Je propose à tous de réunir dans cette rubrique, comme l’indique le titre, des exemples historiques
de catholiques : Saints, ou simples fidèles, ayant vécu, sans, ou avec peu de recours aux sacrements…
Des Patriarches de l’Ancien Testament ; des catéchumènes baptisés dans leur sang ; des parties de
peuples vivant des années sans prêtres en n’ayant que le chapelet comme moyen de salut ; des Pères
qui partent dans le désert soit pour réparer leurs fautes et par là se sanctifier, ou soit pour échapper
au monde et atteindre ce même but qu’est le salut ; des religieux qui se font jeter en prison ou dans
des galères ; des missionnaires dont les matières premières destinées aux sacrements deviennent
obsolètes… La liste est longue d’évènements, de situations périlleuses ou non, où l’on trouve des
vies sanctifiées sans le moyen du Précieux Sacrement. On peut y joindre aussi des extraits d’écrits
soutenant une sanctification possible lorsqu’on est privé de sacrements.
Don de Moléon a écrit :« Dieu a voulu nous montrer dans les Patriarches, dès les origines du monde, les prodiges que peut
réaliser sa grâce, et comment elle a suffi, en plein pays païen, alors qu’il n’y avait sur la terre ni
Evangile, ni Eglise, ni prédications, ni Sacrements, à conduire ceux qui lui furent fidèles, jusqu’au
plus hautes cimes de la sainteté.
C’est un exemple sur lequel tout homme sensé doit réfléchir, pour comprendre que, quelles que
soient les conditions dans lesquelles il est appelé à vivre, il peut lui aussi, s’il le veut, s’élever
jusqu’à la perfection. » (Don de Moléon, Les Patriarches, Ed.La Source, 1953, p.13, extrait tiré du
Grand Catalogue des Variations de M.l’abbé Zins, p. 699, 817.c)
Francis Vincent a écrit :« Les Sacrements, qui sont, comme on dit « la charpente extérieure » protégeant « notre vie et notre
action intime, » (Ici, Eucharistie et Pénitence) tiennent certainement dans la spiritualité de saint François de Sales
– et cela peut surprendre d’abord – une moindre place que la prière,
particulièrement que la prière mentale. A l’exemple de Notre-Seigneur qui semble avoir voulu
épuiser les ressources du langage humain pour nous faire sentir la nécessité urgente et constante de
prier, l’auteur de l’Introduction à la vie dévote a fait de la prière intérieure le grand, le principal
moyen de s’élever à la sainteté.
Il a considéré qu’on peut sans se perdre, comme tels malades, tels ermites, ou tels prisonniers, être retranché des sacrements, mais qu’on ne peut pas l’être impunément de la prière. Il a su rappelé que de grands solitaires, comme saint Jérôme et saint
Antoine, en s’enfonçant dans le désert, s’étaient volontairement privés de l’Eucharistie, mais qu’ils avaient suppléé à cette regrettable disette spirituelle par une ardente et continuelle prière.
« Se confessoyent-ils souvent ? Demandait-il parlant des anachorètes. Quelques fois aux bonnes festes.
Oyaient-ils fort Messes ? Les Dimanches et les festes. Hors de la point. » Pourtant ils étaient saints.
Et ils étaient saints parce qu’ils priaient. » (Saint François de Sales Directeur d’âmes, L’éducation
de la Volonté, par Francis Vincent Docteur ès Lettres, p. 374, les Sacrements. Imprimatur)
Je reviendrai sur cette partie de ce livre plus loin, car on peut trouver d’autres extrait allant dans le
même sens que ci-dessus.
J’ouvre ce recueil d’exemples en prenant l’histoire d’une Sainte qui m’est cher : Sainte Marie l’Egyptienne.
Sa vie solitaire de pénitence, conséquence d’une vraie contrition et d’un ferme propos
à réparer sa vie de jeunesse en proie à la débauche, est racontée par elle-même au Père Zozime qui,
quittant hebdomadairement son monastère pour vivre en solitude, l’aperçut dans le désert.
Voici un extrait :
M.Godescard a écrit :« Zozime lui ayant demandé combien il y avait d’années qu’elle demeurait dans la solitude, et de
quoi elle y avait subsisté, elle lui répondit :
« Il y a, si je ne me trompe, quarante-sept ans que je suis sorti de la ville sainte.
Je me nourris d’abord des pains que j’avais apportés, tant qu’ils durèrent ;
après quoi je me suis nourrie des herbes qui croissent dans le désert. Mes habits s’étant usés, j’eus
beaucoup à souffrir des ardeurs du soleil et des rigueurs de l’hiver. Je me trouvais quelque fois si
mal, que je n’avais pas la force de me tenir debout. »
Zozime l’ayant ensuite interrogée sur ses combats intérieurs auxquels elle avait été exposée, elle continua ainsi :
« Vos dernières questions me font trembler, en me rappelant le souvenir des dangers que j’ai courus, et des assauts qui m’ont été
livrés par la perversité de mon coeur. Durant l’espace de dix-sept ans, j’éprouvais des tentations violentes et continuelles.
Lorsque je commençais à manger, je me sentais portée à manger de la viande, et à regretter les poissons d’Egypte. Il me semblait aussi que j’aurais voulu avoir du vin. J’avais tant aimé cette liqueur dans le monde, qu’il m’était arrivé d’en boire avec excès ; au lieu que dans la solitude, je ne pouvais pas toujours avoir une goûte d’eau pour étancher ma soif. Mes désirs déréglés m’entraînaient encore vers d’autres objets. Cependant je pleurais et frappais ma poitrine ; je me recommandais à la Mère de Dieu, et me rappelais les engagements que j’avais contracté sous sa protection.
Quand j’avais longtemps pleuré, et meurtri mon corps de coup, je me voyais tout-à-coup environnée
d’une lumière éclatante, et le calme rentrait dans mon esprit. Souvent la tyrannie de mes anciennes
passions, semblaient m’entraîner hors du désert : je me prosternait alors contre terre ; je l’arrosais
de mes larmes ; j’élevais continuellement mon coeur vers la Sainte Vierge, qui ne manquait jamais
de m’assister. » (Abrégé des vies des Pères et des Martyrs, et des autres principaux saints, par
M.Godescard chanoine de Saint Honoré, T.II, 1814)
Après avoir rencontré le Père Zozime, elle mourut quelques temps plus tard après qu’il lui ait donné
la Sainte Communion. Elle n’avait pas communié depuis 47 ans, et elle est pourtant parvenue à
l’état de sainteté avant qu’elle l’eut reçu, de parfaites contritions et pénitences jointes à la prière
continuelle ont suffit.