Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le VIIIe dimanche après la Pentecôte

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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le VIIIe dimanche après la Pentecôte

Message par Laetitia »

Mais il est d'autres biens plus considérables sur l'usage desquels ils seront interrogés. Rendez compte, dira le Juge, de tous les secours que je vous ai accordés pour bien vivre; rendez compte de la foi, du baptême, de la doctrine chrétienne,des sacrements, des instructions, des avertissements, des inspirations divines par lesquelles j'ai tant de fois frappé à la porte de votre cœur pour vous exciter à une vie meilleure. Rendez compte de mon sang, de ma croix, de ma mort, des épines, des verges, des crachats, des soufflets, de mille outrages que j'ai endurés pour vous ; rendez compte des trente-trois années pendant lesquelles j'ai travaillé et me suis fatigué pour procurer votre salut. C'est par ces travaux que je vous ai cherché, à ce prix que je vous ai racheté, par ces bienfaits que j'ai excité votre amour, par ces exemples que j'ai tâché de vous porter à la pratique de la piété et de la vertu : et vous, ingrat, vous n'avez pas estimé la dignité de votre âme sur le prix de mon sang versé pour elle, vous n'avez pas répondu à mon amour, mes exemples vous ont laissé lâche et indifférent.

Rendez compte, en outre, de votre vie, c'est à-dire de toutes les années que je vous ai accordées afin de faire valoir pour votre salut les talents de votre foi de chrétien. Car je veux examiner jusque dans le moindre détail : comment vous avez employé ces années : quels mérites vous avez amassés, quelles œuvres de piété vous avez faites, quels bons sentiments vous avez excités en vous, quels amis vous vous êtes procurés pour vous recevoir, à l'heure de la mort, dans les tabernacles éternels.
Que répondront alors ceux qui n'ont pas même songé à ce compte formidable, qui ont vécu comme s'ils étaient nés uniquement pour jouir de la vie présente ?

Enfin, il nous faudra rendre compte de certaines personnes confiées à nos soins, je veux dire de nos serviteurs et de nos enfants, que nous devions, instruire, corriger, nourrir et traiter d'une manière convenable. Car il est écrit : « Si quelqu'un n'a pas soin des siens, et particulièrement de ceux de sa maison, il a renoncé à la foi et est pire qu'un infidèle. » Si quis suorum, et maxime domesticorum curam non habet, fidem negavit, et est infideli deterior. I Tim. v, 8. Que répondront donc en ce jour ceux qui auront traité leurs serviteurs comme des bêtes de somme, ne se souciant pas plus de les former à la piété et à la justice, que s'il s'agissait d'animaux sans raison ? Quant à la négligence envers les enfants, l'exemple du grand-prêtre Héli nous montre combien elle est funeste pour eux et pour leurs parents, puisque ce père, par son incurie et sa faiblesse, attira la ruine et sur lui-même, et sur ses fils, et sur tout le peuple. Quel père, averti par un si épouvantable malheur, ne veillerait sur ses enfants avec tout le soin dont il est capable ? Et cependant combien d'enfants ne voyons-nous pas, les jours de fête et de dimanche, se rassembler et jouer sur les places publiques pendant les offices avec la permission ou par la négligence de leurs parents ? Pourquoi ne les gardez-vous pas avec vous à l'église pendant ce temps ? Des pères cruels et barbares tiendraient-ils une autre conduite ? Quelle sollicitude, au contraire, pour l'innocence de ses enfants, dans ce pieux patriarche qui offrait pour eux des sacrifices, « de peur, disait-il, qu'ils ne pèchent et ne maudissent Dieu dans leur cœur, » c'est-à-dire de peur que leur cœur ne conçût, que leur bouche ne laissât échapper quelque chose qui fût indigne de la divine Majesté !
(à suivre)
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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le VIIIe dimanche après la Pentecôte

Message par Laetitia »

Que fera le pécheur ainsi accablé sous le poids des accusations, sans apercevoir aucun moyen de salut ? A qui s'adressera-t-il ? Quel parti prendra-t-il ? « Malheureux, que dirai-je ? Quel défenseur invoquerai-je, puisque le juste est à peine en sécurité ? » Quid sum miser tunc dicturus, Quem patronum rogaturus, Cum vix justus sit securus.

Il était juste assurément, le grand évêque saint Cyprien, et cependant, ayant été jeté en prison pour la foi, plus effrayé du jugement de Dieu que du supplice qui l'attendait, il s'écriait : « Malheur à mes péchés ? Quelle montagne, Seigneur, conjurerai-je de tomber sur moi ?» Si un si saint personnage, sur le point d'être purifié, que dis-je ? consacré par le baptême de son sang, ressentait une si vive appréhension du jugement de Dieu, comment le pécheur qui a conscience de ses nombreuses iniquités, peut-il être sans crainte ? Ah ! c'est que, dans son aveuglement et sa folie, il ignore ou oublie la grandeur de ce danger. Le pieux patriarche Job tremblait aussi à la pensée du compte qu'il aurait à rendre : « Seigneur, disait-il, si vos yeux s'abaissent sur moi, je ne pourrai subsister, oculi tui in me, et non subsistam ; un regard de votre colère me renversera par terre et détruira tout mon être. Sur quoi saint Grégoire fait cette remarque : « Le juste considère avec quelle sévérité Dieu juge, et il voit que par lui-même il doit périr ; car quand ce juge sévère examine rigoureusement les mérites, il ne reste plus qu'un coupable destiné aux tourments. » Aussi Job dit-il ailleurs : « Aurais-je raison en quelque chose, je ne lui répondrais pas, mais plutôt je demanderais grâce à mon juge. » Et si habuero quippiam justum, non respondebo, sed meum judicem deprecabor. Job. ix, 14. Si donc celui qui est juste sous quelque rapport n'ose pas répondre à Dieu, que feront ceux qui sont totalement dépouillés de mérites, qui ont passé leur vie dans les plaisirs, les jeux, les festins, le luxe, le faste et les voluptés de toute espèce ?

Ces malheureux pécheurs n'ayant rien à répondre au souverain Juge, au moment d'entendre la sentence de condamnation que méritent leurs crimes, sans qu'il leur reste aucun espoir de salut, transportés de fureur et de rage à la pensée de leur aveuglement et de leur folie : Infortunés que nous sommes, s'écrieront-ils, quels horribles supplices nous attendent, supplices qu'aucune durée, si longue qu'elle soit, ne pourra épuiser, et qui recommenceront toujours après des milliers et des milliers d'années ! Hélas ! que de fois on nous a avertis sans que nous ayons voulu prêter l'oreille ! Si du moins, comme les infidèles, nous n'avions pas eu la foi, notre sort serait moins malheureux. Mais nous avions reçu ses enseignements ; nous avions sous les yeux les exemples des saints qui ont conformé leur vie à la règle de la loi divine : qui donc nous a égarés, qui nous a fascinés à ce point, que nous ayons refusé d'éviter ces maux affreux dont notre foi de chrétien attestait l'existence ? En outre, ce que l'on exigeait de nous n'était ni bien difficile ni bien pénible. On nous demandait, non de traverser les mers, non de parcourir des contrées lointaines, mais d'obéir aux lois de Dieu et de son Église, et nous n'avons pas voulu, au prix de quelques efforts, éviter un malheur sans fin !

Encore si nous n'avions eu qu’un peu de temps pour faire pénitence, nos regrets seraient moins amers. Mais après avoir vécu si longtemps ici-bas, après avoir passé sur la terre quarante, cinquante ans et plus, qui a si étrangement égaré notre raison que, durant un si long espace de temps, nous n'ayons pas consacré une heure à penser sérieusement à l'affaire de notre salut ? Voilà, mes frères, le ver immortel qui ronge les damnés et les torture aussi cruellement que peut le faire le feu même de la géhenne, en offrant sans cesse à leur esprit des pensées désolantes et d'amers regrets.
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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le VIIIe dimanche après la Pentecôte

Message par Laetitia »

Quel est le remède à tous ces maux ? Il n'y en a qu'un seul, mes frères, c'est la pénitence, que l'on appelle une seconde planche après le naufrage, dont le rôle est de pleurer les fautes commises et de nous en préserver à l'avenir. Donc, puisque c'est maintenant le temps d'exercer notre gestion, c'est-à-dire de nous repentir et de satisfaire à Dieu, saisissons cette occasion favorable, si nous voulons nous épargner des regrets éternels. Durant cette vie la pénitence peut nous réconcilier avec le Seigneur, effacer nos péchés et nous rendre, avec la qualité d'enfants de Dieu, l'héritage céleste.

Non-seulement embrassons la pénitence, mais mettons aussi en pratique le conseil que notre Seigneur nous donne de nous faire, avec les richesses d'iniquité, des amis qui nous reçoivent dans les tabernacles éternels ; c'est-à-dire, répandons nos richesses dans le sein des pauvres ; elles iront de là au royaume céleste, et nous y prépareront une demeure. Car telle est l'admirable vertu de l'aumône, comme le prouve un exemple raconté par saint Grégoire au livre IVe de ses Dialogues : Il y avait à Rome, dit-il, un cordonnier nommé Dieu-Donné, qui, se contentant de prélever sur son gain de chaque semaine ce qu'il lui fallait pour vivre, distribuait chaque dimanche le reste aux pauvres. Or, un saint personnage vit en esprit un palais magnifique qui se bâtissait ce jour-là dans le ciel, et une inspiration divine lui fit comprendre que c'étaient là les tabernacles éternels promis à l'exercice de la charité et de l'aumône. Aussi les hommes les plus pieux ont-ils mis un grand zèle à pratiquer cette vertu. Pour ne parler que de notre bienheureux Père saint Antoine de Padoue, nous savons qu'il ne renvoya jamais un pauvre sans lui rien donner. S'il n'avait rien chez lui, il empruntait à ses voisins, et si ceux-ci refusaient de lui prêter, il donnait ses vêtements, ses sandales, ses meubles et jusqu'à ses lunettes. Qui n'admirerait cette grande charité, qui le dépouillait ainsi de ce qui lui était le plus nécessaire, afin qu'aucun pauvre ne le quittât les mains vides ?

Imitons ces exemples, mes frères ; à la pénitence joignons la pratique de la miséricorde, qui nous procurera l'entrée des célestes tabernacles. Que n'avez-vous pas à gagner à cet échange ? Vous donnez la terre, et vous recevez le ciel ; vous donnez des biens temporels, et vous en recevez d'éternels ; vous donnez ce qu'il vous faudrait quitter un jour, et vous recevez ce qui demeurera toujours avec vous; vous donnez enfin une monnaie vile et méprisable, et vous recevez la félicité et la gloire éternelle.
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