L'abbé Laffite reproche à Léon XIII de n'avoir pas du tout vu que l'on ne pouvait pas séparer la France Républicaine et la France Maçonnique ; c'était une seule et même France et ajoute Je maintiens que la France catholique est morte en 1892 par ce coup de couteau de Léon XIII.
Cette même critique est formulée de façon moins osée et plus convaincante (à mon avis) dans l'ouvrage Histoire du Citoyen de Jean de Viguerie, dont voici des extraits :
Les diverses critiques à l'encontre de Léon XIII contenues dans les extraits ci-dessus me semblent injustes mais malaisées à réfuter.Jean de Viguerie, Histoire du Citoyen, p.179 a écrit : Léon XIII, dans ses deux encycliques, Immortale Dei (1885) et Sapientiae christianae (1890), avait rappelé que l'Église ne condamnait aucune forme de gouvernement. Et il avait ajouté que la mise à l'index des théories libérales par ses prédécesseurs, Grégoire X et Pie IX, n'impliquait en aucune façon la République française. (...)
Le 16 février 1892, l'encyclique Inter innumeras sollicitudines , (...) appelle à nouveau à se rallier à la République, ajoutant à l'inventaire de ses instructions précédentes la distinction qui fera date entre la Constitution et la législation, la première qu'il faut accepter, la seconde corriger. Le 3 Mai 1982, il y revient encore, écrivant aux cardinaux français : "Acceptez la République, c'est-à-dire le pouvoir existant et constitué parmi vous, respectez-le et soyez lui soumis comme répresentant le pouvoir venu de Dieu. "
On peut s'étonner d'une telle insistance. En l'espace de sept ans, par quatre documents solonnels, le Successeur de Pierre engage toute son autorité en exigeant la soumission à la République.
Or, sa doctrine prête à critique. Certes, le quatrième commandement ordonne la soumission à la puissance publique, tout pouvoir venant de Dieu. Certes, le Christ a dit : "Rendez à César". Mais l'Église enseigne aussi que la soumission a des limites. Il est dit, par exemple, dans le Catéchisme du Concile du Trente, que si "les magistrats ont le malheur d'ordonner quelque chose de mauvais ou d'impur, nous ne sommes obligés en aucune façon de leur obéir". Or, n'est-ce pas précisément le cas du gouvernement de la République ? Il y a donc permission non seulement de résister, mais aussi de désobéir.
Un autre point est contestable dans la doctrine du Pontife. Il écrit dans Inumeras que l'Église a toujours reconnu tous les gouvernements qui se sont succédés en France. Or, il y a au moins une exception. Le Saint-Siège, à notre connaissance, n'a jamais reconnu la 1ère République proclamée en Septembre 1792 par l'Assemblée Législative et fondée sur l'abolition de la Royauté.
On ne peut comprendre qu'un Pape aussi savant que Léon XIII, qui a remis en honneur la philosophie thomiste par l'encyclique Aeterni Patris en 1879-le grand pape de la doctrine sociale de l'Église-, ait pu nourrir de telles illusions sur le régime républicain de la France et passer sous silence, comme s'il les ignorait, les origines philosophiques d'un tel régime. Quelles influences a-t-il subies ? Quel fut son raisonnement intérieur ? Le mystère subsiste.
(...)
Le Ralliement a des adversaires de qualité. Ceux-ci plaident contre le Ralliement, mais leur plaidoirie est incomplète. Les deux opposants principaux sont Mgr Freppel, évêque d'Angers et député, et le sénateur Keller. Mgr Freppel (...) se montre virulent (...) dénonce "un régime impie et gouverné par la franc-maçonnerie" et une République "athée" à laquelle il veut substituer une monarchie chrétienne. Mais il oublie de dire que la République en France n'est pas une forme de gouvernement comme les autres, mais une idéologie qui prend le nom d'une forme de gouvernement. Elle n'est pas une république athée, mais l'athéisme même portant le nom de république. La réponse du sénateur Keller au cardinal est marquée du même défaut. Il écrit au cardinal que les "catholiques zélés n'ont pas foi en la forme républicaine, qu'ils la considèrent comme identifiée avec la haine de l'Église". Or, la République n'est pas identifiée avec la haine de l'Église. Sa nature même n'est pas celle d'une forme de gouvernement. Sa nature est la haine de l'Église. Car la République, c'est la Révolution, et la Révolution, c'est avant tout l'antichristianisme. Or, cela semble oublié de tous, aussi bien du pape Léon XIII et du cardinal Lavigerie que de leurs contradicteurs. (...)
Aurait-on pu convaincre Léon XIII ? Cela n'est pas sûr. L'acharnement de ce pape à prêcher le ralliement et à l'imposer passe l'imagination. En 1891, il en donne un nouveau témoignage lorsque se constitue l'Union de la France chrétienne, (...) "pour défendre la liberté religieuse, la liberté d'enseignement, la liberté de la charité, la liberté d'association." Le programme de ce nouveau mouvement ne faisant aucune référence aux consignes de ralliement, le cardinal Rampolla fait savoir au comité directeur que le pape ne peut s'en satisfaire et demande de suivre la "conduite tracée dans ses dernières lettres en se plaçant sur le terrain constitutionnel". (...) Bientôt l'Union est dissoute. C'en est fait de l'opposition organisée des catholiques à l'antichristianisme appelé République.