LE CŒUR ADMIRABLE DE LA TRÈS SACRÉ MÈRE DE DIEU
de Saint Jean Eudes.
(à suivre)
LIVRE PREMIER
QUI FAIT VOIR CE QUE C'EST QUE LE CŒUR DE LA BIENHEUREUSE VIERGE.
CHAPITRE I . Que le Cœur de la très sacrée Vierge est bien appelé le Cœur admirable; que c'est un abîme de merveilles, et qu'il n'y a que son Fils Jésus qui les connaisse parfaitement et qui en puisse parler dignement.
JÉSUS, Fils unique de Dieu, Fils unique de Marie, ayant choisi cette incomparable Vierge entre toutes les créatures pour être sa Mère, sa nourrice et sa gouvernante; et son infinie bonté nous l'ayant donnée pour être notre Reine, notre Mère et notre refuge en tous nos besoins, il veut que nous l'honorions comme il l'honore, et que nous l'aimions comme il l'aime.
Il l'a exaltée et honorée par-dessus tous les hommes et tous les Anges; il veut aussi que nous lui rendions plus de respect et plus de vénération qu'à tous les Anges et qu'à tous les hommes. Comme il est notre chef et que nous sommes ses membres, à raison de quoi nous devons être animés de son esprit, suivre ses inclinations, marcher par ses voies, et continuer sa vie sur la terre et l'exercice des vertus qu'il y a pratiquées: aussi il veut que notre dévotion vers sa divine Mère soit une continuation de la sienne vers elle, c'est-à-dire que nous ayons en nous les sentiments d'honneur, de soumission et d'affection qu'il a eus pour elle étant ici-bas, et qu'il aura éternellement dans le ciel. Elle a toujours occupé et occupera pour jamais la première place de son Cœur, et elle a toujours été et sera dans toute l'éternité le premier objet de son amour, après son Père éternel : il veut aussi qu'après Dieu, elle soit le principal sujet de nos dévotions et le premier objet de nos vénérations. A raison de quoi, après les services que nous devons à sa divine Majesté, nous ne pouvons lui en rendre de plus grands, ni rien faire qui lui soit plus agréable, que de servir et honorer sa très digne Mère.
Mais parce que notre esprit ne peut pas se porter, estimer et aimer une chose sans connaître ce qui la rend digne d'être estimée et aimée, le zèle infini dont ce Fils unique de Marie est embrasé pour les intérêts de sa très chère Mère, lui fait prendre un grand soin de nous manifester, par la bouche des saints Pères et par les oracles des divines Écritures, même dans cette vallée de ténèbres, quelque petite partie des excellences nonpareilles dont il l'a enrichie, réservant la pièce qui surpasse infiniment son échantillon, pour le pays des lumières, qui est le ciel.
Entre ces divins oracles, j'en trouve un dans le chapitre douzième de l'Apocalypse, qui est comme un abrégé de tout ce qui se peut dire et penser de plus grand et de plus avantageux de cette merveilleuse Princesse. C'est celui qui est contenu en ces paroles : Signum magnum apparuit in caelo (1): « Un grand signe, un merveilleux prodige, un prodigieux miracle a paru dans le ciel : une femme revêtue du soleil, ayant la lune sous ses pieds, et portant sur sa tête une couronne de douze étoiles. » Quel est ce grand prodige ? quelle est cette femme miraculeuse ? Saint Épiphane (2), saint Augustin (3), saint Bernard (4) et plusieurs autres saints Docteurs demeurent d'accord que c'est la Reine des femmes, la Souveraine des hommes et des Anges, la Vierge des vierges; et que c'est cette femme qui a porté dans ses entrailles virginales un homme parfait, un Homme-Dieu : Foemina circumdabit virum (5) .
(1) Apoc. XII, 1.
(2) Heres. 78.
(3) De Symbolo. lib. 4.
(4) Sermo in Signum magnum.
(5) Jerem. XXXI, 22.