Homélie pour le troisième dimanche de l'Avent.

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Homélie pour le troisième dimanche de l'Avent.

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HOMÉLIES SUR LES ÉVANGILES DE TOUS LES DIMANCHES DE L'ANNÉE
par M. GRANET Curé archiprêtre de Séderon
Avec approbation de Mgr l'Évêque de Valence.
1860

TROISIÈME DIMANCHE DE L'AVENT.

ÉVANGILE.

Témoignage que Jean rend à Jésus-Christ.

« Voici le témoignage que rendit Jean, lorsque les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : Qui êtes-vous ? Car il confessa, et il ne le nia pas ; il confessa qu'il n'était point le Christ. Quoi donc ? lui demandèrent-ils : êtes-vous Élie ? Et il leur dit : Je ne le suis point. Êtes-vous prophète ? Et il leur répondit : Non. Qui êtes-vous donc ? lui dirent-ils, afin que nous rendions réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dites-vous de vous-même ? Je suis, leur dit-il, la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez au Seigneur un chemin droit, comme a dit le prophète Isaïe. Or ceux qu'on lui avait envoyés étaient des pharisiens. Ils lui firent encore cette demande, et lui dirent : Pourquoi donc baptisez-vous, si vous n'êtes ni le Christ, ni Élie, ni prophète ? Jean leur répondit : Pour moi, je baptise dans l'eau ; mais il y en a un au milieu de vous, que vous ne connaissez pas. C'est lui qui doit venir après moi, qui m'a été préféré, et je ne suis pas digne de délier les cordons de ses souliers. Ceci se passa en Béthanie, au delà du Jourdain, où Jean baptisait. » (Joan., 1, 19–28. )


HOMÉLIE.

Vous vous rappelez, sans doute, mes frères, l'éloge si pompeux et si vrai que Jésus-Christ faisait de saint Jean-Baptiste, dans l'évangile que nous avons expliqué dimanche dernier, lorsque, après le départ des envoyés de Jean, il disait au peuple que le fils de Zacharie était prophète, et plus que prophète (Matth., XI, 9), et que parmi les enfants, nés de la femme, il n'y en avait jamais eu de plus grand que lui. (Ibid., 11. ) Et, il ajoutait à cela, pour votre consolation, comme pour la mienne, que celui qui était le plus petit dans le royaume de Dieu, était encore plus grand que lui : Qui autem minor est in regno cœlorum, major est illo. (Ibid. )

L'éloge donc que Notre-Seigneur avait fait de Jean- Baptiste, joint à l'éclat des vertus du saint Précurseur, et peut-être aussi le baptême d'eau qu'il administrait, l'avaient fait regarder, par plusieurs Juifs, comme le Messie promis à leurs pères. Ils savaient de plus, et ils étaient convaincus que les temps prédits par les prophètes étaient accomplis, et que les semaines d'années de Daniel touchaient à leur terme. (Dan., IX, 24-27.)

Toutes choses, à ne consulter que l'histoire, se disposaient tellement, du temps de Notre-Seigneur, à la manifestation du Messie, que les Juifs soupçonnèrent que Jean -Baptiste le pourrait bien être. Sa manière de vivre austère, étonnante, extraordinaire, les frappa : et au défaut des grandeurs du monde, ils parurent d'abord vouloir se contenter de l'éclat d'une vie si prodigieuse. La vie simple et commune de Jésus-Christ rebuta ces esprits grossiers, autant que superbes, qui ne pouvaient être pris que par les sens, et qui d'ailleurs éloignés d'une conversion sincère, ne voulaient rien admirer que ce qu'ils regardaient comme inimitable. De cette sorte, Jean-Baptiste qu'on jugea digne d'être le Christ, ne fut pas cru quand il montra le Christ véritable, et Jésus-Christ, qu'il fallait imiter quand on y croyait, parut trop humble aux Juifs pour être suivi. (Boss. ) Aussi les Juifs cherchèrent-ils Jean-Baptiste avec beaucoup de respect, ce qu'ils ne firent point envers Jésus-Christ, tandis que Jean leur montrait l'exemple qu'ils auraient dû suivre lorsqu'il lui envoya deux de ses disciples, pour savoir si c'était lui qui devait venir ou s'il fallait en attendre un autre. (Orig. ) Et cela avec d'autant plus de raison qu'ils regardaient Jean, comme un homme digne de confiance au point qu'ils le crurent quand il leur parlait de sa personne ; tant ils étaient persuadés de son excellence, de son pouvoir, puisqu'il baptisait. (S. J. Chrys. )

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Mais revenons à l'Évangile.
Or, voici le témoignage que rendit Jean lorsque les sénateurs qui composaient le grand conseil des Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : Qui êtes-vous ? ( 17. ) Il est bon d'observer que c'est ici le second témoignage que le Précurseur rend à Jésus-Christ. Voici quel fut le premier. L'évangéliste saint Jean, après nous avoir dit ces étonnantes paroles, qui, aujourd'hui encore nous font fléchir le genou quand le prêtre les prononce : Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous (Joan., 1, 14), ajoute dans le verset suivant : Jean rend témoignage de lui, selon l'ordre qu'il en avait reçu, et il crie, en disant : Voici celui dont je vous disais : Celui qui doit venir après moi m'a été préféré, parce qu'il était avant moi. ( 15. ) Et par là, il détermine quel est ce témoignage de saint Jean annonçant d'une manière évidente et la sublimité de l'humanité, et l'éternité de la divinité. (Alc. )

Voici, au reste, le sens qu'il convient de donner aux paroles de Jean : Quoique je paraisse et que je prêche le premier, je ne fais cependant que l'office de Précurseur. Celui qui va venir après moi, m'a été préféré pour ce qui est de la dignité personnelle et l'excellence du ministère. Il est, en effet, infiniment au-dessus de moi, étant Dieu et homme tout ensemble. (Lall., p. 27. )

Oh ! mes frères, qu'il est prodigieux, l'anéantissement du Fils de Dieu dans . cette union du Verbe avec notre chair ! mais aussi quelle gloire pour l'homme, pour nous ! Nous voilà réellement parents et alliés avec la nature divine (II Pet., 1, 4) par les liens qui l'ont unie à notre pauvre humanité ; liens si étroits que Jésus-Christ est devenu réellement homme, et que l'homme en Jésus-Christ est véritablement Dieu. (Lall., ibid., p. 8. ) Et dès lors, comment se fait-il que nous, élevés en Jésus-Christ à un si haut point de gloire et d'honneur, nous nous dégradions, nous nous abaissions jusqu'à devenir semblables à de vils animaux sans raison (Ps. XLVIII, 13), en nous abandonnant lâchement au péché, en subissant le joug honteux du démon, en portant tracé sur le front, le caractère de la bête, dont parle saint Jean (Apoc., XIV, 9), marque de notre triste esclavage : car tous ceux qui commettent le péché, sont les esclaves du péché : Omnis qui facit peccatum, servus estpeccati. (Joan., VIII, 34. )

Tel est le premier témoignage que Jean rend à la divinité de Jésus-Christ : il le lui rend hautement et avec éclat, et en s'abaissant au point de déclarer qu'il n'est pas même digne de délier les courroies de sa chaussure. (Marc., 1, 7. ) Témoignage glorieux à Jésus-Christ, sans doute, mais glorieux aussi à Jean-Baptiste : car le devoir d'un serviteur fidèle et vraiment dévoué sera toujours de procurer la gloire de son maître, et de repousser toutes les louanges qu'on voudrait lui donner à son préjudice : Hoc frugi servi officium est, non modo domini sui gloriam non abripere, sed etiam oblatam a multitudine depellere. (S. J. Chrys. )
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Or, ce premier témoignage diffère du second dont nous allons parler, en ce qu'il fut donné à la foule avant même que Jésus-Christ eût été baptisé, et que l'évangéliste saint Jean paraît avoir omis à dessein, parce que les autres l'avaient rapporté. Ce fut un témoignage particulier en quelque sorte, tandis que le second était un témoignage public, demandé juridiquement et accepté de même par les envoyés du Sanhédrin : car c'était au Sanhedrin qu'il appartenait de résoudre la question touchant la loi et la doctrine, de statuer sur ce qu'on devait penser d'un prophète, afin que rien ne fût innové dans le culte national, la religion du pays, et pour éviter toute altercation.

Les députés des Juifs avaient demandé à Jean qui il était : Tu quis es ? et le saint Précurseur confessa et il ne le nia pas ; et il confessa qu'il n'était pas le Christ. (20.) Cette réponse paraît indiquer suffisamment qu'ils lui avaient nettement demandé s'il était le Christ, ou que du moins ils lui avaient donné à entendre clairement que c'était là ce qu'ils voulaient savoir de lui. Car il semble qu'il aurait été contraire à l'humilité et à la modestie de ce saint homme de protester, comme il le fait ici, avec toutes les assurances possibles, qu'il n'était point le Christ que les Juifs attendaient.

Je n'ai pas à rechercher quels furent les motifs qui portèrent les Juifs à faire cette demande à Jean ; mais toujours est-il que sa réponse n'en est pas moins admirable, et devient pour nous une leçon très-importante de l'humilité qu'il convient d'avoir, surtout quand Dieu nous a accordé les qualités et les dons les plus éclatants. Si cet homme eût été susceptible de cet orgueil qui nous porte presque toujours à nous élever au-dessus de nous-mêmes et des autres, il aurait reçu peut-être l'honneur qu'on lui présentait, et consenti à la bonne opinion que les peuples avaient conçue de lui : et l'excellence des dons qui le rendait éclatant aux yeux des hommes, aurait pu le faire passer effectivement dans leur esprit pour le Messie. Mais, dit saint Augustin, l'humilité était le plus grand de ses dons, et il savait trop bien que l'homme ne peut rien recevoir, s'il ne lui a été donné d'en haut, pour s'attribuer ce qui n'appartenait qu'à son Maître. On dirait même que le démon veut profiter de l'incertitude des Juifs, touchant saint Jean-Baptiste, pour porter atteinte à la sainteté de ce dernier. Il lui tend un piége, et il pense faire échouer son humilité, en l'éblouissant par la gloire de se faire reconnaître pour le Messie. Mais le saint Précurseur n'hésite pas un seul moment à confesser la vérité. Non, dit-il, je ne suis point le Christ. (Lall., Iv, p. 11.)

Aussi, dit saint Grégoire, rien ne doit nous rendre plus recommandable l'humilité de ce grand saint que la réponse qu'il fait aux envoyés des Juifs. Sa vertu était telle, ses qualités si éminentes, qu'il aurait pu se faire passer pour le Christ, mais il aima mieux rester dans le sentiment de ce qu'il était, dans son propre état, dans la crainte que la bonne opinion qu'on avait de lui ne l'élevât vainement au-dessus, et au delà de ce qu'il était. En disant : Je ne suis point le Christ, il nie ouvertement ce qu'il n'était point, sans dire pourtant qui il était. Et par cet aveu de la vérité, il mérite de devenir, et il devient en effet un des plus nobles membres de ce même Jésus, dont il ne veut point s'attribuer faussement le nom. Or, le refus qu'il fait d'usurper le nom du Sauveur, l'application qu'il met à reconnaître sa faiblesse, les soins qu'il a de se rabaisser, le rendent digne de la grandeur à laquelle il est élevé, et lui méritent la possession du glorieux titre de Précurseur. Vous le voyez, mes frères, il y a pour nous un immense avantage à bien comprendre l'humilité de saint Jean-Baptiste et un plus grand encore à l'imiter. (S. Grég. )

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Peu satisfaits de cette réponse, ou, selon la remarque de saint Jean-Chrysostome, surpris dans leur mauvaise intention, devenue manifeste, les députés passent à d'autres questions. Quoi donc ? lui demandèrent-ils ; êtes-vous Élie ? Et il leur dit : Je ne le suis point. Êtes-vous prophète ? Et il leur répondit : Non. (21. ) Si nous comparions ces deux réponses avec ce que nous lisons ailleurs dans l'Évangile, nous serions presque tentés d'accuser Jean-Baptiste de dissimulation et de fausseté. Comparons donc ces divers passages, et expliquons-les les uns par les autres : toute difficulté disparaîtra. Il résultera de là pour nous cette leçon importante, que, si nous sommes réellement humbles, comme Jean-Baptiste, nous aurons le secret de nous aveugler sur ce qui peut nous faire quelque honneur devant les hommes, de ne voir en nous que ce qui peut nous confondre, et nous rendre petits à leurs yeux comme aux nôtres. Telle a été toujours la conduite des amis de Dieu et des saints : qu'elle soit aussi la nôtre.

Mais pour en revenir aux réponses de Jean, il semble qu'elles sont contraires à ce que Jésus-Christ dit ailleurs. En effet, interrogé par ses disciples sur la venue d'Élie, il leur répond qu'Élie est déjà venu (Matth., XVII, 12), voulant leur parler de Jean, ce qu'ils comprirent très-bien. Et Jean, interrogé à son tour s'il est Élie, déclare qu'il ne l'est point : Non sum. Voici la manière dont saint Grégoire résout cette apparence de difficulté. L'ange Gabriel, annonçant à Zacharie la naissance de Jean-Baptiste, avait dit qu'il marcherait devant le Messie, dans l'esprit et dans la vertu d'Élie (Lall., 1, 17), parce que, de même que le prophète Élie doit précéder le second avènement du Fils de Dieu, quand il viendra, au dernier jour, pour juger les vivants et les morts, de même Jean doit précéder Jésus-Christ venant au monde pour vivre dans le travail, la pauvreté, la souffrance, et mourir sur la croix pour notre salut. Élie précédera Jésus juge, et Jean précéda Jésus sauveur. Donc, Jean était Élie en esprit et en vertu ; mais il n'était point la personne de ce prophète. Donc, encore, ce que Jésus-Christ affirme de l'esprit et de la vertu d'Élie, Jean le nie de la personne : parce qu'il était convenable que Jésus-Christ, parlant à ses disciples, leur donnât une idée toute spirituelle de Jean, tandis que celui-ci, ayant à faire à des hommes charnels, ne leur parlait point de l'esprit, mais du corps. Et ainsi nous voyons que Jean ne nie point ce que Jésus-Christ affirme : le prophète de la vérité est en tout conforme au Dieu de vérité. Voilà pour la première réponse.
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Quant à la seconde, dans laquelle il dit aux Juifs qu'il n'est point prophète, vous devez vous rappeler que Jésus-Christ déclarait dans l'Évangile de dimanche dernier que Jean était prophète, et plus que prophète. (Matth., XI, 9. )

Comme dans la première, il semble qu'il y a ici opposition, contradiction entre Jésus-Christ et Jean ; mais il n'en est rien. Selon la doctrine de quelques Pères de l'Église, les Juifs entendaient par là ce prophète par excellence, prédit par Moïse, si longtemps auparavant, et qui n'était autre que le Messie.

Dieu, disait Moïse, vous suscitera un prophète du milieu de votre nation et de vos frères, obéissez-lui, (Deut., XVIII, 15. ) Le peuple avait compris, en voyant passer devant lui tant de prophètes, qu'aucun d'eux n'était celui qui avait été annoncé, et qui devait, ainsi que Moïse, être médiateur entre les hommes et Dieu, et livrer aux disciples l'alliance venue de Dieu. (Orig. )
C'était celui-là surtout qui était attendu. (Joan., IV, 19. ) Voilà pourquoi ils demandent à Jean, non pas s'il est prophète, mais s'il était le prophète, avec l'adjonction de l'article, comme on le voit dans le texte grec, et supprimé dans le latin. (Orig. ) Par conséquent, en suivant l'intelligence véritable de l'Écriture, il est visible que Jean n'était point le prophète dont on lui parlait.

Si nous disons, au contraire, avec quelques autres Pères, que les Juifs entendaient par là un prophète en général, rien ne nous empêche de reconnaître que Jean, en répondant qu'il ne l'est point, veut dire seulement qu'il n'est point prophète à la manière des anciens. Ceux-ci avaient prédit Jésus-Christ longtemps avant sa naissance, tandis que lui le désignait du doigt, le montrait à ceux qui voulaient le voir (S. Aug. et S. Grég.) et leur disait : Voici l'Agneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés du monde. (Joan., 1, 29. )
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Vous n'êtes ni le Christ, ni Élie, ni prophète : Qui êtes-vous donc, lui dirent-ils, afin que nous rendions réponse à ceux qui nous ont envoyés ? Que dites-vous de vous-même ? (22. ) Les Juifs, vous le voyez, insistent, ils l'interrogent avec une espèce de véhémence et de colère, et Jean répond avec calme et douceur, il détruit leur fausse opinion et établit la vérité dans tout son jour. (S. J. Chrys. ) Mais une chose digne de toute notre attention et surtout de notre imitation, c'est que Jean, obligé de se rendre à leurs vives instances, et ne pouvant se refuser à leur faire connaître la vérité et l'objet de sa mission, trouve encore le moyen de s'humilier dans la manière dont il répond. Vous voulez savoir qui je suis, dit-il : eh bien ! je ne suis rien, sinon la voix de celui qui crie dans le désert. (23. ) Réalisant ainsi, dit saint Augustin, la prophétie d'Isaïe. (LX. 3.)

C'est donc avec raison que Jean-Baptiste déclare qu'il n'est rien. Car enfin cette voix ne lui appartient pas ; elle est tout entière à celui qui l'a formée, et tout le fruit qu'il pouvait produire venait de Dieu dont il était le simple organe. (Lall., IV. ) Nous pouvons dire encore que Jean-Baptiste n'était qu'une voix, puisque sa doctrine, ses paroles, et surtout ses exemples de pénitence devenaient pour les Juifs, et aussi pour nous, comme autant de voix efficaces pour nous porter tous à la pratique de la vertu et de nos devoirs. (Ibid. )

Nous savons enfin que le Fils unique de Dieu est appelé le Verbe, la parole de Dieu. Or, selon notre manière de parler nous pouvons nous rendre compte de ce fait. La voix doit d'abord frapper nos oreilles, afin que nous puissions entendre et saisir le sens de ce que l'on nous dit. Jean affirme qu'il est une voix, parce qu'il précède le Verbe, et que c'est par son ministère que les hommes peuvent entendre ce même Verbe de Dieu. Il est la voix de celui qui crie dans le désert, parce qu'il annonce à cette pauvre Judée déserte, abandonnée, dépourvue de tout secours, l'unique consolation qui pût la soutenir, c'est-à-dire la venue du Rédempteur. (S. Grég. )

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Je sais, mes frères, que c'est le prêtre surtout qui doit être la voix de celui qui crie dans le désert, afin que les pauvres pécheurs reviennent à ce Dieu qu'ils ont abandonné, quittent les traces du serpent, corrigent leurs désordres et se convertissent sincèrement. C'est lui encore qui doit exhorter les justes à la persévérance sans laquelle ils ne peuvent être sauvés. Tout est vrai : mais est-ce que ceux qui m'entendent ne doivent pas, eux aussi, chacun selon son état, selon la mesure de la grâce que Dieu leur a faite, et les vues miséricordieuses de la Providence, être la voix de celui qui crie dans le désert ? être comme autant de précurseurs à la venue du Messie dans les cœurs, en se portant mutuellement à l'amour de Dieu et du prochain, à la pratique de la vertu, à l'accomplissement des commandements de Dieu et de l'Église, de tous nos devoirs enfin ? Donnons donc à nos frères des leçons utiles, de bons conseils, de sages avis, ayons recours à des remontrances faites à propos et avec beaucoup de charité, mais aussi soyons pour tous la bonne odeur de Jésus-Christ par nos exemples. Car si les mauvais exemples ont tant de force pour le mal, les bons auront aussi, pour nous porter au bien, une force tout autre que les leçons. Ceci est vrai pour tous, mais plus encore pour les parents et ceux qui ont autorité sur les autres.

Mais que dit la voix de celui qui crie dans le désert ? Quoique je ne veuille pas anticiper sur l'Évangile que nous expliquerons dimanche prochain, il est bon cependant de nous arrêter un peu sur ces paroles : Préparez au Seigneur un chemin droit et uni, comme a dit le prophète Isaïe. (23. Isa., XL, 3. )

La voie aboutit à nos cœurs, dit saint Grégoire, lorsque nous écoutons, avec une humilité profonde et une attention soutenue, les paroles de la vérité éternelle : elle est dirigée vers nos cœurs, lorsque surtout nous conformons notre vie aux préceptes divins qu'elles renferment : Cum ad præceptum illius vita præparatur. C'est ce que Jésus-Christ nous donne à entendre, quand il nous dit : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons en lui, et nous ferons en lui notre demeure. (Joan., XIV, 23. )

Celui donc qui laisse aller son esprit au vent de l'orgueil ; celui qui, dans son avarice insatiable, est consumé par cet amour de l'argent après lequel il soupire ; celui qui s'abandonne à l'impureté, vice honteux, dégradant, qui souille et déshonore ; celui qui pèche enfin, n'importe en quelle manière, par pensées, par affections, désirs, paroles, actions ou omissions, empêche le Seigneur de venir à lui et lui ferme la porte de son âme avec la clef de tous les vices. Et ne ad se Dominus veniat, claustra animi seris vitiorum damnat. (S. Grég., Hom. vi in Evang. )

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Or, ceux qu'on lui avait envoyés étaient de la secte des pharisiens. Ils lui firent encore cette demande : Pourquoi donc baptisez-vous, si vous n'êtes ni le Christ, ni Élie, ni prophète ? (24, 25. ) Cette dernière question explique très-bien ce que dit l'historien sacré, que ces envoyés étaient de la secte des pharisiens. Leur ambition, leur avarice les portaient ordinairement à rabaisser les personnes qui étaient en honneur et en réputation parmi le peuple, parce qu'ils songeaient à s'attirer l'estime de ce même peuple aux dépens des autres, et ne s'appliquaient qu'à leurs propres intérêts. Ils cherchaient moins à s'instruire, à savoir ce qu'était Jean qu'à l'empêcher d'administrer, à l'avenir, un baptême dont ils n'avaient point entendu parler, et qui semblait diminuer leur autorité dans les choses de la religion. Et cependant on verra plus tard ces mêmes hommes accourir, eux aussi, pour recevoir de Jean son baptême de pénitence. Avaient-ils foi en son baptême, ou bien n'y venaient-ils que par hypocrisie, respect humain, crainte du peuple ? Je ne sais, mes frères : j'aime tout autant voir, dans leur conduite, une de ces heureuses inconséquences, dont les hommes nous donnent quelquefois l'exemple. On en voit, en effet, qui après avoir crié contre l'Église et ses ministres, défendre à leurs femmes ou à leurs enfants d'aller à confesse et de communier, changer tout à coup. Ils écoutent alors l'Église, comme on écoute une mère tendrement aimée, suivent les conseils d'un pasteur plein de zèle pour leur salut, vont humblement à confesse, comme leurs femmes et leurs filles, et fréquentent la sainte communion dont ils étaient éloignés depuis si longtemps. Puissions-nous jouir de ce consolant spectacle, au jour de Noël qui approche, et voir ces pauvres pécheurs, que nous aimons comme des frères, venir, nouveaux enfants prodigues, dans les bras de leur Père, et consoler l'Église, leur mère, en revenant à la vertu qu'ils n'auraient jamais dû abandonner !

Ne nous étonnons pas de la persistance, de l'opiniâtreté des pharisiens à interroger Jean, mais admirons bien davantage la douceur avec laquelle il leur répond, car elle devient pour nous un exemple à suivre. Toutes les fois, dit saint Grégoire, que nous serons interrogés par nos ennemis avec des intentions criminelles, gardons-nous bien de nous fâcher et de nous irriter : gardons-nous plus encore de changer de manière de vivre, et d'abandonner la pratique du bien. Faisons même plus, et comme Jean-Baptiste, à des paroles de jalousie et de méchanceté, répondons par des paroles de douceur et des conseils qui peuvent porter à la vertu et à la sainteté.
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Jean leur répondit : Pour moi, je baptise seulement dans l'eau afin de porter les hommes à la pénitence, mais il y en a un au milieu de vous, que vous ne connaissez pas, qui les baptisera dans le Saint-Esprit, pour leur communiquer une véritable sainteté. C'est lui qui doit venir après moi, qui m'a été préféré, et qui est si fort au-dessus de moi, que je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers. (26, 27. ) Quelle douceur dans cette réponse, quelle humilité dans saint Jean, mais aussi quelle grandeur !

Son baptême n'est point, il est vrai, un baptême du Saint-Esprit, un baptême de feu, comme celui de Jésus-Christ : il baptise dans l'eau seulement, parce que son baptême ne pouvait point remettre les péchés ; il lavait le corps, mais il ne purifiait point l'âme par la grâce et le pardon. Pourquoi donc baptisait-il puisque le baptême qu'il administrait ne remettait point les péchés ? C'était pour continuer son office de précurseur, c'est-à-dire, il avait été le précurseur de Jésus-Christ dans sa naissance, et il l'était également dans le baptême que Jésus-Christ devait donner lui-même. Sa prédication avait précédé celle du Sauveur ; il lui avait préparé les voies ; son baptême aussi précédait celui de Jésus-Christ, dont il était la figure, et comme l'imitation des grands mystères qu'il renfermait.

Et tout en agissant de la sorte, Jean annonçait aux hommes le grand mystère de l'Incarnation. Il leur disait donc que le Messie était au milieu d'eux, et qu'ils ne le connaissaient pas : parce que ce divin Sauveur apparaissant dans une chair faible et mortelle, était bien visible à leurs yeux ; mais sa divinité et sa majesté échappaient à leurs regards, et demeuraient invisibles. (S. Grég., loc. cit.) Et il n'y avait rien d'étonnant en cela, puisque selon l'ordre de la sagesse divine, il convenait que celui qui était venu au monde pour enseigner l'humilité et l'anéantissement, fût confondu et mêlé avec le peuple comme un simple homme ; ce qui était autant opposé à l'orgueil des pharisiens qu'au nôtre. Ils le connaissaient bien pourtant dans un sens, comme nous connaissons de vue et de nom un homme qui vivrait avec nous ; mais ce n'était point une connaissance certaine et distincte, c'est-à-dire qu'ils ne savaient ni qui il était, ni d'où il venait. (S. J. Chrys. )

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Hélas ! mes frères, ce reproche que saint Jean adressait aux Juifs de son temps, nous le méritons aussi bien qu'eux, et mieux qu'eux. Jésus-Christ réside jour et nuit au milieu de nous, dans le sacrement adorable de l'Eucharistie, son bonheur est d'être avec les enfants des hommes. (Prov., VI, 31. )

Pourrions-nous bien assurer que nous le connaissons ? Mais, si nous le connaissons, pourquoi l'abandonnons-nous, pourquoi le négligeons-nous, pourquoi ne venons-nous pas chercher auprès de lui la lumière pour dissiper les ténèbres de notre esprit, la consolation dans nos tristesses, le soutien dans nos faiblesses, le secours, les bénédictions dans nos travaux, tous ces soulagements enfin dont nous avons un si grand besoin dans les misères de la vie ? (Matth., XI, 28.) Il est au milieu de nous dans son Évangile ; le lisons-nous avec respect, l'écoutons-nous avec attention quand nos pasteurs nous l'annoncent, méditons-nous les leçons qu'il renferme, et y conformons-nous notre conduite ? Il est au milieu de nous dans son Église avec laquelle il a promis d'être jusqu'à la consommation des siècles. (Matth., XXVIII, 20. ) Et quel est celui qui écoute l'Église comme Jésus-Christ lui-même ? Cette Église est notre mère : mais l'écoutons-nous comme un enfant bien né écoute sa mère qu'il respecte et qu'il aime ? Hélas ! ne devons-nous pas dire plutôt : Quel cas faisons-nous de ses ordres, comment accomplissons-nous ses commandements ? Comment sanctifions-nous les fêtes qu'elle a établies ? comment observons-nous les jeûnes qu'elle ordonne? Passe encore pour les jeûnes, parce qu'un grand nombre de personnes ne peuvent les observer, soit à cause de leur pauvreté, soit à cause des travaux trop pénibles auxquels elles sont soumises, soit à cause de la faiblesse de leur santé. Je n'ai pas à m'occuper présentement des raisons légitimes de dispense que vous pouvez avoir. Mais je dis que sur ce point beaucoup sont dans d'étranges illusions, et l'expérience nous apprend que le plus souvent ce sont ceux qui ne peuvent réellement pas jeûner qui se font scrupule de manquer à cette obligation, tandis que ceux qui le pourraient s'en dispensent sans raisons, ou même contre toute raison. Mais comment observons-nous du moins l'abstinence de la viande les jours défendus ? Sur ce point, nous devrions rougir de n'être pas aussi fidèles à la loi de l'Église, que les juifs et les musulmans à la leur. Et la confession annuelle, et la communion pascale... ? Sur tous ces points, et bien d'autres que je ne puis même vous indiquer, examinons sérieusement nos consciences, faisons pénitence et amendons-nous. Ce sera pour nous un moyen de connaître si nous connaissons Jésus-Christ d'une manière pratique, en observant fidèlement sa volonté, et de nous préparer aux fêtes de la Noël que nous allons bientôt célébrer.

Or, si nous voulons célébrer convenablement la fête de ce Dieu humilié, anéanti jusqu'à prendre la forme d'un esclave et d'un pécheur, et qui naît dans une pauvre étable abandonnée, en la compagnie des animaux, il faut nous humilier nous-mêmes et nous anéantir en songeant à nos misères et à nos péchés. Et saint Jean nous offre un admirable exemple de cette vertu.
Lui, si grand, déclare que celui qui vient après lui a été engendré avant lui et doit lui être préféré en tout. Lui, doué de tant de science et de l'esprit prophétique, proteste de son ignorance, et déclare qu'il n'est pas digne de délier les cordons de ses souliers, c'est-à-dire, comme l'entend saint Grégoire, d'approfondir et de connaître le mystère de son incarnation. Lui, enfin, le plus grand parmi les enfants nés de la femme, proteste qu'il n'est pas digne d'être placé au dernier rang de ses serviteurs ; car délier la chaussure était la fonction du dernier des esclaves : Calceamentum quippe solvere extremum ministerium est. (S. J. Chrys. ) Or, si Jean-Baptiste pense et parle de la sorte, que penserons-nous de nous-mêmes et qu'en dirons-nous, nous qui sommes chargés de tant et tant d'iniquités, et qui sommes éloignés de ses vertus autant que le ciel l'est de la terre ? (Ibid.)
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