Résumé de théologie dogmatique, Livre V : La Rédemption

[chartreux]

Section 207. Effets de la réparation faite par le Christ sur l'humanité.

I. Le but de la réparation faite par le Christ est la délivrance de l'humanité du péché et de ses conséquences, et la distribution de toutes les grâces surnaturelles qui sont nécessaires au salut. L'œuvre du Rédempteur nous a redonné la prérogative principale de l'état de justice originelle, savoir la grâce sanctifiante (cf. Rom. 5:12 et suiv.). Les prérogatives secondaires seront restaurées à la résurrection. En attendant, dans sa sage loi, le Christ ordonne que ses adhérents se sanctifient en supportant les maux comme lui-même les a supportés (Concile de Trente, sess. 5, can. 5).

[chartreux]

II. L'œuvre salutaire du Christ n'a pas instantanément transformé chaque pécheur en un saint : elle a seulement procuré les moyens vers ce but. La mort sur la croix a apaisé Dieu, détruit le pouvoir du démon et fondé le royaume de la grâce ; mais la réconciliation effective avec Dieu et la sanctification de l'individu sont effectuées par d'autres actes spécifiques, partiellement divins et partiellement humains. Cela est clairement sous-entendu dans l'Écriture qui parle à la fois d'une Rédemption déjà accomplie et d'une Rédemption à venir.

[chartreux]

La génération naturelle fait de nous des participants au péché d'Adam, des membres d'une famille ruinée spirituellement, par un acte du chef qui ne peut plus réparer lui-même les conséquences de son acte ; cette génération ne nous fait pas automatiquement participants de la grâce du Christ, par ce que le Christ n'a pas voulu qu'il en soit ainsi. Certes, il est nécessaire d'être né de l'homme pour devenir membre du royaume du Christ, mais cela ne suffit pas.

L'admission à la famille du Christ, à la participation à son œuvre rédemptrice, dépend de sa volonté, et est régie par des lois d'un ordre surnaturel librement institué. La nécessité de "nous approcher de Dieu" (Héb. 7:19) explique comment les mérites du Christ ont été appliqués à ceux qui ont vécu avant la Rédemption : ceux-là se sont approchés de lui par la foi à la venue de "l’Agneau qui a été immolé dès l’origine du monde" (Apoc. 13:8).

[chartreux]

III. Comme le salut des individus dépend de conditions qui ne sont pas réalisées chez beaucoup, une question se pose concernant l'étendue de la volonté de sauver du Christ. L'Église enseigne qu'il a voulu le salut de toute l'humanité pécheresse sans aucune exception. Cependant, ceux qui meurent en péché mortel, ainsi que les anges déchus, ne retirent aucun bénéfice effectif de la Rédemption.

[chartreux]

III. 1. Il est défini que le Christ est mort pour le salut de ceux qui lui sont liés par la foi ou le baptême, et c'est hérésie condamnée de dire qu'il n'est mort que pour les prédestinés (cf. la condamnation des cinq propositions de Jansénius par le pape Innocent X). Des définitions similaires ont été faites contre les prédestinationnistes du Vᵉ et du IXᵉ siècles ; cette doctrine est de plus contenue dans le symbole de Nicée : "qui est descendu du ciel pour nous et pour notre salut" (cf. Jean 3:14-18, 6:37-40 ; Rom. 8:31, etc). Cf. §219, IV plus bas.

[chartreux]

III. 2. Il n'est pas expressément défini par l'Église, mais il est néanmoins de foi (par ce que clairement contenu dans l'Écriture, et enseigné par les Pères) que le Christ est mort pas seulement pour ceux qui vont effectivement acquérir la foi, mais pour tous les hommes sans exception, de sorte qu'au moins une possibilité lointaine de salut est accordée à tous. De plus, les Pères et théologiens enseignent comme étant de fidei proximum que pour les actes, la possibilité de salut à leur disposition est telle que sa non-réalisation est de leur propre faute exclusivement. En ce qui concerne ceux qui meurent avant l'usage de leur raison, la volonté de Dieu de les sauver doit être considérée comme sincère aussi ; c'est-à-dire que les moyens ordinaires de salut peuvent et doivent leur être appliqués si possible, et Dieu le veut et ordonne de le faire.

[chartreux]

De même que la volonté divine de sauver les adultes n'est pas considérée comme hypocrite sous prétexte que Dieu ne supprime pas les obstacles que les hommes mettent devant Lui par leur propre faute, de même la volonté de Dieu de sauveur les petits enfants ne doit pas non plus être discréditée sous prétexte qu'Il ne fait pas de miracle pour supprimer les obstacles naturels à leur salut. Les passages affirmant l'universalité de la volonté de sauver du Christ abondent dans la sainte Écriture : "Jésus-Christ est une propitiation pour nos péchés ; et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier" (1 Jean 2:2). Le texte de 1 Tim. 2:4 est classique : Dieu, notre Sauveur, qui veut que tous les hommes (πάντας ἁνθρώπους) soient sauvés et qu’ils parviennent à la connaissance de la vérité".

[chartreux]

IV. Les jansénistes et les protestants accusent souvent les catholiques de semi-pélagianisme en raison de la doctrine que nous venons d'exposer. Les semi-pélagiens tenaient que : (a) Dieu (et le Christ) ne distribuent les moyens de salut qu'à ceux qui désirent être sauvés avant toute intervention divine, (b) la volonté divine de sauver est entièrement circonscrite et contrôlée par le choix libre de l'homme : cette volonté réussit ou échoue unique suivant le bon vouloir humain (c) Comme la volonté de sauver chez Dieu est absolue et qu'Il fait tout ce qui est nécessaire de son côté, le non-salut d'un individu ne peut résulter que de sa résistance obstinée.

[chartreux]

La doctrine catholique est et a toujours été complètement différente : (a) La volonté de sauver chez Dieu n'est aucunement subordonnée à des actes libres humains ; Il est toujours le premier agent dans le processus du salut. (b) Dieu règle à sa guise les mouvements de la volonté humaine, lui donnant des aides pour coopérer à sa grâce ou bien lui permettant de résister. (c) La volonté de sauver chez Dieu n'est pas absolue, au sens où Dieu ne fait pas tout ce qui est en son pouvoir pour sauver l'homme ; il peut librement laisser subsister des obstacles au salut, qu'il lui serait possible de supprimer ou de neutraliser.

[chartreux]

V. Il est de foi encore que tout péché, si énorme qu'il soit, peut toujours être pardonné par les mérites du Christ ,s'il y a repentir avant la mort. C'est une conséquence nécessaire de l'universalité de la volonté de sauver de Dieu. Il y a cependant certains péchés qui par leur nature même, rendent le repentir très-difficile, voire impossible : ainsi l'incroyance en les moyens de la grâce, l'impénitence finale, etc. "Le blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis" (Matth. 12:31), non pas à cause d'une réticence quelconque en Dieu, mais en raison de la nature du péché qui consiste en une résistance obstinée à la lumière et la grâce de Dieu.