formation à l'humilité du chanoine Beaudenom

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Alexandre
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IV. Justification de ce sentiment.

Ici se présente, mais plus puissante encore, une objection déjà soulevée et sommairement résolue: un tel sentiment n'est-il pas contraire à tous nos instincts personnels, à l'universel sentiments des hommes, que dis-je , à la raison elle-même?

Contraire à nos sentiments? Evidemment.
Au sentiment des hommes? C'est vrai.
A la raison? Eh bien, oui encore, si la raison est livrée à ses seules ressources. La raison est courte, son champ naturel est étroitement limité; mais les dogmes de la foi viennent étendre ses vues sans mesure. A leur clarté supérieure, notre raison mieux informée tire des conclusions nouvelles. Or ces conclusions nouvelles apportent un idéal nouveau entièrement étranger à la nature humaine. Par ses exigences essentielles, l'humilité chrétienne est déjà une vertu surnaturelle; par cet essor vers l'amour du mépris, elle devient dans le surnaturel une vertu éminente qui n'est que de conseil; mais seule elle nous établit dans les conditions parfaites qui laissent à Dieu, premier principe de nos actes, la pleine liberté de ses initiatives.

Résolution. S'humilier de se voir si loin de cette voie... s'offrir... chercher dans un plus grand amour le sens qui comprend et qui goûte!
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Alexandre
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ECLAIRCISSEMENTS Sur l'amour de la propre abjection

Saint François de Sales a traité ce sujet avec son habituelle sagesse, et nous nous serions contenté de renvoyer à des pages lumineuses, si nous n'avions bien des fois subi cette question: enfin! que faut-il entendre par l'amour de sa propre abjection?... Tout ce que nous pouvons faire ici, c'est de formuler la doctrine de notre grand saint d'une façon plus rigoureusement méthodique.

I. Demandons-nous d'abord ce que c'est qu'une abjection soit à ses propres yeux, soit surtout aux yeux des autres: nos infériorités de tout genre, de fortune, de position, d'avantages extérieurs, de relations, d'intelligence, de savoir, de vertu, .
_Nos défauts, surtout ceux qui sont apparents, nos torts mis en lumière, nos insuccès notoires... dans un ordre plus intime: nos tentations basses, nos concessions lâches, nos fautes et particulièrement nos rechutes.
L'abjection extérieure, remarquez-le bien, est moins dans le fait que dans l'opinion. Une chose n'est humiliante que parce qu'elle est jugée telle, et le même acte sera une abjection ou un sujet de gloire, selon les cas. Voyez, dit saint François de sales, un bon et dévotieux ermite tout déchiré et pénétré de froid, chacun honore son habit et plaint sa peine; mais si un pauvre artisan, une pauvre demoiselle paraissent en cet état, on les méprise, on se moque d'eux et la même pauvreté est abjecte en leur personne. Un religieux reçoit en silence une correction fort vive de son supérieur, ou bien un enfant de son père, on appelle cela obéissance et sagesse; mais si une personne du monde en souffre autant que quelqu'un pour l'amour de Dieu, on appelle cela bassesse d'esprit et lâcheté. Une personne a un cancer au bras, une autre l'a au visage; celle-là n'a que le mal, mais celle-ci a le mépris et l'abjection avec le mal.
"Il y a des vertus abjectes et des vertus honorables: la patience, la douceur, la simplicité, l'humilité sont des vertus qui passent pour viles et abjectes aux yeux du monde, au lieu qu'il estime beaucoup le savoir-faire, la générosité et la libéralité. Il se trouve encore dans la pratique d'une même vertu des actes dont les uns sont méprisés, les autres honorés: donner l'aumône et pardonner à ses ennemis sont deux actes de charité; il n'est personne qui loue la première, au lieu que le second est presque universellement dédaigné."
Certains accidents couvrent de honte. "On tombe dans la rue, et outre le mal qu'on se fait, on en reçoit de la confusion."
"Il y a même des fautes qui ne sont suivies d'aucun autre mal que de la seule abjection; l'humilité n'exige pas qu'on ne s'en inquiète point quand on les a commises; telles sont certaines impolitesses, inadvertances et autres défauts. certainement, la prudence et la civilité veulent que nous les évitions autant que nous le pouvons; mais, quand elles nous ont échappé, la sainte humilité veut que nous en acceptions toute l'abjection. Je dis bien plus, si je me suis laissé aller, par colère ou par quelque autre motif, à dire des paroles piquantes ou peu convenables, aussitôt je me le reprocherai vivement; j'en concevrai un vrai repentir et je réparerai la faute de mon mieux; mais en même temps, j'accepterai l'abjection qui peut m'en revenir; et si l'on pouvait séparer l'un de l'autre, , je regretterais le péché avec indignation et je conserverais l'abjection dans mon coeur avec une humble patience."
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Alexandre
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Message par Alexandre »

II. Qu'est-ce que l'amour de l'abjection?
Ce ne peut être assurément l'amour de l'abjection pour elle-même:" Ce serait bassesse d'esprit ou lâcheté de coeur"; c'est l'amour de l'abjection en tant que chose juste et bonne.
Seule l'humilité la fait envisager de cette sorte, parce qu'elle écarte les préjugés de l'orgueil; seule elle donne l'inclination vers ce qui rabaisse justement , parce qu'elle est vertu.
"L'humilité est la véritable connaissance que nous avons de notre abjection et la disposition qui nous porte à la reconnaître volontairement en nous. or, la perfection de l'humilité consiste non seulement à l'aimer et à nous y complaire en vue de la gloire que nous devons rendre à Dieu et de l'estime que nous devons accorder à notre prochain sur nous-mêmes." (Saint François de Sales.)

III. Pourquoi l'humilité affectionne-t-elle particulièrement l'abjection qu'amènent les circonstances? Pour cette raison élevée et trop peu considérée, qu'on entre ainsi dans le plan de Dieu, dans ce plan de sagesse et de bonté, préférable à celui de notre choix. Tel n'est pas le jugement des hommes qui réservent leur estime pour les humiliations que l'on s'impose librement. L'erreur vient de ce que, dans ces dernières, on voit plus ostensiblement la générosité qui les recherche. Mais l'on ne songe pas que la générosité qui les accueille peut être égale. Or, si l'amour est égal de part et d'autre, l'humiliation acceptée jouit d'une plus haute origine: elle vient de Dieu.
Elle offre des garanties plus sûres, puisqu'elle est choisie par l'infaillible sagesse.

Elle prête une moindre prise à l'amour-propre, parce qu'elle se cache sous le voile de la nécessité.
Une humilité haute et sereine trouve une immense joie à se voir introduite ainsi dans le plan de Dieu et sans être initiée à ses vues lointaines, elle le sait d'avance admirablement beau et paternel.


A suivre: septième méditation de la quatrième semaine.
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Alexandre
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SEPTIEME MEDITATION DE LA QUATRIEME SEMAINE

XXVIIIè Exercice: Précautions diverses.

Premier point: Du soin que Dieu prend de notre humilité.
Deuxième point: De notre correspondance à ce soin divin.

Préparation pour la veille. Sous ce titre: précautions diverses, nous allons étudier la principale raison d'être de l'amour de la propre abjection; nous verrons pourquoi la Providence lui fait une si large place dans son plan sur les plus belles âmes: l'abjection est pour leur humilité un préservatif et un remède; elle dissipe ces fumées d'amour-propre qui s'élèvent naturellement dans notre fond d'orgueil; et en même temps, par ses abaissements extérieurs, elle contrebalance, aux yeux des hommes, l'admiration toujours dangereuse dont ils entourent la vertu.
Elle est un préservatif, mais elle est autre chose encore, elle est un stimulant. A la pauvre nature humaine sujette à s'endormir, il faut des blessures sensibles, qui réveillent son ardeur comme fait l'éperon aux flancs du croupier. Sous ces coups, le besoin de Dieu devient plus vif et la prière plus intense. Ce bienfait, il est vrai, lui est commun avec la douleur; mais ce qui lui est propre, c'est l'impression d'abaissement qu'elle laisse. Cette impression, quand elle est profonde et paisible, tient le coeur attendri à l'égard de Dieu et du prochain. Elle donne à la physionomie elle-même ce quelque chose de déférant et de bon, qui est le reflet de la véritable humilité.
Ajoutons que, par le profond détachement qu'il opère, l'amour de l'abjection donne à l'âme sa liberté complète; il est le coup d'aile tout puissant qui affranchit de la loi l'attraction vers la terre. Désormais la route aérienne des hauteurs est ouverte à son essor.
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Alexandre
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MEDITATION

Prélude. Demander la grâce de sentir Dieu et sa bonté dans tout ce qui m'humilie.

I. Du soin que Dieu prend de notre humilité.


L'humilité nous est tellement nécessaire que Dieu permet l'humiliation en tout et partout.

1/ Nos qualités sont accompagnées de défauts; et, d'ordinaire, ces défauts sortent de ces qualités mêmes.
Sont-elles parfaites? elles peuvent être méconnues, elles peuvent nous attirer la malveillance et l'envie... O mon Dieu, que vous êtes bon dans votre sagesse!

2/Nous voulons le bien, mais souvent 'imperfection l'attache à cette volonté pour la rendre empressée ou découragée.
Parfois l'imprudence et la maladresse la font dévier.
Nous aurions grande envie de nous irriter contre nous-mêmes? NON, NON! c'est pour mon bien... ô mon Dieu, que vous êtes bon dans votre sagesse!

3/Parfois ce que nous faisons de meilleur se trouve discuté, contrecarré, détruit... L'insuccès nous en est imputé... O mon Dieu, encore et toujours, que vous êtes bon dans votre sagesse!

4/ Notre vie intérieure, elle aussi, est pleine d'humiliations: froideur et sécheresse dans nos prières, abattement dans nos travaux, insensibilité désespérante, dégoût pour toutes choses... Tel est le partage de plusieurs âmes aimées de Dieu.
Dans leur détresse, elles s'écrient: Pourquoi, ô Père, Pourquoi?
3Mon enfant, constate que tu n'es rien, que tu ne peux rien... Cette connaissance expérimentable vaut des années de consolations...
Plonge tes racines dans les profondeurs de ton néant... Lasse de toi, regarde-moi davantage..." Merci, ô Père!, merci!

5/ Mais pourquoi ces tentations qui menacent la vie de mon âme?... Pourquoi ces bas calculs que je ne veux pas?... Pourquoi ces ignominieuses images que repousse ma volonté, mais que savoure ma nature?
"Virtus in infirmatate perficitur" Il faut tout cela pour te faire humble.
O Père, du moins, que je ne vous offense jamais!

6/ Hélas! Hélas! Il faut parfois bien davantage, il faut des fautes, Tant notre orgueil est grand!... Dieu à regret retire son bras, et nous tombons.
Pourquoi, ô mon Dieu, pourquoi?
Jésus, pour guérir l'aveugle, n'employa-t-il pas de la boue faite de salive?... L'orgueil ne se guérit guère que par l'humiliation: à certains aveuglements, il faut de la boue!... Merci, ô Père, pour cette grâce sévère... Mais je vous en supplie faites que je sois humble dans ce remède extrême!
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Alexandre
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II. De notre correspondance à ce soin divin.

Après ces considérations, nous nous proposerons fortement de correspondre à cette action de la sagesse divine.

1/ Notre premier devoir sera de la reconnaître, en étudiant les sujets d'humiliation qu'elle a daigné placer en nous et autour de nous.
Ils sont nombreux.
Efforçons-nous en même temps d'y être sensibles.
Si je n'en suis pas impressionné, cette grâce sera perdue, ce moyen sera sans effet... Dieu aura besoin de pousser plus avant la dure leçon!...

Prenons garde aux ruses de l'amour-propre.
Il est si enclin à éloigner la vue de nos défauts, et si habile à écarter une humiliation extérieure!
Ne nous excusons que lorsque Dieu l'exige... Laissons sur notre vertu si fragile ces épines qui la protègent.

2/Efforçons-nous d'aimer l'abjection de toutes ces choses.
Aimer l'abjection, c'est aimer vraiment l'humilité et c'est la nourrir substantiellement.
Aimer l'humilité, sans aimer l'abjection, serait se tromper soi-même.
L'abjection, c'est avoir des défauts très apparents;... c'est ne pas réussir;... c'est se voir incapable;...c'est être tenté en des choses basses...
Aimer l'abjection, c'est se faire content de tout cela, hormis le péché. c'est en cultiver l'utile souvenir.


O sagesse de mon Dieu, je vous entrevois enfin dans les précautions que vous avez prises pour me conserver humble. "Bonum mihi quia humliasti me.." c'était mon bien, et je ne le savais pas!...
Et à quoi ne vous ai-je point forcé par mon aveuglement?... où en suis-je à l'heure présente? Ai-je de l'amour pour ces abjections que vous aimez et que vous cultivez?
Quel spectacle splendide se révélera à nos yeux quand, arrivés au terme, nous contemplerons la sagesse de notre Père, dans la sauvegarde de notre fragile humilité.
Alors s'expliqueront tous ces pourquoi qui nous tourmentent, en face des contradictions que subissent les Saints eux-mêmes.
Alors nos imperfections persistantes, nos défaillances inconcevables, nos fautes mêmes, en un mot, toutes ce lamentables misères qui font nos alarmes, nous arracheront des cris d'admiration.
La sagesse y rayonnera de toutes parts et se justifiera elle-même.
L'ignorant qui verrait un jardinier jeter des épines autour des plantes délicates, s'écrierait:" Que c'est laid!" Ainsi faisons-nous à l'égard du Jardinier céleste.
O mon Dieu! que vous êtes bon dans votre sagesse!

Résolution. Chercher le sujet d'humiliation qui m'est le plus pénible; le recevoir de la main de Dieu; m'appliquer à m'en faire content.
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Alexandre
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ETUDE SUR LA PRUDENCE DANS L'HUMILITE

Nous avons fait ressortir, en divers endroits de ce livre, l'action de l'humilité sur la prudence; nous l'avons vue écartant l'illusion qui trouble le jugement, la trop grande confiance en soi-même qui ne laisse point place au doute sage et au conseil, l'empressement qui ne donne pas le temps de choisir les meilleurs moyens, l'obstination enfin qui aggrave l'erreur ou l'insuccès.
Aujourd'hui, nous allons voir la prudence jouer un rôle analogue à l'égard de l'humilité, en lui communiquant cet esprit de discernement et de mesure, sans lequel on verrait tristement s'éloigner du vrai bien.
Certes, il ne saurait être question de cette prudence simplement humaine qui, dans son ignorance, arrête l'humilité à ses courtes limites, mais de la prudence surnaturelle qui prend sa règle d'appréciation dans les vérités révélées et donne ses décisions en vue de la plus grande gloire de Dieu; de cette prudence qui laisse à l'humilité tout l'espace des exemples du Sauveur, et lui permet d'aller aussi loin que le bien lui-même.
Faire consister la vertu dans un juste milieu qui s'éloigne à la fois des actes inférieurs et des actes éminents, serait consacrer la théorie de la médiocrité.
Le milieu sage que proclame a raison, est celui qui se tient à l'écart soi de l'excès, soit du trop peu: l'excès n'est plus la vertu; le trop peu ne l'est pas encore.
La vertu toute entière, la vertu même de Jésus, trouve sa place entre ces deux extrêmes, qui lui permettent de s'étendre jusqu'à l'héroïsme.

L'humilité ne serait pas une vertu si elle amoindrissait note être.
En effet, toute vertu tend à perfectionner; or, la perfection consiste à se rapprocher de Dieu qui est le tout-être, en acquérant le plus d'être possible. Cela est vrai, même dans l'ordre des qualités physiques; à plus forte raison dans le développement des qualités intellectuelles, et surtout des qualités morales en qui réside la vertu.
Mais alors, que deviennent ces doctrines d'effacement , d'abjection, d'amour du mépris qui restent les conclusions intangibles des principes précédemment médités?
La notion de vertu et celle d'humilité ne seraient-elles pas ici contradictoires, la vertu devant tendre à nous grandir et l'humilité s'appliquant à nous abaisser sans relâche?
NON, l'humilité ne saurait nous abaisser et nous diminuer. L'humilité d'effacement n'atteint pas l'être, mais le paraître; elle ne limite pas notre valeur, mais nos prétentions.
L'humilité d'abjection, au lieu de nous éloigner des grandes choses, nous les montre comme la désirable compensation des infinies misères dont elle gémit. Quant à l'amour du mépris, en nous faisant un front d'airain, il trempe nos âmes. Enfin, toutes ces humilités ensemble, assurent à la vertu sa beauté, en la débarrassant de tout alliage impur, sa liberté, en la dégageant de toute obsession personnelle.
Le rôle de la prudence est précisément de faire prévaloir et de maintenir cet ordre, à l'encontre des fausses notions et des tentatives irréfléchies.
A celle de conduire tout le mouvement de nos actes d'humilité;
à celle de faire prédominer, selon les circonstances, telle ou telle forme de cette vertu;
à celle aussi d'en modérer l'essor, pour mieux équilibrer une nature, ou pour respecter un attrait.

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Alexandre
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I.La prudence réglant les actes.

Comme toutes les vertus, l'humilité doit agir sous le contrôle de la prudence; elle ne peut faire un pas sans son assentiment; elle n'a jamais le droit de résister à ses ordres. D'elle-même repousserait-elle son mouvement jusqu'à des manifestations peu dignes ou des hésitations pusillanimes; c'est, en effet, le propre d'une tendance d'aller au bout de son impulsion, et c'est son habituelle infirmité de n'envisager que son but spécial. La prudence a le sens plus large, elle ne permet pas de négliger un acte utile, par cela seul qu'il met en évidence: elle s'oppose à tout ce qui diminuerait note valeur morale, rabaisserait notre personne et arrêterait le bien de son expansion.
Ne nous la représentons pas austère et sèche; elle a le sens du beau comme celui du juste.
Ce qui est une laideur, elle le repousse, tout comme ce qui nous diminue. La laideur morale morale est incompatible avec la vertu. Elle n'est pas l'oeuvre de Dieu et ne saurait être utile aux hommes; elle dégrade intrinsèquement celui qui l'impose; le Ciel ne saurait l'accueillir sous aucune forme.
C'est pourquoi la prudence arrache impitoyablement à l'humilité toutes les attitudes, toutes les expressions, qui portent le cachet du ridicule; c'est pourquoi elle la préserve de toute déformation même intérieure.
Elle la veut franche et sereine; elle la maintient confiante et courageuse; elle la rend désintéressée et souple, abandonnée à l'action de Dieu et désireuse avant tout de sa plus grande gloire.

Notre initiative propre n'en n'est pas supprimée, loin de là: mise à son rang, maintenue dans son rôle, elle jouit de toute sa vigueur pour racheter et accomplir les volontés divines, ce qui suscite une foule d'initiatives secondaires.
Elle ne nous demande pas non plus d'abdiquer nos droits, mais nous empêche d'en exagérer la rigueur. Elle ne paralyse pas l'activité, mais elle la subordonne.
Je tends à l'effacement, à l'humiliation, au mépris: c'est le sens dans lequel me pousse l'humilité: mais je m'arrête, docile, devant toutes les manifestations d'une volonté supérieure, qui m'assigne telle tâche ou me demande tel concours, et je lui prête toutes les forces intactes de mes facultés comme de mes vertus. Le but sera mieux distingué, les moyens plus sérieusement choisis, car le désir déréglé de l'estime vaine ne m'aveuglera pas.

Retenir l'humilité dans son exercice, n'est point la diminuer en elle-même. Tels actes, telles paroles, tels abaissements lui seront interdits; mais l'inclination qui y tend, mais l'amour qui les suggère, loin de diminuer, ne font que s'accroître par la compression d'un désir inassouvi et par le mérite d'une réserve qui coûte.
Rien ne l'empêche de chanter au-dedans de nous son continuel cantique d'adoration, et de répandre sur toute notre vie morale, l'influence qui préserve et le reflet qui charme.
Allez donc résolument vers votre objet, ô âmes éprises de l'humilité. Si l'exercice de la vertu a des limites, l'amour qu'on lui porte reste sans limites; or, la vertu est dans cet amour: les sentiments exprimés au dedans sont à la fois des actes méritoires et d'utiles préparations.

Allez particulièrement vers les actes, ô âmes moins généreuses; méfiez-vous des doutes que soulève peut-être une timidité complice. Avant de vous détourner de telle humiliation, demandez-vous si la conscience vous y oblige; et, si vous voulez être parfaites, inclinez vers le parti qui humilie le plus; et ne vous arrêtez que dans la crainte d'une faute.

Nous devons cependant tenir compte de nos forces présentes: en allant au delà de son courage, on se déprime; en dépassant sa grâce, on tente Dieu.

L'humilité qui convient à tous est d'ailleurs celle des actions ordinaires: chaque acte, fidèlement accompli, développe l'habitude... Et puis, l'avenir reste ouvert! Cherchez même dans l'humiliation de n'être pas humble, le désir de le devenir.

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II. La prudence déterminant le genre d'humilité qui convient.

La prudence ne se contente pas d'encourager ou de retenir l'humilité dans les actes du moment, mais portant ses conseils plus loin, elle fait adopter le genre d'humilité qui convient à la position de chacun.
Autre doit être l'humilité d'une religieuse; autre soit celle du monde, mère de famille et d'un personnel nombreux; autre celle d'un homme politique et d'un militaire. Cela saute aux yeux.
Que l'attitude et les manières, que les paroles et les décisions aient à revêtir une forme différente en face de positions diverses, tout le monde le comprend; mais ce que l'on comprend moins, c'est que ces attitudes et ces paroles, même en dehors des occasions, puissent garder le même genre. Ne serait-il pas préférable, dira-t-on de déposer, en son particulier, des formes par exemple favorables au commandement pour ne les reprendre qu'en public?
N'est-il donc pas plus parfait d'exercer l'humilité extérieure toutes les fois qu'une circonstance n'oblige pas à la restreindre?
La prudence a des vues de plus longue portée, elle sait qu'une attitude ne se prend qu'avec aisance et ne s'affirme qu'avec force que par l'effet de l'habitude: voilà pourquoi elle conseille d'écarter toute manière d'être qui en interromprait le mouvement. Il n'est pas jusqu'aux pensées et aux sentiments qui ne doivent , dans une certaine mesure, se mettre à l'unisson.
La vertu est une harmonie et cette harmonie résulte d'une communauté de vie. Tout acte intérieur façonne même le dehors; il passe avec son influence et sa physionomie dans la forme extérieure; on y retrouve ses traits comme on retrouve dans les enfants, les traits dont ils sont l'être prolongé.
Un danger résulte de cette conduite, mais il est trop évident pour échapper aux yeux exercés de la prudence et à la sagacité de ses moyens préservatifs. Son but sera ici de fortifier intrinsèquement la vertu. Aux personnes qui ont à paraître et à commander, elle imposera une humilité profonde et forte; elle conseillera toute pratique qui rabaisse sincèrement devant Dieu et devant soi-même; mais elle interdira tout ce qui apporterait quelque diminution de prestige ou de vigueur.
Que l'on se rassure d'ailleurs; aux grâces d'état qui ne manquent jamais, Dieu très souvent ajoute la grâce de l'humiliation réelle, que nous ne devions pas rechercher. Venant de lui, elle concourt à ses fins et ce ne serait point sagesse de s'en inquiéter. Accueillons-la comme un secours providentiel contre l'orgueil; regardons-la comme une compensation heureuse; aimons-la de tout l'amour que nous avons pour la vertu d'humilité; et faisons-lui une place aussi large que la prudence le permet.

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III. La prudence modérant l'exercice de l'humilité pour équilibrer une nature.

Ce que la prudence prescrit en vue d'une situation à sauvegarder, elle le conseille pareillement en vue d'une nature à équilibrer.
Il y a des personnes qui doutent toujours d'elles-mêmes, de leurs aptitudes comme de leurs succès. L'hésitation paralyse l'initiative ou la rend douloureuse. Trop de confiance en soi est un vice, trop de défiance en est un autre; et celui-ci n'est pas moins funeste que celui-à: le trouble envahit l'âme et la déforme; l'impuissance envahit la vie et l'annihile.

On dira peut-être que la vertu consiste après tout dans la juste appréciation des choses et dans la volonté du bien: on oublie qu'elle consiste plus encore dans les dispositions de notre nature. Notre nature est le fonds d'où partent nos actes, le fonds qui les soutient; c'est en elles que s'établissent les habitudes.On ne saurait impunément se passer de cette force permanente. La conscience du devoir peut commander une conduite énergique; seule une nature fortement préparée en impose les conclusions avec autorité et en porte le poids sans réfléchir.

Un âme qui en domine une trop grande défiance d'elle-même, aurait donc tort de cultiver le sentiment de son impuissance et de trop incliner à l'abaissement devant les autres, surtout si elle a une mission a remplir.
Quelle se tienne entièrement dégagée de tout orgueil et de toute prétention; qu'elle cherche à découvrir Dieu dans le bien qu'elle fait et qu'elle ne commande qu'en son nom, rien de mieux; une humilité paisible remplit alors sa vie la rassérène et la soutient. Mais, d'autre part, qu'elle écarte résolument l'impression trop vive de ses insuffisances, de ses maladresses, de ses infériorités, pour ne pas déprimer un caractère déjà trop faible en ses ressorts; et d'ailleurs, précisément au milieu des alarmes, l'amour-propre lui-même pourrait très aisément se frayer un autre chemin, car il y a l'amour-propre souffrant, et c'est celui qui menace de telles natures.

Ceux qui ont la charge de ces âmes timides doivent leur donner confiance en elles-mêmes par des approbations opportunes; les laisser agir seules pour développer leur initiative; les accréditer par divers moyens dans le milieu où elles vivent; les rassurer les relever, les amener enfin à cette aisance dans la parole et dans l'action qui résulte du sentiment de Dieu sans doute, mais aussi de la juste conscience de sa propre force.
Agir ainsi, c'est faire fructifier le talent reçu, au lieu de l'envelopper inerte dans le suaire d'une humilité mal comprise.
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