome, dit Gennade, a composé contre Nestorius et Eutychès un livre important et fort remarquable Or l'opuscule sur les deux natures, Neccssarium quoque fuit, que la Bibliothèque des Pères a intégralement reproduit en sept ou huit pages , ne mérite pas ces qualifications..

« L'ouvrage, dit Anastase le bibliothécaire, qu'a publié le pape Gélase contre Nestorius et Eutychès, est divisé en cinq livres, précieusement conservés jusqu'à ce jour dans les archives de l'Eglise. » Celui qui a fourni le texte en question ne se compose que d'un seul chapitre, sans division.





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Re: Pape Saint Gélase

Message par gabrielle »

Le style du pape Gélase, disent Gennade et Anastase, est élégant et correct, cauto, elimato sermone; et il suffit, en effet, de lire les productions authentiques de sa plume pour se convaincre de la justesse de cette remarque. Le livre des deux natures est écrit d'un style qui se fait remarquer par sa dureté et de nombreuses incorrections.

Gélase, voyant les erreurs qui étaient contenues dans les écrits d'Eusèbe évêque de Césarée, les avait proscrits comme dangereux ; il connaissait particulièrement les ouvrages des saints Cyprien, Hilaire, Jérôme, Augustin, et ceux de Léon son prédécesseur.

L'auteur du livre des deux natures, au contraire, compte parmi les maîtres de la doctrine catholique le même Eusèbe, qu'il cite souvent et avec éloge; il n'emprunte jamais rien aux Pères latins que nous venons de nommer, il cite une seule fois saint Ambroise et saint Damase, et les cite mal ; tandis qu'il rapporte fidèlement les paroles de saint Ignace martyr, d'Eustache d'Antioche, de saint Athanase, de saint Grégoire de Nazianze, de saint Basile, de saint Grégoire de Nysse, de saint Amphiloque, d'Antiochus évêque de Ptolémaïde, et de plusieurs autres Pères grecs.

Après des inductions si claires, qu'importe l'opinion de Frumence et de quelques autres Pères de l'Eglise? Ils citent cet ouvrage comme étant de Gélase, parce qu'ils l'avaient trouvé parmi ses œuvres. Ce n'est pas le seul écrit qui ait été faussement attribué à ce pape ; Cassiodore rapporte qu'on le supposait encore l'auteur d'un livre d'Annotations sur saint Paul, qu'un hérétique de son temps avait composé '.


1 Gelasius urbis Romæ episcopus scripsit adversus Eutycheten et Nesto-rium grande et præclarum volumea et tractatus diversarum in scriptuarum et sacramentorum, limato sermone. (Gennadius, de Script, ecclesiast., cap. 14.)

V. Biblioth. PP., tom, VIII, col. 700.

Hic fecit quinque libros adversus Nestorium et Eulychen, qui hodie in bibliotheca et archivio Ecclesiæ continentur. (Lib. Pontif. Gel.)


FIN...



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