Telles sont les funestes semences que l'homme ennemi jette en nous pendant que nous dormons, semences d'où naissent tant d'actions coupables et par suite tant d'habitudes de péché, le plus grand obstacle à la vie chrétienne. Essayez de tirer de leur sommeil et d'avertir du danger qu'ils courent ceux qui dorment de la sorte, ils vous entendront peut-être, ils vous remercieront même de vos avis ; mais, entraînés par le poids de l'habitude et les charmes du plaisir, ils retomberont bientôt dans leur torpeur. C'est ce que l'Ecclésiastique nous enseigne par une comparaison très-juste : « L'homme qui parle à celui qui ne l'écoute point, est comme celui qui réveille un homme d'un profond sommeil, » qui narrat verbum non audienti, quasi qui excitat dormientem de gravi somno, Eccli., XXII, 8. Qui n'a rencontré un de ces malades qu'une fièvre soporifique enchaîne dans un lourd et funeste sommeil ? En vain vous lui agitez les bras, vous faites retentir vos cris à ses oreilles, vous l'avertissez du danger dont ce sommeil le menace ; il ouvre les yeux, il écoute volontiers vos paroles, il tâche même de se tenir éveillé ; mais l'influence des humeurs morbides l'emporte et le replonge dans un assoupissement plus profond encore que le premier.
Voilà ce qui arrive souvent aux infortunés qui sont ensevelis dans l'habitude du péché et des plaisirs coupables. Faites retentir à leurs oreilles les plus terribles vérités de la religion ; mettez sous leurs yeux la mort, le jugement, l'enfer, les récompenses et les supplices sans fin, la croix du Sauveur, la longue chaîne de leurs iniquités, le danger d'une mort subite, ils vous écoutent, quelquefois même avec plaisir, ils reconnaissent la vérité et la sagesse de vos discours, ils font un effort pour sortir de leurs ténèbres et de leur funeste torpeur, mais le poids de l'habitude les accable, l'amour du siècle et des plaisirs les entraine, et ils retournent à leur premier état.
(à suivre)