Le juge, désireux de faire partager par le jury entier l'angoisse de sa propre conscience, et s'imaginant que si les jurés la déclaraient coupable ses mains seraient pures du sang versé, reprit une fois de plus : « Ma bonne dame, je vous en prie, allez au jury, qui n'aura contre vous que la dénonciation d'un enfant; quoi que disent les jurés, nous pourrons encore vous prendre en pitié. » La martyre refusa.
M. Rhodes dit : « Passerons-nous la journée entière à nous occuper de cette mégère entêtée? Dépêchons-lui son affaire. »
— Le juge reprit encore : « Si vous ne voulez pas vous soumettre au jugement du jury, voici quelle sera votre sentence. Vous retournerez là d'où vous venez ; on vous mènera dans les souterrains de la prison et on vous mettra toute nue. Puis on vous couchera le dos sur le sol et on mettra sur vous la charge la plus lourde que vous pourrez supporter. Vous demeurerez trois jours dans cette torture sans boire ni manger qu'un peu de pain d'orge et de l'eau sale. Le troisième jour, les mains et les pieds attachés à des pieux, une pierre aiguë sous l'échine, on vous écrasera. »
La martyre, debout, ne montra point de crainte, ne changea pas de physionomie et dit avec douceur : « Si ce jugement est conforme à votre, conscience, je prie Dieu qu'il vous en fasse un moins rigoureux devant son tribunal ; mais j'en remercie Dieu du fond du coeur. »
— Le juge dit encore : « J’agis conformément à la loi et vous préviens que telle sera votre sentence, à m'oins que vous ne vous laissiez juger par le jury. Réfléchissez-y. Vous avez un mari et des enfants à chérir; ne soyez pas vous-même la cause de votre perte.
— Plût à Dieu, dit la martyre, que mon mari et mes enfants eussent à souffrir avec moi pour une pareille cause. »
Paroles qui firent répandre le bruit parmi les hérétiques qu'elle aurait volontiers pendu son mari et ses enfants si elle l'avait pu faire. Cette sentence une fois prononcée, le juge dit encore :
« Margaret Clitherow, que décidez-vous enfin ? Voulez-vous vous en remettre au jugement du jury ?
Malgré la sentence rendue contre vous conformément à la loi, nous voulons vous témoigner encore de la pitié si vous voulez bien, de votre côté, vous y prêter en quelque manière. » La martyre, levant les yeux au ciel, dit joyeusement :
« Grâce à Dieu, tout ce que Dieu m'enverra sera bien venu. Je ne suis pas digne d'une aussi bonne mort que celle-ci. J'ai mérité la mort pour les péchés que j'ai commis contre Dieu, mais pour aucune des choses dont on m'accuse. »
Le juge ordonna ....