Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

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Laetitia
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Toutefois le sentiment lui-même de son bonheur la ramena au souvenir de son curé. « Il a beau vouloir se moquer, pensait-elle ; un prodige si évident ferait nécessairement tomber ses préventions.» Elle se décida à lui envoyer un exprès. Comme toujours il traita de rêveries et de songes creux tout ce que celui-ci lui raconta. Néanmoins, il se rendit chez la malade. « Que signifie, lui dit-il avec humeur, cette idée de me faire courir ainsi la nuit ? Voyons, que me voulez-vous ? — Mais, mon Père, répondit Lidwine, ne voyez-vous pas déjà le miracle qui s'accomplit ici ? Cette lumière, cette Hostie. - Je vois..., reprit-il, entendez-vous ? je vois une imposture du démon et pas autre chose. - Non, non, mon Père, s'écria la sainte, non, ce n'est pas le démon, et je vous en conjure, ne parlez pas ainsi ! Ce n'est pas le démon que vous voyez dans cette Hostie. C'est le vrai Dieu, mon Dieu et le vôtre, c'est le Dieu qui nous a créés, vous et moi, comme il a créé la terre et les cieux. Oh ! regardez. » Et le curé regarda enfin l'Hostie avec plus d'attention. Évidemment, cet examen l'impressionna. Malgré lui, comme tout le monde, il voyait là un corps étonnant, des blessures, du sang. Il parut hésiter. Mais reprenant soudainement son assurance ou feignant une audace qu'il n'avait pas, il ordonna aux assistants de sortir sur-le-champ, ferma soigneusement la porte et une fois seul avec Lidwine, il se mit à la tourmenter en tous sens pour lui faire promettre un silence absolu sur cet événement. Il alla même jusqu'à l'en adjurer par le redoutable jugement du Dieu vivant.

Puis, il lui demanda ce qu'elle prétendait faire de cette Hostie. Cette question embarrassa la sainte ; elle hésita à répondre. « Si je la lui abandonne, se dit-elle, il est capable, dans son incrédulité, de la profaner ; mais si je la garde. Ah! je vois le parti que j'ai à prendre, je communierai avec elle ! Oui, mon Seigneur, mon Dieu, vous savez mes désirs et mes angoisses ; vous savez combien vous êtes nécessaire à la vie de mon âme. Eh bien ! puisque je vous ai aujourd'hui près de moi, puisque vous êtes à moi, en mon pouvoir, oui, vous viendrez en moi ! Je prierai mon pasteur de vous donner à mon amour, et, s'il le faut, moi-même je vous prendrai, je vous cacherai dans mon cœur ! - Mon père, dit-elle enfin au curé qui la rudoyait déjà, impatienté de son silence, je désire communier avec cette Hostie. - Quoi ! Voulez-vous donc que je vous donne le démon ?- Non, ce n'est pas le démon, mais c'est mon Dieu que je vous demande en vous demandant cette Hostie. - Mais enfin, si c'est la communion que vous voulez, j'irai à l'église prendre une Hostie consacrée ; quant à celle-ci, je ne sais ni ce qu'elle est, ni d'où elle vient, vous ne devriez point la recevoir. » Mais la vierge fit tant d'instances, qu'enfin elle l'obtint, et jamais aucune communion ne lui apporta de plus ravissantes consolations, de plus enivrantes délices.
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Laetitia
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Le lendemain matin, autre incident. Le curé avait fini par craindre que cet événement ne causât quelque rumeur dans Schiedam, et, pour se mettre à couvert, il imagina de l'expliquer à sa façon. « Mes Frères, dit-il après sa messe au peuple assemblé dans l'église, j'ai à vous faire une pénible communication au sujet de Lidwine, fille de Pierre.Cette nuit, la pauvre fille, affaiblie d'ailleurs dans ses facultés par une longue maladie, a été victime d'une dangereuse illusion du démon, et je crois devoir vous demander pour elle vos ferventes prières, afin que Dieu la soutienne dans la foi. Disons donc, à cette intention, un Pater et un Ave. »

Après quoi, il ouvre le tabernacle, prend le saint ciboire, et se dirige vers la demeure de Lidwine, suivi de tout ce peuple dont il vient d'éveiller si maladroitement la curiosité. Mais, arrivé sur le seuil de la maison, il s'arrête et se retourne... le cortège s'était singulièrement grossi. S'adressant donc à la foule : « Mes Frères, dit-il d'une forte voix, il faut que vous sachiez tous que Satan a pénétré cette nuit dans cette maison, dans cette chambre même où repose Lidwine, et que, pour la surprendre et la tromper, il lui a laissé une hostie mensongère, une hostie non consacrée, qui n'était pas, qui ne pouvait pas être le vrai Dieu, qui n'était, je l'atteste et je suis prêt à l'attester juridiquement, qu'une infernale imposture. Que si donc vous entendez parler de ce qui s'est passé ici la nuit dernière, vous le savez maintenant, c'est au tentateur qui parfois se transforme en ange de lumière, et à lui seul qu'il faut attribuer cette œuvre de mensonge. Je ne suis même accouru que pour fortifier notre pauvre malade contre cette fatale illusion. Et au moins, cette fois, cette Hostie que je tiens dans mes mains, c'est une sainte et divine Hostie, réellement consacrée par le prêtre au nom de Jésus-Christ, c'est Jésus-Christ lui-même ! Priez donc, Mes Frères, et priez tous, afin qu'elle Le reçoive pour son salut. » Cela dit, il entra.

Or, Lidwine avait tout entendu. L'âme la moins sensible eût été bouleversée ; que fût devenue une patience vulgaire devant une si humiliante et si cruelle allocution ? Mais notre vierge imitait par le cœur Celui qui fut en proie à tant de sanglants outrages dans le palais de Caïphe. Comme lui, elle resta inébranlable dans sa douceur héroïque. Seulement, comme lui aussi, parce que la vérité était mise en question, elle crut devoir parler pour lui rendre hommage. « Mon Père, dit-elle au pasteur, permettez-moi de l'affirmer, le langage que vous venez de faire entendre n'est pas exact. Oh ! vous le savez bien, ce qui s'est passé cette nuit n'est point l'œuvre du démon. Ne vous avais-je pas averti d'avance que Dieu, par un ange, m'avait annoncé cette faveur ? N'avez-vous pas vu que tout, dans cette merveilleuse Hostie, était véritablement divin ? D'ailleurs, ô mon Père, dites, vous qui êtes le dépositaire de tous les secrets de ma conscience, oh ! dites-le, suis-je donc la fille de Satan ? Auriez-vous donc trouvé en moi le sceau de son empire ? Comment qualifier votre conduite à mon égard ? Et veuille mon doux Maître, je l'en supplie, ne pas vous l'imputer à péché ! » Mais rien ne devait émouvoir l'aveugle pasteur. « Voyons, cria-t-il d'un ton de voix presque terrible, oui ou non, voulez-vous recevoir le corps du Seigneur que je vous ai apporté ?» Et il la communia, puis s'en retourna à l'église, suivi de tout ce peuple qui avait entendu son étrange allocution, mais qui retenu au dehors, n'avait pu entendre la protestation de Lidwine. Ainsi, pour un moment du moins, ce fut le mensonge qui triompha dans la rue.
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Laetitia
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Mais ce triomphe ne fut pas de longue durée. Mise en éveil par les imprudentes paroles du curé, la foule alla aux informations. La réponse de Lidwine, que quelques personnes avaient saisie, passa de bouche en bouche; les témoins du miracle, de leur côté, racontèrent ce qu'ils avaient vu à qui voulut les entendre. L'apparition, ses caractères, tous les moindres détails, la conduite aussi du curé dans cette affaire, bientôt la ville entière sut tout. On rappela les injustes préventions de celui-ci, ses refus et ses duretés à l'égard de la vierge. Comme toujours, l'exagération encore s'en mêla ; il circulait des bruits de profanations odieuses. Bref, il se fit une rumeur immense, le peuple descendit dans la rue, des rassemblements se formèrent ; déjà l'indignation grondait sourdement ; quelques instants plus tard, grâce à quelques propos du pasteur, c'était une tempête, c'était un soulèvement universel. Tout ce peuple, comme un torrent plein de menaces, se précipita vers le presbytère. Le malheureux curé eut à peine le temps de se jeter dans l'église, où les lois d'alors et la religion lui assuraient, tant qu'il y resterait, un refuge inviolable.

Cependant, effrayés de ce mouvement populaire, les magistrats de Schiedam étaient accourus ; ils entrèrent à l'église. « Déclarez-nous, dirent-ils au pasteur, la vérité tout entière, afin que nous puissions calmer l'irritation du peuple contre vous. - La vérité ? répondit-il, mais je la lui ai dite ce matin, quand je l'ai averti que ce qui était arrivé à Lidwine, la nuit précédente, n'était qu'un piège du démon. - Mais alors, pourquoi n'avez-vous pas conservé cette hostie quelle qu'elle fût ? Elle serait entre vos mains un moyen de vous justifier. Qu'en avez-vous fait ? L'avez vous encore ? Pourquoi avez-vous adjuré Lidwine, en la menaçant des jugements de Dieu, de se taire sur tout cet événement ?» A quoi le curé s'obstinant à ne rien répondre, les magistrats et les prêtres présents se retirèrent.

Mais le tumulte devenait de plus en plus effroyable, la colère du peuple de plus en plus menaçante ; il fallut retourner près du curé. « Au moins, lui dirent les magistrats, détrompez par un simple démenti le peuple qui vous accuse de profanation. - Moi ? reprit-il; et quand j'aurais jeté cette hostie au feu ou dans un cloaque, quel crime aurais-je commis ? Ne dois-je pas empêcher ce peuple ignorant de se livrer à l'idolâtrie ?» A cette réponse, transmise à la foule, il y eut une explosion terrible. Les magistrats épouvantés se hâtèrent de rentrer dans l'église. « Gardez-vous, dirent-ils au prêtre, de vous éloigner de ces autels ; nous ne répondrions plus de votre tête. La ville entière est soulevée; le peuple est dans une violente exaspération. Au fait, il vous oppose des témoins du miracle, et des témoins nombreux et dignes de foi ; vous, que lui opposez-vous ? »

Il fallait pourtant en finir. Persuadés que l'évêque seul pourrait ramener la paix dans la ville, les magistrats et le clergé députèrent vers lui pour le supplier d'accourir sans retard. Il partit, en effet, en toute hâte, et arriva à Schiedam accompagné de ses grands vicaires et des juges de son officialité. Qu'on se figure l'effroi du curé à cette nouvelle ! car alors il se rendit justice à lui-même, il se crut perdu. Que faire ? A qui recourir ? Une seule personne lui semblait capable de le sauver ; c'était lidwine ; mais comment oser l'implorer ? Cependant le danger pressait, il fallait agir. A tout risque, il se décida, dans sa perplexité, à lui envoyer un ami en secret. « Lidwine, lui disait-il, je reconnais tous mes torts à votre égard ; je me suis conduit envers vous en homme insensé, mais votre charité me rassure. Vous avez été pour moi, alors même que je vous offensais, si douce et si miséricordieuse, que je ne puis désespérer de votre secourable assistance dans le péril où je me trouve. Je vous en supplie donc, ne me chargez pas auprès de mes juges, adoucissez, au contraire, autant que vous le pourrez, les accusations portées contre moi, et souvenez-vous que ce n'est que de votre clémence que j'attends mon salut » Qu'est-il besoin de le dire Lidwine n'eut pas même un instant d'hésitation. Avec son amour si vrai du divin Crucifié, de ce Sauveur qui, du haut de sa croix demandait grâce pour ses bourreaux, elle promit de grand cœur de faire pour lui tout ce que lui permettraient sa conscience et l'honneur de Dieu.
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Laetitia
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Bientôt arrivèrent chez elle l'Évêque et ses dignitaires que suivait le pasteur tout confus. Avant tout, on fit, selon toutes les règles canoniques, la plus minutieuse enquête sur le miracle de l'Hostie, et cette instruction recueillit en sa faveur les preuves les plus convaincantes, les témoignages les plus imposants. Le Prélat ensuite procéda à l'examen de la conduite du curé. Tous les témoins furent entendus, tous les détails discutés. Mais quand ce fut au tour de Lidwine à parler, elle demanda qu'on fît sortir les laïques. C'était, dans la pieuse fille, respect pour la dignité du sacerdoce et crainte de scandale pour les fidèles. Aussitôt donc que tous furent sortis, elle dit à l'Évêque, mais en pleurant de douleur au souvenir de ce qui s'était passé : « Monseigneur, avant de répondre à vos questions,j'ai deux grâces à vous demander. - Lesquelles, ma fille? reprit le Prélat avec une bonté toute paternelle ;vous pouvez compter sur mes dispositions les plus favorables à votre égard. - Eh bien ! Monseigneur, je vous demande d'abord la liberté de parler, mon pasteur m'ayant liée, au nom du Dieu vivant, par une adjuration que je ne crois pas pouvoir enfreindre sans l'intervention de votre autorité supérieure. Et, en outre, je supplie humblement Votre Grandeur d'user d'indulgence envers l'accusé, en ne le frappant, par la sentence que vous prononcerez, ni dans sa personne, ni dans ses biens. »

L'Évêque, édifié de l'entendre demander grâce pour un homme dont elle avait tant à se plaindre, promit d'avoir égard à sa recommandation, et ajouta qu'il lui donnait toute liberté de parler. « Vous saurez donc, dit alors la vierge, et je donnerais volontiers ma vie en témoignage des faits que je vais affirmer, vous saurez, Monseigneur et mes Pères, que Jésus-Christ mon Dieu m'est apparu ici, corporellement, sous la forme d'un petit enfant cloué à une croix. Cette croix était suspendue en l'air au pied de mon lit. On voyait sur le divin Crucifié, et très-distinctement, cinq plaies qu'environnait une éclatante lumière. Et je le regardais enivrée du bonheur de son adorable présence quand, tout à coup, croyant qu'il allait disparaître, je lui ai dit le mieux que j'ai pu : O mon Seigneur, si vous êtes en vérité Celui en qui je crois, je vous en conjure, ne me quittez point sans me laisser un signe qui me prouve que c'est bien vous qui êtes mon Dieu ! Et alors, sous la forme d'une hostie, il a daigné descendre sur mon lit. Mais cette adorable hostie, bientôt j'ai ardemment désiré la recevoir; j'ai supplié mon pasteur de me la donner en communion, et il s'est prêté à mon désir. Si donc, par trop de complaisance pour moi, il s'est rendu coupable d'une faiblesse réprouvée par les règles, je vous en supplie, au nom de notre Dieu si bon, au nom aussi de la promesse que vous m'en avez donnée, daignez tout lui pardonner !»

Admirable vierge ! Que pouvait-on lui refuser ? Et comment n'eût pas triomphé une cause défendue par une telle charité ? Aussi, Évêque, juges, tous, attendris autant qu'édifiés, renoncèrent à pousser plus loin leur enquête ; le curé, grâce à Lidwine, échappa à l'inévitable condamnation qui le menaçait.

Mais cette noble vengeance fut aussitôt récompensée. A partir de ce moment, le pasteur se montra changé. Il reconnut en Lidwine une sainte privilégiée de Dieu, et se mit à lui montrer sa reconnaissance en s'empressant à la servir et à l'honorer.

Mieux que les miracles, la charité triomphe des cœurs.
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VIE DE LA BIENHEUREUSE LIDWINE.

CHAPITRE XV.

Le Calvaire ou immolation et martyre.


Dans son ardente charité Lidwine s'offre à Dieu comme une victime pour fléchir sa colère. - Le mal de dents. - Le carnaval. - La peste. - Guerre civile.- Schiedam est menacé par une flotte ennemie, mais la vierge intercède. - Une couronne lui est montrée. - Horrible martyre que lui font endurer quatre soldats. - Prompte et terrible justice de Dieu.

Lidwine communia donc, dès ce moment, aussi souvent qu'elle voulut, grâce aux excellentes dispositions de son pasteur ; et, il faut le dire, elle communia avec tant de bonheur, l'usage même de la communion développa en elle un besoin si impérieux du céleste pain des anges, qu'elle ne tarda pas à en faire ses délices de chaque jour.

Or, sous l'action créatrice de la communion, il est facile de le pressentir, on vit bientôt rayonner avec un nouvel éclat, au ciel de cette âme privilégiée, la résignation, la patience, l'humilité, et pour tout résumer en un mot, la divine charité, ce saint amour de Dieu et des hommes que déjà nous avons admiré, mais élevé maintenant jusqu'à sa perfection la plus haute, c'est-à-dire jusqu'à l'immolation.

Observons-le en effet. La communion, soit dans Dieu qui s'y donne, soit dans l'homme qui la reçoit, quand il la reçoit sans apporter d'obstacle à son action, c'est l'amour à son dernier terme, et le dernier terme de l'amour ici-bas, c'est la souffrance, c'est le dévouement jusqu'à la souffrance, c'est l'immolation !

Il ne suffisait donc plus au cœur de Lidwine, embrasé qu'il était des inspirations de la communion, d'aimer comme elle avait aimé jusque-là ; ce n'était plus assez pour elle ni de souffrir immensément, ni même d'accepter avec joie et de bénir les douleurs que le Ciel lui imposait; il lui fallait la souffrance volontaire, la souffrance par choix, par dévouement. A elle qui communiait, comme au Dieu qui se donne dans la communion, il lui fallait l'immolation par l'amour !

Aussi, croyons-nous que c'est là le caractère spécial et dominant de sa vie morale, caractère auquel la communion donna son essor; pour en juger, un coup d'œil va nous suffire.

Qu'on se rappelle un instant toutes ces plaies,toutes ces maladies merveilleuses autant qu'atroces qui torturent sans la tuer cette frêle existence de la vierge de Schiedam, et nous disons en face d'un si étrange spectacle : « Voilà où en est cette fille presque depuis son enfance, et cependant elle est pure et innocente ! Pourquoi donc en elle ces souffrances inouïes, phénoménales ? Quelle en est, quelle peut donc en être la cause intime ? Évidemment il y a là, du côté de Dieu, quelque dessein mystérieux d'expiation ou d'enseignement, du côté de la patiente le sacrifice volontaire d'elle-même ; évidemment c'est une victime que Dieu a choisie, une victime qui s'est amoureusement offerte; voilà du moins, en face de cette innocence et de ces châtiments, ce que proclame le bon sens religieux. »
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Mais d'ailleurs des faits positifs viennent changer ici nos conjectures en certitude ; nous n'avons besoin, pour constater ce caractère d'immolation expiatoire dans les douleurs de notre sainte, que de rentrer dans son histoire. Ainsi, on venait souvent auprès d'elle pour l'intéresser ou à une guérison ou au succès de quelque entreprise ; quelquefois elle offrait elle-même, pour ces œuvres de charité, le concours de ses prières ; mais les grâces qu'elle obtenait alors en faveur du prochain, elle les payait presque toujours par un surcroît de souffrances ; tout le monde autour d'elle le savait bien. Rapportons-en un exemple.

Un jour elle entendit des cris lamentables qui semblaient venir de la place publique. « Allez voir, dit elle à ceux qui l'entouraient, quelle peut en être la cause. » Et on revint lui dire que c'était une pauvre femme qui se trouvait en proie à un mal de dents si atroce que la douleur la mettait hors d'elle et lui arrachait comme des hurlements. « Eh bien ! reprit la compatissante vierge, je voudrais la voir, priez-la d'entrer.» Puis, s'adressant à elle aussitôt qu'elle fut arrivée près de son lit : « Ma sœur, lui dit-elle, voulez-vous que je vous aide dans votre souffrance ? - Moi ? si je le veux ? s'écria la pauvre patiente en s'efforçant d'étouffer ses gémissements et ses cris. Ah ! cependant, ajouta-t-elle, si vous voulez dire par là que vous prendrez mon mal sur vous, non, non, Lidwine, ne le faites pas v; vous avez bien assez de tant et de si cruelles infirmités ! Mais s'il s'agit simplement de demander à Dieu qu'il daigne me soulager, oh ! je le veux bien, je le désire de toute mon âme, je vous en serai profondément reconnaissante !»

Alors la pauvre crucifiée se mit à prier. Ce qu'elle demanda à son divin Époux, tout le monde le comprit bientôt, car au même instant cette femme se sentit soudainement guérie, et Lidwine, non moins subitement, éprouva son horrible mal qu'elle garda tout un jour et toute une nuit à un tel degré de violence que les témoins en étaient épouvantés.

Mais cette immolation, cette mission de dévouement par la souffrance avait un autre but que tous ces intérêts fugitifs de la vie d'ici-bas; c'était surtout pour les âmes, c'était pour le salut de ses concitoyens, pour le pardon des pécheurs, que Lidwine avait obtenu de Dieu le glorieux bonheur de souffrir.

Un soir qu'elle était en méditation sur les ineffables douleurs qu'avait endurées son Bien-aimé Jésus au Calvaire, elle fut troublée par un grand tumulte du dehors et, comme elle fit à ce sujet quelques questions, on lui répondit que c'était le peuple de Schiedam qui se livrait aux folles joies du carnaval. Alors la sainte fille se prit à pleurer avec amertume ; elle pensait à l'ingratitude de ce peuple chrétien, aux iniquités aussi et aux désordres sans nombre dont ces tristes jours sont l'occasion dans le monde entier. Puis, levant vers le ciel ses yeux mouillés de larmes, elle s'écria : « Mon Dieu ! vengez sur moi les crimes par lesquels on vous outrage ! Et s'il est bien vrai que dans votre miséricorde vous acceptiez mes douleurs comme une expiation, montrez-le-moi en m'envoyant, pour témoignage, quelque souffrance nouvelle !»

A peine elle avait fini de parler, qu'un mal étrange venait, comme un coup de foudre, broyer en quelque sorte une de ses jambes, un mal horrible à voir, dont la subite apparition jeta tous les assistants dans l'effroi et sous l'action duquel notre douce Incurable avouait sans détour n'avoir jamais encore éprouvé d'aussi affreuses tortures.
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Combien d'autres fois se renouvela en elle la preuve de cette mission sanglante ! A mesure qu'elle s'identifiait de plus en plus avec son Dieu par la communion, on voyait sa généreuse charité se dilater sans bornes. Elle priait, elle intervenait, elle se jetait comme une mère éplorée entre les pécheurs qu'elle appelait ses enfants et Jésus-Christ près de qui elle faisait valoir son titre et ses droits d'épouse. Elle allait, selon l'expression de ses historiens, jusqu'à provoquer Dieu à une nouvelle multiplication en elle de souffrances expiatrices. Et Dieu semblait accepter le défi. Toutes les fois qu'il voulait châtier la Hollande, on l'avait remarqué, c'était toujours Lidwine qui recevait les premiers coups. A plusieurs reprises, elle fut atteinte par la peste.Une fois entre autres, deux plaies pestilentielles, l'une au cou, l'autre dans la région du cœur, lui avaient annoncé la présence du terrible fléau. « Mon Dieu ! s'était-elle alors écriée, épargnez votre peuple, mais pour moi soyez sans miséricorde ! Pour moi, ô mon Dieu, deux plaies, ce n'est point assez ; j'en voudrais d'autres encore pour mieux fléchir votre juste colère et la détourner de vos enfants. En l'honneur au moins de votre sainte et adorable Trinité, envoyez-en-moi une troisième !» Et sur-le champ, comme une flèche qui part d'un arc tout tendu, une troisième plaie s'était formée à la joue de la vierge et y restait jusqu'à la fin de ses jours, bien qu'après quelque temps Dieu l'eût guérie des deux premières.

C'était du reste une opinion constante et générale que la vie de Lidwine était un sacrifice d'expiation. On avait foi en sa médiation douloureuse. On disait que la douce crucifiée était auprès de Dieu une protection puissante pour la ville de Schiedam. Aussi bien, en plus d'une circonstance critique, on crut en avoir l'irréfragable preuve. Une année, par exemple, la province entière était en feu. C'était la guerre qui s'était allumée, mais la plus affreuse de toutes les guerres, celle qui arme le frère contre son frère, le père contre son fils; c'était la guerre civile. Or, non seulement le parti qu'avait chaudement défendu Schiedam était vaincu, mais le parti vainqueur avait juré de se venger cruellement; il approchait par la mer; Schiedam devait périr ! Aussi l'épouvante était à son comble et déjà quelques habitants fuyaient vers les villes voisines, espérant y trouver moins de périls. Mais on accourut près de Lidwine. « Non, répondit-elle, non, ne fuyez pas ! Dieu m'en donne la confiance, notre ville sera sauvée; vous êtes ici plus en sûreté qu'ailleurs. » C'en fut assez, l'espoir vint relever toutes les âmes. On vit même un des personnages les plus influents et des plus compromis rentrer dans la ville. « A quoi bon, disait-il, aller au loin chercher un refuge ? N'avons-nous pas ici la sainte qui prie et qui souffre pour nous ? Je reviens, car je crois qu'elle seule peut nous sauver et elle nous sauvera ! »

La flotte ennemie cependant approchait toujours. En passant, elle s'abattait sur les petites villes du littoral.On voyait de Schiedam d'immenses tourbillons de fumée qui s'élevaient jusque dans les nues, comme pour annoncer au loin qu'on ne laissait que des monceaux de cendres et de ruines. Quel sort était donc réservé à Schiedam même, principal but de cette expédition ! Tout à coup, un cri d'effroi signale les navires. « Les voilà ! les voilà !» On les aperçoit poussés par un bon vent, voguant à pleines voiles ; déjà on distingue, on pourrait compter leurs nombreux hommes de guerre. C'en est fait, Schiedam touche à sa dernière heure. Mais non ! Voilà que tous ces vaisseaux s'arrêtent. En vain, le vent continue à être propice ; en vain, matelots et soldats se mettent à la manœuvre et font des efforts inouïs. Inutiles efforts ! Au lieu d'avancer, les vaisseaux reculent. C'était la vierge qui triomphait ! Le débarquement resta merveilleusement impossible, Schiedam fut sauvé. Comme à Béthulie, la nouvelle Judith avait vaincu par la prière et le dévouement.
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Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

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Tout ce dévouement néanmoins, disons-le enfin, toute cette vie d'immolation pour la patrie comme pour tout pauvre pécheur; en un mot, tout ce crucifiement volontaire, qui le croirait ? c'était encore trop peu aux yeux de Lidwine. Il y avait en elle, pour de plus larges souffrances, une secrète ambition qui depuis bien des années se cachait dans un coin de son cœur et que l'amour puisé sur le sein du Dieu de l'Eucharistie avait agrandie sans mesure; une ambition qui, à l'époque où nous arrivons, avait fini par envahir toute son âme en y creusant comme un abîme insatiable; c'était l'ambition du martyre ! Elle convoitait, la sainte fille, une immolation totale,parfaite comme l'immolation des héros de la foi. Un récit, un souvenir, le nom seul des martyrs la jetait dans d'inexprimables transports. « Ah ! quel beau triomphe ! s'écriait-elle; qu'il est digne d'envie le sort de ces chrétiens dont la main des bourreaux n'a pu ni vaincre la foi, ni ébranler l'espérance, ni faire chanceler l'amour ! O légions de héros magnanimes ! Puissé-je trouver une place dans vos rangs en partageant vos combats !»

Un jour Dieu l'honora d'une vision. Elle voyait, suspendue sur sa tête, une splendide couronne. Les diamants les plus riches, les plus magnifiques pierreries en faisaient l'ornement; seulement , si belle qu'elle fût, elle était inachevée. « Lidwine, lui fut-il dit, cette couronne est pour toi.Toutes ces pierreries, tous ces diamants qui la décorent, ce sont tes souffrances. Mais, tu le vois, il y manque un fleuron, le plus beau peut-être; c'est à toi de l'y placer. » Et tout disparut. La pieuse vierge resta un moment éblouie. Mais la joie, la reconnaissance, l'amour embrasèrent bientôt son âme des plus saints transports. « Mon Dieu, s'écria-t-elle, soyez mille fois béni des promesses que vous me faites, comme des espérances que vous me donnez ! Qu'ai-je fait, moi votre indigne servante, pour une si brillante couronne ? Que sont mes souffrances devant vos souffrances, ô mon Jésus ? à peine une goutte d'eau devant un océan sans fond ! Et encore, je ne souffre que dans mon corps, quand vous, mon Bien-aimé, vous avez tant souffert, dans votre esprit, dans votre cœur, dans votre liberté, dans votre gloire ! Ne serait-il pas temps de marcher enfin sur la trace de vos pas ? Oh ! il me faudrait l'humiliation, le mépris ! il me faudrait l'outrage, la persécution, la haine ! il me faudrait des bourreaux ! Oh ! Oui, je voudrais le martyre ! Donnez-moi, mon doux Époux, si indigne que j'en sois, par votre amour, donnez-moi la grâce et la force, donnez-moi le bonheur du martyre ! »

Sainte prière, si humble et si amoureuse ! Dieu, nous allons le voir, daigna enfin l'exaucer.

En 1425, au mois d'octobre, c'est-à-dire, alors que Lidwine était dans sa 46e année, Philippe, duc de Bourgogne, ainsi que nous l'avons dit plus haut, était entré à Schiedam à la tête de son armée. Or, le jour même où ce prince devait quitter cette ville, quelques heures à peine avant son départ, quatre soldats de sa suite, et des plus débauchés, formèrent entre eux,après une orgie, un sinistre projet. « Allons voir, se dirent-ils, cette fameuse vierge que l'on vénère au loin, et qui, dit-on, vit comme un ange, ne mangeant et ne buvant jamais, n'ayant pour aliment que l'Eucharistie. C'est une sainte qui ne nous ressemble guère ! Allons la vénérer à notre façon; l'occasion est bonne ; nous rirons un instant. oui, allons ! » Et les voilà partis.

Or, ils se présentent à l'humble demeure avec tant d'hypocrite douceur; ils viennent, à les entendre, avec de si pieuses intentions, que sur-le-champ, sans aucune défiance,ils sont introduits. On les laisse même auprès de la malade, pour retourner aux travaux du dehors, et c'était malheureusement sur quoi ils comptaient; car à peine se voient-ils à peu près seuls, qu'ils ferment sur eux la porte de la chambre en poussant le verrou, reviennent autour du lit, et alors commence la plus hideuse et la plus lamentable scène.

Avant tout, ils ouvrent ou plutôt ils arrachent violemment les rideaux qui entourent la pauvre couche de Lidwine,et, cela fait,apercevant la sainte, ils la saluent par de bruyants éclats de rire auxquels se mêlent d'insolentes railleries et mille injures qu'assaisonnent le libertinage et l'impiété. Puis, l'un des soldats prend et allume un flambeau qu'il approche du visage de la pauvre crucifiée; il le passe, le passe encore et longtemps devant ses yeux malades à qui la moindre lumière cause déjà une si intolérable douleur ! Aussi ce sont des larmes de sang qui coulent, et les quatre bêtes féroces renouvellent à plaisir cette sanglante épreuve, recommençant chaque fois leurs moqueries impies, leurs sacrilèges insultes à la chasteté de la vierge et à son amour pour Jésus-Christ.
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Laetitia
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Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

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Mais ce n'est déjà plus assez. On dit que le tigre, à mesure qu'il boit du sang, a besoin d'en boire encore; et il semble que ces larmes sanguinolentes de la malade enivrent aussi ses bourreaux et les poussent à la fureur en irritant de plus en plus leur sauvage cruauté. Eux aussi, ils ont besoin de meurtrir encore et de déchirer davantage, en haine du Dieu qu'elle sert, cette victime que leurs injures n'émeuvent pas. D'une main sacrilège ils prennent, ils arrachent draps, couvertures. « Monstres, arrêtez !» s'écrie à ce moment une voix. Les monstres, en effet, n'étaient pas seuls.

Il y avait là, près d'eux, une jeune personne, presque un enfant, Pétronille, nièce de notre vierge. Et Pétromille, jusqu'à cet instant, n'avait opposé à tant d'insultes que les supplications et les larmes de sa timidité. Mais quand elle avait vu l'outrage suprême fait à sa tante bien-aimée, à une femme, à une sainte, elle avait trouvé tout à coup dans son cœur cette énergie que la femme la plus frêle, noblement indignée, y trouve toujours dans les solennelles occasions. Comme une lionne, elle s'était jetée entre la victime et ses hideux bourreaux. Hélas! inutile courage ! D'un coup de pied, l'un des scélérats l'envoie se briser contre un escabeau qui s'appuyait au mur et près duquel elle s'affaisse presque mourante. La pauvre enfant était horriblement blessée pour le reste de ses jours.

Libres dès lors, les monstres à figure humaine assouvissent à leur aise leur soif de sang. Avec une rage qui ne se comprend pas; ne voulant que leurs mains pour instruments de supplice, et sans répugnance devant ce corps hideusement couvert de plaies, ils se mettent à le déchirer ; leur atroce besogne d'ailleurs, était facile. La pauvre martyre était là, sous leur regard impie, étendue sur un lit de paille, incapable non-seulement d'opposer la moindre résistance, mais de faire le plus léger mouvement. Les anciennes plaies, ils les palpent avec brutalité, ils se font un épouvantable jeu de les irriter de plus en plus. Les chairs qu'avait tendues l'hydropisie, ils les frappent et les meurtrissent; en trois endroits, sous les coups qu'ils donnent, ces chairs virginales s'ouvrent, trois larges blessures se forment, le sang coule en abondance et c'est le signal, pour les affreux bourreaux, de nouveaux éclats de rire et de plus abominables blasphèmes.

La sainte fille cependant était héroïque de patience. Pas un reproche, pas une plainte. Une seule fois, elle ouvre la bouche. C'est la charité qu'elle ressent pour ses persécuteurs qui lui fait rompre le silence. « Ah ! vous commettez un grand crime, leur dit-elle; vous vous exposez à un horrible malheur; craignez les jugements de Jésus-Christ, ayez pitié de vous-mêmes !» Mais cette prière donne lieu à une telle explosion d'impiétés comme d'injures infâmes, que l'admirable vierge ne se laisse plus aller qu'au bonheur de souffrir pour son divin Époux.

Les monstres d'ailleurs sentaient qu'il était prudent de mettre un terme à ce terrible drame. Qui le croirait ? Avant de sortir, dans cette même chambre, à côté des deux victimes de leur impie cruauté, ils prennent de l'eau; comme Pilate,ils lavent tranquillement leurs mains souillées de sang et ont l'air de se dire : « N'avons-nous pas fait un magnifique exploit ? » Puis, riant, se moquant, blasphémant toujours, ils s'en vont !
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Laetitia
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Re: Un livre pour ceux qui souffrent.. (vie de Sainte Lidwine de Schiedam)

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Combien de temps quelque parent tarda-t-il à venir ? Et quel spectacle quand on rentra ! Pétronille étendue à terre presque sans vie; ces rideaux arrachés, ce lit en désordre ; Lidwine elle-même affreusement blessée et baignée dans son sang, presque deux cadavres !. Ce fut un cri d'horreur ! De pieuses femmes bientôt furent là. En pleurant, on courut au plus pressé ; on se hâta, sans songer aux auteurs du crime, de donner aux deux martyres les secours que réclamait leur état. Pétronille fut tendrement soignée ; bien vite aussi on banda les blessures de Lidwine; on arracha, comme on put, les pailles ensanglantées de son lit. Et que d'amères larmes on versa à ces divers soins qui prirent presque le reste de la journée !

Pendant ce temps-là, le prince, l'armée, les quatre scélérats aussi étaient partis ; rien n'avait encore transpiré. Mais bientôt le bruit de l'attentat avait commencé à se répandre. En un instant, la ville entière en fut informée; il n'y eut alors qu'un immense cri d'indignation et de colère. Les magistrats accoururent : « Lidwine, lui dirent-ils, nous allons immédiatement partir; ce soir ou demain nous atteindrons le prince ; il est juste et généreux; il nous fera justice ! - Gardez-vous-en bien, s'écria la sainte; non, non, je ne veux pas de vengeance; je leur pardonne de toute mon âme. Et d'ailleurs, ajouta-t-elle avec un soupir plein de tristesse, ce serait en vain, Dieu lui-même, dans sa sévérité, a déjà prononcé sur le châtiment de ces infortunés ! »

Elle ne disait que trop vrai. Ce même soir, au port de Rotterdam, au moment où les navires qui portaient les troupes parties de Schiedam y faisaient leur entrée, sur l'un de ces navires, un événement terrible avait lieu. On vit un homme comme saisi tout d'un coup par un tourbillon de vent affreux. Ce tourbillon prenait ce malheureux, l'enlevait, le rejetait sur le pont, l'enlevait encore, puis le rejetait avec une nouvelle fureur sur le plancher du vaisseau, en lui brisant la tête jusqu'à l'effusion des cervelles, et enfin, le soulevant de nouveau, le précipitait dans les flots, d'où on ne retira qu'un cadavre horriblement mutilé. C'était l'un des quatre misérables, celui précisément qui avait promené un flambeau devant les yeux de la vierge !

A quelques jours de là, arrive le tour d'un autre des coupables. Celui-là, en pleine mer, est pris de folie furieuse; sa vue inspire l'horreur; ses violences sèment l'épouvante; on est forcé de le jeter dans une chaloupe qui le dépose sur la terre de Zélande, où il expire de misère.

Encore un peu plus tard, un troisième trouve une atroce mort dans un combat contre les Anglais.

Restait le quatrième. Déjà trois mois s'étaient écoulés. Il semblait que Dieu voulût user de miséricorde envers lui. Enfin, lui aussi, il tombe frappé d'une maladie terrible. « Souvenez-vous ! lui dit son domestique; oui, souvenez-vous des outrages que vous avez faits, avec vos complices que Dieu a déjà punis, à la vierge de Schiedam ! La médecine ne vous peut rien; vous n'avez qu'un refuge, c'est le repentir, repentez-vous !» Cette sainte liberté fit un miracle. Cet homme au cœur de bronze fut attendri; des larmes coulèrent; il supplia son serviteur, à mains jointes, d'aller lui même jusqu'à Schiedam implorer son pardon. Et le pieux serviteur, entreprenant ce long voyage, revit la sainte,pleura à ses pieds. Qu'est-il besoin de le dire ? La douce vierge fut heureuse de pardonner, plus heureuse encore de rendre la santé à celui qui l'avait tant fait souffrir; pardon et guérison, le serviteur emporta tout.Combien de temps quelque parent tarda-t-il à venir ? Et quel spectacle quand on rentra ! Pétronille étendue à terre presque sans vie; ces rideaux arrachés, ce lit en désordre ; Lidwine elle-même affreusement blessée et baignée dans son sang, presque deux cadavres !. Ce fut un cri d'horreur ! De pieuses femmes bientôt furent là. En pleurant, on courut au plus pressé ; on se hâta, sans songer aux auteurs du crime, de donner aux deux martyres les secours que réclamait leur état. Pétronille fut tendrement soignée ; bien vite aussi on banda les blessures de Lidwine; on arracha, comme on put, les pailles ensanglantées de son lit. Et que d'amères larmes on versa à ces divers soins qui prirent presque le reste de la journée !
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