Débat Rama P. Coomaraswamy - Mère Teresa (1977)

chartreux
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Re: Débat Rama P. Coomaraswamy - Mère Teresa (1977)

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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit : Malgré tout cela, j'entends encore ton correspondant crier "Vous n'avez pas démontré l'INVALIDITÉ !" Et j'en suis d'accord. Pour montrer qu'il y a invalidité, il me faut prouver que ces altérations de la substance CHANGENT LE SENS du rite. L'Église s'est exprimée nettement sur cette question, comme on le voit dans le catéchisme du concile de Trente et le chapitre V de De Defectibus (les rubriques officielles accompagnant le missel romain de S. Pie V)
De Defectibus, V a écrit : Si quelqu’un enlevait quoi que ce soit ou changeait quelque chose à la forme de la consécration du Corps et du Sang, et que par ce changement les paroles n’aient plus la même signification, il ne réaliserait pas le Sacrement ; s’il ajoutait ou enlevait quelque chose sans que cela ne change la signification, il le réaliserait indubitablement, mais il pécherait très gravement.
Il semble donc que changer "seulement" la substance, c'est-à-dire en omettre un mot ou une phrase, ne suffit pas de soi à invalider un sacrement. C'est seulement si le changement affecte le sens du rite qu'il y a invalidité. Telle est l'opinion de S. Thomas.
Summa IIIa, Q.60, art.8, rep.2 a écrit : Les paroles opèrent dans les sacrements selon le sens qu'elles offrent, nous l'avons dit. Il faut donc se demander si le changement en question supprime ce sens exigé, car, en ce cas, il est évident que la vérité du sacrement est supprimée.
Jusqu'ici, j'ai seulement démontré que la forme et la substance avaient été changées. Je n'ai pas encoré montré que le sens a été modifié. Cette importance du sens explique pourquoi l'Église n'a jamais nié la validité des variantes qui n'ont pas le mysterium fidei. Mon objectif est maintenant de montrer que "le changement en question supprime le sens exigé".

Comme le dit S. Thomas, les mots juste après "Ceci est mon corps (...) ceci est mon sang" sont des déterminations du prédicat. Si par exemple le prêtre disait "Ceci est mon corps, je veux dire par-là un symbole et non une réalité", il n'y aurait clairement pas consécration, par ce que la fin de la phrase ajouterait un prédicat invalidant. Dans le N. O. M., le remplacement de "pour beaucoup" par "pour plusieurs" est clairement un changement de prédicat qui "supprime le sens exigé". Il en découle donc suivant S. Thomas qu'"il est évident que la vérité du sacrement est supprimée".
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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit : Comme je l'anticipais dans ma deuxième lettre, ton correspondant et toi me répondez que "beaucoup" et "tous" c'est pareil, ou quelque chose d'approchant. Tu me diras que des études philologiques ont montré qu'il n'y avait pas de mot pour dire "tous" en araméen, ou que quand le Christ a dit "beaucoup", il voulait dire "tous". Je connais très bien tous ces arguments et j'ai été relire la référence que ton représentant donne (Zerwick, Analysis Philologica Novi Testamenti Graeci). À tout cela je réponds "Foutaises". Même un enfant comprend la différence entre beaucoup et tous. Aucune des 76 formes de consécration connues n'ont cette traduction érronnée (ou plutôt mensongère) et pourtant elles utilisent toutes sortes de langues. Le premier "érudit" qui a proposé une telle falsification si stupide de l'Écriture et de la Tradition est, à ma connaissance, Joachim Jeremias, et c'est cet individu que l'ICEL (International Committee for English in the Liturgy) cite comme autorité sur ce point [Note de Rama C. : on trouvera une excellente analyses des machinations de l'ICEL dans The Liturgy Club de Gary K. Potter dans le numéro de mai 1963 de la revue Triumph, qui est la publication officielle des "Catholiques Unis Pour la Foi", un mouvement conservateur dans la Nouvelle Église qui accepte le N. O. M. comme valide et approprié]. Ce Dr. Jeremias était protestant, bien évidemment. Ton correspondant croit-il vraiment que les apôtres et les premiers saints n'étaient pas suffisamment intelligents pour faire la différence entre "beaucoup" et "tous" ? Que je sache, aucune des dernières traductions de l'Écriture n'a remplacé un "beaucoup" par un "tous", et ton correspondant semble vraiment croire que "la traduction choisie dans la Vulgate n'est pas aussi claire qu'elle pourrait l'être" ? J'ajoute en appendice l'exposé de Patrick Henry Omlor sur cette question, exposé qui contient une excellente analyse philologique.

Pour revenir à des choses plus sérieuses, le fait que "pour tous" altère le sens du rite est mieux compris quand on se souvient de la différence entre efficacité et suffisance. C'est une vérité de foi que le Christ est mort pour tous les hommes sans exception. "C’est lui qui est une propitiation pour nos péchés ; et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier." (1 Jean 2:2). Cet acte est donc suffisant. C'est aussi une vérité que tous les hommes ne sont pas sauvés, mais certains sont damnés éternellement, et il en découle que l'efficacité ou effectivité de l'acte du Christ n'est pas communiquée à tous les hommes, mais seulement à ceux qui sont sauvés. C'est pourquoi S. Thomas affirme en Summa IIIa, q. 78, art.3 et ailleurs qu'au canon on ne dit pas "pour tous les hommes" mais "pour beaucoup". Ce n'est pas là une étourderie de sa part ou bien une opinion sans importance, puisque cela est expressément enseigné par le catéchisme du concile de Trente, par S. Alphonse de Liguori et par le Pape Benoît XIV. Ton correspondant pourra dire que ce n'est pas de fide definita, mais il ne trouvera aucune opinion contraire qui soit de fide, et il ne trouvera aucun appui chez les théologiens traditionnels de l'Église. L'opinion de S. Thomas n'est rien d'autre que le sentiment constant et unanime de l'Église. Et si ton correspondant rejette tout ce qui dans le catéchisme n'est pas de fide definita alors clairement lui et moi n'appartenons pas à la même église (les passages concernés du concile de Trente et de S. Alphonse de Liguori sont au 11) de ma deuxième lettre).
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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit : À plusieurs reprises, ton correspondant sous-entend que la seule chose qui soit essentielle à la validité est le bout de phrase "Ceci est mon corps ... ceci est mon sang". Je conviens que ces mots sont sont essentiels, et cela est démontré d'ailleurs par le fait qu'ils sont présents dans chacune des 76 formes. Affirmer qu'eux seuls sont indispensables, n'est qu'une simple opinion théologique, bien douteuse d'ailleurs. Sur le plan pratique, il serait peccamineux d'utiliser une "forme" qui ne contiendrait que ces mots, par ce qu'on ne peut pas utiliser une forme douteuse quand on connaît une forme certaine. En tout cas, le N. O. M. n'utilise pas ces mots de manière isolée, mais dans un contexte où la clause suivante détermine le prédicat. Prétendre que le N. O. M. préserve l'essentiel par ce qu'il a gardé ces mots est aussi faux que d'affirmer qu'une personne qui dit "Je ne crois pas en Dieu" n'est pas athée par ce que cette phrase contient les mots "Je ... crois ... en Dieu" ! Rien d'étonnant à ce que les théologiens spécifient bien "N'omettez rien de la forme, n'ajoutez rien, ne changez rien : prenez garde à ne jamais transmuter, corrompre ou intercouper les mots." (J. I. Hervé, Manuale Theologicae Dogmatica).

[Note de Rama C. : Et que dit Paul VI de tout ceci ? Je le cite : "Il faut bien comprendre les raisons de changements d'une telle ampleur dans la messe ... C'est la volonté du Christ, le souffle de l'Esprit qui appelle l'Église à cette mutation"(audience générale du 20 novembre 1959). Le terme de "mutation" utilisé par le Pape ici, en plus de sa connotation scientifique de "chose anormale", est un terme très familier à ceux qui sont formés en théologie. C'est un terme technique désignant précisément les choses qui invalident un sacrement. Pour citer le p. Félix Cappelli, s. j. , de l'université grégorienne dans son De Sacramentis : "mutatio substantialis materiae aut formae, reddit invalidum sacramentum. Accidentalis, contra, nunqun officit valori sacrameti; sed solum culpam inducit, gravem vel leve, modo voluntaria sit pro mutationis gravite aut parvitate... mutatio substantialis in forma contingit, quando sensus verborum idem manet; accidentalis, cum verba eundam sensum retinent.")]

L'importance de ce dernier point apparaît encore plus nettement si l'on considère un instant la matière du sacrement. La matière est ici le pain et le vin, ce qui est transsubstantié.
Summa IIIa, Q.60, art. 7, réponse a écrit : Puisque les sacrements requièrent des choses sensibles déterminées qui s'y comportent comme une matière, ils requièrent bien davantage une forme verbale déterminée.
Or, la matière du sacrement est au moins aussi importante que la forme. Je me demande comment ton répresentant réagirait à un changement de la matière. Puisque le vin est plus cher et plus difficile à trouver, peut-être devrions passer au Coca-Cola. Je suppose que cela ne le dérangerait pas le moins du monde, du moment qu'un tel changement serait avalisé par la Nouvelle Église.

Je traiterai de l'intention un peu plus loin ; nous pouvons être d'accord je pense que le ministre doit être un prêtre catholique correctement ordonné. Peut-être est-il besoin de préciser que quand je dis prêtre correctement ordonné j'exclus les ministres anglicans et luthériens.

Le sujet est la personne qui reçoit l'absolution dans la confession par exemple. Puisque dans le cas de l'eucharistie aucun acteur autre que le prêtre n'est essentiel, pas la peine de parler de sujet ici ...
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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit : De tout ce qui vient d'être dit, il découle que quand les paroles de consécration sont dites en latin, il n'y a pas nécéssairement de changement essentiel dans le sens du rite. Si l'on suppose donc que l'intention, le ministre et la matière sont corrects, et si le ministre veut bien dire "beaucoup" quand il dit multis, et en ignorant pour l'instant le contexte dans lequel les mots sont dits, il est bien possible que la consécration ait lieu. Mais quand ces mots sont dits en langue vernaculaire (je parle d'expérience en ce qui concerne l'anglais, l'italien, l'allemand et le français), on peut en toute justice être très sceptique concernant la réalité de la consécration. Et souviens-toi qu'il est illicite d'utiliser une forme douteuse quand on connaît déja une forme certaine. Et enfin, puis-je demander quel est le très-très faible pourcentage des messes du Novus Ordo qui sont dites en latin ? Je connais le cas d'un groupe de fidèles qui, perturbé par ces questions de validité, avait demandé des messes en latin au pasteur local, lequel avait répondu "Jamais de la vie, quelle idée saugrenue !"

L'accusation d'invalidité du N. O. M. est certes une accusation très grave, et pourtant elle n'a cessé d'être lancée depuis que le nouveau rite a été promulgué, il y a neuf ans de cela. Ton correspondant n'a pas réfuté cette accusation. En pratique, "LA SIMPLE APPARITION DE QUESTIONS OU DE DOUTES CONCERNANT LA VALIDITÉ D'UNE MANIÈRE PARTICULIÈRE D'ADMINISTRER UN SACREMENT, SI CETTE QUESTION INVOQUE UN DÉFAUT APPARENT DANS LA MATIÈRE OU LA FORME - IMPOSE DE S'ABSTENIR D'USER DE CETTE MANIÈRE DOUTEUSE D'EXECUTER LE SACREMENT, JUSQU'À CE QUE LES DOUTES SOIENT RÉSOLUS". On peut en dire autant, pari passu, des laïques qui reçoivent un sacrement douteux. "DANS L'ADMINISTRATION DES SACREMENTS, TOUS LES PRÊTRES SONT OBLIGÉS DE SUIVRE LE « MEDIUM CERTUM »" [Note de Rama C. : sur ce point je dois beaucoup au livre de Patrick Henry Omlor intitulé Questioning the Validity of the Masses using the New All English Canon. Pour se procurer cet excellent texte écrit par un simple laïque, mathématicien et père de huit enfants, écrire à TAN Books, P.O. 80x 424, Rockford Ill., U.S.A.]

Et enfin, je note en passant qu'aucun des changements concernant la messe et faits par Paul VI ne sont de fide definita. Il l'a dit clairement dans son allocution du 26 novembre 1969.
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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit : LE CONTEXTE DANS LEQUEL LES PAROLES DE CONSÉCRATION SONT DITES

Comme je l'ai dit plus haut, en latin les paroles de consécration du N. O. M. pourraient bien être valides. Cependant, le contexte dans lequel la consécration est faite n'est pas du tout un détail sans importance. Écoutons le docteur angélique, encore une fois :
Summa IIIa, q.78, art.1, conclusion finale a écrit : Il faut donc soutenir que si le prêtre ne disait que les paroles en question, avec l'intention d'accomplir ce sacrement, celui-ci serait réalisé, parce que l'intention ferait comprendre que ces paroles sont prononcées au nom du Christ, même si ce n'était pas signalé par le récit des paroles précédentes. Cependant ce prêtre pécherait gravement, comme n'observant pas le rite de l'Église.
Le contexte dans lequel les mots sont dits est donc important. Pour prendre un exemple extrême, un prêtre qui voudrait consacrer dans le contexte entièrement sacrilège d'une "messe noire" ne voudrait certes pas "faire ce que fait l'Église", et ainsi la validité de la consécration serait très-douteuse. De même, si un prêtre exécutait le culte luthérien en y mettant les paroles correctes de consécration, il commetrait un sacrilège et sa consécration serait au mieux très douteuse. Le contexte est donc très-important, et il faut regarder bien attentivement s'il est approprié ...

Certes, le sacrilège est devenu tellement courant dans la Nouvelle Église qu'il est presque la "norme" aujourd'hui, comme on peut le constater en allant au N. O. M. dans à peu près n'importe quelle paroisse d'Europe ou des États-Unis. Les laïques ont été tellement habitués à des attitudes très grossièrement irrespectueuses envers les hosties consacrées, que des choses qui auraient provoqué des émeutes il y a vingt ans ne suscitent plus aucune réaction aujourd'hui. Ton correspondant tout en reconnaissant ces sacrilèges prétendra que ce ne sont que des "abus". Personnellement je pense qu'il s'agit de conséquences toutes naturelles des changements qu'on a imposé aux laïques, mais je ne vais pas chipoter sur ce point. Je voudrais tout de même poser une question : ces prêtres qui consacrent en latin, dans le contexte du N.O.M. , commettent-ils un sacrilège ? Je suis conscient bien sûr que beaucoup d'entre eux agissent en toute bonne foi et qu'aucun sacrilège ne peut leur être subjectivement imputé. D'après la définition de l'encyclopédie catholique, un sacrilège est un traitement irrévérencieux de choses sacrées. Dans sa discussion sur le sacrilège, S. Thomas établit plusieurs distinctions, et remarque que comme l'eucharistie est la possession la plus sacrée de l'Église, un sacrilège qui concerne l'eucharistie est un "péché très grave" (Summa IIIa, q. 80, art.5). Au vu de tout ce que l'on peut dire des nouveaux ersatz de canon, de l'imitation presque littérale des liturgies de diverses sectes hérétiques qui rejettent la doctrine de la Transsubstantiation, et que se définissent même au fond par une haine viscérale de l'Église, je pense que cela forme un dossier très solide pour appuyer l'accusation de sacrilège.

Regardons un instant d'un peu plus près le contexte des paroles de consécration, aussi appelées "Récit de l'Institution" (ce qui est ambigu) dans le N. O. M. [Note de Rama C. : l'expression "récit de l'institution" est traditionnelle, mais est utilisé par les réformés et néo-réformés dans un sens dévié qui n'engage à rien doctrinalement.] Je vais maintenant citer un passage du livre The Great Sacrilege du p. Wathen. Je m'excuse pour la longueur de la citation, mais je ne pourrais pas mieux dire. [Note de Rama C. : ce livre n'a jamais reçu de réfutation ni même de réponse de la Nouvelle Église, malgré le défi ouvert de débat n'importe où et n'importe quand qu'il lance.]
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[Note du traducteur : dans la traduction qui va suivre, je vais m'inspirer très-fortement du travail déja fait par mon collègue Louis sur le forum Te Deum. Qu'il en soit remercié ici.]
P. Wathen, The Great Sacrilege, TAN Books, Rockford, III, 1971, traduit par le chartreux a écrit :
Pour se concentrer sur les mots en question, je passe rapidement sur les nombreux gestes de moindre révérence, de silence réfléchi, d’intimité ineffable, de l’impressionnante lenteur qu’exige le Missale Romanum du célébrant qui craint le sacré ; tout ceci ne peut être qu'archaïque, anti-social et de mauvais goût pour les « désacralisateurs ».

Premièrement, il doit être bien entendu que le Qui Pridie et la formule consécratoire dans la Vraie Messe ne sont pas, ni ensemble ni séparément, seulement un récit de la dernière Cène. Le Qui Pridie est la mise en place et la préparation en vue de la déclaration de la Formule de la Consécration, aussi bien que la prière dans laquelle le célébrant témoigne de l’unité essentielle de l’Institution du Sacrement avec le Sacrifice de la Croix. Le P. Joseph Jungmann signale que toutes les liturgies font de même :
Rev. Joseph A. Jungmann, s. j. , The Mass of the Roman Rite - Its Origins and Development, Benzinger Brothers, Inc. N.Y., 1955. Vol 2, p. 201 a écrit : C’est de la nature même de la liturgie chrétienne de la Messe, qui relate l’institution du Saint Sacrement, qu’elle ne soit pas racontée seulement comme un fait historique, comme le sont d’autres passages des Évangiles. En effet, les paroles qui sont relatées sont dites sur le pain et sur le calice, et, en accord avec la parole de Notre Seigneur, elles sont précisément prononcées pour réitérer l’Action du Christ. Cette répétition est, en fait, accomplit dans tout ce qui est essentiel par la Représentation (Rehearsing) des paroles qui la relate.
Dans le Qui Pridie, il est fait mention de la Cène pour nous rappeler l’intention du prêtre de répéter l’action par laquelle le Christ a transsubstantié le pain et le vin, et ainsi donné à Ses Apôtres Son Corps et Son Sang. Quand Il accomplit ce merveilleux miracle, le Sacrifice du Calvaire est rendu sacramentellement présent au Cénacle. Quand le prêtre à la Messe accomplit le même prodige ineffable, le Corps et le Sang du Christ devient présent sur l’autel.. S’il n’y avait aucune transsubstantiation à la Messe, ce ne serait rien de plus qu’un rappel sentimental de la Cène, et signifierait que la Cène elle-même n’était rien de plus qu’un banquet d’adieu triste et dramatique auquel le Christ mangea avec les Douze.
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P. Wathen, The Great Sacrilege, TAN Books, Rockford, III, 1971, traduit par le chartreux a écrit :
La Formule de la Consécration n’est pas considérée comme un prière du prêtre. C’est plutôt l’évocation d’un acte direct et des plus glorieux de Dieu Lui-même. Par la prononciation de la formule de la Consécration, l’humanité et l’individualité du prêtre s’identifie avec le pouvoir infini et l’intention rédemptrice du Christ sur la Croix. À ce moment-là, le prêtre parle comme s’il était le Christ Lui-même, et le Christ agit par la volonté et les paroles du prêtre comme Consécrateur et Oblation, comme Grand-Prêtre Éternel et Victime salvificatrice, comme Médiateur suprême et Don réciproque.

Dans l’Épiclèse de la vraie Messe (de nouveau, je vous rappelle que c’est la prière qui commence par Qui Pridie), l’emphase évidente est mise sur le fait que le prêtre a clairement l’intention de faire ce que le Christ fit à la dernière Cène, c'est-à-dire consacrer les offrandes, les changer au Corps et au sang de Notre Sauveur. Dans l’« épiclèse » de la « nouvelle messe » l’emphase a été clairement, et immanquablement changée, même si les mots employés sont généralement les mêmes. Il ne reste plus rien pour indiquer que le « président », actuellement, consacre ou a l’intention de le faire. Le catholique traditionnel présume qu’il le fait ; et peut-être le prêtre le présume-t-il aussi – encore que, peut-être que non ; vous ne pouvez pas en être certain. Pendant que tout un chacun fait son propre « peut-être bien que oui, peut-être bien que non », ce qui se passe réellement est que le « président » ne fait que raconter ce qui est arrivé à la dernière Cène. Il ne parle plus de la transsubstantiation du pain et du vin en le Corps et le Sang de Notre Seigneur ; il ne parle que de manger le pain et boire le le vin.

Regardons attentivement la version anglaise de la « nouvelle messe ». Le texte latin de la Narratio (dans la « nouvelle messe ») ne compte que trois phrases ; sa traduction défectueuse en a six. (Remarquez que quand nous assistons à une « messe » en langue vernaculaire, peu nous importe ce que dit la version latine !) Le simple stratagème de diviser le texte en des phrases plus courtes, non seulement le réduit à n'être rien de plus qu’un récit, mais change aussi la signification des mots, comme nous allons le voir.

La première phrase, entre autres fait mention des souffrances du Christ (notons en passant que gratias agens ne signifie pas : « il rendit… grâces et louange », mais « il rendit grâces »).

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P. Wathen, The Great Sacrilege, TAN Books, Rockford, III, 1971, traduit par le chartreux a écrit :
La deuxième phrase est nouvelle : « Il rompit le pain, le donna à ses disciples, et dit : Prenez ceci, vous tous, et mangez-en : ceci est mon corps qui sera livré pour vous. » Vous ne voyez peut-être pas l’ambiguïté. Dans la vraie Messe, le prêtre dit : « Prenez et mangez-en tous, CAR CECI EST MON CORPS ». L’omission du mot « car » (enim en latin) et l’interruption de la phrase avec deux-points, signifient que les mots « ceci » et « en » de la traduction défectueuse se rapportent à leur antécédent, pain. Cette ambiguïté n’existe pas dans la version latine du Novus Ordo parce que hic est du genre neutre et du singulier et peut seulement se rapporter au nom neutre et singulier, Corpus (« Corps »).

La même entorse se produit dans la quatrième phrase en ce qui se rapporte au vin. Cette phrase se lit : « De nouveau il vous rendit grâces et louanges, donna la coupe à ses disciples, et dit : Prenez ceci, vous tous, et buvez-en : ceci est la coupe de mon sang, le sang de l'alliance nouvelle et éternelle ». Ici encore le mot latin enim ("car") n’est pas traduit ; les deux-points y sont mis en lieu et place. Il en résulte que les membres de la phrase sont complètement détachés. Les mots ceci et en se rapportent au vin et non à « la coupe de mon sang ».

Maintenant voyez comment la « Narration » est imprimée dans le texte latin du Novus Ordo. Les mots ACCIPITE ET MANDUCATE EX HOC OMNES (« Prenez et mangez-en tous ») sont rendus en caractères majuscules comme les paroles de la consécration : HOC EST ENIM CORPUS MEUM, (« ceci est mon corps… »). C’est la même chose avec les mots ACCIPITE ET BIBITE EX EO OMNES (« Prenez et buvez-en tous »), et aussi avec ce que nous appelons en termes liturgiques l’"Anamnèse" : HOC FACITE IN MEAM COMMEMORATIONEM (« Faites ceci en mémoire de moi »). Dans le Missale Romanum de Saint Pie V, les majuscules agrandies et proéminentes sont là pour détacher ces paroles de l’Épiclèse et de l’Anamnèse et pour montrer qu’elles sont la Formule de Consécration. Il est incontestable que ce but est rejeté dans le « Novus Ordo » ; à la place, et ceci est de la plus haute importance, la mise en majuscule des mots qui traitent de prendre et de manger, de prendre et de boire, a comme un double effet de fondre les paroles de la consécration dans la « Narration » ou récit et, simultanément, faire ressortir l’importance sur l’idée de manger et de boire, et, par le fait même, accentuer l’importance de l’idée de manger et de boire – non, comme vous le pensez – le Corps et le Sang du Christ, mais du pain et du vin, comme les démonstratifs et les pronoms s’y réfèrent logiquement et grammaticalement. Comme nous le verrons quand nous discuterons du changement apparemment inoffensif des mots de l’Anamnèse : Haec Quotiescumque feceritis, in mei memoriam facietis (« Toutes les fois que vous accomplirez ces mystères, vous le ferez en mémoire de moi ») en HOC FACITE IN MEAM COMMEMORATIONEM (« Faites ceci en mémoire de moi ») : l’effet est le même. Et cet effet est l’éradication totale de la Formule de la consécration.
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Re: Débat Rama P. Coomaraswamy - Mère Teresa (1977)

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P. Wathen, The Great Sacrilege, TAN Books, Rockford, III, 1971, traduit par le chartreux a écrit :

Cette typographie représente une altération majeure. Elle ne peut être le résultat d’un caprice d’imprimerie ou d’un oubli par inadvertance. Elle correspond parfaitement avec les "voeux" du Pape Paul VI lui-même comme il les exprime dans son "décret" Missale Romanum. Permettez-moi de les donner dans leur contexte (les italiques sont du Pape lui-même) :
Appendice II, par. 6 a écrit : Toutefois, pour des raisons d'ordre pastoral, et afin de faciliter la concélébration, Nous avons voulu que les paroles du Seigneur soient identiques dans chaque formulaire du canon. Ainsi, en chaque prière eucharistique, on dira les paroles suivantes: Sur le pain: Accipite et manducate ex hoc omnes: Hoc est enim Corpus meum, quod pro vobis tradetur ; sur le calice: Accipite et bibite ex eo omnes: Hic est enim calix Sanguinis mei novi et aeterni testamenti, qui pro vobis et pro multis effundetur in remissionem peccatorum. Hoc facite in meam commemorationem.
Le lecteur observera que le Pape fait bien attention de ne pas dire que les mots qu’il vient de dire se rapportent à la « Formule de la Consécration » ; il s’y réfère comme étant « les paroles du Seigneur » et qui doivent signifier les paroles du Seigneur citées dans la Narratio, le récit de la Cène (Lord’s Supper). Ni là, ni ailleurs dans sa Constitution Apostolique le Pontife ne se rapporte au mystère de la transsubstantiation. Du début à la fin, il insiste principalement sur la « lecture » du nouveau « missel » duquel les gens « se nourriront jour après jour ».

Le Pape dit: « Nous avons décrété qu’il faut que les paroles du Seigneur soient, etc » Comment le Pape peut-il décréter « ce que doivent être les paroles du Seigneur » ?

Bien peu de gens ont remarqué les deux principales raisons invoquées par le Pape pour une altération si radicale au centre de la « messe », mais elles sont bien là, écrites en toutes lettres : « pour des raisons d'ordre pastoral, et afin de faciliter la concélébration ». Combien de personnes, de nos jours, savent quelles sont ces raisons, et comment la destruction totale de la Formule de la Consécration sert à « faciliter la concélébration » ? Il n'est peut-être pas inutile de se souvenir que, dans le langage codé de la Révolution le mot « pastoral » signifie « pour le peuple » autrement dit « pour la cause du Renouveau » ou encore pour la Révolution elle-même. Encore une fois, l’abandon de la Formule de la Consécration et sa réduction à une narration ne peut être compris qu’en réalisant que dans plusieurs « "messes" concélébrées », plusieurs des « concélébrants », « catholiques » et protestants, ne croient certainement pas au pouvoir de la transsubstantiation. Grâce à ce « petit » ajustement, ils peuvent employer n’importe laquelle des 4 « prières eucharistiques » sans risquer qu’une telle merveille se produise.
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Rama Coomaraswamy traduit par le chartreux a écrit : Il y a enfin un argument supplémentaire contre la supression du canon traditionnel de l'Église Romaine, savoir que c'est un abandon de la "tradition". Je sais bien que ce genre d'argument ne convainc pas un moderniste même quand il est étayé par plusieurs pages de citations. Je vais en parler un peu quand même par ce que je le considère comme un point important.

Je parie que ton correspondant considère la tradition comme une simple question de décision dogmatique. Il prétendra que tout ce qui est coutume, institution, précepte, discipline de l'Église ne relève pas au sens strict de la "Tradition immuable". Cette attitude est très comparable à sa position que seules les choses déclarées de fide definita sont inchangeables. Un tel appauvrissement du sens du mot "Tradition" est d'origine très-récente, et comme le dit le cardinal Tixeront dans son Histoire des Dogmes : le sens premier du mot Tradition est "l'enseignement et la coutume transmise de vive voix ou par la pratique." C'est aussi le point de vue des conciles oecuméniques : "Que tout ce qui est en conflit avec la tradition et l'enseignement ecclésiastiques, que tout ce qui a été innové et fait contrairement à l'exemple donné par les saints et les vénérables Pères, ou qui dans le futur sera fait ainsi, soit anathème" (VIIième concile oecuménique). Même le concile de Trente dit que "la vérité et la discipline sont contenues dans les livres écrits et les traditions non-écrites". Et qu'entend-on par "discipline" ? Écoutons S. Thomas citant le Pape Gélase : "Le culte sacré conforme à la discipline catholique revendique une telle révérence que nul n'ose s'en approcher sans une conscience pure." (Summa IIIa, q.82, art.5) Et enfin nous avons les paroles du Christ lui-même : "Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et leur enseignant à observer tout ce que Je vous ai commandé. " (Matthieu 28:19-20). Or, il est évident qu'on "observe" non pas un dogme mais une coutume ; et le Christ ne s'est pas contenté de nous donner les paroles de consécration, mais a aussi accompli divers gestes, comme la fraction de pain et l'élévation du calice.

Je ne veux pas entrer ici dans un débat sur ce qu'est la Tradition. Définissez et divisez le sens comme vous voulez, il restera toujours que la nouvelle "messe" va contre la Révélation (elle change les paroles même du Christ) ; elle va contre la tradition divine et apostolique par ce qu'elle a changé certains gestes institués par les Apôtres (nous savons que dans le canons, certains gestes et certaines prières sont d'origine apostolique. Comme nous ne savons pas lesquelles, il vaut mieux les observer tous) ; elle a alteré la "matière" et la "forme" de la Tradition au sens où l'entend S. Bellarmin (De Verbo Dei) ; elle a changé ce que le cardinal Franzelin appelle "la tradition objective et active" (De Divina Traditione) ; elle a changé ce que d'autres théologiens appellent la tradition "constitutive" et "continuative". Elle a très-certainement changé ce que tous les théologiens appellent "tradition ecclésiastique". Le concile de Nicée dit anathème à "tous ceux qui n'acceptent pas la totalité de la tradition de l'Église, écrite et non-écrite" ! Abandonner nos traditions, c'est un péché très-grave pour nous autres fidèles catholiques - c'est très-certainement un cas d'école de " traitement irréverencieux de choses sacrées", c'est-à-dire de sacrilège. Faire cela, ce n'est rien d'autre que de se suicider spirituellement. Compare les citations que je viens de donner avec
Paul VI, La Croix, 4 sept. 1970, a écrit : Il faut savoir acceuillir avec humilité et liberté intérieure ce qui est innovant ; il faut rompre avec l'habitude et l'attachement à ce que l'on avait coutume d'appeler la tradition immuable de l'Église
Être catholique "non-traditionaliste", c'est ne pas être catholique du tout !

C'est ici que je conclus mes "commentaires généraux", et je reviens maintenant à une réponse point par point à ton correspondant.
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