De Dieu on ne se moque pas impunément, tôt ou tard :
Rohbacher a écrit :
« L’empereur, qui prétendait ainsi gouverner l’Église de Dieu, ne savait gouverner ni son empire ni sa propre personne.
En 686 il fit une paix funeste avec les Sarrasins ; car, pour leur complaire, il força traîtreusement une partie des Maronites, que les Sarrasins appelaient Mardaïtes ou rebelles, à leur livrer leurs forteresses pour se retirer dans l’Arménie et dans la Thrace.
En 692 il rompit non moins imprudemment cette paix. En 688 il avait rompu de même la paix avec les Bulgares, qui faillirent l’exterminer peu après avec toute son armée.
L’empire était ainsi ravagé d’un côté par les Bulgares, de l’autre par les Sarrasins.
Pour s’en consoler le jeune empereur élevait de superbes édifices, qui coûtaient encore plus à ses sujets que les incursions des Barbares.
Afin d’embellir les dehors de son palais il fit construire une magnifique fontaine et un lieu de parade où il devait faire la revue de la faction bleue, qu’il honorait de sa faveur.
Il fit bâtir, dans son palais même, une salle de festin d’une étendue extraordinaire, dont le pavé et les murs étaient revêtus des marbres les plus précieux et enrichis de compartiments d’or. Pour exécuter ses desseins il fallait abattre une église de la Sainte Vierge.
L’empereur s’adressa au patriarche Gallinicus, qui avait succédé à Paul, mort l’an 693, et lui ordonna de prononcer les prières en usage lorsqu’il était besoin de détruire un lieu saint ; le patriarche répondit qu’il avait des formules de prière pour la construction des églises, mais qu’il n’en avait point pour leur destruction.
L’empereur insistant jusqu’à la violence, le patriarche dit : « A Dieu, qui supporte tout, gloire et honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.» Et aussitôt on abattit l’église.
L’empereur était secondé dans ses œuvres de folie par deux ministres principaux ; l’un était Étienne, Perse de nation et chef des eunuques.
Cet homme sanguinaire, préposé à la construction des nouveaux édifices, traitait inhumainement les ouvriers, et, sur le moindre sujet de plainte, il faisait tuer à coups de pierres et les manœuvres et les inspecteurs ; il porta même l’insolence jusqu’à faire donner le fouet à la mère de l’empereur.
L’autre était le grand-trésorier Théodote, autrefois moine. Plus cruel qu’Étienne, il inventait tous les jours de nouvelles taxes ; ni le rang ni la naissance ne pouvaient soustraire à ses persécutions ; il se faisait un jeu des confiscations, des proscriptions, des supplices même.
Payer lentement, murmurer contre l’imposition, c’était un crime digne de mort ; on pendait les contribuables par les pieds à un gibet, et on allumait au-dessous de leur tête un monceau de paille pour les asphyxier.
Tant de cruautés soulevaient tous les esprits ; une révolution était imminente.
Pour la prévenir l’empereur ordonna au général de ses troupes d’égorger pendant la nuit le peuple de Constantinople, à commencer par le patriarche.