LES BÉATITUDES DE L’AME RELIGIEUSE

[InHocSignoVinces]

LES BÉATITUDES DE L’AME RELIGIEUSE
P. Eugène Prévost


La séparation du monde

Bienheureuses les âmes que
Jésus a séparées du monde.


QUAND on considère ce qu’est le
monde, ce qu’il laisse entrevoir
et semble promettre, cè qu’il promet et
ne donne jamais, ce qu’il donne et re-
prend si vite, en un mot tout l’ensemble
de mensonges dont il se pare et d’illu-
sions sans nombre dont il se fait un
charme pour captiver les âmes ; ah !
l’on ne peut trop bénir le ciel de nous
en avoir retirés.


Longtemps peut-être nous avons été
le jouet de ces mirages, que nous
prenions pour des réalités. Nous aussi,
comme tant d’autres, nous cou-
rions après des plaisirs déjà évanouis
avant que nous les ayons saisis,
nous cherchions à nous reposer en des joies qui
sans cesse nous échappaient, nous nous obsti-
nions à trouver le bonheur là où il ne fait que
passer sans laisser d'autres traces que des
larmes dans des coeurs blessés.


Si nous avons connu ces déceptions du cœur,
ces effondrements de l’amitié, ces illusions dé-
concertantes de la vie, ces expériences doulou-
reuses d’un monde qui n’est que vanité, men-
songe et frivolité ; avouons notre erreur et
confessons qu'après le malheur de nous être
laissés ainsi tromper, il n’y a pas de joie com-
parable à celle d’une âme qui a pu échapper ;
aux filets du monde, rompre avec ses attraits,
le traiter avec le mépris qu’il mérite et recon-
quérir la liberté des enfants de Dieu.


***


A SUIVRE...

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Si encore le monde n’usait que de vanité et
de fausseté pour endormir les âmes, mais il est,
en plus, méchant et pervers. Quand il brille,
c’est pour aveugler ; quand il captive, c’est
pour corrompre ; quand il enivre, c’est pour
inoculer un poison mortel. Ses charmes amol-
lissent le cœur, ses mensonges détournent de la
vérité, ses paroles sont des traits qui blessent,
ses joies de vrais tombeaux où viennent in-
failliblement s’ensevelir les espérances et les
illusions.


Le monde, s’il ne perd pas toujours les âmes,
les affaiblit et les diminue. Il est si difficile de
vivre au milieu de ses frivolités et de n’avoir
pas la tentation de s’en approcher ! Il faut tant
de courage et d'énergie pour se tenir toujours
à l’écart de plaisirs qui, malgré tout, ont des
charmes pour la nature ! Il y a en nous une
curiosité si naturelle et une telle tendance à
goûter du fruit défendu, que le meilleur moyen
de ne pas succomber, c’est de fermer les yeux
et de s’éloigner !


Et puis, on se fatigue à la longue et on finit
souvent par céder là où on avait combattu avec
vaillance et fermeté. Combien d’âmes qui ont
faibli et se sont perdues, parce qu’elles ont trop
attendu à fuir le danger et à prendre les moyens
de s'en préserver ! Combien d’autres qui ont
gaspillé la meilleure partie de leur vie dans des
hésitations prolongées et dans des lâchetés cou-
pables pour ne pas abandonner si tôt un monde
qui pourtant pouvait leur être funeste !


***


A SUIVRE...

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Ah ! quelle grâce Jésus fait aux âmes qu’il
appelle loin du monde, pour Le servir unique-
ment ! Combien est douce sa divine amitié, à
côté des affections éphémères de la terre ! Com-
bien est lumineuse sa parole de vérité, à l’en-
contre des déguisements du monde ! Combien
est paisible le séjour dans la solitude de sa
pieuse demeure, en regard des vains bruits et
des agitations troublantes du monde ! Combien
est suave cette vie toute de recueillement et de
prière, au pied des autels, en opposition avec la
vie de sollicitudes, d’embarras et souvent de
servitude que l'on mène dans le monde !


Une âme religieuse qui n’apprécierait pas
cette grâce incomparable de son éloignement et
de sa séparation du monde, ne comprendrait
pas sa vocation, et elle se priverait d’une des
joies les plus grandes qui doivent faire le fond
de sa reconnaissance et de son bonheur.


D’où l'obligation pour elle de vivre intérieu-
rement séparée du monde, comme elle l’est
extérieurement : en ne laissant point son imagi-
nation vagabonder dans le monde, ni sa mé-
moire revivre des choses du monde, ni son
esprit s’attarder dans le monde, ni son cœur
s’attacher à rien de ce qui est au monde, ni sa
volonté désirer et rechercher quoi que ce soit
de tout ce qui rappelle le monde.


***


O mon Jésus,
j'ai sacrifié le monde
pour Vous posséder Vous seul :
je n'ai rien perdu et j'ai tout trouvé.
Je veux me contenter de Vous, qui me suffisez.
Tout ce qui me rappelle le monde
m'est à dégoût.
Vous seul me tenez lieu de tout,
Vous seul faites tout mon bonheur.
Vous seul êtes mon unique amour.
Vous seul ! Vous seul ! ô mon Jésus,
dans le temps et dans l'éternité !

P. Eugène Prévost