Quarante-sixième sermon de Saint Vincent de Paul.
Inebriabuntur ab ubertate domus tuæ, et torrente voluptatis tuæ potabis eos.
LE PARADIS.
Ils seront enivrés de l'abondance des biens de votre maison, vous les abreuverez du torrent de vos délices. (Psal. XXXV, 9. )
C'est assez, mes Frères, avoir fait retentir cette chaire des foudres et des carreaux de la justice de Dieu ; c'est assez vous avoir épouvantés et saintement effrayés des rigueurs de sa colère ; il ne faut pas toujours parler de la mort, du jugement et des peines du péché ; il faut dire quelque chose de la vie du ciel aussi bien que de celle de l'enfer. Il y a, dit saint Augustin, deux points qui font tous les mouvements de notre âme : la crainte et l'espérance.
La fin et le but de toutes nos missions est de porter les peuples à l'horreur du péché, à l'amour et à la poursuite de la vertu. Nous avons jusqu'ici tâché de vous y exciter par des motifs de crainte, en vous représentant les rigueurs épouvantables que la justice de Dieu exerce sur le péché et sur les pécheurs ; je veux aujourd'hui vous y conduire par des voies plus douces, c'est à dire par l'idée et la représentation de la récompense éternelle qui attend dans le ciel ceux qui seront fidèles à Dieu sur la terre.
Cette matière servira à deux sortes de personnes, aux bons et aux méchants : elle encouragera de plus en plus les bons au service de Dieu, quand ils considéreront la récompense infinie que Dieu leur prépare ; elle excitera les méchants à sortir de l'état malheureux du péché, en leur donnant à réfléchir sur les biens immenses dont ils seront à jamais privés, s'ils ne se convertissent et ne changent de vie conformément à cette pensée.
Je m'en vais vous représenter l'état de la gloire éternelle comme une lumière éclatante et divine qui élèvera l'entendement humain jusqu'à l’Être divin, et qui, dans le sein de la Divinité comme dans un miroir sans tache, lui faisant voir toutes les vérités éternelles et toutes les créatures, rendra les saints heureux de la même béatitude dont Dieu se rend lui-même bienheureux. Oh ! que cela est admirable ! Et c'est là mon premier point. Secondement, je vous montrerai la gloire éternelle comme un embrasement sacré des flammes de l'amour de Dieu, qui transforme en l'essence divine : voilà le deuxième. Troisièmement, je vous la ferai voir comme un torrent de plaisirs et un abîme de délices dont ils sont inondés pour toute la suite des siècles éternels : c'est le troisième. Voilà, mes chers Frères, mon dessein de ce jour. Plaise à Dieu qu'il réussisse ! C'est ce que nous demandons au Seigneur par l'entremise de la Reine de l'Église triomphante, qui est aussi la mère de l'Église militante, en lui disant avec l'Ange : Ave, Maria.
(à suivre)