Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le dimanche dans l'octave de l'Ascension

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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le dimanche dans l'octave de l'Ascension

Message par Laetitia »

Que signifiait ce magnifique tabernacle de l'alliance, avec toutes ses couleurs, ses figures, et toute son ornementation, sinon l’Église de Jésus-Christ, ou l'âme fidèle, dans laquelle réside l'Esprit-Saint ? Cette âme doit être décorée, non de couleurs et de peintures terrestres, mais des vertus et des dons célestes, afin de devenir un tabernacle digne d'un hôte si auguste. Car Dieu ne recherche point l'or, l'argent, l’airain, la pourpre et l'écarlate avec les autres choses semblables,mais les vertus dont ces choses sont l'emblème.

Que les âmes des justes soient le tabernacle de Dieu, c'est ce que Jésus lui-même atteste en ces termes : « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole ;mon Père l'aimera, nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure. » Joan. XIV, 23. L'Apôtre dit aussi : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu ? » I Cor. III, 16. Quiconque donc aspire à cette haute dignité d'être la demeure et le tabernacle de Celui qui siège au-dessus des chérubins (et tous doivent y aspirer), qu'il fasse tous ses efforts pour posséder spirituellement au dedans de lui tous les ornements que le Seigneur demandait matériellement dans le tabernacle. Qu'il mette tout en œuvre pour avoir au dedans de lui l'or de la sagesse divine, l'argent de la céleste doctrine, l'airain d'une énergie invincible, le chandelier de la prudence. Le chandelier devait être placé du côté du midi, en face de l'aquilon ; parce que le juste, éclairé de la lumière de la prudence, peut prévoir et éviter tout ce qui vient du côté de l'aquilon, c'est-à-dire tous les maux. Jer. I, 14.

Mais surtout, de même que le tabernacle avait deux autels, l'un au dedans et l'autre au dehors ; l'un sur lequel s'allumait l'encens, tandis que sur l'autre on immolait en sacrifice les animaux ; ainsi notre âme doit être munie de deux autels analogues. D'abord dans la partie intime et supérieure de nous-mêmes, offrons au Seigneur l'encens d'une prière fervente, allumé au feu de la charité ; puis, dans notre partie extérieure et infime, qui comprend la chair et les affections de la chair, dressons l'autre autel, sur lequel nous immolerons en sacrifice au Seigneur les mouvements brutaux de notre âme, c'est-à-dire, le taureau de l'orgueil, le chevreau de la licence, le bouc de la luxure et les autres affections de ce genre.

Car Dieu ne se délecte pas au milieu du carnage et du sang des troupeaux ; ce qui lui plaît surtout, c'est de voir égorger et amputer avec le glaive de la crainte divine toutes les cupidités et volontés propres, qui font opposition à la volonté divine, puisque la rectitude de la volonté divine est incompatible avec les les voies obliques du monde. Un tel sacrifice est bien plus agréable à Dieu, que celui des taureaux ou des boucs.

Que personne ne s'imagine donc qu'un seul autel suffit pour la constitution de ce tabernacle ; les deux autels doivent être élevés avec un égal soin et un égal empressement. On en voit qui, épris des charmes de la prière, reculent devant l'amertume de la mortification ; ils offrent à Dieu l'encens, ils lui refusent la myrrhe. On les voit prier fréquemment, et cependant ils conservent les mêmes mœurs, les mêmes maladies, colère, ambition, avarice. Que font-ils dans la prière ? Que demandent-ils au Seigneur ? Je l'ignore complètement; car la prière se recommande surtout à ce titre, qu'elle demande à Dieu des forces et de l'énergie, pour soumettre la chair à l'esprit, comprimer les affections bestiales, extirper toutes les cupidités, et assujettir aux prescriptions de la loi divine les mouvements désordonnés de l'âme. Nous n'en voulons pas d'autre exemple que celui de saint Augustin, qui, sentant au dedans de lui quelques mouvements rebelles, suppliait ardemment le Seigneur de lui envoyer un remède : « Seigneur, disait-il, vous connaissez à ce sujet le gémissement de mon cœur vers vous, et le fleuve qui coule de mes yeux. »
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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le dimanche dans l'octave de l'Ascension

Message par Laetitia »

Devant le tabernacle était un voile de quatre couleurs, pourpre, écarlate teinte deux fois, fin lin retors, et hyacinthe. Exod. XXVI 36. Par la couleur sanglante de la pourpre nous entendons la patience, qui est notre soutien dans les adversités dont cette vie est remplie. L'écarlate, teinte deux fois, représente les deux préceptes de la charité ; car « c'est de Dieu que nous avons reçu ce commandement : Que celui qui aime Dieu, ait aussi de l'amour pour son frère. » I Joan. IV, 21. En effet, « si quelqu'un, voyant son frère dans le besoin, lui ferme son cœur et ses entrailles, comment l'amour de Dieu demeurerait-il en lui ? » I Joan. III, 17.

Puis vient le fin lin retors. Le lin figure par sa blancheur la chasteté, qui toutefois doit être retorse, parce que personne ne peut la conserver longtemps sans la mortification de la chair. Il est absurde de prétendre conserver la pureté au milieu de tout ce qui excite et flatte la chair. Aussi n'est-il pas étonnant qu'il y ait tant de désordres dans le monde, parce que chacun se livre au plaisir, autant qu'il le peut. Ce qui fait dire à saint Jean Climaque : « Celui qui veut dompter les saillies de la chair sans la mortifier, ressemble à celui qui veut éloigner un chien, en lui jetant du pain. » Enfin reste la couleur hyacinthe, c'est-à-dire, azurée ou céleste : par là nous sommes avertis de mépriser les choses de la terre, et de diriger vers les joies célestes toutes nos pensées, tous nos désirs, et tous nos efforts ; puisque « nous n'avons pas ici de cité permanente, et que nous en attendons une à venir. » Hebr. XII, 14. Daigne nous y conduire cet Esprit céleste, à qui nous préparons par tous ces moyens une demeure en nous, et qui vit et règne dans les siècles des siècles. Amen
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