Résumé de théologie dogmatique, Livre V : La Rédemption

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IV. 2. L'œuvre du Sauveur sur la terre a consisté à acquérir les bonnes grâces de Dieu envers l'homme. La première étape était d'apaiser le Dieu offensé. Il a accompli cela est se faisant le médiateur et représentant parfait de l'humanité, intervenant et intercédant auprès de Dieu. Mais son œuvre est plus qu'une simple demande ou intercession ; elle mérite vraiment ce qu'elle demande : elle a en d'autres termes un telle valeur pour Dieu que le salut obtenu en est un juste paiement.

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IV. 3. Comme le salut comprend la rémission des péchés, le médiateur doit prendre sur lui-même les obligations ou dettes des pécheurs, et en rendre satisfaction à Dieu. Son œuvre a donc un aspect de réparation ou d'expiation, par laquelle il honore et plaît à Dieu plus que le péché ne l'a déshonoré et ne lui a déplu.

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IV. 4. La composante de réparation ou d'expiation est essentielle dans l'œuvre du Christ, mais ne la contient pas toute entière. La réparation est subordonnée (et non pas coordonnée) aux mérites qui rachètent l'amitié divine. Si l'on exceptait les mérites, la réparation ne serait plus qu'un châtiment isolé ou tout au plus un apaisement de la colère divine. Mais dans le tout organique qu'ils forment, la réparation et le mérite rentrent dans la catégorie générale du sacrifice, c'est-à-dire un acte accompli pour rendre à Dieu l'honneur qui est dû à Lui seul, et par là gagner la faveur divine (S. Thomas IIIa, q. 48, art. 3).

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IV. 5. L'action méritoire comme l'action réparatrice doivent remplir les trois conditions suivantes : (a) L'agent doit être innocent et sans tache (Héb. 7:26), saint et agréable à Dieu : sa sainteté doit être infinie pour que la réparation soit parfaite. (b) L'action doit être une œuvre de justice (δικαίωμα ; cf. Rom. 5:18) s'opposant à l'œuvre d'injustice qu'est le péché, et une œuvre d'obéissance à la volonté de Dieu, opposée à l'œuvre de désobéissance qu'est le péché. (c) Enfin, l'action doit partir d'une révérence pour la majesté de Dieu et sa loi, d'un amour de sa bonté, pour s'opposer à l'irrévérence, au mépris de la loi et au manque d'amour chez le pécheur. L'œuvre du Christ remplit ces trois conditions.

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Il est logique que l'œuvre de réparation consiste en une souffrance volontairement acceptée. D'ordinaire, en effet, Dieu satisfait sa justice outragée et restaure l'ordre violé en imposant une certaine souffrance au pécheur ; la souffrance est donc le moyen habituel de réparation. Le pécheur mérite la mort : s'étant rendu incapable d'atteindre la béatitude pour laquelle il avait été créée, la continuation de son existence terrestre devient sans objet. Le Christ a donc accepté la mort comme élément essentiel de son œuvre de réparation. Tout cela est résumé par le terme technique de satispassio (souffrance réparatrice) appliqué à l'œuvre du Christ.

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La réparation et le mérite divergent sans doute dans leurs buts, puisque la première tend à s'acquitter d'une dette et la seconde tend à acquérir des biens ; mais pourtant, la réparation même en tant que telle ne peut pas se concevoir sans un élément de mérite. La réparation du péché implique pour le pécheur, en plus de la réparation de l'honneur de Dieu, l'acquisition de la grâce de repentance indispensable à toute rémission de péché, et la ré-acquisition de la justice surnaturelle habituelle, que tout homme est obligé de posséder. Or, Dieu seul donne la grâce : la réparation faite par le Christ serait donc incomplète et imparfaite si elle ne méritait pas les grâces de la repentance et de la justice habituelle. Comme tout vrai sacrifice, l'œuvre du Sauveur est vraiment réparatrice par ce qu'elle est en même temps sanctificatrice.

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Le Christ s'est donné pour nous, et s'est donc fait le moyen effectif et le prix réel de notre rédemption. Dans son sacrifice de lui-même, (a) il prend volontairement sur lui la peine de mort tombée sur l'humanité à cause de son péché ; (b) il s'humilie et se vide pour réparer la désobéissance du pécheur, pour rendre le plus grand honneur à Dieu, et pour mériter de la grâce pour l'homme ; (c) il substitue sa vie innocente à la vie que l'homme a abdiqué par son péché. Dans les sacrifices de l'ancienne Loi, on substituait des animaux à l'homme ; mais la substitution du Christ est bien plus parfaite, par ce que sa vie est une vie humaine ointe de la divinité. Le sacrifice du Christ englobe ainsi la réparation par procuration de nos péchés, et aussi le prix de rachat de notre salut.

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Le terme classique de "Rédemption" exprime à la fois l'achat (emptio) de la délivrance de l'homme de la captivité du péché et le rachat (redemptio) pour lui de la liberté des Fils de Dieu ; en d'autres termes, c'est pour l'homme le passage de l'esclavage du démon à la liberté du royaume de Dieu. Pour ne pas nous tromper sur ce "rachat au démon au prix du sang du Christ", il faut considérer Satan comme un tyran, auquel l'homme est injustement assujetti, et que le Rédempteur libère en détruisant la cause qui a placé l'homme sous le démon. La rançon de l'esclave n'est pas payée au tyran injuste, mais au maître légitime, comme indemnité de l'injustice qu'il a subi.

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V. L'analyse que nous venons de faire de l'œuvre du Christ est fidèle en tous points à la doctrine de l'Écriture. La sainte Écriture appelle l'œuvre de Rédemption un sacrifice, un sacrifice de propitiation, et lui applique généralement la terminologie sacrificielle de l'ancien Testament : le Christ est le grand-prêtre du nouveau Testament, qui s'offre en victime (hostia), et son acte est appelé oblation.

Or, les sacrifices sanglants de l'ancienne loi étaient certainement des sacrifices offerts à cause du péché ; le pécheur reconnaissait qu'il avait perdu le droit à la vie, et suppliait Dieu d'accepter en remplacement, le sang de la victime "car la vie (l’âme) est dans le sang", Lév. 17:11. L'idée de substitution est particulièrement évidente dans l'imposition des mains sur la tête de la victime, rite qui charge la victime des péchés de ceux qui offrent le sacrifice (Lév. 16:21).

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Les anciens sacrifices n'étaient que de symboles de cette réparation, qui est effectivement réalisée dans le sacrifice du Christ (Héb. 10:1 et suiv.), le seul vrai prêtre, qui en plus de symboliser notre réconciliation à Dieu la réalise réellement. L'Épître aux Hébreux insiste souvent sur la prêtrise du Christ (5:10 ; 6:20 ; 7:1-21 ; 9. 11, 15, et 24-28 ; 10:1-22). La victime est lui-même (Héb 9:14-26), son Corps et son Sang (10:10 ; 9:14), qu'il a offerts sur la croix, où le sacrifice réel a été accompli (9:25 et suiv.). Par ailleurs, S. Paul écrit : "Le Christ, qui nous a aussi aimés, et qui s’est livré lui-même pour nous à Dieu, comme une oblation et un sacrifice (une hostie) d’agréable odeur (παρέδωκεν έαυτὸν, ὑπερ ἡμῶν προσφορὰν καὶ θυσίαν τῷ θεῷ είς ὀσμὴν εὐωδίας)" (Éph. 5:2 ; cf. 1 Cor. 5:7 et Rom. 3:25). "Jésus-Christ est une propitiation pour nos péchés ; et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier." (1 Jean 2:2 ; cf. 5:10).