Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le saint jour de la Pentecôte

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Laetitia
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En effet, le propre d'un vent impétueux est d'agir puissamment sur les objets qu'il frappe. Ainsi les vaisseaux sont emportés avec une vitesse prodigieuse, dès qu'une forte brise vient à souffler ; et aussitôt qu'elle cesse, ils demeurent immobiles au milieu des mers. C'est donc avec une impétuosité semblable que le saint Esprit, par une force invisible, excite à la justice la volonté de l'homme, si nonchalante et si lâche depuis le péché originel.

Notre Seigneur a expliqué cela par une similitude très-juste, quand il a dit : « Le vent souffle où il veut, et vous entendez sa voix ; mais vous ne savez ni d'où il vient, ni où il va. Il en est de même de tout homme qui est né de l'Esprit. » Joan. III, 8. C'est à-dire, bien que nous ne voyions pas le vent, nous en sentons cependant la force et les effets, lorsque nous entendons le bruissement des arbres, et surtout lorsque nous voyons des arbres séculaires, appuyés sur de solides racines, arrachés et brisés par les tourbillons de l'ouragan. Nous voyons donc les effets du vent; cependant nous ne le voyons pas lui-même, nous ne le connaissons que par l'intelligence. Voilà ce que signifient ces mots du Sauveur : « Mais vous ne savez ni d'où il vient, ni où il va ; » c'est une figure de langage, par laquelle il dépeint la nature de l'air, qui échappe à la vue, quoiqu'on en sente parfaitement le mouvement et l'impulsion. Et par là il a voulu indiquer la force de l’Esprit divin, force toute-puissante, quoique invisible, puisqu'il ajoute : « Il en est de même de tout homme qui est né de l'Esprit.

Mais quel est celui qui est né de l’Esprit ? - Je réponds : Voilà un homme qui, entraîné par les penchants de sa première naissance, a été quelque temps l'esclave des passions de la chair. Maintenant, il a reçu la grâce de l’Esprit divin, et, changé en une créature nouvelle, il s'applique à obéir non à la chair, mais à l'esprit ; non à sa volonté propre, mais à la volonté divine; non au siècle, mais à Dieu. Appelé heureusement ainsi à une seconde naissance par le bienfait de la vocation divine, il sent son âme se transformer à l'intérieur ; il se sent vivement embraser de zèle pour la religion, et d'amour pour les choses célestes ; il aime ce qu'il détestait, et il déteste ce qu'il aimait ; il désire ce qu'il dédaignait, et il dédaigne ce qu'il désirait avec ardeur; il prend plaisir à ce qui lui était amer, et ce qui faisait autrefois ses délices, lui est devenu à charge et l'afflige. Voilà ce qui se voit tous les jours : j'en atteste les aveux et les exemples des hommes qui, par une grâce particulière de Dieu, ont passé de l'amour du monde à l'amour et à la pratique de la piété.
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Laetitia
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En effet, l'un dit qu'autrefois il usait sa vie au jeu de cartes, et à d'autres frivolités semblables ; mais que maintenant, ayant savouré une faible goutte de la joie spirituelle, il a en aversion plus que la mort toute espèce de jeux.

Un autre, dont l'occupation était nuit et jour d'amasser de l'argent, se glorifie aujourd'hui de brûler du noble amour de la pauvreté évangélique; et lui, qui autrefois pillait le bien d'autrui, maintenant, par piété, distribue libéralement le sien.

Celui-ci, qui regardait comme impossible de vivre sans les plaisirs charnels, avoue que non-seulement depuis plusieurs années il s'est abstenu de tout acte impur, mais encore qu'il n'a prononcé aucune parole, ni consenti à aucune pensée contre la pudeur.

Celui-là, qui était si passionné pour la chasse et pour les chevaux, qui ne pensait et ne s'occupait à autre chose, a pris tout cela en un profond dégoût, depuis qu'il a commencé à vivre par la pensée dans le ciel.

Cet autre s'adonnait avec fureur à la lecture de ces romans, dont les récits de guerres atroces et de combats singuliers ne sont qu’un tissu de mensonges ;mais depuis qu'ayant goûté la suavité de l'Esprit divin, il est venu à résipiscence, il rougit de honte d'avoir trouvé du plaisir à de telles niaiseries.

Il est aussi des jeunes filles, et en grand nombre, qui mettaient leur bonheur dans la parure ; à peine l’Esprit-Saint s'est-il révélé à elles qu'elles ont méprisé leurs ornements comme des ordures, comme des linges souillés.

Vous trouverez également des femmes, qui étaient si folles d'amour pour leurs époux ou leurs enfants que, s'ils venaient à être atteints d'une maladie même légère, elles en perdaient la tête. Cependant depuis qu'elles ont goûté la douceur de l'amour divin, elles modèrent si bien leur tendresse pour les créatures les plus chères à leur cœur, qu'elles sont toujours prêtes et résignées à toutes les épreuves que leur envoie la divine providence.

On en voit encore d'autres qui ont éprouvé en eux-mêmes tous les changements que nous venons d'énumérer. Aussi, convaincus par un argument si lumineux, ils sont forcés de s'écrier avec le Prophète : « Ce changement est l'œuvre du bras du Très Haut. » Hæc mutatio dexteræ Excelsi. Ps. LXXVI, 11.

Tous ceux-là, dès que, guidés par l'Esprit, ils ont connu par expérience la suavité des biens célestes, tiennent facilement pour rien tous les autres. De là ces paroles de saint Grégoire : « Pour les saints, qui brûlent des éternels désirs, entendre les bruits du monde est un poids écrasant. Car ils regardent comme intolérable, et n'étant point fait pour eux, ce qui est étranger à l'objet de leurs affections. »
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Laetitia
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Par ces transformations de l'homme intérieur, « l'Esprit-Saint, rend témoignage à notre esprit, que nous sommes enfants de Dieu, » Rom. VIII, 16 ; non qu'on puisse en avoir la certitude en cette vie, mais on peut quelquefois s'en former de fortes conjectures. Ainsi, quiconque a été changé de telle sorte, qu'il ne se reconnaît plus lui-même, et qu'il s'étonne d'être tout autre qu'il n'était auparavant ; celui-là, et c'est la réponse à notre question, est né de l’Esprit, puisqu'ayant dépouillé le vieil homme, il a été transformé en une créature nouvelle.

Pour que vous n'estimiez pas au-dessous de sa valeur un si grand changement dans les âmes, apprenez de saint Bernard que le pouvoir de l'opérer est plus divin que le don des miracles. En effet, dans la vie qu'il nous a laissée de saint Malachie, saint Bernard, après avoir raconté qu'une femme avait été rappelée de la mort à la vie par les prières de ce saint, parle d'une autre femme, tellement sujette à la colère, que frères, enfants, personne enfin ne pouvait plus la supporter. Il ajoute : « Ses enfants, désolés, tant pour elle, que pour eux-mêmes, la conduisent donc auprès de Malachie, et lui exposent leur douleur en fondant en larmes. Le saint, prenant en pitié le péril de la mère, et le malheur des enfants, la tira à part, et lui demanda avec sollicitude si elle ne s'était jamais confessée. — Non, répondit-elle. — Confessez vos péchés, dit-il. – Elle obéit. Alors prescrivant une pénitence à la repentante, et priant sur elle, afin que le Tout Puissant daignât lui donner l'esprit de mansuétude, il lui ordonna, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, de ne plus se mettre en colère. A partir de ce moment elle devint si douce, qu'il était clair pour tout le monde qu'un si grand changement était l’œuvre du bras du Très-Haut. Cette femme, à ce qu'on assure, vit encore aujourd'hui, et elle est d'une patience admirable. Elle, qui exaspérait tous ceux qui l'approchaient, n'est plus émue maintenant ni des pertes, ni des injures, ni des afflictions. Puisque l'Apôtre me permet d'abonder dans mon sens, qu'on le prenne comme on l'entendra, je mets ce miracle au-dessus du miracle de la morte ressuscitée, parce que ce dernier rappelait le corps à la vie, tandis que l'autre faisait revivre l'âme. »

Cet exemple suffit, mes frères, pour vous faire apprécier l'excellence de cet admirable changement. Toutefois, pour mieux éclaircir ce point (car il n'est pas étonnant que nous ayons de la peine à comprendre ce qu'ignorait autrefois un maître en Israël, Nicodème), je vais vous présenter un autre exemple remarquable de cette magnifique transformation.
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Laetitia
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Contemplez l'apôtre Pierre, au moment de la passion du Sauveur. Il tremble à la voix d'une jeune fille, il renie son Maître, auquel il venait de vouer sa vie, et peu après, en présence de ce Maître, il jure qu'il ne le connaît pas, il prononce des imprécations, il appelle sur soi tous les maux imaginables pour confirmer ce qu'il dit. Peut-on concevoir une plus grande faiblesse ?

Maintenant contemplons le même Pierre, quand peu de jours après il est plein de l'Esprit céleste. D'abord, chaque jour et de toutes les forces de sa voix, il proclame publiquement la gloire du crucifié; puis, amené dans le sénat des Juifs, où s'étaient réunis Anne, prince des prêtres, Jean, Alexandre, et tous les membres du corps sacerdotal, et les entendant lui demander en vertu de quel nom il avait guéri un boiteux, il répond ces paroles courageuses et empreintes d'une foi inviolable : « Princes du peuple, et sénateurs, puisqu'aujourd'hui on nous demande compte du bien que nous avons fait à un homme perclus, et qu'on s'informe au nom de qui il a été guéri, nous vous le déclarons à vous tous et à tout le peuple d'Israël. C'est au nom de notre Seigneur Jésus-Christ de Nazareth, que vous avez crucifié, et que Dieu a ressuscité d'entre les morts, que cet homme, présent devant vous, a été guéri. C'est cette pierre que vous autres architectes avez rejetée, et qui est devenue la principale pierre de l'angle. Et il n'y a point de salut en aucun autre ; car nul autre nom sous le ciel n'a été donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés. » Act. IV, 9 et seq.

Je le demande, quoi de plus courageux que cette réponse ? Quoi de plus admirable ? Quelle constance ! A-t-il omis une seule des circonstances nécessaires pour faire connaître le Christ, pour en manifester la gloire, pour accuser la perfidie et la cruauté des pontifes et des pharisiens ? Bienheureux pêcheur, qui vous a ainsi métamorphosé ? D'où vous est venu tant de force, et un courage si nouveau, et une constance si invincible ? Ce cœur débile, ce cœur de femme, qui, peu de jours auparavant, avait peur d'une faible jeune fille, qui est-ce qui l'a si bien armé qu'il reste ferme et insurmontable devant tout le sénat des Juifs ?

Dans cet exemple, qui pourrait ne pas reconnaître, ne pas admirer la force et la puissance de l'Esprit-Saint ? Qui pourrait ne pas le vénérer, ne pas l'adorer ? Qui n'aspirerait de toutes ses forces à entrer en participation de cette puissance divine ?
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Laetitia
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Ce que j'ai dit de Pierre, j'aurais pu également le dire des autres disciples, qui tous faiblirent lors de la passion du Sauveur. Tous, en effet, l'abandonnèrent, et s'enfuirent, à tel point qu'un jeune homme, saisi par les Juifs, leur abandonna sa robe pour s'échapper nu et chercher son salut dans une fuite honteuse.

Toutes ces circonstances, le Saint-Esprit a voulu qu'elles fussent décrites minutieusement par les Evangélistes, afin de faire comprendre aux disciples eux-mêmes, et à nous tous, ce que leur avait conféré la grâce divine. Les intendants des trésors royaux, avant d'entrer en charge, donnent au prince un état de leurs propres biens, afin qu'il soit facile de constater jusqu'à quel point ils se sont enrichis durant leur administration. De même, en examinant la faiblesse première des apôtres, on voit clairement ce qu'ils ont reçu de l'Esprit-Saint. Mais on dira peut être : Fort bien ; toutefois cette effusion prodigieuse de l'Esprit-Saint a été accordée seulement aux apôtres, qui ont recueilli les prémices de ce don. – Je conviens qu'il y a là du vrai. Mais cependant le Seigneur n'interdit à personne la participation de son Esprit. Il n'exclut personne de la communion de sa grâce. Bien au contraire, de combien de manières ne nous y appelle-t-il pas ? « Allez, dit-il, par tout le monde, prêcher l'Evangile à toute créature. » Marc. ult. 15. Or, qu'est-ce que l'Evangile, sinon la grâce du Saint-Esprit spontanément offerte ? Le Sauveur dit encore dans saint Jean : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive. » Joan. VII, 37. Et l'Evangéliste ajoute : « Il disait cela de l'Esprit qu'allaient recevoir les croyants. » Ô parole d'or ! parole pleine de tendresse et de miséricorde, et qui devrait résonner continuellement aux oreilles de notre cœur, pour nous porter au désir et à l'espérance de ce don céleste Écoutez maintenant l'invitation du Prophète : « Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, vous qui n'avez pas d'argent, hâtez-vous, achetez et mangez. Venez, achetez sans argent, et sans aucun échange, le vin et le lait, » Isa. LV, 1, c'est-à-dire, le vin de la charité, et le lait de la joie spirituelle ; le vin, vous qui êtes devenus forts ; le lait, vous qui, « comme des enfants en Jésus-Christ, » I Cor. III, 1, sucez encore la mamelle.
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Mais comment expliquer qu'après avoir dit : « Venez acheter, » il dise aussitôt, « sans argent et sans aucun échange ? » Qui est ce qui achète sans argent et sans échange ? Y aurait-il là une allusion à ces paroles de l’Épouse du Cantique : « Quand un homme aurait donné toutes les richesses de sa maison pour le saint amour, il les mépriserait, comme s'il n'avait rien donné ? » Cant. VIII, 7. En effet, telles sont la dignité et la grandeur de cette grâce, que si, pour l'obtenir, on avait dépensé toutes les richesses du monde, ou enduré toutes les fatigues possibles, on n'aurait rien donné en échange. De là ces paroles : « Je n'ai pas fait entrer en comparaison avec elle les pierres précieuses ; parce que tout l'or, au prix d'elle, n'est qu'un peu de sable, et que l'argent devant elle sera considéré comme de la boue. » Sap. VII, 9.

D'ailleurs, il est également vrai et que ce don s'achète, et qu'il se donne gratuitement. Car de même qu'il arrive parfois que l'un sème, et qu'un autre moissonne ; de même ici on ne doit pas s'étonner si l'un achète, pour qu'un autre reçoive gratuitement. Or, Jésus-Christ notre Seigneur a vraiment acheté pour nous un si grand don au prix de son sang ; et nous, nous l'avons reçu à cause de lui gratuitement de son Père. L'Apôtre l'insinue, quand il dit que « nous avons été justifiés gratuitement par la rédemption qui vient de Jésus-Christ. » Rom. I, 24. Nous avons donc été justifiés gratuitement, et cependant achetés à un haut prix, c'est-à-dire, par la rédemption qui vient de Jésus Christ.

Maintenant, avant de finir, tirons en peu de mots une conclusion pratique de tout ce qui précède, pour que nous n'ayons pas entendu inutilement le présent discours.

D'abord nous devons rendre d’immortelles actions de grâces à cet Esprit divin, qui à pareil jour est descendu dans les cœurs des apôtres. Car nous ne sommes nullement exclus de la participation de ce don, puisque c'est pour nous qu'il a été répandu sur eux. En effet, Dieu ayant résolu de construire de pierres vivantes le temple de son Église, dut créer des ouvriers pour conduire cette œuvre ; et c'est nous qui sommes l'œuvre, le temple pour lequel ces ouvriers ont été formés. L'Apôtre l'indiquait clairement, quand il écrivait aux Corinthiens : « Tout est à vous, soit Paul, ou Apollo, ou Céphas ; soit le monde, soit la vie ou la mort, soit les choses présentes ou les futures, tout est à vous, » I Cor. III, 22 ; c'est-à-dire, tout a été institué pour votre salut.

De même qu'un père de noble maison, qui comble de riches présents le précepteur de son fils, pour qu'il l'instruise avec soin, honore non-seulement le précepteur, mais encore son fils ; de même lorsqu'à pareil jour Dieu a rempli de son Esprit les apôtres, il a acquis par cet immense bienfait un droit rigoureux non-seulement à leur reconnaissance, mais aussi à la nôtre, puisque c'est pour notre salut qu'il a répandu sur eux son Esprit d'une main si libérale. D'autant plus que ce même Esprit, comme nous l'avons dit en commençant, devait demeurer perpétuellement avec nous, afin de nous diriger par son gouvernement invisible, par son enseignement et ses inspirations vers la vie bienheureuse et immortelle.

Car dans ce monde unique vous devez voir deux mondes, celui de la nature, et celui de la grâce ; l'un dont la fin est la vie naturelle, l'autre dont la fin est la vie surnaturelle où divine.

Comme donc le Créateur de la nature, premier moteur et cause première, enveloppe perpétuellement de sa providence toutes les choses dont se compose la nature, et les dirige incessamment vers leurs fins dans un concert général et harmonieux ; ainsi, ce même Dieu, qui est aussi auteur de la grâce et de la béatitude, se conduit d'une manière semblable dans le monde surnaturel, c'est-à-dire, dans l'Eglise ; il s'insinue dans les âmes des justes par une opération occulte et invisible, et il les conduit à leur fin surnaturelle par un secours du même ordre et par les œuvres de piété et de justice.

En second lieu, nous devons aussi, avec une égale effusion de cœur, rendre grâces à notre Sauveur, par les mérites et les prières de qui s'est étendu sur nous un si magnifique présent.
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Enfin, de ce qui précède nous conclurons encore qu'ils sont dans une erreur complète ceux qui redoutent le chemin de la vertu comme ardu et inaccessible. N'ayant jamais éprouvé la puissance du Saint-Esprit, ils n'en ont aucune idée. Sans son assistance, j'en conviens, la route de la vertu est beaucoup plus difficile encore qu'ils ne se l'imaginent; mais avec son assistance, cette route est si unie et si douce que le Prophète a eu raison de dire : « Je mets toute ma joie à marcher dans la voie de vos commandements, et ils me tiennent lieu de toutes les richesses. » Ps. CXVIII, 14.

Par conséquent, la lâcheté et l'insouciance d'un grand nombre d'hommes sont impardonnables. Quelle nonchalance plus grande, que de perdre, pour des choses de rien, un don si précieux, et qui a coûté si cher ? En effet, ce don, considéré en lui-même, et le prix qu'il a coûté, semblent rivaliser entre eux de valeur. Si vous calculez le prix, quoi de plus grand ? Si vous regardez le don, quoi de plus divin ? Quelle folie n'est-ce donc pas de les répudier l'un et l'autre pour se soustraire à un travail insignifiant. Car qu'est-ce que le Seigneur exige de moi, sinon que je désire avec ardeur avant d'obtenir, que je demande avant de recevoir, que je cherche avant de trouver, « que j'élargisse ma bouche, pour que lui-même la remplisse ? » Ps. LXXX, 11. La Vérité elle-même l'a dit : « Quiconque demande reçoit ; qui cherche, trouve; et on ouvrira à celui qui frappe. » Luc. XI, 10.

Plus haut, nous avons dit des saints apôtres que, pendant dix jours après l'Ascension du Sauveur, ils continuèrent de prier avec Marie, mère de Jésus, et les saintes femmes. Eh bien ! Je vous promets de la part de Dieu, que vous recevrez le même Esprit, quoiqu'à un moindre degré, si, repentant de votre vie passée, et touché de componction, vous persévérez avec soin dans la prière, si vous persistez avec les apôtres à demander, à chercher, à frapper. Vous en avez pour garants, d'abord, cette promesse du Sauveur : « Si tout méchants que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants ; combien plus votre Père qui est au ciel, donnera-t-il le bon Esprit à ceux qui le lui demandent? » Si vos, cum silis mali, nostis bona dare filiis vestris ; quanto magis Pater vester cælestis dabit Spiritum bonum petentibus se ? Matth. VII, 11. Vous avez, en outre, le témoignage de l'apôtre saint Jacques, qui dit : « Si quelqu'un de vous manque de sagesse ( laquelle tient la première place entre les différents dons du Saint-Esprit), qu'il la demande à Dieu, qui donne à tous libéralement. » - Mais, dites-vous, comment demander ? - A cela le même apôtre répond : « Qu'il la demande avec foi, sans défiance. » Postulet autem in fide, nihil hasitans. Jacob. I, 5 et 6. Car de toutes les conditions de la prière, la foi est la plus nécessaire, si nous voulons obtenir ce que nous sollicitons.
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le saint jour de la Pentecôte

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Puisque nous avons fait mention de la foi, essayons de tirer de la solennité présente un argument contre une erreur très-funeste et très-commune. En effet, on voit beaucoup de gens, soit hérétiques, soit fidèles, qui, persistant dans leurs crimes, s'imaginent que leur foi toute seule peut leur procurer le salut, et qu'en elle se résume la piété chrétienne. On ne saurait dire combien d'âmes a perdues cette persuasion, introduite dans le monde par l'adresse de Satan. Or, pour la réfuter et l'anéantir, la solennité présente suffit, indépendamment de bien d'autres raisons que l'on pourrait donner.

En effet, il est constant que tous les efforts de Jésus-Christ notre Seigneur, ses prières, ses travaux, son incarnation, sa passion, sa mort, sa vie, sa résurrection, et son ascension avaient pour objet de nous envoyer du ciel le Saint-Esprit. Mais le Saint-Esprit, considéré dans sa nature et son essence, est l'amour qui unit par des liens ineffables le Père et le Fils. Car de même que le Fils est le Verbe qui procède de l'entendement du Père, de même le Saint-Esprit est l'amour qui émane de la volonté du Père et du Fils. Il résulte de là, mes frères, que la charité est toute la fin du christianisme, car la fin de tous les travaux de Jésus-Christ, était que le Saint-Esprit, qui est essentiellement amour, enflammât nos cœurs de l'amour des choses célestes, et que, comme il associe par les nœuds d'un amour infini le Père et le Fils, il associât tous les fidèles entre eux par les liens d'une charité mutuelle. Or, où domine une telle charité, ne peuvent trouver place ni la haine, ni l'envie, ni l'injure, ni la rapine, ni l'outrage, ni la médisance, ni la délation, ni le scandale ou l'amour impudique ; au lieu de tout cela, règnent la compassion, la bienveillance, la libéralité, l'affabilité, la mansuétude, la douceur. Tels sont les effets de la vraie charité ; tels sont aussi les indices, d'après lesquels chacun pourra conjecturer, si le Saint-Esprit est descendu dans son âme.

Travaillons donc toujours à acquérir la charité ; préférons la charité à tout; demandons au Seigneur par des prières assidues le feu de la charité ; l'Apôtre la qualifie de résumé de la philosophie chrétienne et de « lien de la perfection. » Col. 111, 14. Il est bien vrai que la foi est nécessaire, et qu'elle est extrêmement recommandable, puisque sans elle il n'y a point de charité ; toute fois elle n'est que le fondement de l'œuvre, dont la charité est la consommation et le couronnement. Cette dernière vertu est si grande que, comme l'a dit le même Apôtre, la foi et l'espérance passeront, tandis que la charité seule demeurera dans la céleste patrie. Daigne l'Esprit-Saint nous accorder aujourd'hui miséricordieusement cette vertu, lui qui avec le Père et le Fils vit et règne dans les siècles des siècles. Amen
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