Lettres de Léon XIII sur le ROSAIRE

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Gilbert Chevalier
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Lettres de Léon XIII sur le ROSAIRE

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1. SUPREMI APOSTOLATUS OFFICIO

LETTRE ENCYCLIQUE DE SA SAINTETÉ LE PAPE LÉON XIII
SUR LE TRÈS SAINT ROSAIRE



À tous nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques du monde catholique, en grâce et communion avec le Siège Apostolique.

Vénérables Frères Salut et Bénédiction Apostolique


Le devoir du suprême apostolat qui Nous a été confié, et la condition particulièrement difficile des temps actuels, Nous avertissent chaque jour instamment, et pour ainsi dire Nous pressent impérieusement, de veiller avec d’autant plus de soin à la garde et à l’intégrité de l’Église que les calamités dont elle souffre sont plus grandes.

C’est pourquoi autant qu’il est en Notre pouvoir, en même temps que Nous Nous efforçons par tous les moyens de défendre les droits de l’Église comme de prévoir et de repousser les dangers qui la menacent et qui l’assaillent, Nous mettons aussi Notre plus grande diligence à implorer l’assistance des secours divins, avec l’aide seule desquels Nos labeurs et Nos soins peuvent aboutir.

À cette fin, Nous estimons que rien ne saurait être plus efficace et plus sûr que de Nous rendre favorable, par la pratique religieuse de son culte, la sublime Mère de Dieu, la Vierge Marie, dépositaire souveraine de toute paix et dispensatrice de toute grâce, qui a été placée par son divin Fils au faîte de la gloire et de la puissance, afin d’aider du secours de sa protection les hommes s’acheminant, au milieu des fatigues et des dangers, vers la Cité Éternelle.

C’est pourquoi, à l’approche des solennels anniversaires qui rappellent les bienfaits nombreux et considérables qu’a valus au peuple chrétien la dévotion du Saint Rosaire, Nous voulons que cette année, cette dévotion soit l’objet d’une attention toute particulière dans le monde catholique en l’honneur de la Vierge Souveraine, afin que, par son intercession, nous obtenions de son divin Fils un heureux adoucissement et un terme à nos maux. Aussi, avons-Nous pensé, Vénérables Frères, à Vous adresser ces lettres, afin que Notre dessein Vous étant connu, Votre autorité et Votre zèle excitent la piété des peuples à s’y conformer religieusement.

Ce fut toujours le soin principal et solennel des catholiques de se réfugier sous l’égide de Marie et de s’en remettre à sa maternelle bonté dans les temps troublés et dans les circonstances périlleuses. Cela prouve que l’Église catholique a toujours mis, et avec raison, en la Mère de Dieu, toute sa confiance et toute son espérance. En effet, la Vierge exempte de la souillure originelle, choisie pour être la Mère de Dieu, et par cela même associée à lui dans l’œuvre du salut du genre humain, jouit auprès de son Fils d’une telle faveur et d’une telle puissance que jamais la nature humaine et la nature angélique n’ont pu et ne peuvent les obtenir. Aussi, puisqu’il lui est doux et agréable par-dessus toute chose d’accorder son secours et son assistance à ceux qui les lui demandent, il n’est pas douteux qu’elle ne veuille, et pour ainsi dire qu’elle ne s’empresse d’accueillir les vœux que lui adressera l’Église universelle.

Cette piété, si grande et si confiante envers l’Auguste Reine des cieux, n’a jamais brillé d’un éclat aussi resplendissant que quand la violence des erreurs répandues, ou une corruption intolérable des mœurs, ou les attaques d’adversaires puissants, ont semblé mettre en péril l’Église militante de Dieu.

L’histoire ancienne et moderne et les fastes les plus mémorables de l’Église, rappellent le souvenir des supplications publiques et privées à la Mère de Dieu, ainsi que les secours accordés par Elle, et en maintes circonstances la paix et la tranquillité publiques obtenues par sa divine intervention. De là ces qualifications d’Auxiliatrice, de Bienfaitrice, et de Consolatrice des chrétiens, de Reine des armées, de Dispensatrice de la victoire et de la paix, dont on l’a saluée. Entre tous ces titres, est surtout remarquable et solennel celui qui lui vient du Rosaire, et par lequel ont été consacrés à perpétuité les insignes bienfaits dont lui est redevable le nom de chrétien.

Aucun de Vous n’ignore, Vénérables Frères, quels tourments et quels deuils ont apportés à la sainte Eglise de Dieu, vers la fin du XIIe siècle, par les hérétiques Albigeois qui, enfantés par la secte des derniers Manichéens, ont couvert le midi de la France et tous les autres pays du monde latin de leurs pernicieuses erreurs. Portant partout la terreur de leurs armes, ils étendaient partout leur domination par le meurtre et les ruines.

Contre ce fléau, Dieu a suscité, dans sa miséricorde, l’insigne père et fondateur de l’Ordre dominicain. Ce héros, grand par l’intégrité de sa doctrine, par l’exemple de ses vertus, par ses travaux apostoliques, s’avança contre les ennemis de l’Eglise catholique, animé de l’Esprit d’en haut; non avec la violence et avec les armes, mais avec la foi la plus absolue en cette dévotion du Saint Rosaire que le premier il a divulguée et que ses enfants ont portée aux quatre coins du monde. Il prévoyait, en effet, par la grâce divine, que cette dévotion, comme un puissant engin de guerre, mettrait en fuite les ennemis et confondrait leur audace et leur folle impiété. Et c’est ce qu’a, en effet, justifié l’événement.

Grâce à cette nouvelle manière de prier, acceptée et ensuite mise régulièrement en pratique, par l’institution de l’Ordre du saint Père Dominique, la piété, la bonne foi, la concorde commencèrent à reprendre racine, et les projets des hérétiques, ainsi que leurs artifices, à tomber en ruines. Grâce à elle encore, beaucoup d’égarés ont été ramenés à la voie droite; et la fureur des impies a été réfrénée par les armes catholiques qui avaient été levées pour repousser la force par la force.

L’efficacité et la puissance de cette prière ont été aussi expérimentées au XVIe siècle, alors que les armées innombrables des Turcs étaient à la veille d’imposer le joug de la superstition et de la barbarie à presque toute l’Europe. Dans ce temps, le Souverain Pontife saint Pie V, après avoir réveillé chez tous les princes chrétiens le sentiment de la défense commune, s’attacha surtout et par tous les moyens à rendre propice et secourable au nom chrétien la toute-puissante Mère de Dieu, en l’implorant par la récitation du Rosaire. Ce noble exemple, offert en ces jours à la terre et aux cieux, rallia tous les esprits et persuada tous les cœurs. Aussi les fidèles du Christ, décidés à verser leur sang et à sacrifier leur vie pour le salut de la religion et de leur patrie, marchaient sans souci du nombre aux ennemis massés non loin du golfe de Corinthe ; pendant que les invalides, pieuse armée de suppliants, imploraient Marie, saluaient Marie, par la répétition des formules du Rosaire et demandaient la victoire de ceux qui combattaient.

La Souveraine ainsi suppliée ne resta pas sourde, car l’action navale s’étant engagée auprès des îles Echinades (Curzolaires) la flotte des chrétiens, sans éprouver elle-même de grandes pertes, remporta une insigne victoire et anéantit les forces ennemies.

C’est pourquoi le même Souverain et saint Pontife, en reconnaissance d’un bienfait si grand, a voulu qu’une fête en l’honneur de Marie Victorieuse, consacrât la mémoire de ce combat mémorable. Grégoire XIII a consacré cette fête en l’appelant fête du Saint Rosaire.

De même, dans le dernier siècle, d’importants succès furent remportés sur les forces turques, soit à Temesvar, en Pannonie, soit à Corcyre, et ils coïncidèrent avec des jours consacrés à la Sainte Vierge Marie et avec la clôture des prières publiques célébrées par la récitation du Rosaire.

Par conséquent, puisqu’il est bien reconnu que cette formule de prière est particulièrement agréable à la Sainte Vierge, et qu’elle est surtout propre à la défense de l’Eglise et du peuple chrétien en même temps qu’à attirer toutes sortes de bienfaits publics et particuliers, il n’est pas surprenant que plusieurs autres de nos prédécesseurs se soient attachés à la développer et à la recommander par des éloges tout spéciaux. Ainsi Urbain IV a attesté que, chaque jour, le Rosaire procurait des avantages au peuple chrétien. Sixte IV a dit que cette manière de prier est avantageuse à l’honneur de Dieu et de la Sainte Vierge, et particulièrement propre à détourner les dangers menaçant le monde; Léon X a déclaré qu’elle a été instituée contre les hérésiarques et les hérésies pernicieuses; et Jules III l’a appelée la gloire de l’Église. Saint Pie V a dit aussi, au sujet du Rosaire, que, dans la divulgation de cette sorte de prières, les fidèles ont commencé à s’échauffer dans la méditation, à s’enflammer dans la prière, puis sont devenus d’autres hommes; les ténèbres de l’hérésie se sont dissipées, et la lumière de la foi catholique a brillé de tout son éclat. Enfin, Grégoire XIII a déclaré à son tour que le Rosaire avait été institué par Saint Dominique, pour apaiser la colère de Dieu et implorer l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie.

Guidé par cette pensée et par les exemples de nos prédécesseurs Nous avons cru tout à fait opportun d’établir pour la même cause, en ce temps, des prières solennelles, et de tâcher, au moyen de prières solennelles adressées à la Sainte Vierge par la récitation du Rosaire, d’obtenir de son Fils Jésus-Christ un semblable secours contre les dangers qui Nous menacent. Vous voyez, Vénérables Frères, les graves épreuves auxquelles l’Église est journellement exposée: la piété chrétienne, la moralité publique, la foi elle-même qui est le bien suprême et le principe de toutes les autres vertus, tout cela est chaque jour menacé des plus grands périls.

Non seulement Vous savez combien cette situation est difficile et combien Nous en souffrons, mais encore Votre charité Vous en a fait éprouver avec Nous les sympathiques angoisses. Car c’est une chose des plus douloureuses et des plus lamentables de voir tant d’âmes rachetées par le Sang de Jésus-Christ arrachées au salut par le tourbillon d’un siècle égaré, et précipitées dans l’abîme et dans une mort éternelle. Nous avons, de nos jours, autant besoin du secours divin qu’à l’époque où le grand Dominique leva l’étendard du Rosaire de Marie à l’effet de guérir les maux de son époque.
Ce grand Saint, éclairé par la lumière céleste, entrevit clairement que, pour guérir son siècle, aucun remède ne serait plus efficace que celui qui ramènerait les hommes à Jésus-Christ, qui est la voie la vérité et la vie, et les pousserait à s’adresser à cette Vierge, à qui il est donné de détruire toutes les hérésies, comme à leur patronne auprès de Dieu.

La formule du Saint-Rosaire a été composée de telle manière par saint Dominique, que les mystères de Notre salut y sont rappelés dans leur ordre successif, et que cette manière de méditation est entremêlée et comme entrelacée par la prière de la Salutation angélique, et par une oraison jaculatoire à Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous qui cherchons un remède à des maux semblables, Nous avons le droit de croire qu’en Nous servant de la même prière qui a servi à saint Dominique pour faire tant de bien à tout le monde catholique, Nous pourrons voir disparaître de même les calamités dont souffre Notre époque.

Non seulement Nous engageons vivement tous les chrétiens à s’appliquer soit en public, soit dans leur demeure particulière et au sein de leur famille, à réciter ce pieux office du Rosaire et à ne pas cesser ce saint exercice, mais Nous désirons que spécialement LE MOIS D’OCTOBRE DE CETTE ANNÉE soit consacré entièrement à la Sainte Reine du Rosaire. Nous décrétons et Nous ordonnons que, dans tout le monde catholique, pendant cette année, on célèbre solennellement par des services spéciaux et splendides, les offices du Rosaire.

Qu’ainsi donc, à partir du premier jour du mois d’octobre prochain jusqu’au second jour du mois de novembre suivant, dans toutes les paroisses, et, si l’autorité le juge opportun et utile, dans toutes les autres églises ou chapelles dédiées à la Sainte Vierge, on récite cinq dizaines du Rosaire, en y ajoutant les Litanies Laurétanes. Nous désirons que le peuple accoure à ces exercices de piété et qu’en même temps l’on dise la messe et l’on expose le Saint Sacrement, et que l’on donne ensuite avec la Sainte Hostie la bénédiction à la pieuse assemblée. Nous approuvons beaucoup que les confréries du Saint Rosaire de la Vierge fassent, conformément aux usages antiques, des processions solennelles à travers les villes, afin de glorifier publiquement la Religion. Cependant si, à cause des malheurs des temps, dans certains lieux, cet exercice public de la religion n’était pas possible, qu’on le remplace par une visite assidue aux églises, et qu’on fasse éclater la ferveur de sa piété par un exercice plus diligent encore des vertus chrétiennes.

En faveur de ceux qui doivent faire ce que Nous avons ordonné ci-dessus, il Nous plaît d’ouvrir les célestes trésors de l’Église pour qu’ils y puisent à la fois les encouragements et les récompenses de leur piété. Donc, à. tous ceux qui, dans l’intervalle de temps désigné, auront assisté à l’exercice de la récitation publique du Rosaire avec les Litanies, et auront prié selon Notre intention, Nous concédons sept années et sept quarantaines d’indulgences applicables à toutes fins. Nous voulons également faire jouir de cette faveur ceux qu’une cause légitime aura empêchés de concourir à ces prières publiques dont Nous venons de parler, pourvu que, dans leur particulier, ils se soient consacrés à ce pieux exercice et qu’ils aient prié Dieu selon Notre intention. Nous absolvons de toute coulpe ceux qui dans le temps que nous venons d’indiquer, auront au moins deux fois, soit publiquement dans les temples sacrés, soit dans leurs maisons (par suite d’excuses légitimes) pratiqué ces pieux exercices et qui, après s’être confessés, se seront approchés de la Sainte Table. Nous accordons encore la pleine remise de leurs fautes à ceux qui, soit dans ce jour de la fête de la Bienheureuse Vierge du Rosaire, soit dans les huit jours suivants, après avoir également épuré leur âme par une salutaire confession, se seront approchés de la Table du Christ, et auront dans quelque temple prié à Notre intention Dieu et la Sainte Vierge pour les nécessités de l’Église.

Agissez donc, Vénérables Frères ! Plus Vous avez à cœur l’honneur de Marie et le salut de la société humaine, plus Vous devez Vous appliquer à nourrir la piété des peuples envers la grande Vierge, à augmenter leur confiance en Elle. Nous considérons qu’il est dans les desseins providentiels que, dans ces temps d’épreuves pour l’Église, l’ancien culte envers l’auguste Vierge fleurisse plus que jamais dans l’immense majorité du peuple chrétien. Que maintenant, poussées par Nos exhortations, enflammées par Vos appels, les nations chrétiennes recherchent avec une ardeur de jour en jour plus grande la protection de Marie; qu’elles s’attachent de plus en plus à l’habitude du Rosaire, à ce culte que Nos ancêtres avaient la coutume de pratiquer, non seulement comme un remède toujours présent à leurs maux, mais comme un noble ornement de la piété chrétienne. La Patronne céleste du genre humain exaucera ces prières et ces supplications, et Elle accordera facilement aux bons la faveur de voir leurs vertus s’accroître, aux égarés celle de revenir au bien et de rentrer dans la voie du salut, elle obtiendra que le Dieu vengeur des crimes, inclinant vers la clémence et la miséricorde, rende au monde chrétien et à la société, tout péril étant désormais écarté, cette tranquillité si désirable.

Encouragé par cet espoir, Nous supplions Dieu, par l’entremise de Celle dans laquelle il a mis la plénitude de tout bien, Nous le supplions de toutes Nos forces de répandre sur Vous, Vénérables Frères, ses faveurs célestes. Et comme gage de Notre bienveillance, Nous Vous donnons de tout Notre cœur, à Vous, à Votre clergé et aux peuples commis à Vos soins, la bénédiction apostolique.

Donné à Rome, à Saint-Pierre, le 1er septembre 1883, sixième année de Notre Pontificat.


Léon XIII, Pape

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2. SALUTARIS ILLE SPIRITUS

BREF DE SA SAINTETÉ LE PAPE LÉON XIII
SUR LA RÉCITATION QUOTIDIENNE DU ROSAIRE



Ce salutaire esprit de prière, don et gage à la fois de la divine miséricorde, que Dieu promit autrefois de répandre sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem, ne manque jamais dans l’Église catholique. Toutefois, il semble exciter plus vivement les âmes, alors que les hommes redoutent, comme menaçant ou déjà arrivé, quelque grand péril pour l’Église ou l’État. Car la foi et la piété envers Dieu ont coutume de grandir dans les dangers, parce que moins on voit de ressources dans les choses humaines, mieux on comprend la nécessité du secours céleste.

Nous en avons eu des preuves récentes lorsque, ému par les longues épreuves de l’Église et par la difficulté générale des temps, Nous avons fait appel, par notre Lettre encyclique, à la piété des chrétiens, et Nous avons décrété que la Vierge Marie serait honorée et implorée, pendant tout le mois d’octobre, par la très sainte pratique du Rosaire. Nous avons appris en effet, que l’on avait obéi à Notre volonté avec autant de zèle et d’empressement que la sainteté et l’importance de la chose le demandaient. Car, non seulement dans notre Italie, mais dans toutes les contrées de la terre, on a prié pour la religion catholique et pour le salut public ; l’autorité des Évêques, l’exemple et le zèle du clergé donnant l’impulsion, on a honoré à l’envi l’auguste Mère de Dieu.

Les témoignages multiples par lesquels s’est manifestée la piété Nous ont merveilleusement réjoui : les églises ornées avec plus de magnificence, les processions solennelles, partout l’affluence considérable du peuple aux sermons, aux réunions, aux prières quotidiennes du Rosaire. Nous ne voulons pas omettre non plus les nouvelles que nous avons reçues avec une joie profonde de certains pays plus cruellement battus par la tempête et où la ferveur de la piété a été si grande, que les particuliers ont mieux aimé suppléer par leur propre ministère, dans la mesure où ils le pouvaient, à la disette des prêtres, que de souffrir que dans leurs églises, les prières prescrites n’eussent pas lieu.

C’est pourquoi, en même temps que l’espérance en la bonté et la miséricorde divine Nous console des maux présents, Nous comprenons la nécessité d’inculquer dans le cœur de tous les fidèles cette vérité, que les saints Livres en divers endroits proclament ouvertement, savoir que dans la prière, comme en toute autre vertu, ce qui importe par dessus tout, c’est la perpétuité et la constance. Dieu se laisse, en effet, fléchir et apaiser par la prière ; mais il veut que ce soit le fruit, non pas seulement de sa bonté, mais aussi de notre persévérance.

Cette persévérance dans la prière est encore bien plus nécessaire aujourd’hui où nous environnent de toute part, comme nous l’avons dit bien souvent, tant et de si grands périls qui ne peuvent être surmontés sans le secours spécial de Dieu. Un trop grand nombre d’hommes, en effet, haïssent tout ce qui rappelle le nom et le culte de Dieu : l’Église n’est pas seulement l’objet d’attaques privées, mais elle est très souvent combattue par les constitutions et les lois civiles ; de monstrueuses nouveautés d’opinions s’élèvent contre la sagesse chrétienne, à tel point que chacun doit lutter, et pour son propre salut et pour le salut public contre des ennemis acharnés, qui ont juré d’épuiser jusqu’à leurs dernières forces. Considérant donc par la pensée l’étendue et la fureur de ce combat, Nous estimons que c’est surtout le moment de se tourner vers Notre-Seigneur Jésus- Christ, qui, pour nous apprendre à l’imiter, dans son agonie priait plus longuement.

Or, parmi les formules et les modes de prières pieux et salutaires, usités dans l’Église catholique, celui qui est désigné par le nom de Rosaire de Marie est recommandable à beaucoup de titres ; particulièrement comme nous l’avons rappelé dans Notre Lettre encyclique, à ce titre principal que le Rosaire a été surtout institué pour implorer l’aide de la Mère de Dieu contre les ennemis de la religion catholique ; et, à ce point de vue, personne n’ignore qu’il a été souvent d’un puissant secours pour écarter les calamités de l’Église. Il convient donc parfaitement, non seulement à la piété des particuliers, mais à la condition publique des temps, de rétablir cette forme de prière dans le degré d’honneur qu’elle a longtemps occupé, alors que chaque famille chrétienne n’eût pas voulu laisser passer un seul jour sans réciter le Rosaire.

Pour ces mêmes motifs, Nous exhortons tous les fidèles et Nous les conjurons de prendre et de conserver la pieuse habitude de la récitation quotidienne du Rosaire : en même temps Nous déclarons qu’il est dans Notre désir que le Rosaire soit récité tous les jours dans l’Église principale de chaque diocèse, et chaque jour de fête dans les églises paroissiales. Pour l’établissement et le maintien de cet exercice de piété, les Ordres religieux pourront être d’une grande utilité et principalement, comme par droit personnel, l’Ordre des Dominicains : Nous sommes certains que nul d’entre eux ne manquera à une si utile et si noble mission.

Nous donc, pour honorer l’auguste Marie, Mère de Dieu ; pour consacrer à perpétuité le souvenir du secours imploré de son Cœur très pur, sur toute la surface de la terre, pendant le mois d’octobre ; pour conserver le perpétuel témoignage de l’espérance sans bornes que Nous plaçons en notre très tendre Mère ; pour solliciter de plus en plus sa faveur et son aide, Nous voulons et Nous décrétons que, dans les Litanies de Lorette, après l’invocation Reine conçue sans la tache originelle, soit ajoutée cette autre invocation : Reine du très saint Rosaire, priez pour nous.

Nous voulons que ces Lettres demeurent dans la postérité confirmées et ratifiées, comme elles le sont présentement : Nous déclarons nul et sans effet tout ce qui pourrait être attenté contre elles : nonobstant toutes choses contraires.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, sous l’anneau du Pécheur, le 24 décembre 1883, sixième de Notre Pontificat.

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3. SUPERIORE ANNO

LETTRE ENCYCLIQUE DE SA SAINTETÉ LE PAPE LÉON XIII
SUR LA RÉCITATION DU TRÈS SAINT ROSAIRE



À tous les Évêques du monde catholique, concernant les prières spéciales à faire pendant le mois d’octobre 1884.

Vénérables Frères, Salut et bénédiction apostolique.


L’an dernier, comme vous le savez tous, Nous avons décrété, par Notre Lettre Encyclique, de pratiquer dans toutes les parties de l’univers catholique la dévotion du très Saint Rosaire, en l’honneur de la Mère de Dieu, pendant tout le mois d’octobre, afin d’obtenir à l’Église le secours du ciel dans ses épreuves. En cela Nous avons suivi et Notre propre jugement et les exemples de Nos prédécesseurs qui, dans les grandes épreuves de l’Église, avaient coutume de recourir, avec un accroissement de piété, à l’auguste Vierge et d’implorer son secours par les prières les plus ardentes. Or, on a partout répondu à Notre volonté avec un tel empressement et une telle unanimité, qu’on a vu clairement de quelle ardeur le peuple chrétien est animé pour la religion et la piété, et quelle grande confiance ont tous les fidèles dans la protection céleste de la Vierge Marie. Cette ferveur d’une piété et d’une foi manifestes, Nous le déclarons, a été pour Nous une grande consolation dans les persécutions et les maux qui Nous accablent, et Nous a encouragé à affronter des épreuves plus graves encore, si telle est la volonté de Dieu. Aussi longtemps, en effet, que l’esprit de prière sera répandu sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem, Nous conserverons la ferme confiance que Dieu nous exaucera un jour, et que, prenant pitié de la condition de l’Église, il entendra les prières de ceux qui l’implorent par Celle qu’il a lui- même voulu établir la dispensatrice des grâces célestes.

C’est pourquoi, les mêmes causes qui, comme Nous l’avons dit, Nous ont déterminé l’an dernier à exciter la piété des fidèles, existant encore, Nous avons cru de notre devoir, Vénérables Frères, d’exhorter, cette année aussi, les peuples chrétiens à mériter la puissante protection de la Mère de Dieu, en persévérant dans ce mode et cette formule de prière qu’on appelle le Rosaire de Marie. Comme ceux qui combattent la religion chrétienne montrent une si grande obstination à poursuivre leur projet, il faut que les défenseurs ne montrent pas moins de constance de volonté, surtout parce que le secours du ciel et les bienfaits que Dieu répand sur nous, ne sont souvent que le fruit de notre persévérance. — Nous aimons à vous rappeler l’exemple de l’héroïque Judith, qui, figurant la Sainte Vierge, réprima la folle impatience des Juifs, qui voulaient fixer à Dieu, selon leur gré, le jour où il secourrait leur nation opprimée. Il faut aussi considérer l’exemple des Apôtres, qui attendaient l’insigne bienfait de l’Esprit consolateur qui leur avait été promis, en persévérant unanimement dans la prière avec Marie, Mère de Jésus. — Car maintenant aussi il s’agit d’une chose bien difficile et d’une grande importance, il s’agit d’humilier dans l’exaltation de la force de sa puissance l’ennemi antique et très rusé, de rendre à la liberté l’Église et son Chef, de conserver et de défendre les institutions sur lesquelles reposent la sécurité et le salut de la société humaine. Il faut donc avoir soin, dans ces temps lamentables pour l’Église, de conserver avec zèle et piété la très sainte pratique du Rosaire de Marie, d’autant plus que ces prières, étant composées de manière à rappeler dans leur ordre les mystères de notre salut, sont très propres à nourrir l’esprit de piété.

En ce qui concerne l’Italie, il faut implorer pour elle, par la récitation du Rosaire, l’aide de la Vierge très puissante, maintenant surtout qu’une calamité n’en est plus à nous menacer et à fondre inopinément sur nous, mais nous a déjà atteints. Car la peste asiatique ayant franchi, par la volonté de Dieu, les limites que la nature semblait lui avoir posées, a envahi les très célèbres ports du golfe de Gaule, et de là les contrées limitrophes de l’Italie. Il faut donc recourir à Marie, à celle que l’Église appelle à juste titre salutaire, auxiliatrice, protectrice, afin qu’elle daigne nous apporter le secours que nous aurons imploré par les prières qui lui sont les plus agréables, et éloigner de nous le fléau contagieux.

C’est pourquoi, à l’approche du mois d’octobre, dans lequel le monde catholique célèbre les solennités de la Vierge du Rosaire, Nous avons arrêté de prescrire de nouveau cette année tout ce que Nous avons prescrit l’année dernière. Nous décrétons donc et Nous ordonnons, qu’à partir du premier jour d’octobre jusqu’au deuxième jour de novembre suivant, dans toutes les églises paroissiales et les sanctuaires publics dédiés à la Mère de Dieu, et même dans d’autres que l’Ordinaire voudra déterminer, on récite tous les jours au moins cinq dizaines du Rosaire, en y ajoutant les Litanies. Si cet exercice a lieu le matin, la messe doit être célébrée pendant les prières ; s’il a lieu dans l’après-midi, on exposera l’auguste Sacrement à l’adoration des fidèles, et l’on donnera ensuite la bénédiction à l’assistance. Nous désirons aussi que les Confréries du Très Saint Rosaire fassent partout où les lois civiles le permettent, des processions solennelles à travers les villages pour faire profession publique de la religion.

Et afin que les trésors célestes de l’Église soient ouverts à la piété chrétienne, Nous renouvelons toutes les indulgences que Nous avons accordées l’an dernier. Donc Nous accordons, pour chaque fois, une indulgence de sept ans et de sept quarantaines à tous ceux qui auront assisté, les jours indiqués, à la récitation publique du Rosaire et auront prié selon Notre intention, et également à ceux qui, empêchés par une cause légitime, auront fait ces prières en leur particulier. Nous ouvrons le trésor de l’Église et Nous accordons la remise entière de leurs péchés à ceux qui, pendant le temps indiqué ci-dessus, auront fait publiquement au moins dix fois ces pieux exercices dans les temples, ou chez eux par suite d’excuses légitimes, et qui, après s’être confessés, feront la sainte communion. Nous accordons ce pardon complet des péchés et cette remise entière de la peine à tous ceux qui, ou le jour de la fête de la bienheureuse Vierge du Rosaire, ou l’un des huit jours suivants, se seront purifiés de leurs péchés, auront fait une sainte communion, et auront prié Dieu et sa très sainte Mère, suivant Notre intention, dans un édifice sacré.

Enfin voulant avoir égard à ceux qui vivent à la campagne et sont occupés, surtout dans le mois d’octobre, aux travaux des champs, Nous leur accordons d’ajourner au mois de novembre ou de décembre, selon que l’Ordinaire le jugera opportun, les exercices prescrits plus haut avec les indulgences à gagner pendant le mois d’octobre.

Nous ne doutons pas, Vénérables Frères, que des fruits abondants ne répondant à nos soins, surtout si, à ce que Nous semons et que votre sollicitude aura arrosé, Dieu accorde l’accroissement par la diffusion de ses grâces. Nous sommes convaincu que le peuple chrétien répondra à l’appel de Notre autorité Apostolique avec la même ferveur de foi et de piété dont il a donné l’année dernière une si grande preuve. Que la céleste Patronne invoquée par les prières du Rosaire nous soit propice, et qu’elle fasse que Nous obtenions de Dieu la paix tant désirée de l’Église, en mettant fin au conflit des opinions et en rétablissant partout le Christianisme dans ses droits. Comme gage de ce bienfait, Nous accordons très affectueusement la Bénédiction Apostolique à Vous, à Votre clergé, et aux peuples confiés à votre charge.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 30 août 1884, la septième année de Notre Pontificat.

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4. QUOD AUCTORITATE APOSTOLICA

LETTRE ENCYCLIQUE DE SA SAINTETÉ LE PAPE LÉON XIII
PORTANT INDICTION D’UN JUBILÉ EXTRAORDINAIRE



À tous Nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques du monde catholique, en grâce et communion avec le Siège Apostolique.

LÉON XIII, PAPE

Vénérables Frères, Salut et Bénédiction Apostolique.

Ainsi que Nous l’avons déjà fait deux fois en vertu de Notre autorité apostolique, il Nous plaît de nouveau d’ordonner, avec la grâce de Dieu, pour l'an prochain, que, dans tout l’univers chrétien, une année sainte extraordinaire soit célébrée, pendant laquelle les trésors des célestes faveurs, dont la dispensation est en Notre pouvoir, s’ouvriront pour le bien public. L’utilité de cette mesure ne peut Vous échapper, Vénérables Frères, à Vous qui connaissez Notre temps et les mœurs du siècle ; mais il y a une raison spéciale qui fera paraître plus opportune que jamais Notre décision. — En effet, après que Nous avons enseigné, dans Notre dernière Lettre Encyclique, combien il importe aux États de se rapprocher de la vérité et de la forme chrétienne, on comprendra facilement combien il importe au but que Nous Nous y sommes proposé de Nous efforcer, par tous les moyens en Notre pouvoir, d’exciter ou de ramener les hommes aux vertus chrétiennes. Car un État est ce que le font les mœurs du peuple ; et de même que l’excellence d’un navire ou d’un édifice dépend de la bonne qualité et de la disposition convenable de toutes ses parties, de même le cours des affaires publiques ne peut être régulier et sans accident qu’à la condition que les citoyens suivent eux-mêmes une ligne droite de conduite. L’ordre politique périt, et avec lui tout ce qui constitue l’action de la vie publique, s’il ne procède du fait des hommes ; or, les hommes ont coutume de le former à l’image de leurs opinions et de leurs mœurs. Pour que les esprits se pénètrent de Nos enseignements, et, ce qui est le point principal, pour que la vie quotidienne de chacun se règle d’après eux, il faut donc faire en sorte que chacun s’applique à penser chrétiennement et à agir chrétiennement, aussi bien en public que dans son particulier.

Et en cela, l’effort est d’autant plus nécessaire que les périls sont plus grands de tous côtés. Car les grandes vertus de nos pères n’ont pas peu disparu ; les passions les plus violentes en soi ont réclamé une licence plus grande ; la folie des opinions, libre d’entraves ou réprimée par des freins impuissants, se répand chaque jour davantage : parmi ceux mêmes qui ont de bons principes, la plupart, par une réserve intempestive, n’osent pas professer publiquement ce qu’ils pensent, et bien moins encore le mettre à exécution ; l’influence des plus pernicieux exemples s’exerce de toutes parts sur les mœurs publiques ; les associations perverses, que Nous avons énoncées dans d’autres circonstances, habiles à se servir des moyens les plus criminels, s’efforcent d’en imposer au peuple et de le détourner autant que possible et même de le séparer de Dieu, de la sainteté de leurs devoirs, de la foi chrétienne.

Dans cet accablement de maux d’autant plus graves qu’ils durent depuis plus longtemps, Nous ne pouvons rien omettre de ce qui peut Nous apporter quelque espoir de soulagement. C’est dans cette intention et cette espérance que Nous annonçons le saint jubilé à tous ceux qui ont leur salut à cœur et qui ont besoin d’être avertis et exhortés de se recueillir un peu et de ramener plus haut leurs pensées, plongées dans la terre. Et ce ne sera pas un avantage pour les individus seulement, mais pour l’État tout entier, car autant les individus progresseront dans la perfection de leur âme, autant il en résultera d’honnêteté et de vertu dans la vie et dans les mœurs publiques.

Mais considérez, Vénérables Frères, que cet heureux résultat dépend en grande partie de Votre action et de Votre zèle, car il est nécessaire de préparer convenablement et soigneusement le peuple à recueillir comme il faut les fruits qui lui sont offerts. Ce sera l’œuvre de Votre charité et de Votre sagesse de confier ce soin à des prêtres choisis, qui, par de pieux discours à la portée de tous, auront à instruire la foule et surtout à l’exhorter à la pénitence, laquelle est, selon le mot de saint Augustin, le châtiment quotidien des bons et des humbles fidèles, où l’on se frappe la poitrine en disant : Pardonnez-nous nos offenses. Ce n’est pas sans raison que Nous parlons d’abord de la pénitence, et du châtiment volontaire du corps, qui en est une partie. Vous connaissez, en effet, l’esprit du siècle : la plupart aiment à vivre mollement et ne veulent rien faire d’énergique et de généreux. D’un côté, ils tombent dans un grand nombre de misères ; de l’autre, ils se font souvent des raisons de ne pas obéir aux lois salutaires de l’Église, persuadés que c’est pour eux un fardeau trop lourd que d’être obligés de s’abstenir d’un certain genre de mets, ou d’observer le jeûne pendant un petit nombre de jours de l'année. Énervés par ces habitudes de mollesse, il n’est pas étonnant qu’ils se livrent peu à peu tout entiers à des passions plus exigeantes. C’est pourquoi il convient de rappeler à la tempérance les âmes tombées, ou sur la pente de la mollesse ; et, pour cela, il faut que ceux qui parleront au peuple lui enseignent diligemment et clairement que ce n’est pas seulement la loi évangélique, mais la raison naturelle elle-même qui veut que chacun se commande à soi-même et dompte ses passions, et que les péchés ne peuvent être expiés que par la pénitence.

Pour que la vertu dont Nous parlons persévère, il sera prudent de la mettre, en quelque sorte, sous la sauvegarde et la protection d’une institution stable. Vous comprenez, Vénérables Frères, de quoi il s’agit ici : Nous voulons dire que Vous continuiez, chacun dans Votre diocèse, à patronner et à accroître le Tiers-Ordre, dit séculier, des Frères Franciscains. Pour conserver et entretenir l’esprit de pénitence dans la multitude chrétienne, rien, en effet, n’est plus efficace que les exemples et la grâce du patriarche François d’Assise, qui a uni à la plus grande innocence de vie un si grand zèle de la mortification, qu’il a montré en lui une image de Jésus-Christ crucifié autant par sa vie et ses mœurs que par l’impression divine des stigmates. Les lois de son Ordre, que Nous avons tempérées à propos, sont aussi douces à porter qu’elles sont d’une grande efficacité pour la vertu chrétienne.

En second lieu, dans de si grands besoins particuliers et publics, comme tout l’espoir de salut repose dans la protection et le secours du Père céleste, Nous voudrions ardemment voir renaître un zèle assidu de la prière joint à la confiance. Dans toutes les circonstances difficiles de la chrétienté, toutes les fois qu’il arriva à l’Église d’être affligée de dangers extérieurs ou de maux intestins, nos pères, les yeux levés au Ciel avec des supplications, nous ont appris d’une manière éclatante comment et où il fallait demander la lumière de l’âme, la force de la vertu et des secours proportionnés aux circonstances. Car ils étaient profondément gravés dans les esprits, ces préceptes de Jésus-Christ : « Demandez et vous recevrez » ; — « Il faut toujours prier et ne jamais se lasser ». À ces préceptes, répond la parole des Apôtres : « Priez sans relâche » ; — « Je supplie avant tout qu’on adresse des supplications, des prières, des demandes, des actions de grâces pour tous les hommes ». Sur ce sujet, Jean Chrysostome nous a laissé ce mot, non moins vrai qu’ingénieux, sous forme de comparaison : de même qu’à l’homme, qui vient au jour nu et manquant de tout, la nature a donné des mains avec lesquelles il puisse se procurer les choses nécessaires à la vie ; de même, dans les choses surnaturelles, comme il ne peut rien par lui-même, Dieu lui a accordé la faculté de prier, afin qu’il s’en serve sagement pour obtenir ce qui est nécessaire à son salut.

De toutes ces choses, Vénérables Frères, chacun de Vous peut conclure combien Nous est agréable et combien Nous approuvons le zèle, que, sous Notre impulsion, Vous avez apporté à étendre la dévotion au très saint Rosaire, surtout en ces dernières années ; Nous ne pouvons non plus omettre de signaler la piété populaire qui, presque partout, a été excitée par ce genre de dévotion ; or, il faut veiller avec le plus grand soin à ce qu’on soit de plus en plus ardent pour cette dévotion et qu’on la garde avec persévérance. Que si nous insistons sur cette exhortation, que Nous avons déjà faite plusieurs fois, personne de Vous ne s’en étonnera, car Vous comprenez combien il importe qu’on voie fleurir chez les chrétiens cette habitude du Rosaire de Marie, et vous savez à merveille que c’est là une partie et une forme très belle de cet esprit de prières dont Nous parlons, et aussi combien elle convient à Notre temps, combien elle est facile à pratiquer et féconde en résultats.

Mais, comme le premier et le plus grand fruit du Jubilé doit être, comme Nous l’avons indiqué plus haut, l’amendement de la vie et le progrès de la vertu, Nous estimons spécialement nécessaire la fuite du mal que Nous n’avons pas négligé de désigner dans Nos précédentes Encycliques, Nous voulons parler des dissensions intestines et comme domestiques de quelques-uns d’entre Nous, dissensions dont on peut à peine dire combien, au grand détriment des âmes, elles rompent ou relâchent certainement le lien de la charité. Si Nous Vous avons de nouveau rappelé cela. Vénérables Frères, qui êtes les gardiens de la discipline ecclésiastique et de la charité mutuelle, c’est que Nous voulons voir Votre vigilance et Votre autorité constamment appliquées à empêcher un si grave dommage. Par Vos avis, Vos exhortations, Vos reproches, veillez à ce que tous aient souci de garder l’unité de l’esprit dans le lien de la charité, et que les auteurs de ces dissensions, s’il en est, reviennent à leur devoir par la considération qu’ils doivent avoir toute leur vie, que le Fils unique de Dieu, à l’approche même des derniers tourments, ne demanda rien plus vivement à son Père que la dilection réciproque pour ceux qui croyaient ou croiraient en lui, afin que tous soient un, comme vous, mon Père, l’êtes en moi et moi en vous ; afin qu’eux aussi soient un en Nous.

C’est pourquoi, de par la miséricorde de Dieu tout-puissant, Nous confiant en l’autorité des saints apôtres Pierre et Paul, au nom de ce pouvoir, de lier et de délier, que le Seigneur Nous a conféré, tout indigne que Nous en soyons, Nous accordons, sous forme de jubilé général, l’indulgence plénière de tous les péchés à tous et à chacun des fidèles chrétiens de l’un et de l’autre sexe, sous cette obligation que, dans le courant de la prochaine année 1886 ils accompliront les prescriptions qui sont indiquées ci-dessous.

Pour les citoyens ou habitants de Rome, quels qu’ils soient, ils doivent visiter deux fois la basilique de Latran, celle du Vatican et la Libérienne ; et là, ils offriront quelque temps à Dieu de pieuses prières, selon Nos intentions, pour la prospérité et l’exaltation de l’Église catholique et ce Siège Apostolique, pour l’extirpation des hérésies et la conversion de tous les errants, pour la concorde entre les princes chrétiens, pour la paix et l’unité de tout le peuple fidèle. En outre, qu’ils jeûnent deux jours, usant seulement de mets permis, en dehors des jours de carême compris dans l’induit, ou qui sont consacrés par un semblable jeûne de droit strict, aux termes des préceptes de l’Église ; de plus, qu’ils reçoivent, après s’être convenablement confessés, le Très Saint-Sacrement de l’Eucharistie, et que, d’après le conseil de leur confesseur, ils affectent une aumône, selon leurs moyens, à quelque œuvre pie ayant pour objet la propagation et l’accroissement de la foi catholique. Il est loisible à chacun de choisir celle qu’il préfère ; toutefois, Nous croyons devoir en signaler nommément deux, auxquelles sera parfaitement appliquée la bienfaisance, deux qui, en beaucoup d’endroits, manquent de ressources et de protection, deux qui sont non moins utiles à l’État qu’à l’Église, savoir : les Écoles libres pour l’enfance et les Séminaires.

Quant à tous ceux qui habitent hors de Rome, en quelque lieu que ce soit, ils devront visiter deux fois, aux intervalles prescrits, trois églises à désigner à cet effet par Vous, Vénérables Frères, ou par Vos vicaires et officiaux, ou bien sur Votre ou sur leur délégation par ceux qui ont charge d’âmes, ou trois fois, s’il n’y a que deux églises, et six fois s’il n’y en a qu’une ; ils devront pareillement accomplir les autres œuvres prescrites ci-dessus. Nous voulons que cette indulgence puisse être appliquée aussi, par manière de suffrage, aux âmes qui sont sorties de cette vie en union avec Dieu dans la charité. Nous Vous accordons la faculté de réduire, selon votre sage jugement, à un moindre nombre les visites aux églises susdites pour les chapitres et les congrégations de séculiers comme de réguliers, les communautés, confréries, universités ou collèges quelconques qui font ces visites processionnellement.

Nous permettons aussi aux navigateurs et aux voyageurs de gagner la même indulgence, à leur retour ou à leur arrivée dans une station déterminée, en visitant six fois l’église majeure ou paroissiale, et en accomplissant convenablement les autres œuvres, comme il a été prescrit plus haut.

Quant aux réguliers de l’un et de l’autre sexe, même ceux qui sont cloîtrés à perpétuité, et à tous autres laïques et ecclésiastiques, séculiers ou réguliers, qui se trouvent empêchés, par détention, infirmité corporelle ou tout autre juste cause, de remplir les prescriptions susdites ou quelques-unes d’entre elles, Nous accordons à leur confesseur le pouvoir de les commuer en d’autres œuvres de piété, en y ajoutant la permission de dispenser de la communion les enfants qui n’ont pas encore été admis à la Première Communion.

En outre, Nous concédons à tous et à chacun des fidèles, tant laïques qu’ecclésiastiques, aux séculiers et aux réguliers de tout ordre et de tout institut, même de ceux qu’il faudrait nommer spécialement, la faculté de se choisir à cet effet quelque confesseur que ce soit, tant séculier que régulier, approuvé en fait ; les religieuses, novices et autres femmes vivant dans le cloître, pourront user aussi de cette faculté, pourvu qu’elles s’adressent à un confesseur approuvé pour les religieuses. Aux confesseurs eux-mêmes, mais seulement à l’occasion et pendant le temps du Jubilé, Nous conférons les mêmes pouvoirs que Nous leur avons donnés lors du Jubilé promulgué par Nos Lettres apostoliques du 15 février 1879, commençant par ces mots : Pontifices maximi, à l’exception toutefois de ce que Nous avons excepté par ces mêmes Lettres.

Enfin, que tous s’appliquent avec un grand soin à mériter les bonnes grâces de l’insigne Mère de Dieu par un culte et une dévotion spéciale, surtout pendant ce temps. Car Nous voulons que ce saint Jubilé soit placé sous le patronage de la Très Sainte Vierge du Rosaire ; et avec son concours Nous avons confiance qu’il y en aura beaucoup dont l’âme, purifiée par l’enlèvement de la tache des péchés, sera renouvelée par la foi, la piété, la justice, non seulement pour l’espoir du salut éternel mais aussi comme augure d’un temps plus paisible.

Comme gage de ces bienfaits célestes et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, Nous vous donnons du fond du cœur la bénédiction apostolique, ainsi qu’à Votre clergé et à tout le peuple confié à Votre foi et à Votre vigilance.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 22 décembre de l’année 1885, la huitième de Notre Pontificat.

Léon XIII, Pape.
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