humilité :paroles de SAINTS

Avatar de l’utilisateur
Alexandre
Messages : 357
Inscription : mer. 11 mars 2020 16:35
Localisation : bethune pas de calais

Re: humilité :paroles de SAINTS

Message par Alexandre »

Degré de l'humilité de saint Bonaventure:

Degrés de l'humilité.



I. C'est un haut degré d'humilité de se soumettre volontairement à celui qui est au-dessus de nous; mais c'est justice. C'en est un plus haut de se soumettre à son égal , et c'est abondance. Enfin c'en est un très-haut de se soumettre à son inférieur, et c'est surabondance. C'est en ce dernier degré que fut Jésus-Christ lorsque , venant au Jourdain, il se soumit à Jean , en lui disant : « Laissez pour le moment, car il convient que nous accomplissions toute justice (1), » c'est-à-dire que nous pratiquions une humilité surabondante, comme dit la Glose.

II. C'est de même un haut degré d'humilité d'être humble en ses paroles. C'en est un plus haut de l'être en ses actions, et c'en est un très-haut de l'être en son coeur. C'est là que réside la vertu , et non dans les paroles ni dans les actes, puisqu'il y en a qui s'humilient d'une manière perverse dans leurs discours, leurs actions, leur maintien, leurs vêtements et leurs démarches. Pour Jésus-Christ, il a été humble en son coeur , car il a dit : « Apprenez de moi que je
suis humble de coeur ; humble en ses paroles, car il s'est écrié : Je suis un ver de terre et non un homme ; et aussi : Ma doctrine n'est pas ma doctrine. mais la doctrine de celui qui m'a envoyé (3); et encore: Les paroles que j'annonce ne sont pas de moi-même . Humble en ses actions, car il s'est abaissé devant ses Apôtres pour leur laver les pieds.

III. C'est aussi un haut degré d'humilité de s'humilier à cause de la grandeur et de la multitude de ses défauts, selon cette parole du Prophète : « Que votre humiliation soit au milieu de vous , c'est-à-dire, que le sujet de votre humiliation soit en votre coeur, que ce soit vos défauts. C'est un degré plus élevé de s'humilier à cause de l'abondance des vertus et des dons spirituels, de même qu'un arbre excellent s'incline sous l'abondance de ses fruits , et c'est pour cela qu'il est dit : « Plus vous êtes grand, plus vous devez vous humilier en toutes choses . » Enfin c'en est un très-élevé que de s'abaisser pour suivre les exemples d'humilité donnés par Jésus-Christ.

IV. C'est encore un degré élevé de cette vertu de s'humilier de tout le mal qu'on a commis; un plus élevé de s'humilier de tout. le bien qu'on a omis et de toutes les choses qu'on a profanées, et un très-élevé de s'humilier de tous les bienfaits reçus inutilement. Cet ordre se tire de la rareté, car un degré est d'autant plus élevé qu'il est plus rare. Rien de tout cela ne put avoir lieu en Jésus-Christ, car il ne connut jamais le mal , il ne négligea aucun bien , de même qu'il n'en profana aucun, et jamais il ne reçut un bienfait en vain.

V. Enfin c'est un haut degré d'humilité de s'estimer aussi vil qu'on l'est réellement aux yeux de Dieu. C'en est un plus haut de se considérer devant Dieu aussi vil qu'on l'eût été s'il ne nous eût soutenu de sa grâce. Et c'est un degré très-haut de se regarder comme aussi vil qu'on pourrait le devenir encore si le Seigneur ne nous gardait contre les tentations.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre
Messages : 357
Inscription : mer. 11 mars 2020 16:35
Localisation : bethune pas de calais

Re: humilité :paroles de SAINTS

Message par Alexandre »

Saint Bonaventure: de l'orgueil

De l'orgueil, et des remèdes qui lui sont propres.



Enfin il faut, en dernier lieu, attaquer l'orgueil lui-même, le chef et la racine de tous les vices, l'abîme dévorant de toutes les vertus; l'orgueil, dont la force et la violence sont telles qu'il a chassé Lucifer du ciel. Et cependant David encore enfant mit sa confiance dans le Seigneur, et par son humilité il terrassa Goliath , malgré la grandeur démesurée de sa stature.

L'orgueil revêt une double force : il est spirituel, et c'est lorsqu'il s'adresse il la perfection qu'il voit dans ceux qui font le bien. Il est charnel, et alors il s'inspire de quelque qualité extérieure.

Or, celui qui est possédé de l'orgueil spirituel a coutume de se croire en possession de grands mérites, de s'attribuer des grâces considérables, de penser qu'il est très-aimé de Dieu, de s'étonner de ne point, opérer des merveilles, de se troubler de ce que Dieu ne lui donne point je ne sais quoi de spécial, de mépriser les autres comme des hommes tout terrestres. Un tel vice expose à de graves dangers et est plus à redouter que les vices de la chair. En effet, il n'en est aucun qui épuise autant toutes les vertus, et dépouille autant l'homme de toute justice et de toute sainteté que le fléau de l'orgueil.

Celui donc qui veut échapper aux traits de ce monstre pervers doit, dans chacun des actes où il sent qu'il a fait du progrès dans la vertu, s'écrier du fond du coeur : « Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, » et penser que c'est Dieu qui opère en nous le vouloir et son accomplissement selon qu'il lui plaît . Il faut aussi se rappeler que le bien qui est en nous est un don de Dieu, et que nous en rendrons un compte rigoureux; ensuite que ce bien est mélangé de beaucoup de défauts, de tiédeur, d'hypocrisie, etc., et qu'en outre nous sommes remplis d'une multitude de choses mauvaises, vicieuses. Il faut encore arrêter ses regards sur les hommes qui sont meilleurs que nous et sur les anges, afin que la comparaison que nous établissons entre eux et nous serve à nous humilier davantage.

L'orgueil charnel se reconnaît à ces indices : il est dans le silence, plein de murmure, d'amertume et de colère; dans la joie , il est dissolu , il rit sans mesure et sans cause; dans la tristesse, il est dur et sévère; dans la correction il est haineux et sans compassion: il parle au hasard, sans gravité, sans réflexion ; il est sans patience et sans charité; il lance l'injure avec hauteur et ne la reçoit qu'avec pusillanimité; il se soumet difficilement à l'obéissance, dédaigne les avertissements et est opiniâtre en sa volonté propre ; il s'efforce de faire prévaloir ses sentiments et refuse d'acquiescer jamais à ceux des autres; il ne prend conseil de personne et a plus de confiance en ses lumières que dans celles des sages.

Le premier remède contre un tel vice, c'est d'embrasser l'obéissance en toute simplicité de coeur, et de la pratiquer humblement. Le second c'est de se montrer humble envers ses frères dans toute la sincérité de son âme, s'efforçant de ne les blesser en rien par un parfait acquiescement à leurs vues. Le troisième c'est de s'exercer en tout temps, le plus qu'on le peut , aux oeuvres d'humilité, aux charges les plus viles et les plus dédaignées, comme de servir à la cuisine, laver la vaisselle , balayer la maison d'embrasser les offices les plus bas , de n'être revêtu que d'un pauvre habit, et d'avoir dans sa démarche un maintien où respire l'humilité. Si l'on contracte l'habitude de toutes ces choses, elles inclineront le coeur à cette vertu. Le quatrième c'est de fuir les honneurs, préférer de beaucoup en tout temps servir les autres que d'en être servi , retrancher dans son langage toute parole prétentieuse , tout nom de jactance, même le nom de sa famille. Enfin, en dernier lieu , éviter toute distinction et tout acte où respireraient tant soit peu la présomption et la vanité.

L'humilité, qui est opposée à l'orgueil, a trois degrés.

Le premier c'est de nous reconnaître nous-mêmes faibles, vides de bien , vicieux , pleins des autres défauts que nous pouvons avoir, et de ne pas nous élever au-dessus de ce que nous sommes.

Le second c'est de désirer être jugés par les autres selon qu'on se connaît soi-même dans la vérité, c'est-à-dire vil, misérable, superbe , etc.

Le troisième c'est de ne point s'enorgueillir lorsqu'on pratique les vertus les plus sublimes, lorsqu'on est environné d'honneurs, et de ne point en prendre occasion de se flatter soi-même, mais de tout rapporter à celui de qui nous avons tout reçu et de le lui restituer sans réserve. Telle fut l'humilité de Jésus-Christ; telle est l'humilité des anges et des saints dans la gloire.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre
Messages : 357
Inscription : mer. 11 mars 2020 16:35
Localisation : bethune pas de calais

Re: humilité :paroles de SAINTS

Message par Alexandre »

EXTRAIT DE "L'ECHELLE" DE SAINT JEAN CLIMAQUE: Combattre à l'aide de l'humilité.

. Je ne ferai pas la faute de ne pas orner ici mon discours par le récit
d'un fait qui le fera briller comme une émeraude fait briller une couronne. Il
arriva que, tandis que je vivais au milieu des illustres pères de ce monastère, la
conversation tomba sur la vie des anachorètes ; or ils me dirent avec un visage
plein de douceur et de bienveillance : « Quant à nous, cher père Jean, étant aussi
grossiers et aussi peu spirituels que nous le sommes, nous avons cru ne devoir
embrasser que la vie qui nous convenait le mieux. C'est pourquoi nous n'avons
entrepris qu'une guerre proportionnée à notre faiblesse, et nous avons jugé qu'il
était plus avantageux pour nous de n'avoir à combattre que contre des hommes
qui s'emportent et s'aigrissent, à la vérité, mais qui reviennent et s'adoucissent,
que contre les démons, qui sont toujours en fureur et armés contre le genre
humain. »
Or parmi ces hommes d'une éternelle mémoire, il y en avait un qui
m'aimait beaucoup en Dieu, et qui me parlait avec une grande liberté. Il me dit
donc un jour, avec une affection toute particulière : Si vous, mon père, qui êtes
si sage, éprouvez la force de celui qui, dans le ravissement de son cœur, s'écriait
: Je peux tout en celui qui me fortifie (Phil 4.13) ; si l'Esprit saint est descendu en
vous comme une rosée de grâces et de pureté, ainsi qu'il descendit autrefois dans
la très sainte Vierge, et si la force du Très-Haut vous environne par la patience,
ceignez vos reins, à l'exemple de l'Homme-Dieu, d'un linge blanc, qui est
l'obéissance, et comme Lui, levez-vous de table, c'est-à-dire sortez de la solitude
; afin de laver les pieds de vos frères dans l'eau pure de la componction et de la
pénitence, ou plutôt jetez-vous à leurs pieds dans les sentiments de l'humilité la
plus profonde ; mettez à la porte de votre cœur des gardes qui ne s'endorment
jamais, et qui ne soient jamais de connivence avec vos ennemis ; arrêtez
l'instabilité et la légèreté de votre esprit, en le fixant invariablement, malgré les
distractions et la dissipation que lui causent sans cesse et l'agitation des affaires
et les importunités des sens ; conservez un repos parfait au milieu des
mouvements et des soins dont la vie est continuellement agitée.
Ici-bas ; et, ce
qui est encore plus rare, plus difficile et plus admirable, demeurez ferme et
immobile dans le sein des troubles et des tempêtes qui se succèdent sans cesse.
Liez votre langue par les chaînes d'un silence parfait, et empêchez-la de tomber
dans des disputes hardies et dans des contradictions audacieuses ; combattez
soixante et dix-sept fois le jour contre cette souveraine impérieuse et tyrannique
; portez la croix de Jésus Christ dans votre cœur, et comme on enchâsse une
enclume dans du bois, enchâssez de même votre esprit dans elle, de sorte qu'il
soit capable de résister à tous les coups, à toutes les tentations, à tous les affronts,
à toutes les calomnies, à toutes les railleries et à toutes les injustices qui pourront
vous arriver, de manière à n'en être jamais ni blessé, ni offensé, ni agité, ni
affligé, ni découragé, ni abattu, mais à persévérer immuablement dans la paix
et dans le calme. Dépouillez-vous de votre volonté, comme d'un vêtement
d'ignominie, et entrez ainsi tout nu dans la carrière céleste ; et ce qui est
certainement bien rare et bien difficile, soyez d'une confiance entière et
inébranlable dans celui qui doit et veut vous couronner après la victoire, et
qu'elle soit telle qu'elle ne puisse être pénétrée ni par les flèches du doute ni par
les traits de la défiance. Mortifiez exactement vos sens par les austérités de la
tempérance, et prenez bien garde que vous n'ayez à souffrir cruellement de leur
fureur audacieuse et insolente.

Servez-vous avantageusement de la méditation
de la mort pour combattre et vaincre la curiosité de vos yeux, qui ne demandent
sans cesse qu'à contempler la beauté des créatures sensibles. Faites-en sorte de
retenir l'indiscrétion et l'injustice de votre esprit, qui, tandis que vous vous
livrez vous-même à la négligence la plus condamnable, vous porte à juger mal
des actions et de la conduite de vos frères ; et tâchez de le porter à exercer envers
eux tous les devoirs d'une charité sincère. C'est par toutes ces choses qu'on
pourra connaître que vous êtes véritablement disciples de Jésus Christ, selon sa
parole même : « Tout le monde saura, nous dit-Il, que vous êtes mes disciples, si,
dans la société qui vous réunit, vous vous aimez les uns les autres, et que vous
vous témoigniez une affection mutuelle. » (Jn 13.35)
Venez, venez ; oui venez ici, m'ajouta cet excellent ami, fixez parmi nous votre demeure, buvez avec nous
l'eau amère des mépris et des humiliations ; elle deviendra bientôt douce et
salutaire.
Rappelez-vous que David chercha longtemps ce qui pouvait être le
plus doux et le plus agréable à l'homme, sans pouvoir le trouver ; mais que
s'étant demandé à lui-même quelle pouvait être cette chose, il se fit cette réponse
admirable : « Qu'il est bon et agréable de vivre au milieu de ses frères ! » (Ps
132,1). Si, cependant Dieu n'a pas jugé à propos de nous faire participer au bien
excellent de cette patience et de cette obéissance, il nous sera du moins
avantageux de reconnaître notre faiblesse et notre misère, afin que, si nous
passions notre vie hors de cette carrière, nous soyons remplis d'estime pour
ceux qui la parcourent, et que par nos prières, nous demandions à Dieu les
grâces dont ils ont besoin pour combattre courageusement et remporter la
victoire. C'est ainsi que ce bon père, cet excellent maître dans la vie spirituelle,
me convainquit par des passages et des autorités tirées de l'Évangile et des
Prophètes, et par la tendre affection qu'il me témoignait, qu'il n'y avait rien de
comparable à la récompense et à la couronne qu'on acquiert, en vivant sous le
joug de l'obéissance."
Avatar de l’utilisateur
Alexandre
Messages : 357
Inscription : mer. 11 mars 2020 16:35
Localisation : bethune pas de calais

Re: humilité :paroles de SAINTS

Message par Alexandre »

La Patience, compagne de l'humilité.
Edité par M. Charpentier, écrits de Tertullien. (les références se trouveront en fin de cette publication)

I. Je le confesse devant Dieu, c'est en moi trop de hardiesse, pour ne pas dire de témérité, que d'oser composer un ouvrage sur la patience, puisque je ne puis en donner aucun exemple dans ma personne, dépourvu comme je suis de tout bien. Il faudrait cependant, lorsque l'on entreprend l'éloge de quelque vertu, commencer par faire voir qu'on la pratique, et autoriser ainsi les leçons par l'expérience, afin que les paroles ne fissent point rougir d'être si mal soutenues par les effets. Fasse le ciel que la honte de ne pas faire moi-même ce que j'enseigne aux autres m'apprenne enfin à le pratiquer! Il est vrai qu'il y a certaines vertus, de même que certains maux, dont l'exercice paraît surpasser les forces humaines. Il faut un secours particulier de la grâce divine pour embrasser ces vertus et pour les cultiver avec fruit. Ce qui est parfaitement bon doit venir de Dieu, il n'y a que celui qui le possède qui puisse le communiquer. C'est pourquoi, semblable à des malades qui ne cessent de publier les avantages de la santé lorsqu'ils en jouissent le moins, j'espère de trouver une espèce de consolation à parler d'un bien que je suis très fâché de ne pas posséder. Ainsi pour mon malheur, toujours brûlant des ardeurs de l'impatience, je dois soupirer sans cesse après ma santé, la demander instamment, et ne rien omettre pour l'obtenir, surtout quand je considère dans le sentiment de ma faiblesse qu'il est difficile que la foi soit bien vigoureuse, et que la doctrine chrétienne conserve ses forces si la patience ne vient au secours. En effet, elle est |211 tellement inséparable des devoirs qui regardent Dieu, que sans la patience on ne saurait accomplir aucun précepte ni faire aucune œuvre qui soit agréable au Seigneur. Ceux mêmes qui vivent dans les ténèbres du paganisme ne peuvent s'empêcher de lui donner le nom glorieux de souveraine vertu; car les philosophes, du moins ceux qui passent pour les plus sages, font tant d'estime de la patience que, malgré la bizarre diversité de leurs sectes et l'opiniâtre opposition de leurs sentiments, ils s'accordent tous néanmoins au regard de cette vertu. Ils conspirent, ils se réunissent tous en sa faveur; ils s'attachent, comme de concert, à elle, pour se faire une juste réputation dans le monde; enfin ils ne s'estiment sages qu'autant qu'ils sont patients. Preuve authentique de l'excellence de cette vertu, puisque même la philosophie humaine y fonde toute sa gloire et tout son mérite; ou plutôt n'est-ce point une honte qu'une chose si divine soit ainsi à la merci des profanes esprits du siècle? Mais laissons là ces sages orgueilleux, dont la défectueuse sagesse sera un jour confondue et anéantie avec l'univers.

II. Pour nous, nous avons des motifs plus efficaces et plus glorieux de pratiquer la patience. Ce n'est point une affectation superbe, accompagnée d'une stupidité cynique, qui doit nous animer à cette vertu, c'est la suprême et vivante règle d'une doctrine céleste qui, nous représentant Dieu lui-même comme le plus parfait modèle de patience, doit nous engager à devenir patients comme lui. Car voyez d'abord comment il fait également luire son soleil sur les bons et sur les méchants; comment il permet que les uns et les autres profitent indifféremment de l'utilité des saisons, des éléments et des dons de toute la nature. Tout Dieu qu'il est, il supporte l'ingratitude de tant de nations qui ne cessent de blasphémer son nom et d'outrager ses serviteurs, et qui portent l'insolence jusques à adorer les ouvrages bizarres de leurs propres mains. Enfin il souffre le libertinage, l'avarice, l'injustice, et tout ces autres dérèglements honteux que l'on voit se multiplier tous les jours dans le monde; il souffre, dis-je, ces |212 désordres avec tant de bonté que sa patience extrême semble faire quelque tort à sa toute-puissance. En effet, plusieurs en viennent à douter s'il y a un Dieu, parce qu'il ne comprennent pas pourquoi il est si lent à punir le crime.

III. Voilà le premier tableau de la patience que ce divin maître offre à nos yeux dans le lointain d'une perspective, pour nous la faire considérer comme une vertu céleste. Mais que dirons-nous de la patience divine qui s'est montrée parmi les hommes, et qu'ils ont, pour ainsi parler, touchée au doigt dans la personne de Jésus-Christ? Cet Homme-Dieu ne refuse pas de demeurer caché dans le sein d'une mère, où il veut attendre le temps ordinaire de la naissance: il veut croître comme les autres hommes. Étant plus âgé, il ne cherche point à se faire connaître. Bien plus, il semble se faire tort à lui-même , car il se laisse baptiser par son serviteur , et tenter par le démon. Lorsque de souverain de l'univers il est devenu notre maître pour nous apprendre la voie du salut, accoutumé déjà lui-même à supporter leurs fautes, « il ne conteste point, il ne se plaint point, il ne fait point entendre ses cris dans les places publiques, il ne brise point le roseau ébranlé, il n'éteint point la mèche qui jette encore de la fumée 1. » C'est ainsi que devait se vérifier la prédiction du prophète, ou plutôt le témoignage de Dieu même, qui nous assure qu'il a mis son esprit dans son fils, avec l'esprit d'une entière et universelle patience 2. Il ne rejette aucun de ceux qui veulent se joindre à lui, ni la maison, ni la table de personne; il ne rebute ni les pécheurs ni les publicains; il ne se fâche point contre les habitants d'une ville de Samarie, qui refusent de le recevoir, tandis que ses disciples, indignés contre cette ville insolente, demandent que le feu du ciel tombe subitement pour la réduire en cendre 3. Il guérit les lépreux ingrats, il pardonne à ses calomniateurs, il lave les pieds à ses disciples 4. Ce n'est pas tout, il souffre en sa |213 compagnie Judas, le traître Judas, sans vouloir découvrir ce perfide aux autres apôtres 5.
Lorsqu'il est livré à ses ennemis, et qu'il est conduit à la boucherie comme une victime sans voix, « car il n'ouvre pas plus la bouche qu'un agneau sous la main de celui qui le tond 6, » alors ce roi des cieux, qui d'un seul mot pouvait appeler à son secours des légions d'anges, ne consent pas même qu'un de ses disciples tire l'épée pour le venger. Sa patience reçoit, pour ainsi dire, une blessure dans la blessure de Malchus. C'est pourquoi il donne sa malédiction à ceux qui désormais frapperont du glaive; et en guérissant miraculeusement ce malheureux, il satisfait par la patience, qui est la mère de la miséricorde, à celui à qui il n'avait fait aucun tort. Je ne dis rien de sa mort en croix: il était descendu du ciel pour cela. Cependant était-il besoin que cette mort douloureuse fût précédée et accompagnée de tant d'outrages? Non sans doute; mais il voulait en qualité de victime se rassasier et s'engraisser du fruit de la patience, avant que d'être tout à fait immolé. On lui crache au visage, on le fouette jusqu'à le couvrir de sang, on le bafoue, on le couvre d'une honteuse robe, on lui enfonce dans la tête une couronne encore plus honteuse 7. Admirable égalité d'âme, fermeté prodigieuse qui ne se dément jamais! Celui qui avait voulu se cacher sous la figure humaine n'imite rien de la patience humaine. Pharisiens, à cette seule marque vous deviez reconnaître votre Dieu: jamais un pur homme n'aurait su pratiquer une telle patience. Tant d'exemples de modération et de douceur, dont la sublimité prodigieuse sert de prétexte à l'infidélité des nations, doivent au contraire exciter et fortifier notre foi en Jésus-Christ, puisqu'ils nous montrent évidemment, autant par la grandeur de ses souffrances que par la sagesse de ses préceptes, que la patience divine était devenue en lui comme une qualité naturelle qui rehaussait l'éclat de ses autres vertus. |214 
Avatar de l’utilisateur
Alexandre
Messages : 357
Inscription : mer. 11 mars 2020 16:35
Localisation : bethune pas de calais

Re: humilité :paroles de SAINTS

Message par Alexandre »

La Patience, compagne de l'humilité.
Edité par M. Charpentier, écrits de Tertullien. (les références se trouveront en fin de cette publication)


IV. Si les bons serviteurs se conforment aux inclinations de leurs maîtres, à combien plus forte
raison devons-nous faire paraître notre conformité aux volontés du Seigneur! En effet nous sommes
les serviteurs de Dieu vivant, dont les arrêts ne se bornent pas à des punitions ou à des récompenses
passagères, mais à une éternité de peines ou de bonheur. Pour éviter donc les effets de sa sévérité,
ou pour participer à ceux de sa miséricorde, il faut être aussi prompt à lui obéir que ses menaces
sont terribles et ses promesses avantageuses. Nous voulons être obéis non seulement de nos
esclaves et de ceux qui nous sont soumis par quelque autre titre, mais encore des animaux mêmes,
dans la persuasion où nous sommes qu'ils ont été créés à notre usage. Quoi! les créatures que Dieu
a soumises à nos volontés seront dociles et promptes à écouter la voix de celui qui leur
commande, et nous, tout remplis de vanité, nous aurons de la répugnance à obéir au souverain
maître de qui nous dépendons absolument? Quelle ingratitude, quelle injustice, de ne pas
rendre à Dieu la même obéissance que sa bonté nous permet d'exiger des autres! Mais
pourquoi tant de raisonnements pour nous convaincre de la soumission que nous devons à la
majesté divine? La seule connaissance de Dieu ne suffit-elle pas pour nous apprendre ce que
nous lui devons? Au reste, qu'on ne s'imagine pas que cette digression sur l'obéissance ne fait rien à
notre sujet: la soumission est l'effet de la patience. Un homme impatient ne saurait être soumis,ni un
patient être indocile. On ne peut donc trop s'étendre sur une vertu que le Seigneur lui-même,
principe et rémunérateur de toute vertu, a fait éclater en sa personne, étant hors de doute que tous
ceux qui veulent appartenir à Dieu doivent s'appliquer avec soin à la recherche d'un bien qui est le
bien de Dieu: Voilà comme en abrégé les motifs qui doivent nous animer à la pratique de la
patience.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre
Messages : 357
Inscription : mer. 11 mars 2020 16:35
Localisation : bethune pas de calais

Re: humilité :paroles de SAINTS

Message par Alexandre »

La Patience, compagne de l'humilité.
Edité par M. Charpentier, écrits de Tertullien. (les références se trouveront en fin de cette publication)


V. Il ne sera pas néanmoins inutile de traiter plus au long un sujet qui a un rapport si nécessaire à
notre foi. Quoiqu'un discours étendu puisse être quelquefois |215 répréhensible, il ne saurait
cependant l'être quand il s'agit de l'édification et de la direction des mœurs. Si l'on veut traiter à
fond quelque vertu, il faut très souvent parler du vice contraire, car on voit plus clairement ce qu'il
faut suivre quand on connaît ce qu'il faut éviter. Considérons ce que c'est que l'impatience; voyons
si elle ne vient pas du démon, comme la patience vient de Dieu; par ce moyen il nous sera aisé de
connaître combien ce vice est contraire à la foi chrétienne, car ce qui vient du rival de Dieu ne
saurait sans doute s'allier avec les choses de Dieu; il y a autant d'opposition entre les effets qu'il y en
a entre les causes. Ainsi Dieu étant infiniment bon, et le démon étant rempli de méchanceté, cette
différence montre évidemment que l'un ne fait rien pour l'autre. Ce qui est mauvais ne peut pas plus
produire quelque chose de bon que ce qui est bon ne peut produire quelque chose de mauvais.

Je remarque donc que l'impatience tire son origine du diable. Il la mit au monde, pour ainsi
parler, lorsqu'il supporta si impatiemment que l'homme, cette vive image de Dieu, eût reçu de son
Créateur l'empire sur toutes les choses créées. En effet, s'il eût supporté avec patience cet ordre
suprême, il n'en aurait conçu aucun déplaisir: n'en concevant point de déplaisir, il n'aurait pas envié
le bonheur de l'homme à qui il ne tendit des pièges funestes que par jalousie. Il fut donc jaloux
parce qu'il fut chagrin; et il fut chagrin parce qu'il fut impatient. De savoir maintenant si cet ange de
perdition commença par être malin ou impatient, c'est ce que je ne me mets pas en peine d'examiner.
Il est constant du moins que l'impatience naquit avec la malice, ou que la malice commença avec
l'impatience; et qu'ensuite elles continuèrent à se fortifier unanimement dans le sein d'un même
père. Ainsi le diable apprit par sa propre expérience combien cette passion était efficace pour faire
pécher. Comme il savait, parce qu'il avait éprouvé lui-même, que le premier péché était entré dans
le monde par la voie de l'impatience, il la fit venir aussitôt à son|216 secours pour rendre l'homme
criminel. Il va ainsi trouver Eve; et dans l'entretien qu'il a avec elle ce rusé serpent lui souffle avec
ses paroles son haleine infectée du venin contagieux de l'impatience 8.

Elle n'aurait jamais péché si elle eût supporté patiemment la défense que Dieu lui avait faite.
Plus coupable encore en ce quelle ne se contente pas d'avoir reçu elle seule ce souffle maudit,
elle ne saurait aussi souffrir plus longtemps le silence; c'est un poids qui l'accable, elle meurt d'impatience de parler à Adam qui,
n'étant pas encore son mari, n'était pas obligé par conséquent de l'écouter. Il lui prête néanmoins
l'oreille; et voilà comment elle le fait devenir le canal par où cette peste, qu'elle avait contractée du
malin esprit, s'est répandue dans le monde.
C'est ainsi que l'impatience de la première femme fit périr le premier homme, et que ce premier
homme périt aussi par son impatience en deux manières: soit en portant avec peine l'observation du
commandement de Dieu, soit en se montrant trop lâche à combattre la tentation du démon. Voilà
donc l'origine du péché, voilà aussi le principe des arrêts du ciel contre le genre humain. La colère
de Dieu commença par où avait commencé l'offense de l'homme; plutôt la première cause de
l'indignation de ce divin maître fit éclater les premiers traits de sa patience. Car se contentant de
donner sa malédiction au démon, il arrêta le juste mouvement de colère dans lequel il pouvait le
punir plus rigoureusement. Enfin quel autre crime peut-on imputer à l'homme ? Avant le crime de
l'impatience il vivait dans l'innocence et dans l'amitié de Dieu; il était habitant du paradis. Mais dès
qu'il eut succombé à l'impatience, il cessa aussitôt d'être agréable au Seigneur; il n'eut plus de goût
pour les choses célestes. Chassé ensuite de la présence de son Dieu, et banni en cette vallée de
larmes, il se laissa aisément dominer par l'impatience, qui fut en lui le principe de toutes les fautes
qu'il commit contre son Créateur. En effet cette malheureuse passion, |217 ayant été animée par le
démon, forma bientôt la colère, secondée de la méchanceté. Comme elle avait livré à la mort Adam
et Eve, elle apprit à leur fils Caïn à commettre un homicide 9
; car quelle en fut la cause, sinon parce qu'il souffrit impatiemment que ses offrandes fussent rejetées par le Seigneur; qu'il se laissa
emporter de colère contre Abel et qu'il le tua: or ne pouvant le tuer sans être poussé par la colère, ni
poussé par la colère sans être dominé par l'impatience, il est évident que ce que la colère lui a fait
commettre doit être attribué à la disposition qui a produit la colère. Voilà en quelque façon le
berceau de l'impatience encore naissante. Quel fut ensuite son accroissement?Il fut prodigieux: n'en
soyons point surpris, car si l'impatience a fait commettre le premier crime, il faut conclure qu'ayant
précédé toutes les autres passions, elle est comme l'origine de tous les péchés, puisque tous les
péchés sont sortis de son sein, ainsi que plusieurs rameaux viennent d'une même tige.

Nous venons de le montrer en ce qui regarde l'homicide, qui fut d'abord produit immédiatement par
la colère; mais quelque motif qui le cause dans la suite, il provient toujours de l'impatience, comme
de sa première source. Car, soit qu'on se porte à commettre ce crime par jalousie ou par cupidité, on
commence toujours par l'impatience, en ne voulant point se donner la peine de combattre un
mouvement de haine ou d'avarice.
Enfin tout ce qui nous porte à quelque action mauvaise vient d'une certaine impatience où l'on est d'accomplir au plus tôt cette action. Je le prouve. On commet un adultère: pourquoi? parce qu'on n'a pas voulu supporter plus longtemps la peine de
résister aux tentations de la chair. Si vous dites qu'un des principaux motifs qui obligent les
femmes à vendre leur honneur est l'amour de l'argent, je soutiens que ce coupable trafic
procède d'une honteuse lâcheté à détruire cet amour du |218 gain. Je ne fais mention que de
ces deux vices, parce qu'ils sont les plus communs et les plus criminels devant Dieu. Mais, pour
le dire en un mot, tout péché vient de l'impatience. On est méchant, parce qu'on trouve trop
de peine à être homme de bien. La pureté est insupportable à l'impudique, la probité au
scélérat, la piété à l'impie, le repos à un esprit inquiet. On devient vicieux, parce qu'on ne peut
pratiquer plus longtemps la vertu. L'impatience étant donc la source des péchés, ne doit-elle pas
offenser infiniment celui qui ne saurait approuver aucun péché?

D'ailleurs il est manifeste que l'impatience fut la principale cause de tant de révoltes où les Israélites
se laissèrent aller contre le Seigneur. En effet, d'où vient que ce peuple ingrat, oubliant le bras tout puissant qui l'avait délivré de la cruelle servitude d'Egypte, demande à Aaron de nouveaux dieux qui
puissent le conduire dans la terre promise? D'où vient que, portant l'insolence au plus haut point,
hommes et femmes sacrifient volontiers leur or pour en faire une idole publique? Cette audace
criminelle vient de ce qu'ils supportèrent impatiemment que Moïse fût si longtemps à s'entretenir
avec Dieu, quelque nécessaire que fût cet entretien. En vain ils ont été repus miraculeusement d'une
manne qui leur a été envoyée du ciel comme une rosée nourrissante 10; en vain ils ont été abreuvés
de l'eau tirée d'un rocher: ils se défient encore du Seigneur. Une soif de trois jours les accable; ils ne
peuvent plus l'endurer. Voilà l'impatience que Dieu leur reproche lui-même dans l'Écriture. En un
mot pour ne pas descendre dans un plus long détail, le malheur du peuple juif est toujours venu d'un
défaut de patience. Pourquoi ont-ils fait mourir les prophètes? C'est pour n'avoir pas voulu souffrir
leurs avis. Pourquoi ont-ils fait mourir Jésus-Christ lui-même? C'est pour n'avoir pu supporter sa
présence: ils auraient été moins misérables s'ils eussent été plus patients.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre
Messages : 357
Inscription : mer. 11 mars 2020 16:35
Localisation : bethune pas de calais

Re: humilité :paroles de SAINTS

Message par Alexandre »

La Patience, compagne de l'humilité.
Edité par M. Charpentier, écrits de Tertullien. (les références se trouveront en fin de cette publication)

VI. Disons encore que c'est la patience qui précède et qui suit la foi. Ainsi Abraham crut ce que
Dieu lui avait dit, et sa foi lui fut imputée à justice 11. Ce fut néanmoins la patience qui éprouva la
foi de ce père des croyants, lorsqu'il reçut le commandement d'immoler son fils, soumission que
Dieu exigea, moins pour tenter la foi d'Abraham que pour montrer par avance une figure de celui
qui devait être obéissant jusqu'à mourir; car du reste Dieu connaissait parfaitement celui qu'il avait
regardé comme juste: aussi cet homme soumis reçut-il tranquillement l'ordre rigoureux qui lui fut
donné pour éprouver son obéissance, et il l'aurait exécuté de même si le Seigneur l'avait souhaité.
Ce n'est donc pas sans raison qu'il fut comblé de bénédictions; il avait été fidèle, et il fut fidèle
parce qu'il fut patient. C'est ainsi que la foi, rehaussée par l'éclat de la patience, étant ensuite
répandue dans tout l'univers par celui qui est appelé dans l'Écriture fils d'Abraham 12, c'est-à-dire
Jésus-Christ, et ajoutant la grâce à la loi, mit la patience sa compagne à la tête de cette même loi
pour en être comme le sceau, d'autant plus que cette vertu avait manqué autrefois à la science de la
justice et de la sainteté; car que faisait-on alors?on rendait mal pour mal, œil pour œil, dent pour
dent: la patience n'était pas connue encore dans le monde, parce que la foi ne l'était pas aussi.
Cependant l'impatience profitait des occasions où elle n'était pas arrêtée par la loi. Cela était naturel;
l'auteur et le maître de la patience n'était pas venu. Mais à son arrivée tout change. La grâce de la foi
est réglée sur la patience.
Il n'est plus permis de dire des injures, on ne peut plus traiter son prochain
d'homme peu sensé sans devenir coupable. La colère est défendue, l'animosité est proscrite, la trop
grande vivacité est réprimée, le venin de la médisance est ôté.
La loi a beaucoup gagné depuis que
Jésus-Christ a dit: « Aimez vos ennemis; parlez bien de ceux qui parlent mal de vous; priez pour
ceux qui vous |220 persécutent, afin que vous soyez les enfants de votre Père céleste 13. »

Voyez quel père nous acquérons par la patience.
Enfin toute la science de cette vertu est renfermée dans ce commandement principal, puisqu'il n'est pas même permis de blesser le prochain par la moindre
parole de raillerie.


VII. Maintenant si nous voulons parcourir tous les autres sujets pour lesquels on s'impatiente, nous
trouverons à chacun un précepte qui y répond. En effet, êtes-vous ému de la perte de vos richesses?
Le Seigneur vous avertit en mille endroits de ses Écritures de mépriser le siècle; ou plutôt il vous
apprend le mépris que vous devez avoir des biens temporels, parce que vous ne trouverez nulle part
qu'il y ait eu lui-même nulle affection. Partout il justifie les pauvres; partout il condamne les
richesses. C'est ainsi que, en nous inspirant du dégoût pour les biens de ce monde, il enseigne la
patience, nous enseignant à supporter sans chagrin leur diminution. Comment cela ? Le voici encore
une fois: c'est en montrant que, puisqu'il faut dégager son cœur de l'attachement aux richesses, on
doit par conséquent compter pour rien la perte qu'on en peut faire. Nous devons souffrir
tranquillement la privation, ou même l'enlèvement entier d'une chose qu'il nous est défendu d'aimer.
Le Saint-Esprit nous a déclaré par la bouche de l'apôtre que la cupidité est la racine de tous les
maux; mais ne nous imaginons pas que cette cupidité consiste seulement à désirer le bien de notre
prochain. Ce que nous croyons être à nous n'est pas même à nous. Nous n'avons rien; tout est à
Dieu, et nous lui appartenons aussi. S'il nous arrive donc de faire quelque perte, et que nous la
supportions avec impatience, nous faisons voir que nous ne sommes pas affranchis de la cupidité,
puisque nous regrettons de ne point avoir ce qui ne nous appartient pas. C'est désirer le bien d'autrui
que de s'affliger d'avoir perdu ce qui n'était pas à nous. Celui qui, préférant les biens terrestres |
221 aux biens du ciel, succombe lâchement sous le poids de la disgrâce, pèche directement contre
Dieu. Pourquoi? Parce que pour l'amour d'une chose temporelle il avilit cette âme qui n'a été créée
que pour les biens éternels. Renonçons donc courageusement aux choses de ce monde; contemplons
sans cesse les biens célestes.
Que tout le monde périsse avec tous ses biens, peu nous importe,
pourvu que nous devenions riches en patience.

D'un autre côté, je demande si celui qui souffre impatiemment la perte d'un bien qu'on lui a ravi, ou
qu'il aura perdu par quelque autre voie, aura le courage de se priver de ce bien pour en faire quelque
aumône?
Celui qui ne veut pas se laisser tuer par un autre est-il de goût de se tuer lui-même? La
patience dans les disgrâces est un exercice par où l'on s'accoutume à faire part de son bien aux
autres.
Celui qui ne se fâche point de perdre ne se fâche point aussi de donner. En effet, comment
voulez-vous qu'un homme qui a deux habits en donne un à un pauvre, s'il n'est dans la disposition
d'offrir son manteau à celui qui lui aurait enlevé sa tunique 14? Comment nous ferons-nous des amis
par nos richesses si nous y attachons tellement notre cœur que leur perte nous rende inconsolables?
Malheureux que nous sommes, nous périrons avec ce que nous perdons. Eh! que pouvons-nous
trouver ici-bas où nous devons un jour tout perdre? C'est un défaut des gentils de s'abandonner à
l'impatience dans les disgrâces. Pourquoi? parce qu'ils font sans doute plus de cas de leurs richesses
que de leur âme. Ils le montrent effectivement lorsque, pour l'amour du gain, ils vont affronter tous
les périls de la mer; parce que cette témérité leur a été quelquefois lucrative; lorsque, par le désir de
se procurer une plus haute fortune, ils vont dans le barreau plaider des causes que les coupables
trembleraient eux-mêmes de soutenir; lorsque, pour se tirer de l'indigence, ils vont se louer à
quelque comédien insolent ou à quelque brutal gladiateur; lorsque enfin ils se |222 jettent sur les
grands chemins, comme des bêtes féroces, pour voler, égorger et assassiner les passants. Pour nous,
qui devons suivre des maximes bien différentes des leurs, nous devons sacrifier non l'âme pour
l'argent, mais l'argent pour l'âme, soit en donnant de bon gré, soit en perdant sans inquiétude.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre
Messages : 357
Inscription : mer. 11 mars 2020 16:35
Localisation : bethune pas de calais

Re: humilité :paroles de SAINTS

Message par Alexandre »

La Patience, compagne de l'humilité.
Edité par M. Charpentier, écrits de Tertullien. (les références se trouveront en fin de cette publication)

VIII. D'ailleurs nous sommes en cette misérable vie exposés aux plus grandes épreuves, et
l'Évangile nous oblige quelquefois d'essuyer les plus grands affronts, malgré nos plus grandes
répugnances. Faudra-t-il donc que de légères attaques nous blessent mortellement? Loin de nous
une telle faiblesse. A Dieu ne plaise que notre patience éprouvée tous les jours par mille traits
violents, succombe honteusement sous une légère injure. Si vous êtes insultés, souvenez-vous
aussitôt de l'avertissement de notre Seigneur: « Lorsqu'on vous frappera, dit-il, sur une joue,
présentez encore l'autre joue 15. » Laissez l'insolence d'autrui par votre patience. Quelque
ignominieuse et affligeante que soit l'insulte que vous recevez de votre adversaire, ne vous
emportez pas; il en sera plus grièvement puni par le Seigneur pour l'amour de qui vous la
supportez.
Vous ne pouvez mieux vous venger de votre ennemi qu'en souffrant tranquillement ses
mauvais procédés.
Rappelez aussitôt dans votre souvenir ces paroles de l'Évangile: « Réjouissezvous lorsqu'on parlera mal de vous 16 » D'ailleurs le Seigneur lui-même, quoiqu'il soit le seul essentiellement et souverainement digne de bénédiction, n'a-t-il pas néanmoins été accablé de
malédictions sur la croix? Suivons un tel maître.
Que le monde nous maudisse, peu importe, pourvu que nous soyons bénis de notre Père céleste. Au contraire si je souffre avec chagrin une parole qu'on
aura dite contre moi, il faut ou que je rende la pareille ou que je me tourmente moi-même dans mon
impatience, sans oser me plaindre. Et si je viens à me venger en rendant injure pour injure,
comment me montrerai-je fidèle disciple de Jésus-Christ? |223 Le Seigneur nous avertit encore que
nous rendrons compte de toutes nos paroles vaines et inutiles; que sera-ce des paroles injurieuses? II
s'ensuit donc que ce divin Maître nous ordonne de souffrir patiemment de la part d'autrui le mal
qu'il nous défend sous de rigoureuses peines de faire au prochain.

Considérons maintenant la douceur qui se trouve à être patient. Quelques traits que la calomnie ou
la malignité lancent contre une âme patiente ne produiront d'autre effet que celui d'une flèche
décochée contre un roc impénétrable; ce sera un coup perdu: la flèche tombera à terre ou même elle
sera quelquefois réfléchie avec la même impétuosité vers celui qui l'a décochée. Quelqu'un vous
blesse: pourquoi? c'est pour vous porter un coup douloureux; car le fruit le plus agréable que goûte
celui qui blesse, c'est la douleur de celui qui est blessé. S'il arrive donc que vous fassiez périr ce
fruit par votre patience, il faudra que la douleur retombe sur votre ennemi, lequel a perdu le fruit
qu'il se promettait. De cette sorte non seulement vous ne recevrez aucune blessure (ce qui devrait
vous suffire), mais vous aurez encore le plaisir de l'avoir frustré de son espérance et de lui avoir
renvoyé la douleur; qu'il prétendait vous causer. Voilà le doux avantage qu'on trouve à être patient.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre
Messages : 357
Inscription : mer. 11 mars 2020 16:35
Localisation : bethune pas de calais

Re: humilité :paroles de SAINTS

Message par Alexandre »

La Patience, compagne de l'humilité.
Edité par M. Charpentier, écrits de Tertullien. (les références se trouveront en fin de cette publication)

IX. Au reste, il y une espèce d'impatience inexcusable , quoiqu'elle paraisse d'abord légitime; c'est
lorsque nous nous abandonnons à la tristesse en perdant quelqu'un de nos proches. En pareille
occasion il faut se souvenir du généreux renoncement que l'apôtre nous recommande quand il dit: «
Ne vous attristez pas de la mort de quelqu'un, comme font les gentils qui n'ont point d'espérance 17
.
» Et certes cet avis est très raisonnable; car si nous croyons à la résurrection de Jésus-Christ, nous
croyons par conséquent à la nôtre, puisque Jésus-Christ est mort et ressuscité pour nous. Étant donc
certain que tous ressusciteront un jour, on ne doit point s'affliger de |224 leur mort, ni se laisser
abattre par la douleur, car pourquoi vous attrister si vous croyez qu'ils n'ont point cessé d'être?
Pourquoi supporter avec tant d'impatience que celui qui reviendra infailliblement vous ait été enlevé
pour quelque temps?Ce que vous appelez une mort n'est proprement qu'un voyage; le défunt doit
revenir. Ainsi, bien loin de donner des larmes à celui qui prend les devants et part le premier, il faut
seulement le suivre de nos regrets, que dis-je?de nos désirs! Encore ce regret doit-il être modéré
parla patience. En effet, pourquoi vous affliger à l'excès du départ de celui que vous suivrez bientôt!
Ajoutez que l'impatience en ces rencontres fait mal augurer de notre espérance, et paraît donner
atteinte à notre foi. Nous offensons Jésus-Christ lorsque nous regrettons comme des gens à plaindre
ceux qu'il a appelés à lui en son royaume. Ecoutons les sentiments de l'apôtre: « Je souhaite, dit-il
de sortir de captivité et d'être bientôt avec Jésus-Christ 18. » Leçon excellente, qui apprend aux
chrétiens quels doivent être leurs désirs. Si nous paraissons donc affligés que les autres aient déjà
obtenu l'objet de leurs vœux, n'est-ce pas une marque que nous ne voulons pas l'obtenir nous-mêmes?
Avatar de l’utilisateur
Alexandre
Messages : 357
Inscription : mer. 11 mars 2020 16:35
Localisation : bethune pas de calais

Re: humilité :paroles de SAINTS

Message par Alexandre »

La Patience, compagne de l'humilité.
Edité par M. Charpentier, écrits de Tertullien. (les références se trouveront en fin de cette publication)

X. Voici un autre grand sujet d'impatience, c'est la passion que l'on a de se venger, afin de satisfaire
sa fierté ou sa malice; fierté toujours vaine, malice toujours criminelle; mais principalement en cette
rencontre, où elle s'établit juge dans sa propre cause, et prononce témérairement un arrêt de
vengeance contre le prochain. Ainsi rendant le mal pour le mal, elle paie le double de celui qu'on lui
a fait, puisqu'elle se venge (ce qui est déjà un mal) et qu'au même temps elle fait insulte, ce qui est
un autre mal. La vengeance est la consolation des insensés et des barbares. Le sage et le
chrétien la regardent comme l'effet de la seule méchanceté. En effet, quelle différence y a-t-il
entre celui qui attaque et celui qui, étant attaqué, rend la pareille? C'est que l'un est le premier |225 à
mal faire, et que l'autre le suit. Cependant tous deux sont coupables devant celui qui condamne et
qui punit tout malfaiteur. Être le dernier à outrager n'est point une excuse: le temps et le lieu ne
séparent point ce qui est uni par un même caractère. C'est donc un commandement absolu qu'on
nous fait de ne rendre jamais le mal pour le mal.
Or, comment observerons-nous ce précepte, si
nous ne témoignons un noble dédain pour la vengeance? Quel honneur sacrifierons-nous à Dieu, si
nous nous attribuons le droit de nous défendre comme il nous plaira?
Vases de terre que nous sommes, remplis de faiblesse et de misère, nous condamnons
rigoureusement un de nos domestiques qui a osé se venger d'un autre. Nous approuvons ceux
qui, se souvenant de leur bassesse, de leur sujétion et du respect qu'ils doivent à leurs maîtres, ont
besoin de nous remettre leurs intérêts, et nous leur procurons une satisfaction plus grande qu'ils
n'eussent pu la prendre par eux-mêmes. Faut-il craindre que nous risquions quelque chose, quand
nous confions nos intérêts à Dieu notre souverain Seigneur, ce Dieu si équitable dans ses jugements
et si puissant dans l'exécution de ses arrêts? En vain nous le regardons comme juge, si nous ne le
regardons pas comme vengeur. C'est sous ce dernier titre qu'il veut que nous le considérions
lorsqu'il dit: «Laissez-moi la vengeance, et je vous vengerai 19; » comme s'il disait: Remettez-vous
à moi de l'injure qu'on vous aura faite, et votre patience sera récompensée. Ainsi quand ce divin
Maître nous dit: « Ne jugez point afin que vous ne soyez pas jugés 20,» ne demande-t-il pas notre
patience?car de qui est-ce qu'on peut dire qu'il ne juge point les autres, sinon de celui qui ne se
soucie point de se défendre? Au contraire, celui qui juge, quand il voudrait au même temps faire
grâce, il ne peut éviter le reproche d'avoir jugé inconsidérément et d'avoir par là ravi au souverain
juge l'honneur qui lui appartient.
Hélas! en combien de malheurs l'impatience n'a-t-elle |226 pas jeté de tous temps les hommes
vindicatifs! Combien de fois ne s'est-on pas repenti d'avoir tiré raison d'un affront! Combien
de fois une ardeur opiniâtre à poursuivre un rival n'a-t-elle pas causé plus de chagrin que les
causes de cette poursuite n'en doivent donner! En voici la raison; c'est que lorsqu'on entreprend
une affaire par impatience, on ne saurait la poursuivre sans impatience.
Or ce qui se fait par
impétuosité ou ne rencontre pas le but, ou tombe par terre, ou se perd en l'air. D'ailleurs, si vous ne
pouvez vous venger que légèrement, vous êtes saisi de dépit. Si votre vengeance est poussée à
l'extrémité, vous vous épuisez vous-mêmes pour l'assouvir. Quel profit dois-je donc attendre d'une
passion dont je ne puis modérer les transports par la violence du mal qu'elle me cause? Mais si je
me tranquillise par la patience, je ne sentirai aucune douleur; si je ne sens aucune douleur, je ne
penserai point à me venger.
Répondre

Revenir à « L'humilité exaltée et l'orgueil rabaissé »

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 0 invité