Résumé de théologie dogmatique, Livre IV : La chute et le péché

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VII. Bien qu'Adam ait effectivement regretté son péché, et qu'il en ait obtenu le pardon, ce péché ne demeure pas moins en vigueur comme acte collectif de toute la race, et le genre humain continue d'en être infecté. Il est vrai que la dette personnelle d'Adam ayant été remise, sa nature a été guérie et justifiée par le rétablissement de la grâce sanctifiante ; mais ce rétablissement n'impliquait pas celui de « toute » la justice originelle, et ne replaçait pas « toute sa nature » dans le premier état ; par conséquent, il n'impliquait pas le rétablissement de la nature générale du genre humain, ou de la nature d'Adam en tant qu'elle était la source de la race.

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Section 163. Culpabilité de la nature dans les descendants d'Adam, comme péché inné ou hérité.

L'Église n'a pas donné jusqu'ici d'explication positive complète du péché originel. Cependant, les définitions concernant son existence, sur la nécessité et l'efficacité du baptême, marquent nettement les limites dans lesquelles les théologiens doivent chercher la constitution spécifique du péché originel.

Si quelqu'un nie que, par la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ conférée au baptême, la culpabilité du péché originel soit remise, ou même s'il affirme que tout ce qui a vraiment et proprement caractère de péché n'est pas totalement enlevé, mais est seulement rasé ou non imputé : qu'il soit anathème. En effet, en ceux qui sont nés de nouveau rien n'est objet de la haine de Dieu (...) La concupiscence étant laissée pour être combattue, elle ne peut nuire à ceux qui n'y consentent pas et y résistent courageusement par la grâce du Christ. Cette concupiscence, que l'Apôtre appelle parfois “péché”, (...) le saint concile déclare que l’Église catholique n'a jamais compris qu'elle fût appelée péché parce qu'elle serait réellement et proprement péché chez ceux qui sont nés de nouveau, mais parce qu'elle vient du péché et incline au péché. Si quelqu'un pense le contraire : qu'il soit anathème."

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II. Les idées défectueuses qu'on se fait de la constitution du péché originel viennent généralement de ce qu'on sépare ce que la doctrine catholique considère comme organiquement uni : la faute de la race contractée dans Adam, et, comme contenu dans cette faute, la corruption interne de celui qui hérite de ce péché. Selon les uns, la vraie nature du péché originel consisterait tout entière dans une qualité interne de celui qui hérite du péché ; selon les autres, dans la responsabilité du péché actuel d'Adam. Ces vues erronées se présentent avec diverses nuances plus ou moins acceptables, car la doctrine catholique laisse place à une assez grande divergence d'opinions. Les contraintes d'espace ne nous permettront ici de ne résumer que très-brièvement ce qui semble être la théorie la plus catholique, la plus profonde et la plus complète. Nous suivrons généralement l'explication de S. Thomas en sa Ia IIae, q. 82.

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III. D'après cette doctrine, logiquement développée, le péché héréditaire consiste d'une part dans une qualité désordonnée que le pécheur héréditaire a contractée dans Adam et dont il demeure responsable ; et, d'autre part, dans une faute contractée dans Adam et par Adam, qui contient cette qualité désordonnée. Ainsi le péché héréditaire peut être défini comme la privation coupable de la justice originelle. Ce faisant, on lui assigne une matière spécifique qui le distingue de tout autre péché habituel, et on relève dans la matière ce qui est la cause spéciale de tous les désordres internes qu'il peut renfermer. Les définitions de l'Église font principalement ressortir comme matière du péché héréditaire la mort de l'âme, par conséquent le défaut de grâce sanctifiante. Ainsi, toute définition exacte de la nature du péché héréditaire doit comprendre cet élément. Mais se contenter de cela, ainsi que l'ont fait plusieurs théologiens modernes, serait insuffisant. Comme cet élément est commun à toutes les fautes mortelles, il ne saurait exprimer d'une manière adéquate la nature spécifique du péché héréditaire. Quand il s'agit de préciser cette question, les théologiens diffèrent surtout dans la manière de déterminer la justice héréditaire ou le rapport de ses parties essentielles.

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IV. L'opinion thomiste part de cette vue des Pères que la grâce sanctifiante est un des éléments ou plutôt l'élément essentiel de la justice primitive et héréditaire de la nature, qu'elle est à la fois la racine de l'intégrité ou de la santé de la vie naturelle, et le principe de la substance de la vie surnaturelle de la nature. D'après cela,

IV. 1) Il faut surtout placer l'injustice du pécheur héréditaire dans l'essence de l'âme, dans une privation coupable de la grâce sanctifiante, mais seulement en tant qu'on a perdu dans la grâce la racine de toute la justice exigée de Dieu.

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IV. 2) En second lieu et quant à ses effets, l'injustice du pécheur héréditaire se révèle dans toutes les forces de l'âme, en tant qu'elles participent à la moralité, car la perte de la grâce sanctifiante les détourne de l'ordre primitif, voulu et institué de Dieu. Elle se partage donc, comme la justice primitive, en différentes parties qui sont : le défaut de grâce sanctifiante dans la raison supérieure, et la perturbation du parfait assujettissement de la raison inférieure ou des sens à la raison supérieure. À ces deux, ou à ces trois parties correspond dans le libre arbitre, siège proprement dit de la moralité, l'impossibilité absolue d'aimer Dieu d'un amour surnaturel, l'impossibilité morale de remplir constamment et pleinement la loi naturelle de Dieu sans un secours particulier d'en haut, et l'impossibilité absolue d'empêcher toutes les mauvaises excitations.

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IV. 3) Par son côté matériel, il consiste dans un penchant vers la créature, suite de la perte de l'intégrité. Ces deux parties, toutefois, ne sont pas nécessairement unies, comme dans le péché actuel ; la première surtout ne dépend pas de la seconde.

IV. 4) Enfin, le péché héréditaire, comme reflet d'un péché actuel et complètement formé de l'homme, consiste dans une tendance à des révoltes et à des mouvements désordonnés qui, de la partie supérieure, descendent jusque dans l'organisme du corps. Ces mouvements, conséquence et contrecoup d'un désordre coupable au sommet et dans le plus intime de la nature, participent du caractère du péché formel.

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V. Le péché héréditaire considéré formellement est parfaitement identique dans tous les pécheurs héréditaires : il a la même étendue et la même gravité, bien que le désordre effectif des forces de la nature résultant du défaut de justice, et notamment la faiblesse de la raison et la vivacité de la concupiscence, puissent varier à l'infini dans les individus, à cause de la diversité de leur organisation personnelle.

Par contre, le péché héréditaire diffère essentiellement de son modèle, le péché originel habituel en tant que personnel à Adam, car ce dernier péché renfermait à la fois et la pleine responsabilité du péché actuel d'Adam et l'offense faite à Dieu par le mépris de la volonté. De là que le péché héréditaire tient une position mitoyenne tout à fait remarquable entre le péché mortel et le péché véniel. Cette différence paraît surtout en ce que le péché héréditaire, n'impliquant aucun volontaire personnel, est le moindre de tous les péchés du côté du sujet ; il est moindre que les péchés véniels mêmes qui ne sont qu'à demi-volontaires ; tandis que, par le contenu objectif de la faute, il est plus énorme qu'un grand nombre, que la plupart même des péchés mortels, quand on place son contenu, non pas immédiatement dans l'offense à Dieu, mais dans les autres maux qu'il a causés.

De plus, le péché héréditaire, considéré comme faute, manque de l'élément qui importe le plus dans tous les péchés personnels, la continuation morale de l'acte interne et personnel du mépris de Dieu, vu la responsabilité résultant du péché actuel. D'après cela, la faute du péché héréditaire est aussi en un certain sens, et du côté de son objet, essentiellement moindre que les moindres péchés véniels personnels. Plusieurs théologiens (surtout Suarez) expriment cette différence en disant que le péché héréditaire n'implique pas, comme les péchés personnels, « un éloignement de Dieu en tant que fin naturelle », mais « un éloignement de la fin surnaturelle ».

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VI. Le moyen ou le canal de la transmission du péché originel aux enfants, c'est l'acte de la génération, parce que cette transmission est attachée à la communication de la nature. La raison fondamentale pour laquelle Jésus-Christ, en ce qui regarde l'origine de sa nature humaine, n'aurait pas encouru le péché héréditaire, quand même il eût été un pur homme, c'est qu'il n'a pas été engendré "du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme" (Jean 1:13).

L'acte de la génération, comme moyen de transmettre le péché, n'est aussi qu'un simple moyen de le produire ; il n'engendre le péché dans le fruit de la génération qu'autant qu'il est au service d'un autre principe (ou qu'il est uni à un autre principe), qui est le premier et véritable principe de la généralité du péché, savoir le premier péché actuel d'Adam. En d'autres termes, il est une cause purement instrumentale, et non la principale cause du péché héréditaire. Il s'ensuit encore et surtout que par l'acte de la génération et en union avec lui, le péché originel lui-même influe sur le produit de cet acte, tandis que cet acte même détermine seulement le sujet sur lequel le péché originel exerce son influence et dans lequel il produit par son influence le péché originel.

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Il est constant en dogme que les enfants de ceux qui sont justifiés naissent avec le péché héréditaire, et de plus, il est admis qu'Adam lui-même a été justifié. L'ordre ancien sous lequel la justice personnelle était héréditaire s'est arrêté avec Adam. Dans l'ordre de la rédemption, le restaurateur de la grâce, Jésus-Christ, possède seul la grâce et le pouvoir de la communiquer ; tous les autres hommes ne peuvent la recevoir directement que de lui et chacun pour soi.