LA TRAVERSÉE DU TUNNEL (Testament spirituel d’un ancien missionnaire en Chine)

[Abbé Zins]

Revue Sub Tuum Praesidium, n ̊ 8 (3e trimestre 1987)


Editorial


LA TRAVERSÉE DU TUNNEL

ou testament spirituel d’un ancien missionnaire en Chine


Nous sommes heureux de pouvoir publier, avec l'autorisation de l'auteur, de très larges extraits du testament spirituel d'un ancien missionnaire (non "una cum"), expulsé de Chine par les communistes maoïstes, après vingt ans d'apostolat dans ce pays persécuté. Nous le remercions grandement des beaux exemples qu'il offre à notre méditation et pour notre édification.

[Abbé Zins]

Revue Sub Tuum Praesidium, n ̊ 8 (3e trimestre 1987)


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LA TRAVERSÉE DU TUNNEL

ou testament spirituel d’un ancien missionnaire en Chine


Avant—propos :

... La fidélité à Notre Seigneur et à son Eglise authentique soulève parfois de telles difficultés qu'il n'est pas superflu de chercher ailleurs un complément d'information pour mieux éclairer l'enseignement du Sauveur, en montrant comment certains de ses disciples ont su le vivre au cours de longues épreuves qui pouvaient sembler interminables.

Il peut donc être utile d'étudier de plus près le comportement de nos frères dans la foi, qui ont subi longtemps ou qui supportent encore la persécution dans certains pays.

L'histoire de l'Eglise en offre de nombreux exemples très instructifs.

Dans les pages qui suivent, il a semblé suffisant de refléter la lumière qui nous vient d'Extrême-Orient, et plus précisément du Japon et de la Chine, sans oublier que le Vietnam mériterait sans doute la première place dans ce tableau d'honneur.

Ces modestes rappels historiques montrent comment des chrétiens convaincus et résolus ont pu résister très longtemps à des persécutions, hypocrites ou violentes, ayant pour but de leur faire renier ou d'étouffer leur foi catholique.

En même temps, aux fidèles de France et d'ailleurs, ils enseignent une leçon, éloquente et simple à la fois.

Celle-ci peut les aider, s'ils le veulent, à mieux supporter les épreuves dont ils souffrent déjà, parfois à leur insu, et qu'il faut s'attendre à voir se prolonger et s'aggraver pendant de longues années.

Après ce préambule, admirons...

[Abbé Zins]

Revue Sub Tuum Praesidium, n ̊ 8 (3e trimestre 1987)


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LA TRAVERSÉE DU TUNNEL

ou testament spirituel d’un ancien missionnaire en Chine


La merveilleuse persévérance des Chrétiens Japonais :


Saint François Xavier (+ 1552) fut le pionnier de l'évangélisation en Extrême—Orient.

Il passa deux ans au Japon (1549-1551) où il laissa derrière lui près d'un millier de néophytes, recrutés parmi les classes pauvres.

C'était beaucoup, si l'on tient compte des énormes difficultés qu'il dut affronter.

Son grand mérite fut d'ouvrir péniblement la voie à d'autres missionnaires.

Ses successeurs continuèrent son travail avec un tel succès, que vers 1680 il y avait au Japon environ 300 000 Chrétiens, et que 15 ans plus tard on en comptait 550 000 au moins, d'après certaines estimations.

Cette extraordinaire réussite suscita la haine du démon, qui ne tarda pas à provoquer de violentes persécutions.

Déjà, dès 1597, neuf missionnaires, jésuites et franciscains, ainsi que 17 néophytes, furent condamnés à mort.

Pour donner à tout le peuple un exemple et un avertissement, ces 26 Martyrs durent, en plein hiver, traverser presque tout le Japon jusqu'à Nagasaki.

C'est là qu'ils furent crucifiés, sous les yeux de la multitude.

Parmi eux, se trouvait le jésuite Paul Miki, qui fut canonisé par le Pape Pie IX. Leur fête se célèbre le 6 février.

[Abbé Zins]

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ou testament spirituel d’un ancien missionnaire en Chine


La merveilleuse persévérance des Chrétiens Japonais :


En 1614, la persécution redoubla de violence.

Les missionnaires furent proscrits et la pratique de la religion catholique fut interdite.

Il y eut alors de nombreux martyrs.

D'après un historien japonais, il y aurait eu plus de deux cent mille victimes...

Des enquêtes récentes permettent d'affirmer qu'il y eut au moins 4065 victimes, dont le martyre est bien prouvé.

Ensuite, la persécution sévit périodiquement jusqu'à la fin du XVIIe. siècle.

Entre-temps, le Japon s'était complètement refermé sur lui-même. Il avait strictement interdit tout accès aux étrangers.

Toutes les tentatives de débarquement et d'évangélisation échouèrent lamentablement, et se terminèrent par de cruelles exécutions.

Cet isolement du Japon devait durer jusqu'en 1854.

Cette année-là, le Commodore américain Perry força le blocus et ouvrit l'Empire du Soleil à l'influence étrangère.

Les missionnaires ne furent pas les derniers à tenter de s'introduire à nouveau dans ce pays fermé à l'évangélisation depuis 250 ans.

Au début cependant, ils ne furent autorisés à y séjourner que pour exercer leur ministère auprès des marins et des étrangers faisant escales dans les ports.


C'est alors que l'un d'entre eux fit une découverte sensationnelle.

[Abbé Zins]

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La merveilleuse persévérance des Chrétiens Japonais :


En 1865, le Père Petitjean, des Missions Etrangères de Paris, était à Nagasaki l'aumônier des marins étrangers.

Un jour, quelques habitants de la ville, trompant la surveillance de la police, lui demandèrent secrètement de leur montrer l'image de la Vierge.

Plusieurs fois, ils revinrent en cachette pour poser des questions et pour faire plus ample connaissance avec le Père.

Ils apportèrent, entre autres, une grande médaille de Notre Dame, un crucifix et un livre de doctrine, que l'on peut voir exposés dans la Salle des Reliques des Missions Etrangères, 128 rue du Bac, dans le 7e arrondissement de Paris.

Ces rencontres clandestines, qu'on peut appeler retrouvailles, durèrent plusieurs mois.

Il s'avèra finalement qu'il y avait dans la région plusieurs milliers de Japonais (on avance même le chiffre de 20 000) qui étaient encore catholiques.

C'étaient les descendants des chrétiens qui, deux siècles et demi plus tôt, avaient préféré la mort à l'apostasie !

Les survivants s'étaient baptisés de pères en fils ; ils avaient instruit leurs enfants et petits-enfants des vérités essentielles de la Foi, dont ils avaient ainsi transmis le flambeau de génération en génération !

[Abbé Zins]

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La merveilleuse persévérance des Chrétiens Japonais :


On ne sait ce qu'il faut admirer le plus dans ce véritable miracle :

Ou la puissance de la grâce divine et l'efficacité de la dévotion à la Très Sainte Vierge que ces braves gens avaient honorée fidèlement, tels des enfants exilés qui invoquent leur Mère éloignée, mais vivante dans leur coeur ?

Ou bien, l'exceptionnelle qualité de ces chrétiens qui ont "tenu bon" et gardé si longtemps leur Foi courageuse jusqu'à l'héroïsme ?

Car il est facile d'imaginer, au moins confusément, ce que leur persévérance deux fois séculaire, a dû réclamer de prières ferventes, de confiance inébranlable, de générosité et de ténacité ; bref, de sacrifices à longueur de vie, pour réaliser cet exploit à nul autre comparable.

Beau sujet d'admiration, de méditation et même d'imitation, malgré l'évidente différence des temps, des lieux et des situations, qui nous distinguent de ces fidèles chrétiens.

[Abbé Zins]

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LA TRAVERSÉE DU TUNNEL

ou testament spirituel d’un ancien missionnaire en Chine


La merveilleuse persévérance des Chrétiens Japonais :


En effet, cette histoire étonnante n'est pas seulement édifiante. Elle est instructive au suprême degré.

En provoquant notre admiration, elle nous invite à raviver notre foi, à secouer notre torpeur, à stimuler notre confiance, à galvaniser notre courage ; en un mot, à soutenir notre persévérance aussi longtemps qu'il le faudra.

Les martyrs japonais et leurs descendants fidèles nous enseignent ou nous rappellent une leçon très importante, dont les circonstances vont rendre l'application de plus en plus nécessaire.

Leur exemple héroïque éclaire nos esprits blasés ou découragés, comme une lumière capable de nous guider au milieu des écueils et des dangers qui nous menacent.

Car, consciemment ou non, que nous le voulions ou non, nous sommes engagés dans un tunnel obscur, et la nuit qui nous environne risque d'être très longue et très pénible.

Mais, tournons-nous maintenant vers les chrétiens chinois : ils ont, eux aussi, une leçon de fidélité à nous apprendre ou à nous rappeler.

[Abbé Zins]

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L'admirable fidélité des Chrétiens chinois :


Après des tentatives infructueuses et des résultats éphémères, notamment au XIIIe siècle, l'évangélisation de la Chine avait recommencé vers 1590, quand le Jésuite Ricci et ses compagnons furent admis comme savants à la cour impériale.

Les services rendus à l'Empereur et la bienveillance qui en résultait permirent à d'autres missionnaires de s'introduire discrètement dans cet immense pays.

Lentement et péniblement, ils y recrutèrent des néophytes et quelquefois... la palme du martyre !

Des difficultés de toutes sortes, la lenteur des communications, la pénurie des ouvriers évangéliques, l'hostilité sournoise ou violente des vice-rois et des mandarins, les guerres et les cataclysmes sévissant à l'état endémique, plus encore peut-être l'influence profonde sur l'âme chinoise de Confucius, cet humaniste vénéré de tous, mais essentiellement a-religieux : voilà qui suffit à expliquer la lenteur des progrès de l'Evangile dans l'Empire du Milieu.

Vers 1900, on comptait environ deux millions de catholiques.

[Abbé Zins]

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L'admirable fidélité des Chrétiens chinois :


En 1950, ils étaient un peu plus de trois millions (sur 550 millions d'habitants, d'après le recensement de 1948).

Soit un baptisé sur 150 habitants.

C'était à la fois peu et beaucoup, en regard de la population totale et des obstacles péniblement surmontés.

Mais le nombre croissant des missionnaires et des prêtres autochtones ainsi que l'accroissement des ressources permettaient d'envisager l'avenir avec un optimisme modéré.

Hélas! Le raz de marée maoïste devait bientôt submerger tout le continent chinois et réduire à néant l'espérance des moissons futures.

De 1950 à 1954, tous les missionnaires étrangers (soit 5500 environ, dont 3000 prêtres) furent expulsés, comme "espions à la solde de l'impérialisme", le pire ennemi du peuple.

Quant aux 2700 prêtres chinois, ils furent bientôt emprisonnés, envoyés aux travaux forcés, parce que "chiens courants de l'impérialisme" et "traîtres" à leur pays !

Dans le meilleur des cas, ils furent vite réduits à l'impuissance totale d'exercer leur ministère.

Par le fait même, les chrétiens furent rapidement privés de tout secours extérieur de la religion, et surtout des sacrements.

De surcroît, ils furent soumis au redoutable "lavage de cerveau" !

Pendant plus de 25 ans, le "rideau de bambou" fut tellement imperméable qu'on resta sans nouvelles précises de l'Eglise de Chine.


On pouvait donc être tenté de prendre à la lettre le titre du livre de Pierre Darcourt :

"Requiem pour l'Eglise de Chine", et de croire que les "libérateurs" avaient totalement étouffé la Foi dans l'empire de Mao.

[Abbé Zins]

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ou testament spirituel d’un ancien missionnaire en Chine


L'admirable fidélité des Chrétiens chinois :


Pourtant, quand le Grand Timonier fut appelé à la gloire du Paradis Rouge (9/9/1976), la porte si longtemps fermée s'entrouvrit légèrement, et l'on put recevoir quelques nouvelles.

Les chinois de la Diaspora qui purent aller visiter leurs parents sur le continent constatèrent que la Foi n'était pas morte du tout, et qu'elle restait même très vigoureuse dans beaucoup d'endroits, surtout dans les campagnes.

Il n'est pas question de dresser ici un tableau, qui serait forcément incomplet, de la situation des catholiques de toute la Chine.

Il suffit d'ailleurs de citer quelques détails ayant valeur d'exemplaires.

Ils nous sont rapportés par un prêtre que, par prudence, on "baptise" d'un nom qui le caractérise bien : "Fidelis".