Résumé de théologie dogmatique, Livre III : La création et l'ordre surnaturel

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II. C'est un dogme fondamental du christianisme que la fin dernière de l'homme implique en fait la persistance immuable, la vie paisible et heureuse non seulement de son âme spirituelle, mais de toute sa nature, autrement de son âme et de son corps. Cet état de consommation définitive, la révélation le considère comme une transfiguration, un renouvellement, une création, une nouvelle naissance de la nature.

D'animale selon le corps (1 Cor. 15:42 et suiv.), elle devient une nature spirituelle ; de terrestre, elle devient céleste. Ici donc, c'est principalement la partie animale et terrestre qui est pénétrée et dominée par la vertu du Saint-Esprit qui réside dans la partie spirituelle, et elle l'est tellement qu'elle lui devient semblable et forme avec lui un tout, non plus composé d'éléments étrangers, mais homogène.

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Dans cet état, la dissolution ou la corruption du tout n'est plus naturellement possible ; la nature n'éprouve plus au-dedans aucune influence fâcheuse, aucun mouvement sensible qui n'ait été d'avance approuvé ou provoqué par l'esprit. L'homme est élevé selon toute sa nature, à la ressemblance naturelle des anges ("les hommes... seront comme les Anges de Dieu dans le Ciel", Matth. 22:30).

Les Pères expriment le rapport intime qui existe entre les dons de l'état primitif et la transfiguration future de la partie animale de la nature humaine, en appelant cette transfiguration une restitution du premier état. Il est vrai que c'est une restitution « abondante », car elle fait mieux que ce qui a été perdu ; mais cette pensée montre toujours qu'on considérait les avantages de ces deux états comme appartenant au même ordre.

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Voici les avantages que donnait sur les différents éléments de la faiblesse naturelle, cet affranchissement, cette exaltation de la nature humaine.

1. L'immortalité.
2. L'impassibilité - c'est-à-dire le fait d'être délivré de la nécessité des souffrances corporelles, et de pouvoir d'écarter toutes les souffrances du corps.
3. L'immunité par rapport à la concupiscence rebelle - c'est-à-dire la force de prévenir et d'étouffer à son gré tous les mouvements de la concupiscence.
4. L'immunité par rapport à l'ignorance et à l'erreur, c'est-à-dire au fond le pouvoir de garantir la connaissance intellectuelle de toute influence fâcheuse du côté de la connaissance sensible.
5. L'immunité par rapport au péché, ce qui revient au pouvoir de préserver la volonté de tout mouvement désordonné résultant de l'imperfection de la connaissance et de l'influence des sens.
6. L'autorité et le pouvoir sur la nature extérieure, les animaux surtout. C'était donc un domaine souverain sur la nature, joint à la possession de toutes les richesses dont l'homme jouissait dans le paradis terrestre.

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Aucun de ces avantages, en effet, n'est contenu dans la nature humaine et ne peut être acquis par elle. Les Pères, d'après l'Écriture sainte, appellent ces avantages une glorification de la nature par la grâce, ou le revêtement, le couronnement de l'homme par la grâce et la magnificence céleste.

La concession effective de ces avantages est de foi, soit parce qu'elle est expressément attestée par l'Écriture sainte dans l'histoire primitive de l'homme, et formulée par l'enseignement de l'Église, soit parce que l'Église la suppose dans sa doctrine sur le péché originel, et que les Pères et les théologiens l'ont généralement enseignée, surtout contre les pélagiens.

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IV. Bien que la glorification primitive de la nature totale de l'homme fût du même ordre et eût les mêmes effets que la glorification finale et consommée, il y a cependant entre les deux une différence essentielle. Tandis que la gloire de consommation est "une absorption de la mort" (1 Cor. 5:54), la gloire primitive « n'absorbait » pas la possibilité de l'erreur et des penchants désordonnés de la volonté ; elle empêchait seulement la naissance spontanée de ces maux, tant que la volonté ne les provoquait pas.

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Il n'est pas nécessaire d'admettre pour la gloire primitive d'autre élévation que celle de « l'infirmité de l'esprit par la vigueur de la raison, » comme s'exprime saint Thomas. Sans doute, la perfection intellectuelle et morale de l'état primitif ne peut se comprendre que si la connaissance et la volonté sont élevées à un rang supérieur ; mais pour les autres avantages de l'état primitif, il n'est pas nécessaire que les parties de la nature qu'ils affectent soient transférées au-dessus de leur condition naturelle. Les scolastiques comparent la puissance illimitée de l'esprit sur le corps et sur la vie animale, notamment en ce qui concerne la concupiscence, au frein avec lequel un cavalier gouvernerait son cheval ; ce frein, il peut le lâcher ou le perdre.

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V. Les effets spécifiques de la glorification de la nature humaine, à la différence de ceux de la grâce, sont exprimés dans les Pères et les théologiens par ces quatre termes qui se complètent réciproquement :

1. Incorruption (ἀφθαρσία) ;
2. Intégrité ;
3. Justice, Rectitude parfaite ;
4. Innocence.

Le premier s'applique aussi de préférence à la transfiguration finale, et il est surtout employé par les Pères grecs, comme les noms de gloire (δόξα) et de béatitude (μακαριότης), pour faire ressortir le caractère surnaturel de l'état primitif. Les trois derniers au contraire désignent plutôt la gloire de l'état primitif ; les Pères latins et les théologiens s'en servent principalement pour marquer l'opposition au péché originel. Leur signification un peu vague fut précisée par les adjectifs qualificatifs tels que parfait, plein, original.

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VI. Du caractère surnaturel de la gloire de l'état primitif, joint à cette circonstance qu'il ne contenait pas encore une transfiguration radicale et immuable de la nature, il s'ensuit que cette gloire peut aussi bien se perdre que la grâce sanctifiante, de même que son amissibilité est la marque la plus évidente de son caractère surnaturel, d'après un axiome reçu par toute la scolastique.

De plus, cette gloire avait cela de commun avec la grâce qu'elle ne pouvait naturellement subsister avec le péché mortel et devait se perdre dès qu'il apparaîtrait. Il est de foi que sa perte instantanée était au moins l'effet d'une institution positive de Dieu et qu'elle avait, au moins à ce titre, le caractère d'une punition qui atteignait infailliblement le péché. L'Écriture sainte l'atteste expressément en ce qui est de la mort et de la concupiscence (cf. Gen. 3:7 et suiv.).

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Quant à « l'essence » de cette gloire même, qui se manifeste surtout dans la justice de l'esprit ou dans la soumission de la raison à Dieu, il y a aussi contradiction formelle entre elle et le péché mortel ; car l'homme, en péchant mortellement, se soustrait à l'influence qu'elle exerce sur lui et qui le tient attaché à Dieu, et il réagit contre elle. Or, comme cette contradiction du péché mortel exclut formellement la justice de l'esprit, elle éloigne aussi la justice de l'âme et du corps qui lui est solidairement unie, parce qu'elle attaque dans sa racine le principe d'unité sur lequel repose tout l'état de justice. Cependant, la meilleure et la plus complète explication de cette incompatibilité consiste à dire, ainsi que nous le verrons plus loin, qu'en fait l'intégrité étant étroitement unie à la grâce sanctifiante et ayant en elle sa racine, elle devait subsister ou disparaître avec elle.

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VII. En ce qui concerne le surnaturel absolu, tous les théologiens catholiques de marque concluent de sa supériorité sur l'essence et les forces de la nature créée, que la vocation à cet état était gratuite et dépendait d'une pure faveur d'en haut. Quant au surnaturel relatif, cette conclusion n'a jamais été unanimement reçue ; plusieurs théologiens, tout en le considérant comme surnaturel et même comme gratuit, croyaient du moins que Dieu devait l'accorder par une nécessité de convenance, et l'Église même, après la condamnation de Baius, ne s'est pas prononcée aussi résolument sur ce point.