Saint Jérôme a écrit :
« 5. Le Livre de l’Apocalypse est montré scellé par sept sceaux (Apoc. 5,1) :
si tu le donnes à un homme sachant lire, afin qu’il lise, il te répondra :
Je ne peux, car il est scellé.
Combien au jour d’hui pensent connaître les lettres, et tiennent le Livre scellé ;
et ils ne peuvent l’ouvrir, à moins que ne l’aie descellé
« Celui qui a la clé de David : qui ouvre, et personne ne ferme, ferme et personne n’ouvre » (Apoc. 3,7) ?
Dans les Actes des Apôtres le saint eunuque, ou plutôt homme (car l’Ecriture le nomme ainsi),
tandis qu’il lisait Isaïe, interrogé par (le diacre) Philippe :
« Penses-tu saisir ce que tu lis ? », répondit :
« Comment pourrais-je, si quelqu’un ne m’enseigne pas ? » (Act. 8,31).
Moi, pour parler de moi en passant, je ne suis ni plus saint ni plus appliqué à l’étude que cet eunuque ;
lui qui depuis l’Ethiopie, à savoir du bout du monde, est venu au Temple, a quitté la cour royale :
et il fut à tel point amateur de la Loi et de la science divine que même en son véhicule
il lisait les Saintes Lettres ; et pourtant, alors qu’il avait le Livre en main,
et réfléchissait mentalement aux paroles du Seigneur, les prononçait avec la langue, remuait les lèvres,
il ne comprenait pas ce qu’il vénérait dans le Livre sans le saisir.
Philippe vint, lui montra Jésus, qui était caché sous la lettre scellée.
O admirable vertu du docteur !
A la même heure l’eunuque crut, fut baptisé, rendu fidèle et saint ; et de disciple maître :
il apprit plus dans le désert à la source de l’Eglise que dans le Temple doré de la synagogue.
6. .. J’écris cela brièvement.., afin que tu comprennes que
tu ne saurais entrer dans les Ecritures sans quelqu’un marchant devant et montrant le chemin.
Sans parler des grammairiens, rhéteurs, philosophes, géomètres, dialecticiens, musiciens, astronomes, astrologues, médecins, dont la science est très utile aux mortels ..
j’en viens aux arts mineurs et qui sont enseignés moins par l’instruction orale que par la pratique manuelle.
Les agriculteurs, maçons, artisans, les tailleurs de métaux, bûcherons, tisseurs et tailleurs, et les fabricants de meubles et d’autres ustensiles,
ne peuvent être ce qu’ils désirent sans formateur.
« Les médecins garantissent ce qui relève des médecins, les artisans s’occupent de ce qui est à fabriquer.» (Horace, L. 1 Ep. 1). 7.
L’art des Ecritures est le seul que presque tous revendiquent pour sien.
« Non formés et formés nous écrirons ça et là de petits poèmes.» (ibid.).
Cet art-là, la vieille femme bavarde, le vieillard qui radote, le sophiste verbeux,
cet art-là, tous en présument, le lacèrent, l’enseignent avant de l’avoir appris.
D’autres, le sourcil orgueilleux, lançant de grands mots, parmi des femmelettes philosophent sur les Saintes Lettres.
D’autres, oh honte !, apprennent des femmes de quoi enseigner les hommes ;
c’est encore trop peu : doués d’une certaine facilité d’élocution, ou plutôt de toupet,
ils expliquent aux autres ce qu’eux-mêmes ne comprennent pas.
Je ne dis rien de mes pareils qui, si, d’aventure ils sont venus aux Ecritures Saintes après avoir cultivé la littérature profane, et si, par leur langage recherché, ils ont agréablement flatté l’oreille du peuple, s’imaginent que toutes leurs paroles sont la loi même de Dieu,
et ne daignent pas s’informer du sens de ce que les prophètes, les apôtres, ont voulu exprimer,
mais ajustent à leur sentiment personnel les textes,
comme si c’était une méthode d’expression digne d’être approuvée et non pas très fautive que
d’altérer le sens des sentences et de faire violence selon ses désirs à l’Ecriture, même si elle y répugne. ..
Ces façons de faire sont puériles, et semblables au jeu des enfants tournant en rond,
de prétendre enseigner ce que l’on ignore,
et même, pour exprimer ce que j’ai sur l’estomac,
de ne pas même savoir qu’on l’ignore.»
(Saint Jérôme, Ep. 53 ad Paulinum)