Sens parfois seulement accommodatice de versets isolés de leur contexte :
Puisque ce qui précède montre qu’il convient de mettre les points sur les i en entrant dans les moindres détails, astreignons-nous-y.
Saint Thomas se serait-il trompé ?
La réponse est fournie ici :
Anne-Marie a écrit :M. l'Abbé a donné l'explication du sens second de ce psaume. (....) Saint Thomas a voulu sans doute donner une interprétation accommodatice à ce psaume.
et là :
gabrielle a écrit :Citer un psaume en un sens second et accommodant, à mon avis, ne relève pas de l'erreur, mais d'un sens que Saint Thomas trouva acceptable quoique lointain du sens premier de ce psaume, car il ne dit pas que Jésus était libre parmi les morts, comme le demandait la question de l'abbé, il est le résultat de cette liberté de Notre-Seigneur.
Le Docteur Commun, comme d’autres, fait en ses commentaires des centaines de rapprochements semblables au sens plus ou moins proche ou éloigné mais parallèle d’autres passages de l’Ecriture.
Le propre d’un sens accommodatice, généralement appliqué à un verset sorti de son contexte, est d’être acceptable en lui-même et intéressant ou enrichissant en soi, tout en n’étant point le sens propre, obvie et principal de ce verset.
Le plus souvent, remis en son contexte, il devient relatif et apparaît plus ou moins sollicité. Ce qui n’empêche pas les Saints Docteurs d’y avoir recours à titre d’illustration de leurs propos, notamment dans leurs sermons, et ce recours ne le transforme nullement pour autant en sens propre.
D’où ma première réaction, concernant le sens propre communément exposé par le grand nombre des Saints Docteurs, et mon acquiescement en second lieu, mais non comme le sens obvie dans son contexte.
La peinture de Fra Angelico peut très bien s’inspirer d’un tel sens accommodatice reçu, comme de celui du Psaume 106,14-16 par exemple (1), mais plus simplement de la réalité même de la délivrance effective des Saints Patriarches lors de la descente du Christ-Sauveur aux Enfers des Limbes Patriarcaux.
(1) Après l’exposition de ces versets en leur sens propre lié au contexte, Saint Jérôme (in Ps. 106, 16), en cite ce second sens possible, quant à ces seuls versets pris en eux-mêmes, de la sorte :
Saint Jérôme a écrit :« Car Il a brisé les portes d’airain de l’enfer et en a brisé les verrous ; car Il est revenu vainqueur dans les hauteurs ; car Il est rentré dans les Cieux.».
La Liturgie s’en servant aussi en ce sens second, hors contexte.
Toutefois,
il reste possible, dans le sens particulier et spécifique d’une
entrée en vainqueur et non en vaincu en vue d’une prompte
sortie générale,
de l’insérer ainsi dans le contexte général et le sens principal du Psaume 23 :
gabrielle a écrit : Psaume XXIII v 7 Mais dans la Glose on trouve un autre commentaire. Le Christ est descendu aux enfers et est monté au ciel ; et il annonce ces deux choses ici. Il commence par exhorter les princes infernaux pour qu'ils ouvrent, aussi dit-il : Elevez, etc. Ô princes infernaux, ouvrez vos portes : et vous, élevez-vous, portes éternelles, et le roi de gloire entrera. Mais lorsque les démons demandaient : Qui est ce roi de gloire ? il répond : Celui qui fut fort et puissant au combat contre toi. Ensuite il exhorte les citoyens qui habitent au-dessus de nous : Ouvrez les portes, du paradis. Aussi le Christ répondant comme avec la voix du héraut, et tenant son rôle, dit en dirigeant sa voix vers le ciel : ô princes, célestes, Elevez, c'est-à-dire ouvrez vos portes, etc., et le roi de gloire entrera. Et à ceux qui l'interrogent, il dit : Le Seigneur des armées, c'est lui le roi de gloire… Extrait des commentaires de Saint Thomas d’Aquin sur les psaumes éditions du Cerf 1999
1̊ Le début de la citation faite par Gabrielle est déjà éclairant par lui-même :
Mais dans la Glose on trouve un autre commentaire. Pourquoi
un autre !? Parce que, tout au long de son commentaire de ce Psaume, Saint Thomas traite, selon le sens tropologique ou moral, du règne universel du Christ sur les âmes (comme Saint Augustin avant lui, Saint Bède et Saint Bruno l’y suivant), et non du sens allégorique, ici principal, se rapportant à l'Ascension.
Au verset 7, il s'agit d'une demande aux démons et puissances séculières d'ôter les entraves à son ENTRÉE dans les âmes.
Après le sens moral qu'il explique tout au long, vers la fin, il expose brièvement le sens allégorique cité par Gabrielle des derniers versets. Le Docteur Commun cite donc déjà lui-même, non ce qui serait L’UNIQUE sens, et de surcroît principal, de ce verset, mais deux sens différents, ne traitant du 2e que très brièvement à la fin.
2̊ La plupart des Pères et Saints Docteurs traitant tout au long du sens allégorique concernant l’Ascension, appliquent, non pas seulement les versets 9 et 10, mais les 4 derniers, 7 à 10, au dialogue entre les Saints Anges lors de l’Ascension.
Alors ? Pourquoi une telle “inutile” répétition ? Pour mieux marquer et signifier la réalité stupéfiante se déroulant sous leurs yeux : Un être revêtu de chair humaine s’élève dans les Cieux !
Mais
« qui est ce Roi de Gloire ? » La première réponse est déjà éloquente, mais pas encore complète :
« Le Seigneur fort et puissant dans les combats.» (v. 8). Mais de quel
Seigneur s’agit-il ? car ce n’est qu’un être revêtu de chair humaine, donc d’une nature
« un peu inférieure aux Anges » (Ps. 8,6), inférieure donc à notre nature angélique, que l’on perçoit pourtant s’élever si étonnamment dans les Cieux.
Toutefois, la stupeur ne cesse de grandir : Il ne s’élève pas seulement dans les Cieux, mais passe au-delà des premiers Choeurs Angéliques en lesquels Il laisse derrière Lui la plupart des Patriarches élevés à sa suite....
Il passe même la seconde Hiérarchie Angélique, et traverse rapidement la 3e en s’élevant toujours plus haut ! D’où la seconde question, et la 2e réponse qui ne laisse plus de doute sur sa sublime Identité :
« - Qui est ce Roi de Gloire ? - Ce Roi de Gloire, c’est le Seigneur des Armées Lui-même ! »
Voilà le sens sublime de cette répétition, voici le sens principal communément exposé dans le sens allégorique de ces 4 versets.
Ce que l’on pourrait encore compléter, comme fait en mon Livre IV en préparation et en plusieurs de mes sermons sur ce sublime sujet du triomphe de l’Ascension, par d’autres questions posées par les Saints Anges, avec cette fois des réponses du Christ-Seigneur Lui-même, évoquées par Isaïe 63,1s, dont deux commentaires résumeront le sens de toute mon intervention :
Saint Jérôme a écrit :
« C’est Lui que les Puissances Angéliques voient monter ensanglanté vers le Père, et au sujet duquel elles commandent aux autres Anges et leur disent :
« - Levez, vos portes, ô Princes [ou Principautés], et élevez-vous, portes éternelles, et le Roi de gloire entrera. - Qui est ce Roi de Gloire ? Le Seigneur fort et puissant ; le Seigneur puissant dans le combat.» (Ps. 23,7-8).
Et encore : « Ce Roi de Gloire, c’est le Seigneur des Armées Lui-même ! » (Ps. 23,10).»
(Saint Jérôme, in Isaïe 63,1)
Cornélius a Lapide a écrit :
« On peut également référer ces paroles au diable vaincu et rendu honteux par le Christ, s’étonnant et s’indignant d’une telle gloire conférée au Christ, et interrogeant en disant : « Qui est Celui-ci, qui vient d’Edom ? », c.à.d. de la terre, de la bourbe des humains misérables et pécheurs, s’élevant avec une telle puissance et une telle force ? ; ainsi l’expose Saint Athanase (L. De salutari Christi adventu)
.... (Cependant) d’une manière commune, les Pères entendent ce passage (certes) du triomphe du Christ montant au Ciel, (mais) comme d’un dialogue entre les Anges questionnant et le Christ répondant et expliquant pourquoi Il monte aussi triomphant pour avoir vaincu Satan, la mort et l’idolâtrie.
Ainsi l’exposent Saint Jérôme et Saint Cyrille (ibid.), Saint Denis (Coelest. Hier. Ch. 7), Saint Justin (Dial. Avec Tryphon), Saint Augustin (serm. 5 de Asc.), Saint Ambroise (De institut. Virg. Ch. 5), Origène (hom. 14 in Mt.).
Saint Denis y voit de plus une interrogation faite par les Anges inférieurs désirant être instruits par les Anges supérieurs sur ce si admirable triomphe et cette si étonnante Ascension du Christ.»
(Cornélius a Lapide, in Isaïe 63,1)
Alors, que l’on puisse donner en second lieu une autre interprétation complémentaire, certes, cela fait un enrichissement de plus !
A relier alors ainsi au sens principal concernant l’Ascension, en appliquant ce sens particulier à la première injonction et interrogation des versets 7 et 8, et les secondes des versets 9 et 10 au sens propre de l’entrée triomphale au Ciel, selon le sens général de ce Psaume concernant l’Ascension.
Ceci, en ce cas, par allusion ou comparaison avec le triomphe des Empereurs Romains montant au Capitole en traînant liés derrière eux les captifs de leurs victoires, et en relation avec le
« Ascendisti in altum, cepisti captivitatem, accepisti dona in hominibus » du Psaume 67,19, ainsi repris par Saint Paul :
« Propter quod dicit : Ascendens in altum captivam duxit captivitatem : dedit dona hominibus.
Quod autem ascendit, quid est, nisi quia et descendit primum in inferiores partes terrae ? Qui descendit, ipse est qui ascendit super omnes caelos, ut impleret omnia.» (Ephes. 4,6-10).
Comment en effet le Très-Haut, l’élevé au maximum, qu’est le Verbe divin, aurait-Il pu monter s’Il n’était d’abord descendu ici-bas sur terre, en poussant encore sa condescendance à descendre encore plus bas aux Enfers des Limbes pour en délivrer les captifs ?
Ce qui va nous ramener à la suite de notre sujet, concernant la prière du Verbe Incarné en son Humanité Sainte, en sa manière adaptée à notre pensée commune de s’y exprimer, non pour Lui, mais pour les Siens.