Résumé de théologie dogmatique, Livre IV : La chute et le péché

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Ci-dessous une version française du quatrième livre du résumé écrit par les le Dr Joseph Wilhelm et le Frère Scannell de la Dogmatik de l'abbé Scheeben. Ce texte initial sera désigné en abregé par le sigle SWS constitué des initiales des auteurs. La traduction sera faite à partir de la quatrième édition publiée en 1909, et fortement inspirée par la traduction du p. Belet.

Sont disponibles sur le forum les livres I, II et III.

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Chapitre 1. Théorie du péché.

C1, §155. Le mal, sa nature, sa cause et ses espèces.
C1, §156. Péché mortel et péché véniel.
C1, §157. Effets du péché actuel dans celui qui le commet.
C1, §158. Le péché habituel. Cet état est irréparable et perpétuel.
C1, §159. Possibilité et permission du péché en général.

Chapitre 2. La chute des anges.

C2, §160. Le péché des anges.

Chapitre 3. Le péché dans l'humanité.

C3, §161. Le péché d'Adam et Eve.
C3, §162. Le péché originel actuel.
C3, §163. Culpabilité de la nature dans les descendants d'Adam, comme péché inné ou hérité.
C3, §164. Punition spécifique du péché héréditaire.
C3, §165. La domination du démon, prince du péché et de la mort.

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L'ordre surnaturel, immédiatement après sa fondation, a été bouleversé par le péché dans une partie des anges et dans l'humanité tout entière.

Ouvrages à consulter : Alexandre de Halès, Summa, part. ii. q. 94 et seq. ; S. Bonaventure, in II. Sent. ; S. Thomas in IIa Iae, qq.71-89 et Questiones disputatae de malo, ainsi que les commentaires qu'en ont fair Suarez, Tanner, Salmant., Gonet, Gotti ; Bellarmin, Controv. de Amissione Gratia et Statu Peccati ; Kilber, De Peccatis ; Kleutgen, Théol., vol. ii.

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CHAPITRE 1. Théorie du péché.

Section 155. Le mal, sa nature, sa cause et ses espèces.

1. Le mal en général, considéré dans sa nature, n'est jamais une substance, d'après la doctrine de l'Église et la saine raison ; il est essentiellement un accident de la substance ou de la nature qui en est affectée. Toute substance, au contraire, en tant que substance, est essentiellement bonne ; elle ne peut être dite mauvaise qu'adjectivement, en tant qu'elle est affectée d'un mal ; on ne peut l'appeler un mal substantivement que lorsqu'elle devient la cause d'un mal, par l'influence qu'elle exerce sur un autre.

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Le mal donc, en tant qu'accident, a essentiellement besoin pour subsister d'une substance bonne en soi ; comme aussi en tant qu'il est une négation, un défaut, il ne peut subsister que dans des substances qui ne sont pas, comme Dieu, infiniment et immuablement bonnes, dans des êtres finis et changeants. Le mal est possible dans ces sortes d'êtres par cela seul qu'ils sont finis et sujets au changement. Or, de même que tous les êtres créés sont sujets au changement parce qu'ils sont tirés du néant, de même le mal est possible dans tous à cause du défaut de bonté dont ils souffrent par suite du néant de leur origine. Dans l'homme, le composé de la nature entraîne même la « nécessité » de tomber dans certains maux.

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2. La réalisation du mal st si peu le produit d'un principe mauvais en soi, qu'il est toujours lié, comme un effet accidentel, à l'exercice d'un bien quelconque et à la tendance vers un bien. Cela est évident par tous les maux de la souffrance : les causes qui les préparent ne le font que parce qu'en cherchant à utiliser leur propre force elles entrent en conflit avec une force contraire. Le mal du péché surtout n'est possible que parce que l'esprit y cherche au moins un bien subjectif.

De là cet axiome : Causa mali est bonum, "le mal est causé par le bien". Quoi qu'il en soit, on doit dire d'une foule de maux, d'une manière absolue, et de tous quand on fait intervenir leur sujet comme cause, qu'ils n'ont pas de cause efficiente, mais une cause déficiente ; ils ne surviennent qu'autant que leur cause positive agit d'une façon défectueuse ou du moins que le sujet est soumis à une influence qui lui résiste.

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3. La division la plus importante des maux de la créature raisonnable, au point de vue théologique et surtout pour notre présent dessein, c'est la division en maux volontaires résultant de nos actions désordonnées, ou le désordre coupable en général, le mal du péché, et en maux involontaires consistant dans la privation et dans la souffrance. Les maux de la première sorte ne sont pas seulement des maux, mais le mal, c'est-à-dire ce qui est vraiment détestable, répréhensible, odieux. Ils sont en soi les plus grands des maux, parce qu'ils sont à la fois des maux pour la personne qui agit, pour la créature, et pour Dieu lui-même, qu'ils atteignent non pas sans doute en Lui-même, mais dans son honneur.

Les maux de la seconde espèce, au contraire, ne sont des maux que pour leur sujet, qui les fuit naturellement, et ils ne sont pas tellement détestables qu'il faille les éviter en toute circonstance. Non seulement Dieu peut les permettre, il peut aussi les avoir positivement en vue, les employer comme moyen d'atteindre une bonne fin ; il peut même en être la cause immédiate, surtout pour punir les pécheurs. Cette division concorde dans la réalité avec la division en maux de la faute (mala culpae), qui forment le contenu et l'objet de la dette, et en maux de la peine (mala poenae), qui sont mérités et produits par le mal de la faute. Cela n'empêche pas que plusieurs maux ne puissent être à la fois maux de la faute et maux de la peine.

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II. Le péché, dans le sens théologique et proprement dit, comme action mauvaise qui rend responsable devant Dieu, consiste dans une transgression volontaire et réfléchie, dans une négation de l'ordre moral prescrit à la créature par un commandement de l'ordre divin. La notion théologique est donc plus étendue que la notion prétendue philosophique, laquelle ignore le commandement divin et ne voit dans le péché qu'une atteinte à la dignité personnelle de l'agent, dignité connue par la raison, ou à la dignité de la personne lésée par son action. Mais même une saine philosophie verra dans le péché un acte contraire à la conscience, au point de vue naturel. Or, la conscience n'est rien d'autre que l'écho des commandements de Dieu (cf. Rom. 2:14-16).

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II. 1. De ce que le péché est une transgression consciente et volontaire de la loi divine, il s'ensuit immédiatement que sa vraie nature ou sa forme générale, la seule à peu près dont s'occupent la théologie et le dogme, consiste dans une opposition, dans une résistance plus ou moins accentuée de la volonté divine, et impliquant une certaine mésestime ou mépris de la volonté de Dieu même.

Du côté de la créature, cette mésestime ou ce mépris de la volonté divine implique un refus de soumission, un détachement, un éloignement de Dieu comme fin dernière. Cette aversion se rapporte d'abord à Dieu comme finis cui, ou comme étant en soi le bien suprême et final auquel la créature doit hommage et soumission et obéissance, et à Dieu en tant qu'il est la bonté même et que la créature doit s'attacher à lui. Mais elle se rapporte aussi à Dieu comme au bien suprême de la créature elle-même qui doit trouver son propre bonheur dans la possession et la jouissance de Dieu, au contraire de la créature pécheresse qui cherche hors de lui une satisfaction incompatible avec cette jouissance et cette possession, lesquelles ne sont possibles que dans une subordination, un abandon complet à sa volonté.

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Du côté de Dieu, la mésestime ou le mépris de sa volonté implique un dédain, un refus de lui rendre l'honneur qui lui est dû comme au maitre de la nature et au souverain bien ; d'après ce principe :qui offendit legem, qui offendit regem. A ce point de vue, le péché s'appelle, dans la langue de l'Écriture sainte et de l'Église, offense à Dieu.

En Dieu, l'offense étant une atteinte à son droit suprême, implique toujours et essentiellement une injustice, un dommage dans ses biens extérieurs, ce qui n'est pas toujours chez les hommes. De là vient que dans l'Écriture sainte le péché est communément appelé injustitia, iniquitas. De plus, et il n'en est pas toujours ainsi parmi les hommes, l'offense de Dieu, étant un attentat contre lui, accompli sous ses yeux et dont il a nécessairement conscience, renferme un autre élément : le pécheur pose un « objet » pour lequel Dieu doit nécessairement avoir de la déplaisance, de l'horreur, de l'indignation et de la colère.