Débat Rama P. Coomaraswamy - Mère Teresa (1977)

chartreux
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Re: Débat Rama P. Coomaraswamy - Mère Teresa (1977)

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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit : De plus, dire que la messe traditionnelle (expression que je préfère) est la "messe de toujours" n'implique aucunement un mépris des rites orientaux, ou même de certains rites occidentaux alternatifs - que je valide implicitement au 9) de ma première lettre. Je n'ai pas d'objection contre l'idée d'obliger les fidèles à utiliser l'un ou l'autre de ces vénérables rites (excepté que ce serait sans raison). C'est le Novus Ordo Missae et lui seul que je conteste. Ces autres rites vénérables sont aussi des formes de la "messe de toujours" ; et quand je n'ai pas de vraie messe romaine à disposition, j'assisterais sans hésitation à une messe catholique de rite oriental.

Par ailleurs, le Quo Primum du Pape Saint Pie V reconnait aussi la validité des autres rites. Je cite :
Quo Primum a écrit : on ne chante ou ne récite d'autres formules que celle conforme au Missel que Nous avons publié, même si ces églises ont obtenu une dispense quelconque, par un indult du Siège Apostolique, par le fait d'une coutume, d'un privilège ou même d'un serment, ou par une confirmation apostolique, ou sont dotées d'autres permissions quelconques ; à moins que depuis la première institution approuvée par le Siège Apostolique ou en vertu de la coutume, cette dernière ou l'institution elle-même aient été observées dans ces mêmes églises depuis deux cents ans au moins, d'une façon continue, pour la célébration des messes. Dans ce cas, Nous ne supprimons aucunement à ces églises leur institution ou coutume de célébrer la messe ; mais si ce Missel que Nous avons fait publier leur plaisait davantage, de l'avis de l'Évêque ou du Prélat, ou de l'ensemble du Chapitre, Nous permettons que, sans que quoi que ce soit y fasse obstacle, elles puissent célébrer la messe suivant celui-ci.
Si seulement Paul VI avait été aussi tolérant - la messe traditionnelle est une loi depuis 400 ans, et une coutume depuis deux millénaires.

Et puisque ton représentant mentionne le rite ambrosien qui est encore en usage à Milan, je t'informe que d'après l'illustre abbé Guéranger, il y a eu deux tentatives "en bonne et due forme" d'abroger ce rite. Le refus des Milanais d'accepter les directives de Rome (directives promulguées pendant les règnes de Nicolas II (1058) et Eugène IV (1431)) dégénéra en une quasi-"guerre civile" ! Dom Guéranger commente que "Rome fut contrainte de reconnaître la légitimité de la résistance et d'accéder aux justes demandes des Milanais (...) Il n'y a rien de plus légitime que le souhait de prier en utilisant les mêmes prières et les mêmes rites que ses ancêtres" (Institutions Liturgiques). Dom Guéranger n'est peut-être pas un "auteur approuvé" par la Nouvelle Église, mais c'était l'un des écrivains spirituels favoris de S. Thérèse de Lisieux, "la plus grande sainte des temps modernes" d'après S. Pie X.

Passons maintenant aux preuves que la description du Novus Ordo Missae que j'ai faite plus haut est exacte.
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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit : 1) Ton représentant dit qu'"il n'est pas vrai que la révision de l'Ordo Missae ait été faite par six non-catholiques". Je n'ai pas dit que ces six non-catholiques avaient fait cette révision tout seuls, mais qu'ils y avaient participé. Les preuves de ce tristement célèbre fait se trouvent la Documentation Catholique du 3 mai 1970 où il y a une photo de Paul VI avec les six personnes que j'ai nommées dans ma première lettre. La même source donne une citation où le Pape remercie ces personnes d'avoir "ré-édité les textes liturgiques, soit en utilisant des textes liturgiques qui ont fait leurs preuves, soit en instituant des formules entièrement nouvelles ... donnant ainsi une plus grande valeur théologique aux textes liturgiques, de sorte que la lex orandi corresponde mieux à la lex credendi". Cela veut clairement dire que la lex credendi a été changée, ou bien que les textes liturgiques d'avant 1969 n'était pas satisfaisants sur le plan de la précision théologique !

2) En ce qui concerne mon affirmation que le Novus Ordo est un mélange habile des rites inventés par Luther et Cranmer, je vais montrer plusieurs points qui étayeront mon propos et qui en même temps répondront aux objections de ton représentant.
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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit : 2a) Ton représentant dit que "la deuxième prière eucharistique est essentiellement basée sur la prière eucharistique du début du IIIème siècle attribuée à Hippolyte". C'est un parfait exemple de mensogne par omission dont la Nouvelle Église est si coutumière.
[Note de Rama C. : ma réference pour ce point est The Canon of the Mass and Liturgical Reform, Cipriano Vagaggini, Alba House, New York, 1967).] [Autre note de Rama C. : je démontre clairement le caractère très-douteux des recontructions de la liturgie d'Hippolyte dans mon essai sur le sacrement de l'ordre.] Comparons les deux :
PRIÈRE ORIGINALE D'HIPPOLYTE PRIÈRE ACTUELLE DU NOVUS ORDO
Vraiment, Père très saint,
Nous te rendons grâce, O Dieu, il est juste et bon de te rendre grâce,
toujours et en tout lieu,
par ton Fils bien-aimé, Jésus Christ par ton Fils bien-aimé, Jésus Christ :
qu'en ces jours tu nous as envoyé
comme Rédempteur et Sauveur,
et pour nous montrer ta volonté
Il est ta Parole inséparable de Toi Car il est ta Parole vivante,
par qui tu as créé toutes choses par qui tu as créé toutes choses;
c'est lui que tu nous as envoyé
comme Rédempteur et Sauveur,
Dieu fait homme, conçu de l'Esprit Saint,
Dans ta bonté, tu l'as envoyé du Ciel
pour naître d'une Vierge
Conçu dans sa matrice
il a pris chair et été révélé
comme Ton Fils, né de la Vierge né de la Vierge Marie
et de l'Esprit Saint
Pour accomplir jusqu'au bout ta volonté
pour rassembler et rassembler du milieu des hommes
un peuple saint qui t'appartienne un peuple saint qui t'appartienne,
il étendit les mains en souffrant il étendit les mains à l'heure de sa passion
pour délivrer de la souffrance
tous ceux qui ont foi en Toi
Au moment d'être livré
et d'entrer librement dans sa passion
afin que soit brisée la mort afin que soit brisée la mort,
que soit coupés les liens du péché
et écrasé le pouvoir de l'enfer
Et pour conduire les justes à la
lumière, et faire une alliance avec eux
et que la résurrection soit manifestée et que la résurrection soit manifestée.
C'est pourquoi,
avec les anges et tous les saints,
nous proclamons ta gloire,
en chantant (disant) d'une seule voix
Saint ! Saint ! Saint ,
le Seigneur Dieu de l'univers !
Le ciel et la terre
sont remplis de ta gloire.
Hosanna au plus haut des cieux.
Béni soit celui
qui vient au nom du Seigneur.
Hosanna au plus haut des cieux.
Toi qui est vraiment saint,
Toi qui est la source de toute sainteté.
Seigneur, nous te prions :
Sanctifie ces offrandes
En répandant sur elles ton Esprit,
qu'elles deviennent pour nous
le corps et le sang
de Jésus, le Christ, notre Seigneur.
il prit le pain il prit le pain, il rendit grâce,
il le rompit il le rompit
et le donna à ses disciples, en disant :


Et bien que cela n'ait aucune incidence sur la validité du rite d'Hippolyte, remarquons avec Jungmann qu'"Hippolyte laissa ses adhérents le faire antipape". Jungmann note aussi que "puisqu'il mourut martyr par la suite, on peut logiquement en déduire qu'il rentra dans l'unité de l'Église avant de mourir" (citation tirée de The early liturgy). Le père John Barry Ryan, un moderniste liturgiste, traite franchement Hippolyte de "schismatique" et note aussi que si la prière d'Hippolyte était un "modèle", l'anaphore numéro 2 actuelle est un "création nouvelle". Ryan nous informe aussi que le premier qui suggéra l'utilisation de cette prière n'est autre que Hans Kung, et que sa proposition initiale était différente de celle utilisée aujourd'hui. Quels beaux débuts !
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Re: Débat Rama P. Coomaraswamy - Mère Teresa (1977)

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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit : Tu diras sans doute que les changements sont "mineurs". Mineurs ou pas, les changements sont exactement ce qu'il faut pour rendre la prière compatible avec la théologie anglicane. Je passe rapidement sur la supression de phrases comme "couper les liens du péché et écraser le pouvoir de l'enfer". Le plus choquant est l'addition des mots pour nous (unto us). Dans la première édition du Livre de Prières de Cranmer, il faisait précéder les paroles de consécration de la phrase suivante : "O Père clément, entends-nous ; par ton Saint-Esprit et ta Parole daigne bénir et sanctifier ces présents du pain et du vain, qu'ils puissent être changés pour nous (unto us) en le corps et le sang de ton fils bien-aimé, Jésus-Christ." On a reproché à Cranmer que cette phrase pouvait être entendue en un sens catholique de transubstantiation ! À cela Cranmer répondit avec indignation : "Notre prière ne demande pas que le pain et le vin soient changés absolument en le corps et le sang du Christ, mais qu'ils soient pour nous dans ce saint mystère ; que ce soit comme si nous avions mangé le corps et bu le sang du Christ, et que nous soyons nourris spirituellement en esprit et en vérité." (il est bien vrai comme le disait le théologien T. M. Parker que la "messe" anglicaine était "un ingénieux tissu d'ambiguités").

Certes, la canon romain traditionnel dit nobis : le Quam Oblationem dit "Nous vous en supplions, ô Vous, notre Dieu, qu'il Vous plaise de faire que cette oblation soit pleinement bénie, agréée, ratifiée, raisonnable et acceptable ; afin qu'elle devienne, pour nous, le Corps et le Sang de votre Fils bien‑aimé, Notre Seigneur Jésus‑Christ." Mais il n'y a là aucune ambiguité sur le sens, par ce que la transsubstantiation a été préparée par les magnifiques Te Igitur, Momento Domine et Hanc Igitur. Dans le deuxième Livre de Prière de Cranmer en revanche, ainsi que dans l'anaphore 2 du Novus Ordo, ces prières sont omises. Cette partie de la nouvelle "messe" est donc strictement cranmérienne. Pour la consécration il n'y a absolument aucune préparation. Après le Benedictus, le célébrant dit simplement, "Toi qui est vraiment saint, Toi qui est la source de toute sainteté" et tout de suite après passe à "Sanctifie ces offrandes, en répandant sur elles ton Esprit, qu'elles deviennent pour nous ..." (ces mots ne sont pas dans l'original hippolytien - et pourquoi les a t-on ajoutés si ce n'est pour conformer la prière à la théologie anglicane). Dans le canon romain il est absolument impossible d'entendre nobis au sens cranmérien, dans l'anaphore 2 il est à peu près impossible d'entendre "pour nous" autrement que dans un sens cranmérien. Il est encore plus choquant que l'instruction conciliaire nous commande de faire de ce pseudo-canon anaphore-numéro-2 la norme habituelle et ordinaire, et aussi celle qui est utilisée dans la catéchèse des jeunes.
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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit : 2b) Ton représentant dit que "C'est Jésus lui-même qui a associé l'idée d'action de grâces à la Cène ; le mot «eucharistie» ne signifie rien d'autre qu'«action de grâces», et est utilisé depuis des siècles par l'Église dans le contexte de la messe." Je suis d'accord que l'idée d'«action de grâces» vient du Christ lui-même, mais je ne suis pas d'accord que cette idée est centrale dans la messe. Permets-moi d'ajouter que cette citation de ton représentant est pleine de cette ambiguité si typique du Novus Ordo Missae. Il n'y a aucune partie en particulier de la phrase qui soit franchement érronnée, mais l'ensemble donne clairement une impression hérétique. Comme le dit le canon 8 du chapitre 8 de la 13ème session du concile de Trente, "Si quelqu'un dit, que Jesus-Christ présenté dans l'Eucharistie, est mangé seulement spirituellement, et non pas aussi sacramentellement, ni réellement : qu'il soit anathème." La messe est beaucoup plus qu'une action de grâces, et si nous remercions Dieu bien sûr pour l'eucharistie, celle-ci est le corps même du Christ. Tu es certainement au courant que les théologiens anglicans comme les luthériens nient le caractère "sacrificiel" de la messe au sens catholique. Leur terminologie fourmille d'ailleurs de phrases volontairement ambigües et trompeuses - comme "sacrifice de louanges et d'actions de grâces". Cette phraséologie protestante est constante dans le Novus Ordo, particulièrement dans les traductions anglaises de l'ICEL, qui sont officiellement approuvées par l'Église. Ainsi, dans le Quam Oblationem qui précède immédiatement la consécration dans deux des quatres canons nouveaux et faux, les mots "agréée, ratifiée, raisonnable et acceptable" sont traduits par "truly spiritual (vraiment spirituel)" ou par "acceptable pour Toi, une offrande en esprit et en vérité (in spirit and in truth)." Outre le fait que ce sont des traductions érronnées, ces expressions truly spiritual et in spirit and in truth sont sans doute neutres dans l'absolu ; mais dans le contexte historique de la Réforme elles deviennent de très-sérieux outrages à la majesté divine. Wyclif, Ridley, Coverdale, Cranmer, Latimer, Grindall, Tewell, Beacon et le livre de Prières anglican utilisent tous cet épithète de "spirituel" avec l'intention pleinement consciente de nier la transsubstantiation. Je te re-cite Cranmer :
Cranmer a écrit : Notre prière ne demande pas que le pain et le vin soient changés absolument en le corps et le sang du Christ, mais qu'ils soient pour nous dans ce saint mystère ; que ce soit comme si nous avions mangé le corps et bu le sang du Christ, et que nous soyons nourris spirituellement en esprit et en vérité.

De même, dans le nouveau canon on insère gratuitement une idée de louange qui est absente de l'orginal latin, et qui vient de Luther, qui disait que "la messe peut être dite un sacrifice, si on l'entend comme un sacrifice de louanges et d'actions de grâces, non effectif, non propitiatoire" (De Use. Sacram Euch. Salutari). Chacune de ces "innovations" prise isolément serait sans doute inoffensive et "innocente", mais l'ensemble entier nous oblige à conclure que l'on est train de protestantiser la messe (ou plus exactement que nous sommes devant le fait accompli).
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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit :

2c) Tu trouveras peut-être que cette accusation est exagérée. Pour mieux te convaincre je te cite des informations tirées de la fameuse étude du p. Grisar. Luther traitait la messe de toujours d'"abomination" et de "culte faux et blasphématoire", et instruisait les puissants qui l'écoutaient de "combattre les idolâtres" et d'anéantir leur culte autant que possible. Malgré cette position hostile, le culte luthérien d'aujourd'hui ressemble beaucoup à la messe de toujours, et continue d'ailleurs d'être appelée "messe" dans les pays scandinaves. Comme le note Grisar,
P. Grisar a écrit : Quelqu'un qui entrerait dans une église paroissale de Wittenberg après la victoire de Luther verrait les mêmes vêtements sacrés et entendrait les mêmes hymnes latins anciens. L'hostie était élevée et exhibée à la consécration. Au peuple cela paraissait être la même messe qu'avant, mais pourtant Luther avait supprimé toutes les prières exprimant le rôle sacrificel. On s'abstenait volontairement d'informer le peuple à ce sujet. Luther disait "Nous ne pouvons pas éloigner tout de suite les petites gens du sacrement, et cela continuera sans doute longtemps, tant que l'évangile n'est pas bien compris". Il décrivait le rite de célébration de la messe comme "une chose purement extérieure" et affirmait aussi qu' "il est d'autant plus aisé d'omettre ces maudites paroles parlant de sacrifice que le chrétien ordinaire ne verra pas la différence, il n'y a donc aucun risque de scandale. Les mots en question, particulièrement ceux du canon, se prononcent de façon presqu'inaudible dans l'Église papiste."
Le culte luthérien actuel est basé sur le livre de prières de Luther, publié entre 1523 et 1526. Luther a conservé la première partie de la messe, mais supprimé l'offertoire. Il a également supprimé le canon et toutes les références à la nature sacrificielle du rite. Il a conservé la collecte, l'épître et l'évangile - et ajouté une troisième lecture. Le crédo est maintenu et suivi d'un sermon qui est la partie la plus importante du culte. On continue aussi d'utiliser les vêtements sacerdotaux et les chandelles, mais le latin et l'élévation de l'hostie ont disparu. Pour Luther la messe était "un sacrifice de louanges et d'actions de grâce" mais aucunement un sacrifice expiatoire renouvelant et effectuant à nouveau le sacrifice de la Croix. La transsubstantiation est expressément niée dans la doctrine de Luther, bien qu'elle ne le soit pas dans sa liturgie. Il ne s'est pas contenté de supprimer le canon, il a modifé aussi les paroles de consécration. Il a ajouté la phrase quod pro vobis tradetur (comme le fait le Novus Ordo) par ce qu'il trouvait que cela renforçait l'aspect "narratif" du culte. Il a supprimé le Mysterium fidei et les mots pro multis. Il a dit explicitement que tout le reste n'était qu'une partie du récit de la Cène. Il a inventé l'expression de "liturgie de la parole". Pour Luther, le pain reste du pain, et comme le dit son disciple Mélenchton, "le Christ a institué l'eucharistie pour que le souvenir de sa passion soit conservé, et c'est une idolâtrie d'adorer l'hostie." Luther a aussi institué la communion sous les deux espèces, la distribution de la communion par des laïcs hommes et femmes, l'usage de pain ordinaire pour le culte, l'usage de vases faits d'une substance quelconque, la supression de la pierre d'autel et son remplacement par une table recouverte d'un seul linge, la position "face au peuple" du prêtre, l'hostie laissé sur la patène plutôt que le corporal ; tous ces changements exprimaient son refus doctrinal d'accepter que la messe soit un vrai sacrifice et que la consécration effectue une transsubstantiation.
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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit :
2d) Venons-en maintenant aux réformés anglais. Ceux-ci ont été plus prudents, et disaient vouloir "éviter toute querelle douloureuse supplémentaire". Les catholiques anglais ont resisté beaucoup plus que les continentaux à en juger par le nombre de martyrs qui ont préféré mourir plutôt que de perdre leur messe. Il fallut même faire appel à des mercenaires étrangers pour massacrer les catholiques anglais résistants. Les prêtres qui persistaient à dire la messe de toujours furent pendus, habillés de tous leurs vêtements sacerdotaux, dans leur église. Quel noble sang a été versé !

Le premier livre de prières anglican prenait bien soin de ne pas être directement hérétique ; c'était un "ingénieux tissu d'ambiguités" comme le disait T. M. Parker que nous avons déja cité, le texte était fait pour que les plus conservateurs puissent mentalement le reconcilier avec leurs convictions et participer au nouveau rite en bonne conscience, tandis que les réformés pouvaient l'interpréter dans leur sens à eux, et y voir une préparation de l'étape suivante de la révolution religieuse.

Beaucoup de changements du rite anglican se retrouvent chez les autres réformés (les réformés continentaux et anglais correspondaient entre eux bien sûr), ainsi que dans le Novus Ordo Missae. Cranmer a lui aussi ajouté le quod pro vobis tradetur qui, s'il est présent dans certaines liturgies orientales, convient très bien à une interprétation de la messe comme simple "mémorial". Il a supprimé le Mysterium fidei, et traduit le benedixit ("il bénit", qui suggérait trop la transsubstantiation sans doute) par "il rendit grâce". Il a inventé l'"épiclèse", idée qui est complètement impossible dans la vraie messe romaine. Notons que dans les anaphores du Novus Ordo aussi, benedixit est traduit par "rendre grâce" ou bien par "prononcer la bénédiction", comme si le Christ avait dit le "bénédicité" avant le repas !
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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit :
2e) Au vu de tout ce que je viens de dire, je trouve vraiment extraordinaire l'affirmation de ton correspondant que "chaque prière eucharistique mentionne clairment le sacrifice du Christ, en disant « le sang versé pour vous (...) la nouvelle alliance »". La phrase dont il est question ici est bien sûr celle que Luther et Cranmer ont ajouté aux paroles de consécration, dans l'intention d'anéantir la portée sacrificielle de la messe - c'est le fameux quod pro vobis tradetur. Si ton représentant est de bonne foi, sa déclaration est une preuve évidente de plus de l'ambiguité du Novus Ordo Missae. Chacun peut y voir à peu près tout ce qu'il veut.
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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit :
2f) Ton correspondant prétend que je me suis contredit au sujet de ton affirmation que "Quelques gestes de plus ou de moins, quelques mots de plus ou de moins, n'affectent pas le messe et ne la changent pas". Je me suis relu et je ne vois pas où je me contredirais sur ce point. Même si les changements dans la messe n'avaient concerné que quelques mots ajoutés ou supprimés, souvenons-nous de ce qu'en dit le pape Léon XIII :
Satis Cognitum a écrit : Rien ne saurait être plus dangereux que ces hérétiques qui, conservant en tout le reste l'intégrité de la doctrine, PAR UN SEUL MOT , comme par une goutte de venin, corrompent la pureté et la simplicité de la foi que nous avons reçue de la tradition dominicale, puis apostolique


Mais dans le cas de la nouvelle "messe", nous ne sommes pas devant un ensemble discret de petites retouches ici et là ! Regardons un peu tout ce qui a été changé :

Le Novus Ordo a aboli l'offertoire, qui est l'une des parties les plus importantes de la messe traditionnelle. Le Suscipe Sancte Pater, le Deus Humanae, l'Offerimus Tibi, le Veni Sanctificator, le Lavabo (Ps. 25), et le Suscipe Sancta ont tous été supprimés. Lis ces prières dans ton ancien missel, et remarque combien il y a en elles de choses qui gênent la Nouvelle Église. On n'a conservé que l'Orate Fratres et le Suscipiat.

Et bien sûr, toutes les prières que l'on disait au pied de l'autel (qui est maintenant une table), l'Aufer a Nobis, le Munda Cor Meum et le Dominus Sit ont été enlevées. En ce qui concerne le canon, si le "président" choisit de ne pas utiliser "la prière eucharistique numéro 1" (dont on prétend faussement que c'est l'ancien canon romain), les six prières suivantes avant la "consécration" douteuse sont omises : les Te igitur, Memento Domine, Communicantes, Hanc Igitur, Quam Oblationem et le Qui Pridie. Après la consécration, les sept prières suivantes sont omises : Unde et quoque Peccatorius, Supro cuae Propitio, Supplices Te Rgamus Memento Etiam, Nobis quoque Peccatoribus, Per Quem haec Omnia et le Per Ipsum. Comme si cela ne suffisait pas, les prières suivantes qui suivaient l'oraison dominicale sont supprimées également ; les Liber Nos, Panem Coelestem, Quid Retribuam, le deuxième Confiteor et son Absolution (absolution qui est omise au début de la messe aussi). Les Domine non sum dignus du prêtre sont fusionnés en un seul. Sont également effacés les Corpus Domini, Quod Ore, Corpus Tuum, Placeat Tibi et le dernier évangile.

Et cette liste ne tient pas compte des changements faits à l'intérieur des prières qui ont été conservées (dont une partie a été discutée plus haut), ni les changements faits dans les paroles de consécration. Sans parler des nombreuses génuflections, signes de croix et versicles qui ont été supprimés. En calculant à partir de la liste ci-dessus, cela fait entre 70% et 80% de la messe traditionnelle qui a été effacé. Il m'est difficile alors d'accepter l'affirmation du Pape dont tu te fais l'écho - "que rien d'essentiel n'a été changé dans la messe ..."
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Re: Débat Rama P. Coomaraswamy - Mère Teresa (1977)

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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit :
3) Ton représentant écrit qu'"il n'est tout simplement pas vrai que les luthériens et les autres ne trouvent rien à redire théologiquement au Novus Ordo." Eh bien, je t'informe qu'au consistoire supérieur de l'église de la confession d'Augsburg d'Alsace-Lorraine, le 8 décembre 1973, les Protestants de cette église ont publiquement affirmé qu'ils étaient partants pour participer à "la célébration catholique eucharistique", par ce que la dite célébration leur permettait d'"utiliser ces nouvelles prières aucharistiques avec lesquelles ils se sentaient à l'aise". Et pourquoi se sentent-ils à l'aise avec ces prières ? Par ce qu'elles "ont l'avantage de rendre possible une interprétation théologique du sacrifice différente de celle qu'ils [les Protestants] était habitués à attribuer au catholicisme". D'ailleurs, tous les Protestants qui ont participé à l'écriture du Novus Ordo Missae (dont un était un membre du Conseil Mondial des Églises) utilisent cette nouvelle "messe" ; la communauté luthérienne de Taizé l'utilise habituellement et Frère Thurian a dit que "l'un des résultats atteints par le Novus Ordo Missae est que des non-catholiques pourront maintenant célébrer la Cène du Seigneur avec les mêmes prières que l'Église Catholique : théologiquement c'est possible" (La Croix du 30/05/1969).
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