Re: Le Cœur Immaculé de Marie
Publié : mar. 31 août 2021 11:06
(à suivre)
Mais afin de mieux connaître ce qu'on entend par le Cœur de la bienheureuse Vierge, il faut savoir que, comme en Dieu nous adorons trois Cœurs, qui pourtant ne sont qu'un Cœur; et comme en l'Homme-Dieu nous adorons trois Cœurs qui ne sont qu'un même Cœur : de même nous honorons trois Cœurs dans la Mère de Dieu, qui ne sont qu'un Cœur.
Le premier Cœur qui est en la très sainte Trinité, c'est le Fils de Dieu, qui est le Cœur de son Père, comme il a été dit ci-dessus. Le second, c'est le Saint-Esprit, qui est le Cœur du Père et du Fils. Le troisième, c'est l'Amour divin, l'un des adorables attributs de la divine essence, qui est le Cœur du Père, du Fils et du
Saint-Esprit; trois Cœurs qui ne sont qu'un très simple et très unique Cœur, avec lequel les trois Personnes éternelles s'aiment mutuellement d'un amour aussi grand qu'elles le méritent, et nous aiment aussi d'une charité incomparable.
Le premier Cœur de l'Homme Dieu, c'est son Cœur corporel, qui est déifié, ainsi que toutes les autres parties de son sacré corps, par l'union hypostatique qu'elles ont avec la personne divine du Verbe éternel. Le second, c'est son Cœur spirituel, c'est-à-dire la partie supérieure de son âme sainte, qui comprend sa mémoire, son entendement et sa volonté, et qui est particulièrement déifiée par la même union hypostatique. Le troisième, c'est son Cœur divin, qui est le Saint Esprit, duquel son humanité adorable a toujours été plus animée et vivifiée que de son âme propre et de son propre Cœur; trois Cœurs dans cet admirable Homme-Dieu qui ne sont qu'un Cœur, parce que son Cœur divin étant l'âme, le cœur et la vie de son Cœur spirituel et de son Cœur corporel, il les établit dans une si parfaite unité avec lui, que ces trois Cœurs ne font qu'un Cœur très unique, qui est rempli d'un amour infini au regard de la très sainte Trinité, et d'une charité inconcevable au regard des hommes.
Le premier Cœur de la Mère de Dieu, c'est le Cœur corporel qui est enfermé dans sa poitrine virginale. Le second, c'est son Cœur spirituel, le Cœur de son âme, qui est désigné par ces paroles du Saint-Esprit : Omnis gloria Filia Regis ab intus (1) : « Toute la gloire de la fille du Roi prend son origine dans son intérieur », c'est-à-dire dans le cœur et dans le plus intime de son âme, duquel il sera parlé plus amplement ci-après. Le troisième Cœur de cette divine Vierge, c'est celui dont elle parle quand elle dit : Je dors, et mon Cœur veille (2) ; c'est-à-dire, selon l'explication de plusieurs saints Docteurs, pendant que je donne à mon corps le repos qui lui est nécessaire, mon Fils Jésus, qui est mon Cœur et que j'aime comme mon Cœur, est toujours veillant sur moi et pour moi.
Le premier de ces trois Cœurs est corporel, mais tout à fait spiritualisé par l'esprit de grâce et par l'Esprit de Dieu dont il est tout rempli.
Le second est spirituel, mais divinisé, non pas par l'union hypostatique comme le Cœur spirituel de Jésus, dont nous venons de parler, mais par une très éminente participation des divines perfections, comme l'on verra dans la suite de cet ouvrage.
Le troisième est divin et Dieu même, puisque c'est le Fils de Dieu.
Ces trois Cœurs de la Mère de Dieu ne sont qu'un seul Cœur, par la plus sainte et la plus étroite union qui fut ni qui sera jamais, après l'union hypostatique. C'est de ces trois cœurs, ou plutôt de cet unique cœur, que le Saint-Esprit a prononcé par deux fois ces divines paroles : Marie conservait toutes ces choses dans son cœur (3).
Car premièrement elle conservait tous les mystères et toutes les merveilles de la vie de son Fils en quelque manière dans son cœur sensible et corporel, principe de la vie et siège de l'amour et de toutes les autres passions, parce que tous les mouvements et battements de ce cœur virginal, toutes les fonctions de la vie sensible qui en procédaient, et tous les usages des susdites passions, étaient employés pour Jésus et pour toutes les choses qui se passaient en lui : l'amour, pour l'aimer; la haine, pour haïr tout ce qui lui était contraire, c'est-à-dire le péché; la joie, pour se réjouir de sa gloire, de ses grandeurs; la tristesse, pour s'affliger de ses travaux et souffrances; et de même des autres passions.
Secondement, elle les conservait dans son cœur, c'est-à-dire dans la partie la plus noble de son âme, dans le plus intime de son esprit. Car toutes les facultés de la partie supérieure de son âme étaient sans cesse appliquées à contempler et adorer tout ce qui se passait en la vie de son Fils, jusques aux moindres choses.
En troisième lieu, elle les conservait dans son cœur, c'est-à-dire dans son Fils Jésus, qui était l'esprit de son esprit et le cœur de son cœur : lequel les conservait pour elle et les lui suggérait et remettait en mémoire lorsqu'il était convenable, tant afin qu'elles servissent de nourriture à son âme par la contemplation, et qu'elle y rendît les honneurs et adorations qui leur étaient dues, comme aussi afin qu'elle les racontât aux saints Apôtres et Disciples, pour les prêcher aux fidèles.
Voilà ce qu'on entend par le cœur admirable de la bien-aimée de Dieu, qui est une image accomplie du cœur adorable de Dieu et de l'Homme-Dieu, ainsi que nous le verrons encore plus clairement ci-après.
(1) Psal. XLIV. 14.
(2) «Ego dormio, et Cor meum vigilat.» Cant. V, 2.
(3) « Et Mater ejus conservabat omnia verba haec in corde suo.» Luc. II, 19 et 51.