John Lane sur la visibilité de l'Église

chartreux
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John Lane sur la visibilité de l'Église

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John Lane traduit par le chartreux a écrit : La visibilité de l'Église et son invisibilité aux libéraux

L'autre jour, un utilisateur se faisant appeler "TOFP" a publié sur un forum l'intéressant commentaire suivant :
L'Église est une unité sociale hiérarchisée et visible. Ce n'est pas une entité mystérieuse et invisible cachée à l'intérieur de l'Église visible, dont les membres sont détérminés par je ne sais quel libre examen.
À première vue il n'y a rien là que de très direct et raisonnable. Mais nous allons voir que c'est un sophisme composé d'une vérité suivie de prétendues conséquences absurdes et incohérentes.

Il est certes vrai que l'Église est une unité sociale hiérarchisée et visible. C'est même une très bonne façon de résumer plusieurs notes reliées entre elles de l'Église. Développons ces notes, ce qui nous permettra ensuite de juger la vérité et la cohérence de la seconde phrase citée ci-dessus.
Dernière modification par chartreux le mer. 30 août 2017 17:09, modifié 1 fois.
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John Lane traduit par le chartreux a écrit :
Quand nous disons que l'Église est visible, nous exprimons deux choses. Premièrement qu'il y a des éléments perceptibles par les sens, et deuxièmement que ces éléments sont reconnaissables comme appartenant en propre à un corps social particulier. Il y a une troisième vérité connexe que nous devons considérer ici, c'est que l'Église enseigne que ce corps social particulier reconnaissable à certaines caractéristiques extérieures ou encore notes, est exactement l'Église qui a été créée par NSJC. Résumons : il y a des notes extérieures ; ensemble elles constituent un signe évident d'une certaine société ; et cette société est identique à celle fondée par le Christ. Ou, pour dire les choses dans l'ordre habituellement utilisé dans les manuels d'apologétique, nous savons par les Écritures que Notre Seigneur a établi une société parfaite qui est une, sainte, catholique et apostolique ; ses notes sont des marques vérifiables extérieurement et qui lui sont essentielles, si bien qu'elle ne peut être privée d'aucune de ces notes ne seraient-ce qu'un instant ; dès qu'un personne constate ces quatre notes, elle peut en toute sécurité identifier l'Église établie par Notre Seigneur ; elle est même obligée de le faire pour pouvoir être sauvée.
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John Lane traduit par le chartreux a écrit :
Or, toute la chaîne de ce raisonnement est fondée sur une compréhension de la nature humaine que l'on pourrait appeler thomiste-aristotélicienne mais qui n'est au fond que du bon sens. L'homme tel qu'il se connaît spontanément et naturellement, voilà l'homme tel que décrit par la scolastique. Quel est cet homme ? C'est une créature rationnelle, il possède l'usage de la raison. L'esprit humain reçoit des sensations externes, perçoit certaines réalités dans ces impressions, forme des idées ou concepts qui expriment ces réalités, et enfin compare ces idées entre elles. On pourrait dire ces choses en un langage plus technique, et parler de fantasmes, d'intellect et d'intelligible, et du processus d'abstraction etc, mais cela ne nous serait pas utile ici. Ce qu'il est important de savoir, c'est que dans cette description traditionnelle de la façon dont l'homme connaît les choses, il y a un point où les comparaisons aboutissent finalement à un jugement, jugement qui est le rôle le plus important de notre intellect.
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John Lane traduit par le chartreux a écrit :
La formation d'un jugement est assez simple en fait. On compare une idée (par exemple la notion abstraite d'une "personne catholique") avec une autre idée (telle personne concrète devant moi, qui dit qu'il ou elle sait que l'Église dit "X" mais que lui ou elle croit "Y"). L'esprit humain ne peut s'empêcher de former spontanément des jugements. Même quand il décide que tel ou tel jugement est hors de son atteinte pour l'instant, cela est déja en soi un jugement, une conclusion de l'acte de raisonner. "Pour former un jugement il faut être certain ; mais je n'arrive pas en ce moment à arriver à une certitude à ce sujet, donc je ne puis former un jugement sur ce sujet pour l'instant". Nous sommes des êtres doués de raison, d'une raison qui fonctionne comme Dieu l'a voulu, que cela nous plaise ou non.
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John Lane traduit par le chartreux a écrit :
S. Thomas explique qu'"il y a la raison spéculative et la raison pratique : les deux comportent une appréhension ou découverte de la vérité, suivie d'un jugement sur cette vérité. En ce qui concerne l'appréhension, la raison spéculative est perfectionnée par la compréhension, tandis que la raison pratique est perfectionné par le "conseil". En ce qui concerne le bien juger, la raison spéculative est perfectionnée par la sagesse, tandis que la raison pratique est perfectionné par le savoir." Le docteur angélique distingue donc ici deux opérations dans l'intellect, la première étant la simple appréhension (comprendre ce qu'il y a) et la seconde étant le jugement (comparer ce qu'il y a avec une autre chose qu'on sait être vraie).


Il devrait être suffisamment évident à ce stade que l'injonction "Ne jugez pas!" si chère aux libéraux, est au mieux quelque chose qui va contre la nature humaine, et au pire une hérésie. L'Écriture nous dit de "juger avec justice". S. Jérôme écrit que "Le Christ ne nous défend point de juger, mais nous dirige dans notre jugement. Quand la chose ne nous concerne pas, nous ne devons pas nous charger de juger. Quand une interprétation favorable est possible, nous ne devons pas condamner. Les magistrats et les supérieurs, dont l'office et le devoir exigent d'eux qu'ils jugent les fautes, doivent être guidés par les preuves certaines, et toujours pencher vers la miséricorde quand il y a des circonstances atténuantes. Les vicieux impudents et les pécheurs notoires doivent être condamnés et réprouvés par tous". Ce dernier point montre que certains jugements peuvent et doivent être faits même par de simples individus.

On pourrait multiplier indéfinement de telles citations, ne serait-ce qu'en regardant la section "jugement téméraire" des manuels de théologie morale. McHugh et Callan expliquent à ce sujet qu' "un jugement est soit public soit privé. (a) Un jugement public est rendu par un juge investi de l'autorité nécéssaire pour contraindre les deux parties en litige à se conformer à ses décisions. (b) Un jugement privé est rendu par des personnes sans autorité publique concernant la moralité ou les actes des autres." On ne trouve nulle part chez tous ces auteurs une interdiction de pratiquer le jugement privé (ou "libre examen") en ce sens catholique et légitime.
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John Lane traduit par le chartreux a écrit :
Ayant compris cela et retournant à nos considérations apologétiques, nous voyons comment Dieu a tout disposé avec une justice parfaite, et une bonté inépuisable, pour rendre facile à toutes les personnes de bonne volonté d'arriver au minimum à savoir sur l'Église pour être convaincu de la nécéssité de chercher et de trouver le salut éternel. Il a créé d'une part l'homme avec sens et intellect, et d'autre part la révélation divine prouvée par des miracles publics. Il assure l'accès pour tous à cette révélation et aux faits miraculeux, dans des documents historiques fiables. Tout ce qu'Il attend de ceux qui sont hors de l'Église, c'est qu'ils examinent les données impartialement, en tirent les conclusions qui s'imposent, et agissent en conséquence.

Quelles sont ces données ? Maintenant que nous avons rapidement mentionné la révélation et ses preuves, passons au contenu de cette révélation, savoir les quatres notes de l'Église. Reproduisons ici l'explication de S. Robert Bellarmin dans ses fameuses Controverses :
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John Lane traduit par le chartreux a écrit :
S. Robert Bellarmin a écrit : L'Église est une société bien définie, non d'anges ou d'esprits mais d'hommes. Elle ne saurait donc être appelée société humaine sans qu'il y ait des signes extérieurs et visibles d'appartenance à cette société. Comment pourrait-on parler de société si les membres ne pouvaient se reconnaître entre eux ? Comme ce sont des hommes, ils n'ont d'autres moyens de se reconnaître entre eux que les liens sensibles et externes qui unissent cette société.
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John Lane traduit par le chartreux a écrit :
Quels sont ces liens ? Il y en a deux, la foi et la charité. John Salza, un Américain qui se dit Scripture Catholic , "catholique de l'Écriture", prétend qu'il y en a trois. Il aboutit à cette conclusion fausse en confondant les liens extérieurs de l'Église avec les trois conditions préliminaires pour appartenir à l'Église, savoir - la profession de foi, la fréquentation des sacrements et la soumission à la hiérarchie. En fait, il n'y a que deux liens et l'autorité écclesiastique est un facteur externe dont le rôle est de protéger et d'entretenir ces deux liens. S. Robert Bellarmin enseigne que ces deux liens de la foi et de la charité permettent aux membres de l'Église de se reconnaître entre eux. Or, tout cela n'aurait aucun sens en dehors de la philosophie traditionnelle de la nature humaine décrite plus haut. Car sans cette philosophie, il serait impossible de dire comment un individu pourrait savoir à partir de données sensibles si un autre individu est dans l'Église ou pas. Par ce qu'un tel savoir est un même temps un jugement, formé par la comparaison des contenus des idées de foi et de charité avec les paroles et attitudes d'une personne dont on veut savoir si elle est dans l'Église ou non.
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John Lane traduit par le chartreux a écrit :
Je pense qu'à ce stade on voit très clairement ce qui ne va pas avec la phrase citée au début de cet article : "[L'Église] n'est pas une entité mystérieuse et invisible cachée à l'intérieur de l'Église visible, dont les membres sont détérminés par je ne sais quel libre examen." Non, en effet, l'Église n'est pas cela. L'Église est une entité visible dont les membres sont connus avec certitude, par les moyens humains habituels de juger. Grâce à une règle objective et connue, les membres de l'Église sont capables de se reconnaître les uns les autres. Et comme le dit S. Robert Bellarmin, ils n'ont pas d'autre moyen de le faire. L'accusation de "libre examen" ou de "jugement privé" (allusion évidente au faux principe protestant) ne tient pas non plus, puisque ce dont il d'agit ici est une règle connue, publique, notoire, et non pas une règle choisie arbitrairement par l'individu qui juge. Si tous les jugements individuels sont des "jugements privés" au sens protestant, alors l'apologétique est sans objet, la raison humaine est impuissante, et l'Église ne peut être identifiée. Elle est objectivement invisible à ceux qui s'abstiennent d'user de leur faculté de juger.
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Re: John Lane sur la visibilité de l'Église

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John Lane traduit par le chartreux a écrit :
Un libéral ne sait pas faire la différence entre deux choses pourtant bien clairement distinctes, un jugement de l'intellect et un jugement judiciaire. Pourquoi donc ? C'est par ce qu'un libéral, qui n'a aucune idée claire de ce qu'est la loi, ne saisit pas l'importance de la responsabilité des individus libres, et s'imagine que les seuls jugements valides sont ceux qui sont rendus par une autorité publique. La différence essentielle entre un jugement de l'intellect et un jugement judiciaire, c'est que le second, ayant sa source dans le pouvoir, engage tout le monde, tandis que le premier, ayant sa source dans la conscience individuelle, n'engage que celui ou celle qui forme le jugement.
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