Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XVIIIe dimanche après la Pentecôte

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Laetitia
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Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XVIIIe dimanche après la Pentecôte

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PREMIER SERMON POUR LE XVIII DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE,

où, après l'explication de l'Évangile, on expose quelle Foi est nécessaire au salut.


Videns Jesus fidem illorum dixit paralytico : Confide, fili, remittuntur tibi peccata tua.
Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : Ayez confiance, mon fils, vos péchés vous sont remis.
Matth. IX, 2.


Comme ce soleil dont l'éclat frappe nos yeux ne se repose jamais, mais parcourt d'une marche incessante les terres et les mers, répandant en tout lieu les rayons de sa lumière, et pénétrant de sa chaleur vivifiante l'intérieur même de notre globe : ainsi le soleil de justice, notre Seigneur Jésus-Christ, qui s'est levé sur le monde, depuis le jour où il a commencé à se manifester aux hommes, ne s'est jamais reposé un seul instant, ne cessant pas de combler les mortels de nombreux bienfaits, éclairant des rayons de sa doctrine leurs esprits encore aveugles, et embrasant leurs cœurs engourdis du feu de la divine charité. De là ces paroles de l'apôtre saint Pierre : « Allant de divers côtés il faisait le bien, et guérissait tous ceux qui étaient sous la puissance du diable, parce que Dieu était avec lui, » Act. X,. 38.

C'est pourquoi il ne voulut pas vivre enfermé dans les murs d'une seule ville ; mais, véritable Soleil de justice, il parcourait la terre en tous sens, admettant au banquet de ses grâces villes et bourgades, Juifs et Tyriens, Sidoniens et Géraséniens, visitant ces peuples tour-à-tour, et accordant à tous le bienfait de la vérité, du salut et de la vie. Peu de temps avant le miracle que l’Église nous rappelle en ce jour, l'histoire évangélique nous le montre dans la terre des Géraséniens, délivrant un homme horriblement tourmenté par plusieurs démons. Nous le voyons aujourd'hui, de retour en Galilée, rendre la vie à un paralytique. Sous la simplicité habituelle de l’Évangile se cache plus d'une leçon utile pour de pieux auditeurs. Afin de réussir à la mettre en lumière, implorons humblement l'assistance du ciel par l'intercession de la très-sainte Vierge. Ave, Maria.

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Lorsque notre Seigneur eut quitté le pays des Géraséniens, étant monté dans une barque, il traversa la mer de Tibériade et vint dans sa ville. Or nous savons que le miracle de la guérison du paralytique fut opéré à Capharnaüm, ville célèbre de la Galilée. Pourquoi donc l’Évangéliste appelle-t-il Capharnaüm la ville du Sauveur, puisque celui-ci avait adopté Nazareth, où il avait été élevé, et en reçut même le surnom de Nazaréen ? Les interprètes font différentes réponses. Mais la meilleure est celle de saint Jean Chrysostome : c'est, dit-il, parce que notre Seigneur a choisi Capharnaüm pour y habiter le plus souvent.

En effet saint Matthieu fait remarquer au chapitre IVe que Jésus, ayant quitté Nazareth, vint habiter Capharnaüm. L’Évangile l'appelle donc la ville de Jésus, quoique le souverain Maître de toutes choses n'eût, ni dans cette ville, ni dans aucune autre, où reposer sa tête. Il n'est pas extraordinaire d'ailleurs qu'une ville soit appelée la patrie d'un homme dont elle est la résidence et le domicile. C'est ainsi que nous disons : Saint Antoine de Padoue, parce que ce saint, né à Lisbonne en Portugal, résida longtemps dans la ville de Padoue.

A peine le Sauveur eut-il fait son entrée à Capharnaüm et mis le pied dans quelque maison, que le bruit s'en répandit aussitôt. Pas plus que le soleil, le Seigneur Jésus ne peut rester caché. Car cette nouvelle, connue d'abord d'un petit nombre, eut, comme de coutume, fait en peu d'heures le tour de la ville. On vit accourir à l'instant une si grande multitude, que non-seulement la maison, mais tous les abords furent remplis. Le Sauveur, sans s'offenser de l'empressement un peu tumultueux de cette foule, se montrait plein de calme et de bonté pour tous, exerçant envers eux les deux offices de miséricorde qu'il avait pour mission de remplir, l'instruction des âmes et la guérison des corps. Saint Luc indique le dernier de ces deux offices dans ce passage : « Et la vertu du Seigneur était pour la guérison des malades, » chap. v, 17, c'est-à-dire, il signalait sa puissance en rendant la santé aux malades.

« Et voilà, dit l’Évangéliste, qu'on lui présentait un paralytique couché dans un lit. Voyant leur foi, Jésus dit au paralytique, » etc. Comme ici, et dans beaucoup d'autres endroits, le Sauveur fait honneur de ses miracles à la vertu de foi, examinons de quelle espèce de foi il s'agit ; car ce mot se prend en plusieurs significations. Il ne doit pas s'entendre uniquement de la croyance, c'est à-dire du ferme assentiment donné à ce qu'il faut croire sur Dieu et sur Jésus- Christ : les démons ont cette foi. Il ne faut pas l'entendre non plus de la confiance, qui ne diffère pas ou presque pas de l'espérance, quoique beaucoup le comprennent ainsi en plusieurs endroits, et qu'il paraisse avoir ce sens, notamment lorsque notre Seigneur dit : « Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : Transporte-toi, » etc. Matth. XVII, 19 ; et ailleurs : « Que si Dieu a soin de vêtir de la sorte une herbe, qui est aujourd'hui dans les champs et qu'on jettera demain dans le four, combien plus aura -t-il soin de vous, homme de peu de foi ! » Luc. XII, 28. Car lorsqu'il est dit du centurion : « Je n'ai pas trouvé de foi si grande en Israël, » ce témoignage lui est rendu moins pour sa confiance, que pour la ferme persuasion où il est que Jésus-Christ absent pourra bien guérir un malade, Matth. VIII. De même au chapitre IXe de saint Matthieu, lorsque, après avoir dit à deux aveugles : « Croyez-vous que je puisse faire cela pour vous ? » et qu'ils eurent répondu : « Qui, Seigneur, » le Sauveur ajouta : « Qu'il vous soit fait selon votre foi ! » il est clair que le mot foi désigne ici une ferme croyance à la puissance de Jésus-Christ.

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Évidemment, croire que le Sauveur puisse rendre la vue à deux aveugles n'est pas un acte de confiance, qui soit du ressort de la volonté ; c'est l'expression d'une certitude, qui appartient à la raison et à l'intelligence.

Nous croyons donc être dans le vrai en disant que cette disposition de l'âme que l’Évangile appelle la foi, et qui obtient tout ce qu'elle désire, embrasse les deux choses, c'est-à-dire, un ferme assentiment à tout ce qu'il faut croire sur Dieu et sur Jésus-Christ, et une confiance absolue dans sa bonté toute-puissante. Quoique certains passages paraissent se rapporter davantage à l'assentiment de l'esprit, d'autres davantage à la confiance, ces dispositions, néanmoins, sont tellement corrélatives, que la dernière ne peut exister sans la première, que la première ne peut rien obtenir sans la seconde, enfin que la grandeur de celle-ci dépend de la perfection de celle-là. Lorsque nous disons : J'ai confiance en cette parole de Dieu : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, Joan. XX, 23, l'expression j'ai confiance suppose les deux choses à la fois. C'est comme si l'on disait : Je suis si bien persuadé de la vérité de cette parole, qu'elle me donne une ferme confiance que mes péchés seront remis par l'absolution du prêtre.

Ainsi, dans l'évangile de ce jour, lorsque notre Seigneur dit « qu'il voit leur foi, » le mot foi a encore ce double sens, car les Juifs avaient une haute idée et de la puissance et de la bonté de Jésus-Christ, et cette opinion, ou plutôt cette ferme persuasion, faisait naître en eux une grande confiance d'obtenir leur guérison. La preuve qu'ils ont ces sentiments, c'est la peine et la fatigue qu'ils se donnent pour s'avancer, bravant tout respect humain, auprès de Jésus.

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I.


Mais reprenons la suite du récit : « Voyant leur foi, le Seigneur dit au paralytique : Ayez confiance, mon fils, vos péchés vous sont remis. » Ce passage montre bien l'immense bonté de Dieu, qui vient souvent au secours de nos misères, ayant égard aux mérites des autres. De là ce mot de saint Ambroise : « Grand est le Seigneur, qui pardonne en faveur d'un mérite étranger, et qui, ayant pour agréable la conduite d'une personne, remet à une autre ses péchés. » Publius le mime dit avec raison : « L'homme libéral invente même des raisons de donner. » Cette parole nous aide à comprendre comment la munificence de Dieu se contente, pour exercer sa libéralité, d'un mérite étranger. C'est à ce titre qu'il accorde tant de bienfaits aux descendants d’Abraham, à cause de la piété et de la justice de ce saint patriarche, comme il le dit lui-même au livre de la Genèse ( ch. XVIII, 19 ) : « Afin que le Seigneur accomplisse en faveur d’Abraham tout ce qu'il lui a promis. » Ut adducat Dominus propter Abraham omnia quæ locutus est ad eum. Il en fut de même pour la postérité de David. Voilà pourquoi il dit à Ezéchias, assiégé par le roi d'Assyrie : « Je protégerai cette cité à cause de moi et à cause de David, mon serviteur, » IV Reg. XX, 6. Combien de fois ne pardonna-t-il pas aux fils indignes de ce saint roi en faveur des mérites de leur père ?

Saint Augustin ne craint pas d'attribuer la conversion de saint Paul à la prière du martyr saint Étienne. L’Évangile est plein de faits semblables. La foi et la prière de la Chananéenne n'a-t-elle pas délivré sa fille possédée du démon ? La foi du centurion n'a t-elle pas guéri son serviteur paralytique ? Tous les jours la foi de l’Église ne suffit-elle pas au salut des enfants régénérés par le baptême ? Car si telle est la rigueur de la justice de Dieu, qu'une faute étrangère souille un enfant qui vient au monde, pourquoi sa miséricorde n'irait-elle pas jusqu'à lui conférer le salut par une foi et une volonté également étrangères ? Une conséquence de tout cela, c'est que les vœux et les prières de l’Église sont très utiles aux hommes, soit vivants, soit morts. Aussi saint Paul, après avoir été ravi au troisième ciel, après avoir reçu la plénitude de la grâce, demande aux fidèles des prières, tantôt afin que Dieu mette sur ses lèvres une parole efficace, tantôt afin d'échapper aux infidèles qui sont en Judée.

Toutefois, mes frères, nous ne devons pas tellement nous reposer sur ces prières et ces suffrages, que nous nous abandonnions au sommeil, à l'inertie, à la paresse ; mais efforçons-nous d'unir nos prières aux prières des autres, nos bonnes œuvres à leurs bonnes œuvres. Souvenez-vous que les disciples ont intercédé pour la Chananéenne, et cependant sa prière eut plus de force auprès du Seigneur que celle de ses disciples. Autrement, il est à craindre que, engourdis dans la négligence, nous ne partagions le sort des vierges folles, lesquelles, après une vie oisive, voyant la mort approcher, s'adressèrent vainement aux vierges sages, en disant : « Donnez-nous de votre huile, parce que nos lampes s'éteignent, » Matth. XXV. Beaucoup, à leur exemple, passant leur vie à ne rien faire, si ce n'est à contenter leurs désirs, et mettant tout leur espoir dans les sacrements de l’Église et les suffrages du saint sacrifice de la messe, se promettent tranquillement le salut. Alors, disent-ils, j'effacerai par les larmes de la pénitence les souillures de ma vie passée ; alors je recevrai avec piété et dévotion les sacrements de l’Église ; alors je restituerai mes biens mal acquis, je paierai les dettes que j'ai contractées ; mon testament contiendra un grand nombre de legs pieux, et par tous ces moyens je me concilierai la miséricorde du Seigneur.

Ô que de chrétiens ont été les victimes de ces illusions !

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Ô que de chrétiens ont été les victimes de ces illusions !

Car un homme qui pendant toute sa vie s'est livré à ses passions, qui a nourri son cœur dans les délices et la volupté,que ni les menaces, ni les promesses, ni les châtiments, ni les bienfaits, ni les avertissements de Dieu n'ont pu arracher à ses désordres, quelle salutaire pénitence fera-t-il à la fin de sa carrière, lorsque la vie l'aura presque abandonné ? Qu'y a-t-il, je vous le demande, de plus insensé que de vouloir mener une vie nouvelle alors qu'on n'a plus de temps à vivre ! Que dis-je ? s'il lui en restait encore, ne le consacrerait-il pas à l'iniquité, comme il a toujours fait jusqu'alors ?

Ainsi, mes frères, il est vrai que tant que nous avons un souffle de vie, nous pouvons faire pénitence ; mais c'est s'exposer à un immense péril que de réserver l'affaire la plus importante pour le moment où nous serons le plus incapables de la traiter. Et quoique un Dieu plein de bonté, comme nous le disions tout à l'heure, consente à nous faire grâce en faveur de mérites étrangers, nous devons cependant, à ces mérites, joindre les nôtres. C'est ce que nous apprend également l'évangile de ce jour, où notre Seigneur prit en considération, non-seulement la foi de ceux qui lui présentèrent le paralytique, mais aussi celle du paralytique lui-même, foi qu'il affermit par ces paroles : « Ayez confiance, mon fils, vos péchés vous sont remis. » Car les péchés d'un homme ne sauraient être remis en considération de la foi et des mérites d'un autre homme, si le pécheur lui-même n'y ajoute sa foi et ses mérites. Certains bienfaits peuvent, il est vrai, être accordés à quelqu'un eu égard à des mérites qui lui sont étrangers ; mais la foi du pécheur est absolument requise pour la rémission de ses fautes.

« Ayez confiance, mon fils, vos péchés vous seront remis. »
Que faites-vous, Seigneur Jésus ? Ce malheureux, ce n'est pas la rémission de ses péchés, mais la guérison de sa maladie ; ce n'est pas la santé de l'âme, mais celle du corps, qu'il demande ; voilà pourquoi il est venu, voilà pourquoi on a surmonté tous les obstacles pour le mettre devant vous.Mais le Seigneur, qui avait appelé le paralytique son fils, veut se conduire en père dans cette guérison. Or, il est d'un père de donner à son fils, non ce qu'il peut follement demander, mais ce qui lui est utile, et de lui donner en premier lieu ce dont il a un plus pressant besoin. Ainsi le Père céleste commence par guérir la maladie invisible de l'âme, dont le paralytique ne s'apercevait peut-être pas, mais qui était d'autant plus pernicieuse qu'elle infectait la plus noble partie de l'homme.
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« Ayez confiance, mon fils, lui dit-il, vos péchés vous sont remis. »
Pauvres insensés que nous sommes ! Nous négligeons le salut de notre âme, et nous lui préférons la santé du corps ; nous avons soin de l'extérieur, que nous voyons, et nous ne prenons nul souci de l'intérieur, que nous ne voyons pas, mais qui est bien plus excellent. Mais notre Seigneur, qui nous avait donné le conseil de chercher d'abord le royaume des cieux, et la promesse que le reste nous serait accordé par surcroît, fidèle à sa doctrine, guérit en premier lieu ce qui était un mal pour la vie éternelle, et pourvoit ensuite aux nécessités du corps. A suivre cet ordre, nous trouverons tout à la fois notre avantage et notre justice ; l'intervertir, c'est se jeter dans un précipice manifeste.

Ce passage nous montre encore combien est grande la bonté de notre divin Sauveur. Oui, comme le chante l’Église, l'abondance de sa miséricorde dépasse nos mérites et nos vœux. En effet, ce n'est pas selon la mesure de nos vœux et de nos mérites, mais selon l'étendue de sa bonté, bien plus grande que nos vœux, qu'il distribue ses bienfaits. Ce paralytique ne lui demandait que la guérison d'un corps mortel et corruptible, et le Seigneur, dans sa générosité, lui accorde le salut de son âme immortelle qu'il ne demandait pas. Voyez quelle est la vertu de la prière, qui obtient du Père des miséricordes, non-seulement ce qu'elle sollicite, mais souvent bien au-delà. Salomon ne demanda que la sagesse, et Dieu lui accorda, avec la sagesse qu'il sollicitait, les richesses et la gloire qu'il n'avait point demandées. Abraham demanda que du moins son fils Ismaël vécût devant lui, et Dieu lui promit encore Isaac, qui devait être le père d'une si nombreuse postérité. Le roi Manassès, réduit en captivité, conjura humblement le Seigneur de lui pardonner son péché, et Dieu non-seulement lui accorda ce pardon, mais le rétablit encore dans son ancien royaume. Telle fut la libéralité de Jésus envers le paralytique.

Mais, outre la bonté du Médecin céleste, nous devons aussi admirer sa prudence. Un médecin ne se contente pas de connaître la maladie, il tâche de se rendre compte de son principe. Or le principe des maladies du corps, c'est souvent le péché de l'âme.
De là ces paroles du Psalmiste : « Vous avez puni l'homme à cause de son iniquité ; il se dessèche dans la douleur et dans la peine, comme l'araignée en filant sa toile, » Ps. XXXVIII, 12; et celle que notre Seigneur adressa à un autre paralytique guéri près de la piscine : « Vous voilà guéri, ne péchez plus à l'avenir, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pis, » Joan. V, 14. Il indiquait par là que cette maladie lui était venue en punition de ses péchés.

L'apôtre saint Paul rapporte aussi que les Corinthiens, coupables de négligence et de profanation envers la sainte Eucharistie, avaient été affligés de divers maux corporels. Nous lisons enfin dans Job : « Dieu reprend l'homme par les douleurs qui le clouent sur son lit, et par le dessèchement de tous ses os, » chap. XXXIII, 19. Sans doute il arrive souvent que le Seigneur envoie des maladies, moins comme une expiation des péchés, que comme une épreuve pour ses élus, destinée à les rendre un or plus pur en les faisant passer par le creuset de la tribulation ; mais souvent aussi il se propose de leur faire expier leurs fautes, ou de réveiller les hommes ensevelis dans une léthargie mortelle : c'est ce qu'indique le mot reprend, increpat, dans le passage de Job que nous venons de citer.

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Lorsque notre Seigneur eut accordé au paralytique la rémission de ses péchés, les scribes qui étaient présents dirent entre eux : « Il blasphème, » exprimant par ce mot que Jésus avait voulu s'arroger une prérogative divine, puisqu'il n'appartient qu'à Dieu de remettre les péchés. Ils se rappelaient sans doute ces paroles d'Isaïe : « C'est moi, c'est moi-même qui efface vos iniquités pour l'amour de moi, » Isai. XLIII, 25. Ou bien celles de Moïse, s'écriant à la vue du Seigneur qui passait devant lui : « Seigneur Dieu, qui êtes plein de compassion et de clémence, patient et riche en miséricorde, qui effacez l'iniquité, les crimes et les péchés, devant qui nul n'est innocent par lui-même, » Exod. XXXIV, 6, 7.

Mais Jésus pénétrant de son divin regard les secrètes pensées de leurs cœurs : « Pourquoi, leur dit-il, pensez-vous du mal dans vos cœurs ? Lequel est le plus aisé de dire : Vos péchés sont remis, ou de dire : Levez-vous et marchez ? » Vous me regardez comme un blasphémateur, parce qu'en remettant ainsi les péchés je m'attribue un pouvoir divin. Mais, j'en appelle à votre propre jugement, lequel des deux suppose une moindre puissance, de dire en vérité et sérieusement : Vos péchés vous sont remis, ou de dire : Levez-vous et marchez ? Pour moi, je n'hésite pas à affirmer que ces deux actes supposent un pouvoir égal, un pouvoir divin, parce qu'il appartient à Dieu seul de réaliser sa volonté par une parole. Par conséquent, après m'avoir vu, en vertu de ce pouvoir, rendre d'un mot et en un instant la santé à ce paralytique, il faut bien admettre que celui qui a pu opérer cette guérison peut aussi remettre les péchés. – Tel est le raisonnement irréfutable par lequel notre Seigneur prouve son autorité sur les consciences, autorité qui lui convient, non-seulement en tant que Dieu, mais encore en tant qu'homme, à cause de l'union hypostatique des deux natures. Les prêtres remettent aussi les péchés, mais non de la même manière : ils le font en qualité de ministres de Jésus-Christ, mais lui les remet de sa propre autorité et en vertu des mérites de sa passion, par laquelle il a expié toutes les fautes du genre humain.

Afin donc de prouver qu'il avait ce pouvoir, notre Seigneur dit au paralytique : « Levez-vous, prenez votre lit, et marchez. » A peine avait-il achevé ces paroles, que leur efficacité se fit voir à l'instant. Ce n'est point par degré et avec peine que le paralytique essaie de se mettre en mouvement; mais il se lève aussitôt à la voix de Jésus, comme si ses membres n'avaient jamais été enchaînés par la paralysie ; il prend son lit sur ses épaules et se fraie un passage à travers la foule, étonnée de voir joyeux et plein de force un homme qu’un instant auparavant des épaules charitables apportaient étendu sur son grabat comme un cadavre ; elle qui naguère s'opposait à son entrée dans la maison, s'ouvre devant lui émerveillée et respectueuse. Dieu le permit ainsi, afin que l'opposition de cette multitude fît éclater la foi du paralytique, et que son respect donnât lieu à tous de contempler le miracle opéré.
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Après cette explication du récit évangélique, nous allons dire quelques mots de la foi, dont le nom se trouve dans les paroles mêmes de notre texte.

DÉVELOPPEMENT DU TEXTE.
II.


« Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique, » etc. Déjà nous avons expliqué ce qu'il faut entendre par la foi en faveur de laquelle notre Seigneur opérait ses miracles ; traitons maintenant en général de la foi, fondement de toute la vie chrétienne. Car un grand nombre de chrétiens puisent une telle sécurité dans cette vertu et les avantages qu'elle procure, que tout en persévérant dans leurs crimes ils regardent leur salut comme assuré. La foi est comme l'ancre sacrée à laquelle ils ont recours chaque fois que nous les avertissons du danger qui les menace.

D'abord on ne saurait nier que la foi ne figure au nombre des bienfaits les plus précieux de la bonté divine, au témoignage même de l'Apôtre : « Il vous a été donné, dit-il, par les mérites de Jésus-Christ, non-seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui. » Vobis donatum est pro Christo, non solum ut in eum credatis, sed utetiam pro illo patiamini, Philipp. 1, 29. Quelle est l'efficacité de la foi, quelles sont ses œuvres admirables ? C'est un sujet traité par le même apôtre avec de longs développements dans son Épître aux Hébreux ( chap. XI ), et jamais vertu n'a été plus éloquemment louée. La foi, en effet, pour ne relever que quelques-uns de ses avantages, est l'œil de l'âme humaine, qui dirige nos pas dans la voie de la paix et de l'éternelle félicité. La foi est comme un médecin salutaire, qui prescrit les remèdes propres à guérir les blessures de notre âme. La foi est notre Législateur, qui nous assigne nos devoirs et nos droits, et règle notre vie par les plus utiles préceptes. La foi est comme l'architecte qui donne aux ouvriers d'un rang inférieur le plan qu'ils doivent exécuter et avoir toujours sous les yeux. La foi est le soleil de notre vie, éclairant les intelligences, et leur enseignant le but à atteindre et la route à suivre. La foi est notre guide, qui nous montre le chemin du ciel. La foi est le talent qu'il nous faut faire valoir, pour amasser les mérites des bonnes œuvres.

Enfin telle est l'excellence de la foi, que même informe et morte, et par conséquent insuffisante pour le salut, elle conserve encore quelque utilité. Alors, en effet, elle retient l'homme dans le sein de l’Église et dans le filet de l’Évangile ; elle l'unit, quoique imparfaitement, à Jésus-Christ son chef, et l'élevant au-dessus de la condition humaine, elle le place dans les régions plus hautes de l'ordre surnaturel, puisqu'il possède toujours dans son âme une semence divine, c'est-à-dire la lumière de la foi. Or, tant que cette semence demeure en nous, la voie du salut nous est ouverte.

Puisque la foi est un si grand don de Dieu, quelles actions de grâces ne devons-nous pas rendre à l'auteur de ce bienfait ! Au milieu de tant de monstrueuses hérésies qui ravagent notre âge malheureux ; que dis-je ? au milieu des peuples innombrables restés infidèles, tels que les Turcs, les Sarrasins, les Juifs et les Païens, répandus presque sur toute la surface du globe, nous sommes les élus de Dieu, nous appartenons à ce petit troupeau dont la foi est pure et sans altération, et dont les clartés, si nous voulons les prendre pour guides, nous conduiront sûrement au port de la félicité éternelle. Si les huit personnes sauvées de la ruine universelle du genre humain dans l'arche de Noé durent se croire heureuses, quel n'est pas notre bonheur, quand le déluge de l'infidélité recouvre l'univers presque tout entier, d'avoir une place dans l'arche du Noé véritable, c'est-à-dire dans l’Église de Jésus-Christ, et d'échapper ainsi au naufrage général ! De quelle reconnaissance ne sommes-nous donc pas redevables envers l'Auteur d'un si grand bienfait, qui non-seulement nous a donné la foi, mais n'a pas permis jusqu'à présent que tant d'orages et de tempêtes obscurcissent la splendeur de ce divin flambeau !

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Mais, la foi étant un si grand don de Dieu, et sa lumière pouvant si facilement conduire les hommes à la piété et à la justice, pourquoi, je vous le demande, en voit-on un si grand nombre qui possèdent cette vertu et qui mènent une vie criminelle, plus digne d'un idolâtre que d'un chrétien ? Épicure niait la Providence, et supposait Dieu indifférent au juste et à l'injuste, soulageant ainsi, dit Cicéron, Dieu d'un grand fardeau, et moi d'une grande crainte. Le raisonnement d’Épicure était celui-ci : Qui pourrait croire à la Providence, et ne pas trembler jour et nuit devant Dieu ? Que penserait ce philosophe de la foi de tant de mauvais chrétiens, s'il savait ce qu'ils croient, et voyait comment ils se conduisent ?

Examinons donc comment il est possible d'unir ensemble une foi inébranlable et une vie si déréglée.

Parmi les causes qui expliquent cette contradiction, notre négligence, soit à rappeler à notre souvenir les vérités de la foi que nous professons, soit à réfléchir sur les conséquences qui en découlent, est une des principales. Quel est l'homme qui, après avoir sérieusement médité l'incarnation et la passion du Fils de Dieu, son dernier avènement pour juger le monde, les biens infinis de la gloire céleste, les horribles supplices de l'enfer qui attendent les méchants, resterait un instant de plus dans le péché ? Les vérités de la foi méditées ainsi sont donc de puissants aiguillons pour porter à la vertu et à la piété. Comme des aromates précieux ne répandent tout leur parfum que lorsqu'on les broie dans un mortier et qu'on les réduit en poudre : ainsi la foi ne porte tous ses fruits, que si l'âme, par un examen attentif et réfléchi, en divise et en savoure les enseignements.

Ajoutez que de même que les autres vertus sont mortes sans la charité, d'où elles tiennent la vie et le pouvoir de mériter, ainsi la foi sans la charité ne possède ni vie spirituelle, ni salutaire énergie, ni efficacité pour le mérite. De là cette parole de saint Augustin : « La foi sans la charité peut exister, mais non servir ; » et celle de saint Cyprien : « La foi sera récompensée si elle pratique ce qu'elle croit. » En effet, toutes les célestes habitudes des vertus répandues par l'Esprit-Saint dans l'âme du juste, même celles qui ont leur siège dans l'intelligence, nous sont données pour faire le bien. La foi, par conséquent, est accordée aux fidèles pour leur apprendre à régler leur vie selon les prescriptions de la loi divine; en sorte que cette vertu a pour compagne l'obéissance, qui s'empresse d'accomplir le devoir que la foi lui a fait connaître : ainsi méritons-nous de partager la béatitude annoncée à ceux qui « entendent la parole de Dieu et la pratiquent, Luc XI, 28. C'est ce que nous indique la réponse de Pharaon à son peuple qui venait lui demander des vivres : « Allez à Joseph, leur disait-il, et faites tout ce qu'il vous dira, » Gen. XII, 55. Le Roi du ciel nous renvoie de même au véritable Joseph, le Sauveur du monde, qu'il a établi le dispensateur des grâces et des dons célestes, ajoutant aussi la condition que nous nous présentions à lui, non-seulement avec foi, mais encore avec la volonté d'accomplir ce qu'il nous commandera. Car « Jésus est devenu l'auteur du salut pour tous ceux qui lui obéissent, » Hebr. v, 9, c'est-à-dire pour tous ceux qui écoutent sa voix et qui la suivent.

Par ces actes de vertu, et surtout par son union avec la charité, la foi offre au Seigneur un sacrifice très agréable et digne d'une éternelle récompense. Parmi les aromates, pour employer une comparaison semblable à celle dont nous nous sommes servi plus haut, il en est qui ne répandent par eux-mêmes aucune ou presque aucune odeur ; qu'on les mélange avec d'autres, ils empruntent de cette union une admirable suavité. Ainsi la foi, si elle reste informe, ne saurait procurer le salut ; jointe à la charité et aux bonnes œuvres, elle offre au Seigneur un sacrifice de justice de très-agréable odeur. Mais si, escortée de ces compagnes, elle remplit son office et procure le salut, séparée d'elles, non-seulement elle ne donne pas la vie éternelle à celui qui la possède, mais elle l'engage dans une damnation plus rigoureuse. Car, plus elle nous fournit de moyens efficaces pour bien vivre, plus elle aggrave la condition de celui qui, malgré tous ces secours, ne fait aucun progrès dans la pratique de la piété et de la justice.

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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le XVIIIe dimanche après la Pentecôte

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C'est ce qu'enseigne clairement le Sauveur, lorsqu'il adresse ces reproches aux villes qu'il avait plus longtemps honorées de sa présence : « Malheur à toi, Corozaïn ! malheur à toi, Bethsaïde ! Si les miracles dont vous avez été les témoins avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, ces deux villes auraient fait pénitence dans la cendre et le cilice, » Matth. XI, 11. Qu'ajoute-t-il ? Une parole terrible pour nous : « Mais, au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées plus favorablement que vous. » Les Tyriens et les Sidoniens adoraient les idoles, dont le culte, au jugement du Sage (Sapient. xiv, 27 ), est « la cause, le commencement et la fin de tous les vices ; » et cependant le Sauveur promet d'être plus indulgent pour eux que pour les fidèles de Capharnaüm, parmi lesquels il avait séjourné. Pourquoi cela ? Parce que les Capharnaïtes, quoique éclairés de la doctrine et témoins des miracles de notre Seigneur, n'avaient fait néanmoins aucun progrès dans la piété et la vertu. Ô étonnante sévérité de la justice divine ! Ô redoutable application d'une divine équité ! Que pourrons-nous répondre, mes frères ? Si ces hommes qui, avec tant de motifs de croire, demeurèrent incrédules, devaient recevoir de si terribles châtiments de leurs crimes, que ne devons-nous pas craindre, nous qui, grâce au flambeau de la foi, croyons ce qu'ils refusaient de croire, et beaucoup d'autres choses qu'ils ne pouvaient connaître ? Sous nos yeux, le Fils unique de Dieu a été déchiré par les verges, souffleté, couronné d'épines, couvert de crachats, rassasié d'opprobres et suspendu à la croix. Sous nos yeux sont placés tant de mystères, tant d'exemples, tant de sacrements, tant de bienfaits, tant d'aiguillons qui nous excitent à aimer Dieu et à espérer en lui. Sous nos yeux, notre Seigneur s'immole chaque jour sur l'autel, et non-seulement se présente à nos adorations, mais s'offre pour être notre nourriture. Sous nos yeux, les prédicateurs ne cessent de mettre la vie et la mort, le jugement, l'enfer, la gloire du ciel. Avons-nous, je vous le demande, pour croire et pratiquer nos devoirs de chrétiens, des motifs moins forts et moins pressants que ceux des Capharnaïtes ? Si donc ils ont été si sévèrement punis pour avoir, au milieu de tant de prodiges, persévéré dans leur impiété, quel ne sera pas le châtiment de ceux qui, avec tant de secours pour pratiquer la vertu, restent oisifs, ingrats et rebelles.

Voilà le grand péril que l'Apôtre nous signale dans son Épître aux Hébreux (ch. II, 1-3) : « C'est pourquoi, dit-il, nous devons observer encore avec plus d'exactitude les choses que nous avons entendues, pour n'être pas comme des vases entr'ouverts qui laissent écouler la liqueur qu'on y a versée. Car si la loi qui a été annoncée par les anges est demeurée ferme, et si toutes les violations de ses préceptes et toutes les désobéissances ont reçu la juste punition qui leur était due, comment pourrons-nous l'éviter si nous négligeons une loi meilleure et plus parfaite ? »
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