TROISIÈME POINT.
Jusqu'à présent, mes chers Frères, je vous ai représenté la gloire du paradis comme une lumière éclatante qui fait voir Dieu face à face à tous les Saints bienheureux ; deuxièmement, comme un grand brasier d'amour qui les transforme dans l'essence divine qu'ils possèdent tout entière, et avec laquelle ils ont des liaisons qui nous sont incompréhensibles.
Pour conclure, je vais vous représenter cette même gloire des Saints comme un abîme de délices et un torrent de plaisirs dont ils seront inondés dans toute la suite des siècles qui composent l'éternité. C'est ce qui fait la consommation et le dernier point de perfection de la félicité des Saints ; c'est la joie, c'est le plaisir infini dont ils sont pénétrés, et qui les met dans la dernière possession de leur bonheur ; c'est pour lors que toute l'étendue et la capacité infinie de leur âme est remplie, qu'elle se repose, et qu'elle n'a plus rien à désirer. Car encore que l'esprit soit rempli de lumière, qu'il en soit tout pénétré, et que la volonté soit embrasée des flammes de l'amour, le plus saint néanmoins ne serait pas parfaitement heureux, si l'esprit et le cœur n'étaient remplis de joie et de plaisirs.
Ah ! cœur de l'homme, s'écriait une fois saint Grégoire de Nazianze, que tu as d'étendue, puisqu'il faut tout un Dieu pour te remplir ! Il faut pour ton bonheur achevé que tout soit une plénitude d'amour dans ta volonté, et une plénitude de joie et de plaisirs dans toute la substance de ton âme.
Mais, Chrétiens, qui pourrait comprendre ce que les Saints ressentent dans la gloire ? Il n'appartient qu'au Saint Esprit de nous le dire ; aussi nous a-t-il représenté ces contentements éternels sous l'idée d'un torrent, d'une mer de délices et de plaisirs. C'est par la plume du Prophète royal : Grand Dieu, lorsque j'aurai le bonheur de contempler votre divine face, et que je coulerai devant vous mon éternité, levant toujours mes yeux et mes regards sur votre visage adorable, je sentirai couler du fond de votre essence dans la substance de mon âme des torrents de joie, de délices et de plaisirs, qui seront si excessifs qu'ils me jetteront dans une extase éternelle : Adimplebis me lætitia cum vultu tuo. (Psal. XV, 11. )
(à suivre)