Résumé de théologie dogmatique, Livre III : La création et l'ordre surnaturel

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II. Ce qui est vrai de la relation de tous les êtres créés à leur but, convient aussi dans une mesure beaucoup plus élevée aux êtres raisonnables. Les êtres raisonnables ont, d'une manière plus excellente que les êtres impersonnels, leur but en eux-mêmes, car on ne peut pas s'en servir comme de simples moyens pour procurer l'avantage d'autrui, mais on doit les estimer en eux-mêmes et ils peuvent prétendre à une éternelle durée ; ils s'appartiennent dans un degré plus élevé, et peuvent se servir et jouir formellement pour eux-mêmes de ce qu'ils sont et de ce qu'ils possèdent.

Mais cela n'empêche qu'ils ont aussi, par tout ce qui constitue leur être et leur avoir, leur but suprême en Dieu. Leur vie, leurs opérations tout entières et jusqu'à leur félicité doivent être rapportées à la gloire de Dieu. Ils doivent donc, comme tous les autres êtres, et plus qu'eux tous, à cause de leur ressemblance à Dieu, innée ou acquise, proclamer la beauté de leur exemplaire, se soumettre à Dieu leur souverain, le servir dans toutes leurs œuvres, aspirer à s'unir à Lui comme à leur centre et à leur repos. C'est même dans ces êtres seuls que la gloire de Dieu peut et doit devenir une glorification formelle, soutenue par l'estime et par l'amour.

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Cela ne signifie pas que le bonheur de la créature raisonnable, en tant qu'il lui donne un contentement intérieur, est un but plus élevé auquel soit subordonné la glorification de Dieu par la créature ou par Dieu même. La béatitude où doit tendre la créature consiste dans une union parfaite avec Dieu par la connaissance et l'amour ; c'est là que la créature trouve son plus parfait contentement et Dieu sa pleine glorification. Ce contentement parfait de la créature consiste en ce que, en vertu de cette connaissance et de cet amour, elle se réjouit à la fois et de la gloire intérieure de Dieu et de ce que Dieu est glorifié au dehors.

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L'Ecriture énonce aussi cette doctrine dans une multitude de passages.

Et le Seigneur t’a aussi choisi aujourd’hui, afin (...) qu’il te rende le peuple le plus illustre de toutes les nations qu’il a créées pour sa louange, pour son nom et pour sa gloire

Étant remplis du fruit de justice par Jésus-Christ, pour la gloire et la louange de Dieu

nous ayant prédestinés à être ses fils adoptifs, par Jésus-Christ, pour lui-même, selon le bon plaisir de sa volonté, 6 à la louange et à la gloire de sa grâce

Vous êtes digne, Seigneur notre Dieu, de recevoir la gloire, et l’honneur et la puissance, car c’est vous qui avez créé toutes choses, et c’est par votre volonté qu’elles existent et qu’elles ont été créées.

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Où la subordination de la félicité des créatures à la glorification de Dieu se révèle le plus nettement, c'est dans les êtres personnels : quand ils ne consacrent pas leur liberté à rendre à Dieu l'honneur qui lui est dû, Dieu se le procure lui-même en faisant d'eux, contre leur gré, des instruments de sa gloire. Comme ils perdent la félicité par le châtiment qu'ils endurent, ils manqueraient absolument leur but, si la félicité était le but suprême. Or la sagesse divine ne permet pas que ses desseins soient ainsi anéantis, et de là vient que la gloire de Dieu, qui peut et doit être atteinte en toute circonstance, est la fin suprême et dernière de la création.

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III. Les êtres impersonnels ou matériels sont, d'après ce qui vient d'être dit, inférieurs aux êtres personnels. Ils n'ont pas leur but en eux-mêmes aussi parfaitement que ceux-ci. De là vient que le but des choses matérielles, la fin à laquelle elles doivent servir se trouve non-seulement en Dieu, mais aussi dans la créature raisonnable. Elles ne sont pas seulement un royaume de Dieu, mais un royaume des hommes. Cette expression: "Tous les êtres ont été créés pour manifester la gloire de Dieu", s'entend souvent, presque toujours, en ce sens que cette manifestation doit de toute nécessité être connue et appréciée d'un être intelligent ; que si les choses matérielles peuvent être considérées comme une manifestation de la gloire de Dieu, c'est uniquement dans leur rapport à la créature raisonnable et spécialement à l'homme. Cependant, la révélation de l'idée d'un artiste par son œuvre n'a pas lieu seulement quand il s'y propose de la rendre visible pour autrui, il en est de même pour les œuvres de Dieu. Cette pensée mérite d'autant plus d'attention que la majeure partie de la création matérielle demeure cachée à l'homme. 

Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament publie les œuvres de ses mains.

L'ordre et l'enchaînement des rapports des êtres avec leur but sont magnifiquement décrits par Lactance, Instit., livre 7, ch. 6 : "Le monde a été fait pour que nous puissions y naître. Nous sommes nés pour connaître Dieu. Nous connaissons Dieu pour l'adorer, nous l'adorons pour gagner l'immortalité, nous gagnons l'immortalité pour que, devenus semblables aux anges, nous puissions servir notre Père et Seigneur à jamais dans le royaume éternel des Cieux".

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Section 116. Direction et gouvernement de la Providence divine.

I. De ce que l'univers, dans son ensemble comme dans ses détails, dépend essentiellement de Dieu par son existence, sa durée et ses œuvres, il s'ensuit qu'il doit se laisser gouverner par lui et qu'il a besoin de l'être pour atteindre à sa destination. Le gouvernement du monde n'est pas autre chose que l'exercice de la Providence à son égard.

II. Le gouvernement providentiel du monde, est un principe fondamental de la foi, en même temps qu'une vérité rationnelle. Pour la conscience religieuse, le nom de Dieu et le nom de « Providence » sont synonymes.

À l'encontre des déistes modernes qui nient toute espèce de gouvernement de Dieu sur le monde, ou qui le restreignent à une contemplation oisive de la marche de l'univers, le concile du Vatican a défini cette doctrine dans ses traits généraux : "Or, tout ce qu'Il a créé, Dieu le protège et le gouverne par sa Providence « atteignant avec force d'une extrémité à l'autre et disposant toutes choses avec suavité »" (Constitution De Fide, chap. 1).

Cette doctrine étant la base de toutes les relations vivantes de l'homme avec Dieu, est relevée par l'Écriture dans un si grand nombre de passages, qu'il est à peine possible de grouper les principaux. Voir surtout Ps. 135 et Matth. 6:25.

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III. Voici maintenant un résumé des particularités les plus importantes de cette belle et capitale doctrine.

III. 1. Le gouvernement providentiel du monde est, par rapport aux sujets gouvernés, absolument général ; il ne s'étend pas à telle partie du monde, mais au monde entier. Il n'est pas seulement général, il ne se borne pas à embrasser le monde dans son ensemble ; il est encore particulier, il s'étend à chaque être individuel, aussi parfaitement que s'il n'avait que lui à gouverner. De plus, le gouvernement de la divine Providence est immédiat en ce qui concerne les relations entre le gouvernant et les gouvernés ; Dieu connaît directement chaque créature particulière et influe directement sur elle.

Le gouvernement providentiel du monde ne se borne pas à prescrire des lois et à fournir des moyens pour atteindre le but où tendent les créatures ; il dispose encore, en vertu de la toute-puissance et de la sagesse de Dieu, de toutes les circonstances, de toutes les conditions sous lesquelles les créatures doivent agir et agissent dans chaque cas particulier ; de sorte qu'elles n'arrivent jamais dans une situation et ne peuvent jamais poser un acte qui n'ait été prévu de Dieu, amené ou permis par sa libre volonté, et dont la réalisation effective n'ait été d'avance approuvée de lui comme applicable à l'exécution de ses desseins généraux ou particuliers.

Toutefois, le gouvernement providentiel du monde ne supprime pas l'activité propre des êtres gouvernés, il l'a au contraire positivement en vue ; il laisse à la créature raisonnable l'exercice de sa liberté dans la sphère d'action qui lui appartient, mais en la faisant entrer directement dans son plan.

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III. 2. Par sa direction, le gouvernement providentiel vise toujours à conserver et à procurer le bien des êtres particuliers ou à leur faire atteindre leur but final ; mais il le fait de telle sorte qu'il a constamment en vue le bien ou la beauté de l'ensemble de l'univers, ainsi que le rapport de l'univers à sa fin dernière, qui est la gloire de Dieu. Sous ce dernier rapport, on peut trouver dans le plan quantité de choses qui semblent convenables ou désirables, et qui, à un point de vue plus étroit, apparaissent comme un mal pour les êtres particuliers. Dieu peut même permettre le péché, non-seulement en le faisant servir à ses fins, mais en se faisant glorifier à cette occasion dans un autre sens.

III. 3. Les signes qui attestent le gouvernement providentiel éclatent dans l'ordre invariable de la nature sensible et des organismes vivants. Cela est moins visible dans le gouvernement des êtres personnels, par ce que la liberté humaine brouille les choses.

III. 4. L'homme doit donc, en une foule de points, croire avec confiance à l'intervention du gouvernement divin, à la sagesse, à la bonté et à la justice de ses vues, bien qu'il n'en découvre aucune trace au dehors, ou qu'il ne puisse comprendre dans tel cas particulier comment cette intervention se concilie avec la sagesse, la bonté et la miséricorde de Dieu. Cette confiance, qui est de l'humilité en face de la justice, et un abandon complet en face de la bonté, est chez les créatures raisonnables la condition la plus importante pour que la divine Providence déploie envers elles sa plus tendre sollicitude.

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Section 117. Conformité du monde avec le plan divin.

I. Dieu n'a pas produit le monde à l'aveugle, mais selon un plan déterminé ; il en a fait l'expression d'une idée divine, en même temps que l'expression d'une idée artistique, car la fin dernière du monde n'est pas une fin d'utilité, mais la réalisation d'une œuvre bonne et belle en elle-même. Or, comme les idées divines ne peuvent avoir pour objet que l'imitation de l'idéal, qui est Dieu même, et que le monde a précisément pour objet de représenter au dehors la beauté et la magnificence divine, le monde doit être, dans son ensemble comme dans ses détails, un rayonnement de l'éclat et de la splendeur suprême.

II. Les objets créés doivent, en tant qu'ils tiennent de Dieu ce qu'ils sont ou ce qu'ils deviendront, lui ressembler en quelque manière ; ils ne peuvent donc être que bons et beaux. Toutes les imperfections par lesquelles la créature est dissemblable à Dieu, ne viennent pas de Dieu, mais du non-être où se trouvait originairement la créature et d'où elle n'est sortie que parce que Dieu l'a transférée dans l'être.

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III. Toute créature, étant essentiellement finie et bornée, ne peut imiter son idéal que d'une manière inadéquate et imparfaite. Il est donc conforme au but de la création, que celle-ci comprenne une grande variété d'êtres, afin que la perfection de Dieu s'y reflète de diverses manières et dans plusieurs directions. Les êtres spirituels sont une image formelle de Dieu, tandis que les êtres matériels ne sont qu'un reflet (vestigium) obscur de leur idéal. De plus, les êtres spirituels savent qu'ils sont l'image de leur idéal et ils connaissent cet idéal ; les êtres matériels ne font que montrer et faire connaitre aux autres cet idéal.

L'homme rencontre en lui les deux formes de la représentation de Dieu ; la forme inférieure est complétée et transfigurée par la forme supérieure, et de son côté la forme supérieure se déploie et se grave avec plus de variété dans la forme inférieure. L'esprit de l'homme, comme principe formateur et vivifiant du corps, représente le rapport de Dieu au monde en tant que créateur, et la part que prend le corps à la génération d'un être nouveau de même espèce représente la fécondité générative de Dieu. Si dans les esprits affranchis d'un corps, l'image de Dieu est plus pure et plus noble, elle est dans l'homme plus complète et plus variée.