Résumé de théologie dogmatique, Livre IV : La chute et le péché

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VII. Plusieurs théologiens ne considèrent l'influence de l'acte générateur sur la production du péché que comme une influence morale et juridique, sans égard de la qualité actuelle et interne du principe générateur, qui n'a point d'analogie avec la transmission naturelle des maux physiques, mais seulement avec la transmission morale des obligations de droit. Cependant, le langage de saint Augustin et les expressions de la plupart des anciens et des meilleurs scolastiques vont plus loin. Non seulement, en effet, saint Augustin emploie constamment des analogies physiques pour expliquer la propagation du péché originel : transmission des vices de la semence à son fruit, des maladies des parents aux enfants ; il dit encore expressément et partout que le péché originel est un vice dans l'acte générateur et dans le principe générateur lui-même, vice qui se propage par une loi naturelle d'assimilation entre le générateur et l'engendré, et qui se révèle dans l'acte de génération comme « ardeur de la concupiscence ».

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Quant à ce qui distingue cette loi des lois naturelles analogues, saint Augustin n'a guère eu l'occasion de s'en expliquer, et il est probable qu'il ne s'en faisait pas une idée bien nette. Plusieurs théologiens subséquents l'expliquent d'une manière qui détruit complètement la pensée du saint Docteur et fait violence à son langage ; tandis que les anciens théologiens traitaient ce point avec beaucoup de soin, et les meilleurs d'entre eux trouvaient dans son langage un tout autre sens que Jansénius.

Voici l'explication des meilleurs scolastiques. Dans l'ordre primitif, le progéniteur possédait le pouvoir d'engendrer une nature sainte et juste. L'absence de pouvoir, ce défaut dans le principe générateur, est un vice réel au même titre que le défaut de justice qui y correspond dans le produit de la génération, et qu'un pareil vice se trouve aussi et dans la force générative et dans l'acte générateur. Dans l'état primitif, l'homme avait la puissance, avec le concours du Saint-Esprit, de communiquer la justice primitive par la génération, ou de faire de son produit un enfant de Dieu. Cette puissance dépendait spécialement de la possession de l'intégrité de la nature, et, dans l'intégrité, de la soumission parfaite de l'instinct générateur à la souveraineté de l'esprit, afin que l'organe fût doué de la pureté nécessaire pour recevoir la coopération du Saint-Esprit. Réciproquement, on doit attribuer l'inaptitude à communiquer la justice primitive surtout au défaut d'intégrité, et dans ce défaut, surtout à l'indocilité de l'instinct générateur : il se trouve dans l'organe une impureté incompatible avec le concours de l'Esprit-Saint.

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Cette impureté interne de la force et de l'acte générateur ne lui étant pas seulement externe ou accidentel, mais se confondant avec lui, on peut dire en ce sens que le défaut de justice dans la progéniture provient de la « turpitude de la concupiscence » du progéniteur. Cette concupiscence est la concupiscence habituelle, dont la concupiscence actuelle n'est que le « signe » ordinaire. Cet effet, cette influence causative du principe générateur sur l'injustice du produit, doit, comme l'influence de la volonté sur le péché actuel, se concevoir à la manière d'une cause efficiente, ou plutôt déficiente.

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VIII. Pour achever de préciser l'origine du péché héréditaire, il nous reste à expliquer comme l'âme, créée directement par Dieu, peut être contaminée par le péché originel. Sous ce rapport, des difficultés particulières surgissent pour l'intelligence de la propagation du péché héréditaire ; elles paraissent si grandes à saint Augustin qu'il doute que les âmes aient été créées, et il s'en tient à cette alternative : ou les âmes proviennent avec le corps du principe de la génération, alors et elles sont infectées de péché en vertu de leur origine ; ou bien, elles sont pures en vertu de leur origine divine, et elles deviennent souillées par leur infusion dans le corps formé par le principe générateur et placé directement sous son influence (Contra Jul., lib. v. cap. iv.).

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Depuis que la création de l'âme est universellement admise (cf. §129), cette dernière façon de concevoir l'origine du péché héréditaire est presque universellement adoptée par les théologiens ; et elle résout la difficulté dont nous parlons, pourvu qu'on l'entende et la fasse bien valoir, qu'on ne l'interprète pas dans un sens physique trop grossier, ou dans un sens moral trop relâché. Le corps n'agit pas physiquement sur l'âme, mais l'implique dans la faute solidaire de la descendance d'Adam. Cette notion de souillure par voie de corruption, sur laquelle saint Augustin et d'autres insistent si fort, doit être comprise comme exprimant le fait que la constitution de l'âme dépend de celle du corps à raison de l'union des deux en une seule nature.

Comme nous l'avons montré au §133 du livre III, l'âme subit les lois, les conditions de la vie animale et son influence sur la vie de l'esprit, tant qu'une influence surnaturelle ne lui a pas rendu, en face du corps, une liberté et une souveraineté entières, et n'a pas empêché cette conséquence naturelle. Or cette influence surnaturelle est ici complètement exclue, puisque le concours du Saint-Esprit n'accompagne pas la génération dans la forme où elle a lieu. L'état de l'âme qui se produit ainsi représente évidemment, à la différence de cette liberté, de cette pureté qu'elle aurait hors du corps et qu'elle devrait avoir dans le corps selon l'institution primitive de Dieu, une souillure, une dégradation interne.

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Remarquons que la corruption procède d'une manière différente dans Adam et dans ses descendants : le péché actuel produit d'abord dans Adam la perte de la grâce sanctifiante, et avec elle la corruption de la nature jusque dans le corps ; tandis que dans le péché héréditaire comme effet de la génération, l'action de celle-ci se révèle d'abord dans le corps, et, en s'élevant par les forces de l'âme, amène la perte de la grâce sanctifiante.

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On peut encore résoudre d'une manière plus directe la difficulté qui naît de l'origine divine de l'âme, en accommodant à cette doctrine, la solution, bien entendue, qui semblait la plus convenable à saint Augustin, à savoir que l'âme de l'enfant soit avec le corps du principe de la génération. D'après ce que nous avons vu, au livre III, §129. III, bien que l'âme soit créée de Dieu, il existe entre l'âme du principe générateur et l'âme de l'être engendré un certain rapport de principe en vertu duquel la première détermine l'existence de la seconde, comme une copie d'elle-même, dans un organisme qui est en union avec elle. Or, de même que ce rapport est la base prochaine et proprement dite de tous les rapports moraux et juridiques entre le père et l'enfant, il est aussi dans notre cas la raison prochaine et véritable de la solidarité de droits et de devoirs sur laquelle repose la propagation du péché comme héritage de la faute et perte des biens surnaturels.

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Dans la transmission du péché héréditaire, le rapport de principe entre le père et l'enfant a pour effet premier et primordial l'absence de la grâce sanctifiante dans l'âme de l'enfant. Cette absence résulte de ce que le père s'est privé par sa faute de la présence et par conséquent de la fécondité du Saint-Esprit. Le second effet est la perte de cette force de l'âme qui fonde l'intégrité de la nature, et le dernier effet, c'est la libre influence de la fragilité de la chair sur l'esprit. Le concile de Trente laisse entendre cette explication en plaçant dans les descendants d'Adam comme dans Adam même, la perte de la justice après la perte de la sainteté, son élément fondamental (session v, can. 2).

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IX. On résout enfin par ce qui précède cette objection favorite des pélagiens que ce sont ou les parents dans la génération, ou Dieu dans la création de l'âme, ou les deux ensemble qui occasionnent le péché et par conséquent qui le commettent. Or, l'acte qui s'accomplit de part et d'autre ne tend directement qu'à la production d'un homme nouveau ; il est donc bon en soi ; il ne deviendrait immoral que si le péché consistait dans un mauvais penchant ou si le penchant était irrésistible ; mais ce n'est clairement pas le cas, ne serait-ce que par ce que Dieu nous a pourvu de moyens suffisants de résistance.

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Section 164. Punition spécifique du péché héréditaire.

I. La culpabilité d'une faute s'apprécie généralement par son degré d'imputabilité, son étendue et la gravité de son contenu. Ainsi la punition spécifique du péché héréditaire ne saurait être la même que celle du péché actuel et personnel.