Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour la fête de la Circoncision

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Laetitia
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Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour la fête de la Circoncision

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TROISIÈME SERMON POUR LA FÊTE DE LA CIRCONCISION.


Circumcidet Dominus cor tuum et cor seminis tui, ut diligas Dominum Deum tuum in toto corde tuo, et in tota anima tua, ut possis vivere.
Le Seigneur circoncira votre cœur et le cœur de vos enfants, afin que vous aimiez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur et de toute votre âme, et que vous puissiez vivre.
Deut. XXX, 6.


Ces paroles, mes très-chers frères, contiennent en abrégé toute l'économie du christianisme. Dans notre divine religion, comme dans toutes les institutions où le dogme s'unit à la morale, il y a deux choses à considérer : la fin que l'on se propose, et les moyens qui nous la peuvent faire atteindre. La fin de la vie chrétienne, c'est la charité ; le grand moyen pour l'acquérir consiste dans l'éloignement de tous les obstacles qui nous éloignent d'elle. Or il n'y en a point de plus grand, que l'amour exagéré de soi-même, et ce qui en est inséparable, le débordement de toutes les passions.

Telle est en deux mots la philosophie chrétienne, et Moïse en a résumé les principaux traits dans ces paroles que vous venez d'entendre : « Le Seigneur circoncira votre cœur et le cœur de vos enfants, afin que vous aimiez le Seigneur votre Dieu. » Circumcidet Dominus cor tuum et cor seminis tui, ut diligas Dominum Deum tuum. En effet, il établit d'abord la nécessité de renoncer à toutes les passions, parce qu'elles sont contraires à la charité ; puis il nous montre la charité comme le but naturel que doit atteindre la circoncision spirituelle de nos cœurs. La suite de ce discours vous fera mieux comprendre cette double vérité. Mais, afin de traiter convenablement ce sujet, implorons avec humilité le secours du Ciel par l'intercession de Marie. Ave Maria.

Je n'ai pas d'autre but dans cette instruction, que de vous expliquer la loi de la circoncision donnée par le Seigneur à nos pères.
Pour mettre de l'ordre dans la suite de mes réflexions, je parlerai en premier lieu de la circoncision de Notre-Seigneur, et du nom auguste qu'il reçut en ce jour; en second lieu, je vous entretiendrai de notre propre circoncision spirituelle, que nous devons tous pratiquer dans nos âmes, quoique l'ancienne prescription ait été abrogée.

(à suivre)
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PREMIER POINT.

La circoncision fut établie, pour guérir la faute originelle, et pour servir de symbole à la circoncision spirituelle des âmes dans la nouvelle loi. Si tel a été le plan de Dieu dans cette institution, on se demande avec raison, pourquoi le plus innocent des enfants des hommes a été circoncis. Il était né sans péché, et rien ne semblait l'obliger à se faire marquer de ce signe, puisqu'il n'avait ni blessure à guérir, ni corruption à retrancher. Conçu par l'opération du Saint-Esprit, pouvait-il être sujet à la loi de la circoncision ? Non, certes. Cependant de graves raisons ont déterminé Dieu à ne pas déroger à ses propres prescriptions. De même qu'il avait revêtu la chair pour nous délivrer de la tyrannie de la chair, de même il s'est soumis à la loi pour nous délivrer du joug de la loi.

C'est l'Apôtre lui-même qui nous l'affirme. «Dieu, nous dit-il, a envoyé son fils né d'une femme et soumis à la loi, pour racheter ceux qui étaient sous la loi, afin que nous devenions ses fils adoptifs. » Galat. IV, 5. De plus, notre Seigneur était venu sur la terre pour laver nos péchés dans son sang et nous arracher à la puissance du démon ; et il crut bon, quelques jours après sa naissance, d'offrir à Dieu son Père les prémices de son sang adorable comme gage de notre rédemption. Enfin, il voulait nous donner l'exemple d'une parfaite obéissance ; et de même que pendant sa vie nous le voyons jeûner, veiller et prier, courir vers Jean-Baptiste aux rives du Jourdain pour recevoir l'eau du baptême sur son front innocent, de même il se soumet aujourd'hui à la dure loi de la circoncision, heureux de pouvoir nous attirer par son exemple à cette autre circoncision spirituelle qui est le principe et le moyen de notre salut. Car nul ne pourra se sauver, s'il ne porte dans son cœur la marque d'une véritable circoncision.

La circoncision, comme le baptême, avait été instituée pour servir de remède contre le péché originel ; il n'est pas étonnant qu'on remarque entre ces deux institutions de grandes ressemblances. Dans le baptême, l'homme qui naît à la vie de la grâce, reçoit un nom ; il en était de même autrefois dans la circoncision.

Notre divin enfant fut donc appelé du nom de Jésus : nom glorieux et sublime, qu’un ange avait apporté du ciel avant l'accomplissement du mystère de l'Incarnation. Mais pourquoi, demande saint Bernard, ce nom est-il préféré à tous les autres noms du Sauveur qui se trouvent dans les saintes Ecritures ? Je répondrai avec le même docteur, que c'est parce que le nom de Jésus renferme l'efficacité de tous les autres noms. Parmi ces noms, en effet, dit saint Bernard, les uns nous excitent à l'amour, les autres à l'espérance ; ceux-ci nous portent à la pratique de l'obéissance et du respect, ceux-là à une joie sainte et toute spirituelle. Tous ces avantages se trouvent exprimés d'une manière ineffable dans le nom de Jésus. Faut-il allumer dans nos cœurs un tendre amour de Dieu ? Mais qui serait assez dur pour ne pas aimer un Sauveur dont la puissance est sans bornes, puisque rien n'échappe à son empire; les richesses inépuisables, puisqu'il est le maître de l'univers ; la bonté et la miséricorde infinies, puisque de son plein gré il a entrepris de sauver tous les hommes et de les sauver d'une manière admirable ? Que fallait-il, en effet, pour accomplir cette grande réparation ? Une parole suffisait; la charité de Dieu ne s'en est pas contentée. Il a voulu qu'il lui en coûtât du sang. Il commença à le répandre en ce jour de la circoncision ; mais ce n'était pas assez. Il monta sur la croix ; là il versa son sang jusqu'à la mort ; et pour que le sacrifice et l'expiation fussent complets, il permit qu'un soldat armé d'une lance lui ouvrit le côté pour en laisser échapper jusqu'à la dernière goutte. Quant à notre espérance, en qui serait-elle mieux placée, qu'en celui qui veut être appelé Jésus, c'est-à-dire Sauveur ?
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A ce sujet, remarquons la différence qu'il y a entre agir par circonstance, et agir par devoir.

Il y a des hommes qui font de grandes choses ; mais il faut que l'occasion s'en présente. D'autres, au contraire, travaillent par devoir : ceux-là sont tellement appliqués à leur charge, que, quand l'occasion de faire le bien vient à leur manquer, ils la font naître par un effort de leur volonté. Considérez les médecins, les peintres, les écrivains, en un mot tous les artisans ; avec quelle constante ardeur ils demeurent appliqués à leur ouvrage ! Ils s'en détachent avec peine, et le jour où la matière leur fait défaut, ils se livrent aux recherches les plus assidues, pour n'être pas obligés d'interrompre leur travail. Si donc aujourd'hui notre divin enfant reçoit le nom et la charge de Sauveur, savez-vous ce qu'il faut en conclure ? C'est que notre Seigneur Jésus-Christ consacrera tous ses soins à procurer notre salut ; il y travaillera malgré nos vices, et presque malgré nous ; et si nous refusons d'aller à lui, il viendra lui-même à nous. Et sachez-le bien, chrétiens, notre salut est encore aussi cher à Jésus, qu'au temps de sa vie mortelle, alors qu'il avait son séjour parmi les hommes, et qu'il parcourait les bourgs et les châteaux de la Judée pour sauver une âme perdue..

Aujourd'hui qu'il est chef de son Eglise, il travaille à la même œuvre avec la même ardeur, en gardant et en conduisant tous les membres dans les voies du Saint-Esprit. Semblable au soleil, Jésus tourne ses pas vers le midi pour remonter ensuite vers le septentrion, faisant luire sa lumière pour les bons et pour les méchants. Témoin des assauts du tentateur, qui rôde autour de nous comme un lion rugissant et cruel, cette Sagesse incréée a pris en ses mains notre défense : elle s'est constituée notre protection et notre bouclier contre les attaques incessantes de l'infatigable ennemi du genre humain.

S'il en est ainsi, dites-moi s'il est possible de mieux placer nos espérances ? Où trouver plus de puissance qu'en Jésus ? où trouver plus de grandeur et de sagesse ? où rencontrer une plus grande miséricorde et une plus douce bonté ? Jésus est notre Sauveur ; que faut-il de plus pour asseoir et fortifier notre espoir ? Si vous me parlez de l'obéissance, je crois que nous la devons surtout à celui qui tient entre ses mains notre vie temporelle et notre salut éternel, qui est le centre où aboutissent toutes les existences et tous les intérêts dans le temps et dans l'éternité. Le roi Darius, voulant recommander à la vénération de ses peuples le Dieu de Daniel n'invoque pas d'autres titres que ceux de libérateur et de sauveur : « Que tous ceux qui habitent la terre, s'écrie-t-il, craignent le Dieu de Daniel ; car il est le libérateur et le sauveur, c'est lui qui a délivré Daniel de la fosse aux lions. » Dan. VI, 27. Célébrons aujourd'hui notre Sauveur ; exaltons à l'envi ses perfections ; ou plutôt, rapportons-lui notre puissance et notre gloire, et disons, à l'exemple du Prophète : « Je me réjouirai dans le Seigneur, je tressaillerai de joie dans le Dieu de mon salut. » Habac. III, 18.
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N'est-ce pas comme s'il disait : Que les autres mettent leur joie dans des biens passagers et frivoles, qu'ils vantent leur crédit et leur puissance, qu'ils racontent à l'univers leurs succès et leurs triomphes, qu'ils étalent à tous les yeux la longue série de leurs ancêtres ; pour moi, je n'estime pas ces biens qui passent, je me réjouirai seulement dans le Seigneur, et je mettrai ma joie dans le Dieu mon Sauveur. Dieu est ma force dans les combats contre le prince des ténèbres ; il garde mes pas fidèles dans la voie de ses commandements, il m'y protège à chaque instant, jusqu'à ce qu'il m'introduise dans le port si désiré du bonheur, où j'entrerai en chantant ses louanges, en célébrant dans un hymne éternel sa miséricorde et ses bienfaits. Soyez donc fiers, chrétiens, de pouvoir prononcer ce doux nom de Jésus ! car, vous le voyez, le nom de Jésus nous conduit par la main à la pratique de toutes les vertus; il est comme le résumé des miséricordes du Seigneur et de toutes les merveilles de la religion chrétienne.

O mes frères, consacrons toutes les facultés de notre âme et tous les instants de notre vie à célébrer ce nom trois fois saint : votre piété ne restera pas sans récompense ; car le Seigneur a promis ses faveurs à ceux qui chanteraient ses louanges. Je ne doute pas qu'il parlât du Sauveur, quand il disait par la bouche de son serviteur : « Je bénirai ceux qui vous béniront, et je maudirai ceux qui vous maudiront, » Gen. XII, 3 ; ou bien quand il inspirait au saint patriarche Isaac cette dernière bénédiction : « Celui qui vous bénira sera béni, et ceux qui vous maudiront seront remplis de mes malédictions.) Gen. XIX, 29. Si ce nom adorable mérite tant de respects, quel sort malheureux attend ceux qui le traitent avec mépris, qui le prennent en témoignage pour des motifs futiles, et surtout ceux qui s'en servent pour appuyer leurs mensonges ! C'est à la vue de ces indignités que le Prophète entrait dans une sainte fureur, et demandait au Seigneur d'éloigner ces impies de la société des hommes : Ceux qui vous blasphèment, Seigneur, ne prennent-ils point votre nom en vain ? II ne faut pas s'étonner du langage du saint roi David : pénétré d'admiration pour la profonde sagesse et la providence de Dieu, il vient de chanter dans tout le psaume avec quelle piété, avec quel religieux respect il faut s'approcher de la Majesté divine; puis, son regard tombant sur les impies, il s'indigne de voir leur mépris et leur indifférence pour le nom de Dieu. « 0 mon Dieu, s'écrie-t-il, faites mourir les méchants et les hommes sanguinaires ; et vous, pécheurs, retirez-vous loin de moi.» Ps.CXXXVIII, 19.

Vous avez entendu le Prophète parler avec colère des profanateurs du nom de Dieu, et leur reprocher leur ingratitude; quelle n'aurait pas été son indignation, s'il avait pu contempler le plus grand de tous les bienfaits, celui de la rédemption ? Nous n'insisterons pas,mes frères, sur son langage; il conviendrait peu avec les sentiments de charité qui doivent nous animer. Rappelez-vous cependant, que vous avez été arrachés à la puissance du démon par la vertu de ce nom adorable ; que ce souvenir excite votre respect, augmente votre amour et nourrisse votre dévotion. En voilà assez sur l'Evangile ; revenons à la suite de nos propositions.

(à suivre)
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SECOND POINT.

L'alliance que Dieu conclut avec Abraham est un des faits les plus importants de l'ancien Testament; il est même le fondement de toute la loi de Moïse. Dans toute alliance il y a deux contractants, en même temps qu'une loi qui fait la matière du contrat.
Dans celle-ci, les deux contractants étaient Dieu et l'homme; Dieu demandait à l'homme une piété sincère, un culte digne de son adorable majesté ; il se déclarait en retour le protecteur de l'homme, et lui promettait la terre de Chanaan. Voilà la convention dans toute sa substance. La circoncision fut à la fois le sceau apposé à cette grande alliance, et le signe qui devait servir à distinguer le peuple privilégié de tous les autres peuples. Comme vous le voyez, notre sujet demande que nous parlions de la promesse divine, et de la circoncision qui en perpétuait parmi les hommes le souvenir.

Et d'abord, il est bon de savoir ce que signifie cette promesse de Dieu à son serviteur Abraham : « Je serai ton Dieu et le Dieu de ta race. » Gen. XVII, 7. Que veulent dire ces paroles ? Est-ce que, par hasard, Dieu ne serait pas le maître de tous les autres peuples ? Ne le croyez pas, mes frères ; il est le Dieu des bons et des méchants, de ceux même qui ne veulent pas de son empire. Entendez-le s'écrier par la bouche de son prophète Ezéchiel : « Je vis et je régnerai sur vous dans toute la force de mon bras et dans toute l'effusion de ma colère. » Vivo ego, quia in brachio extento et furore effuso regnabo super vos. Ezech. XX, 33. C'est en vain, comme le dit saint Augustin, que l'impie refuse de se reconnaître le vassal de Dieu, c'est en vain qu'il tâche d'échapper à son empire ; loin de fuir sa présence, il s'en approche toujours davantage ; seulement, à la place d'un Dieu plein de bonté, il ne rencontre plus qu’un Dieu irrité et vengeur. Je ne sais pas mieux le comparer, qu'à un homme placé au milieu de la terre, et qui voudrait éviter l'aspect du ciel ; plus il s'écarterait d'un coté de l'horizon, plus il se rapprocherait de l'autre. Dieu exerce donc un empire souverain sur toutes les créatures, sur ses enfants soumis, et sur les sujets rebelles ; mais il n'est pas le même pour tous. Dieu se manifeste surtout en faisant éclater dans ses œuvres la grandeur de sa puissance : les bons et les méchants, tous en éprouvent ses effets. Mais avec quelle différence ! Pour les méchants, elle se traduit en de terribles punitions : c'est ainsi que le prince des ténèbres fut saisi au milieu de ses aspirations insensées, et précipité du plus beau trône des cieux dans les gouffres de l'enfer. Le châtiment infligé à l'impudique Hérode ne fut pas moins rigoureux : cet homme, enflé par l'esprit d'orgueil, se faisait offrir par un peuple complaisant un encens idolâtre ; au plus beau moment de ses triomphes, il tombe frappé d'une maladie incurable, et rend son âme impure dans les plus affreux tourments. Pharaon mourut de la même manière, et le Seigneur donne la raison de ces catastrophes dans ces paroles qu'il adressait au roi des Egyptiens : « Je vous ai établi pour faire éclater en vous ma puissance et pour rendre mon nom célèbre par toute la terre. » Exod. IX, 16. Voilà comment le Seigneur manifeste sa puissance sur le génie du mal, et lui écrase la tête. Mais combien est différente la manifestation de Dieu envers les justes ! Il les invite de la manière la plus pressante à puiser dans les trésors de sa grâce et à goûter les délices de son amour. « On vous portera entre les bras, et vous jouerez sur les genoux de Jérusalem. Comme une mère console son enfant, ainsi je vous consolerai et vous serez consolés dans Jérusalem, » Isai. lXVI, 12-13. Ainsi parle le Seigneur ; et plus bas il ajoute : « Et les serviteurs du Seigneur connaîtront la puissance de son bras, » 1b. 14. Car ils seront comblés de tant de bienfaits, que la main du Seigneur apparaîtra visiblement dans cette abondance sainte. Oh ! mille fois heureux, ceux qui ne connaissent la puissance de Dieu que par les biens qu'ils en ont reçus ! Toutes les pages de la sainte Ecriture nous racontent les merveilles de ces faveurs signalées, et le Prophète royal les énumère dans le psaume qui commence par ces mots : « Mon âme, bénissez le Seigneur, et que tout ce qui est au dedans de moi bénisse son saint nom ; c'est lui, ajoute-t-il, qui a pardonné toutes tes iniquités ; il a guéri toutes tes langueurs ; il a racheté ta vie de la mort ; il te couronne de miséricorde et d'amour. » Ps. CVI, 1-4. Comme s'il se sentait incapable de connaître toute la grandeur des dons de Dieu, il les résume dans ces mots : « Il te couronne enfin de miséricorde et d'amour. »
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C'est ainsi que le Seigneur fait éclater sa puissance aux yeux des bons et des méchants, et qu'il se montre Dieu à l'égard des uns et des autres.

Étudions en second lieu les devoirs de l'homme envers Dieu : ils sont comme une conséquence naturelle de la promesse que Dieu a faite à l'homme. Dieu a promis de se donner à nous sans réserve; il faut que l'homme, de son côté, se donne à Dieu avec tout ce qu'il possède. Ah ! mes frères, si l'on comprenait bien la grandeur et la bonté du nom de Dieu, on n'hésiterait pas à lui accorder un amour, une confiance et une obéissance sans bornes, et à reconnaître que le Seigneur, en exigeant de tels hommages, ne demande rien au delà de ses droits. Voilà le fondement de nos devoirs envers Dieu ; mettons en lui notre espérance, notre félicité et notre gloire ; faisons-lui sans réserve, comme sans regret, l'hommage de notre cœur et de tous nos biens. S'il est notre père, ayons pour lui les sentiments d'un fils ; s'il est notre Dieu, rendons-lui le culte et l'honneur qu'il a droit d'attendre de nous.

Vous connaissez le mot d'un sénateur à Domitien, rapporté par saint Jérôme : « Traitez-moi en sénateur, et je vous traiterai en prince. » Cur ego te habeam ut principem, cum tu me non habeas ut senatorem ? A son exemple, je pourrais vous dire : Traitez en prince celui qui vous traite en sénateur. Dieu, par un effet de son infinie bonté, devient spécialement votre Dieu, votre protecteur, votre père. Mais, dira-t-on, je regarde le Seigneur comme un Dieu, et je me soumets entièrement à sa volonté. Vous avez bien dit; mais vos sentiments sont-ils conformes à vos discours ? Saint Augustin fait remarquer avec raison, que nous appartenons à celui qui a reçu notre cœur, et non pas nos promesses.

C'est aussi le sentiment de l'apôtre saint Paul, quand il nous dit, « qu'il y a des hommes qui n'ont pas d'autre Dieu que leur ventre. » Phil. III, 19. Ils ont bien le nom de Dieu sur les lèvres ; mais leurs cœurs sont plus attachés à leurs appétits grossiers qu'à leur Dieu. Ils sont les adorateurs d'une divinité honteuse, ceux qui obéissent à leur chair, qui ne savent rien refuser à leurs inclinations, et qui violent sans raison les jeûnes imposés par l'Eglise. Ces hommes préfèrent leur ventre à Dieu : à l'exemple d'Isaïe, ils ne craignent pas de sacrifier l'amitié de Dieu à un misérable intérêt temporel. Ils n'honorent Dieu que du bout des lèvres ; mais leurs pensées et leurs affections sont ailleurs, à leurs appétits, à la gourmandise et à l'intempérance.

Celui qui veut servir Dieu en esprit et en vérité, et s'abandonner entièrement à sa volonté, doit l'aimer de toute son âme et de toutes ses forces. On ne peut aimer Dieu d'un amour sincère sans lui faire don de soi-même et de tous ses biens; car tout est renfermé dans l'amour, et celui qui a donné son cœur a tout donné. Cette vérité bien établie, il est facile de comprendre pourquoi la circoncision est le signe le plus naturel de notre alliance avec Dieu. La circoncision spirituelle consiste dans le retranchement entier de toutes les passions et des désirs charnels; c'est par elle que nous arrachons de nos âmes tous les germes de corruption, pour y laisser croître et fleurir la vertu de charité. De même que les corps pesants, privés de l'appui qui les soutenait dans l'air, retombent d'eux-mêmes et reprennent leur place naturelle ; de même notre âme, qui est faite pour les biens spirituels et éternels, débarrassée par le secours du ciel des liens qui la retenaient captive, remonte vers Dieu par un élan rapide et volontaire, et lui offre l'hommage de son amour. Telle est la doctrine clairement exprimée par les paroles de mon texte : « Le Seigneur circoncira votre cœur et le cœur de vos enfants, afin que vous aimiez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur et de toute votre âme, et que vous puissiez vivre. » Circumcidet Dominus cor tuum et cor seminis tui, ut diligas Dominum Deum tuum ex toto corde tuo et ex tota anima tua, et possis vivere. La circoncision écarte tous les obstacles, et permet à notre amour de se développer librement.

Ô vous tous, qui faites profession d'aimer le Seigneur, voyez si vous avez arraché de votre cœur les mauvais instincts qui étouffent la charité. Tant que vous n'aurez pas épuré votre conscience, c'est en vain que vous vous flatterez d'avoir la charité ; elle ne peut pas se trouver dans un cœur ainsi disposé.

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C'est ainsi que le Seigneur fait éclater sa puissance aux yeux des bons et des méchants, et qu'il se montre Dieu à l'égard des uns et des autres.

Étudions en second lieu les devoirs de l'homme envers Dieu : ils sont comme une conséquence naturelle de la promesse que Dieu a faite à l'homme. Dieu a promis de se donner à nous sans réserve; il faut que l'homme, de son côté, se donne à Dieu avec tout ce qu'il possède. Ah ! mes frères, si l'on comprenait bien la grandeur et la bonté du nom de Dieu, on n'hésiterait pas à lui accorder un amour, une confiance et une obéissance sans bornes, et à reconnaître que le Seigneur, en exigeant de tels hommages, ne demande rien au delà de ses droits. Voilà le fondement de nos devoirs envers Dieu ; mettons en lui notre espérance, notre félicité et notre gloire ; faisons-lui sans réserve, comme sans regret, l'hommage de notre cœur et de tous nos biens. S'il est notre père, ayons pour lui les sentiments d'un fils ; s'il est notre Dieu, rendons-lui le culte et l'honneur qu'il a droit d'attendre de nous.

Vous connaissez le mot d'un sénateur à Domitien, rapporté par saint Jérôme : « Traitez-moi en sénateur, et je vous traiterai en prince. » Cur ego te habeam ut principem, cum tu me non habeas ut senatorem ? A son exemple, je pourrais vous dire : Traitez en prince celui qui vous traite en sénateur. Dieu, par un effet de son infinie bonté, devient spécialement votre Dieu, votre protecteur, votre père. Mais, dira-t-on, je regarde le Seigneur comme un Dieu, et je me soumets entièrement à sa volonté. Vous avez bien dit; mais vos sentiments sont-ils conformes à vos discours ? Saint Augustin fait remarquer avec raison, que nous appartenons à celui qui a reçu notre cœur, et non pas nos promesses.

C'est aussi le sentiment de l'apôtre saint Paul, quand il nous dit, « qu'il y a des hommes qui n'ont pas d'autre Dieu que leur ventre. » Phil. III, 19. Ils ont bien le nom de Dieu sur les lèvres ; mais leurs cœurs sont plus attachés à leurs appétits grossiers qu'à leur Dieu. Ils sont les adorateurs d'une divinité honteuse, ceux qui obéissent à leur chair, qui ne savent rien refuser à leurs inclinations, et qui violent sans raison les jeûnes imposés par l'Eglise. Ces hommes préfèrent leur ventre à Dieu : à l'exemple d'Isaïe, ils ne craignent pas de sacrifier l'amitié de Dieu à un misérable intérêt temporel. Ils n'honorent Dieu que du bout des lèvres ; mais leurs pensées et leurs affections sont ailleurs, à leurs appétits, à la gourmandise et à l'intempérance.

Celui qui veut servir Dieu en esprit et en vérité, et s'abandonner entièrement à sa volonté, doit l'aimer de toute son âme et de toutes ses forces. On ne peut aimer Dieu d'un amour sincère sans lui faire don de soi-même et de tous ses biens; car tout est renfermé dans l'amour, et celui qui a donné son cœur a tout donné. Cette vérité bien établie, il est facile de comprendre pourquoi la circoncision est le signe le plus naturel de notre alliance avec Dieu. La circoncision spirituelle consiste dans le retranchement entier de toutes les passions et des désirs charnels; c'est par elle que nous arrachons de nos âmes tous les germes de corruption, pour y laisser croître et fleurir la vertu de charité. De même que les corps pesants, privés de l'appui qui les soutenait dans l'air, retombent d'eux-mêmes et reprennent leur place naturelle ; de même notre âme, qui est faite pour les biens spirituels et éternels, débarrassée par le secours du ciel des liens qui la retenaient captive, remonte vers Dieu par un élan rapide et volontaire, et lui offre l'hommage de son amour. Telle est la doctrine clairement exprimée par les paroles de mon texte : « Le Seigneur circoncira votre cœur et le cœur de vos enfants, afin que vous aimiez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur et de toute votre âme, et que vous puissiez vivre. » Circumcidet Dominus cor tuum et cor seminis tui, ut diligas Dominum Deum tuum ex toto corde tuo et ex tota anima tua, et possis vivere. La circoncision écarte tous les obstacles, et permet à notre amour de se développer librement. O vous tous, qui faites profession d'aimer le Seigneur, voyez si vous avez arraché de votre cœur les mauvais instincts qui étouffent la charité. Tant que vous n'aurez pas épuré votre conscience, c'est en vain que vous vous flatterez d'avoir la charité ; elle ne peut pas se trouver dans un cœur ainsi disposé.
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Travaillez à votre amendement, et si vous sentez faiblir vos forces, implorez humblement le secours du ciel ; Dieu exaucera votre prière, parce qu'il a promis de venir en aide à ses serviteurs. Les paroles que je viens de citer en sont une preuve évidente. La version chaldaïque est encore plus expressive que ces mêmes paroles : Le Seigneur circoncira la folie de votre cœur et la folie du cœur de vos enfants, afin que vous aimiez le Seigneur. L'écrivain sacré a bien raison d'appeler folie les obstacles qui gênent la charité dans nos cœurs, et je ne connais rien de plus insensé que de préférer à Dieu des biens passagers et frivoles. Vous sentez bien à présent toute la nécessité de cette circoncision du cœur, appelée par les maîtres de la vie spirituelle, du nom de mortification ou d'abnégation de soi. Saint Augustin, parlant sur ce sujet, ne craint pas d'affirmer que notre amour pour Dieu ne peut être parfait en cette vie, parce qu'il est impossible d'y circoncire entièrement notre cœur. Les passions, et en particulier l'amour exagéré de nous-mêmes, ont jeté au fond de notre cœur de trop profondes racines, pour que nous puissions les arracher tout à fait d'au dedans de nous.

Et ici, chrétiens, je vous entends me demander comment mes paroles peuvent se concilier entre elles. Car je vous ai déjà dit que la circoncision spirituelle du cœur s'opérait par l'amour de Dieu ; et Moïse, au contraire, semble expressément déclarer par ces paroles, que l'amour de Dieu est dans nos âmes la conséquence de la circoncision du cœur, de telle sorte que nous ne pouvons aimer Dieu si nous ne sommes circoncis. Comment cela peut-il se faire ? Est-ce que la circoncision peut être à la fois la cause et l'effet de l'amour ? La contradiction n'est qu'apparente, et bien facile à expliquer. La circoncision et l'amour sont inséparables; ils se prêtent l'un et l'autre un mutuel secours ; et dès lors rien d'étonnant que ces choses soient à la fois l'une par rapport à l'autre cause et effet. Nous nous élevons d'autant plus librement vers les choses célestes, que nous avons abdiqué avec plus de franchise les choses d'ici-bas, et que nous nous sommes débarrassés des liens des passions; nous avons d'autant plus de mépris pour les vils intérêts de la terre, que nous poursuivons avec un amour plus ardent et plus sincère les biens inestimables du ciel. C'est ainsi que l'amour, introduit dans nos âmes par la circoncision spirituelle, fortifie à son tour d'une façon admirable l'efficacité de la circoncision spirituelle, rend ses effets durables, et nous dispose à jouir pleinement de toutes les délices qu'elle procure.

Supposez, mes frères, qu'un homme passionné pour la musique assiste à un concert magnifique ; figurez-vous-le au milieu des chants sublimes, entouré d'harmonieuses mélodies, et représentez-vous tout le plaisir qu'il goûte ! Mais qu'un importun vienne troubler en ce moment son bonheur; qu’un bruit soudain, un entretien malencontreux vienne suspendre la douceur de ces harmonies, comme il maudira ces contre-temps désagréables quelque nécessaires et quelque doux qu'ils soient en eux-mêmes !

Ceux qui aiment Dieu sincèrement, ceux qui vivent sans cesse dans les épanchements de cette sainte et suave union, font ainsi par rapport à tous les obstacles opposés à leurs saints désirs ; ils les écartent avec sollicitude, de peur que leur présence ne les empêche d'en goûter toutes les délices. Voyez-vous maintenant comme je n'ai pas eu tort de vous dire que la circoncision était la cause et l'effet de l'amour de Dieu ? D'ailleurs, nous rencontrons, même dans le monde physique, de ces merveilles surprenantes. N'est-il pas vrai que la lumière de l'aurore naissante chasse les ténèbres dans les airs, et que plus l'air est pur, plus il est débarrassé de nuages, plus aussi il réfléchit en lui les premiers feux du jour ? Ne sommes-nous pas encore témoins tous les jours d'un autre phénomène ? Lorsque nous jetons au milieu des flammes du bois humide, la force du feu le dessèche vite ; mais en retour, dès que ce bois est ainsi desséché sous l'influence de la chaleur, il s'enflamme facilement et entretient le feu par son embrasement. Le dessèchement du bois est ici en quelque façon l'effet de la flamme, et aussi plus tard la cause même de la flamme; il procure une combustion plus rapide, et augmente l'intensité du brasier. Concluons de tout cela, que les deux vertus dont il s'agit, sont essentiellement unies l'une à l'autre, et qu'elles ne peuvent exister indépendamment l'une de l'autre ; elles se complètent mutuellement, et de même qu'on ne conçoit pas l'amour de Dieu sans la circoncision, on ne peut concevoir la circoncision sans l'amour.
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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour la fête de la Circoncision

Message par Laetitia »

Après ces explications, mes frères, il nous sera aisé de comprendre combien est grande l'illusion de ces hommes qui croient pouvoir s'adonner exclusivement et en toute sûreté à la prière, à la contemplation des choses divines, à tout ce qui peut, en un mot, allumer la charité dans nos cœurs, sans se préoccuper de leur propre circoncision spirituelle, c'est-à-dire des œuvres de la mortification. D'autres, au contraire, espèrent obtenir en eux la mortification des passions par le seul effet de l'amour de Dieu. Ils se trompent tous également, et ils sont les uns et les autres dans une étrange erreur. Quelques efforts qu'ils fassent, si vifs leurs désirs soient-ils, j'affirme qu'ils n'obtiendront rien, ni les uns ni les autres, en négligeant ce qu'ils négligent. Votre nature est tellement corrompue, elle est tellement plongée dans l'abîme que ses vices ont creusé, qu'il ne faut rien de moins que la flamme du divin amour pour l'éclairer dans ses erreurs, pour l'aider à triompher de son égoïsme détestable, et enfin pour détruire jusque dans leurs racines les germes développés des passions.

Sans cet ardent amour de Dieu qui ne raisonne pas, qui oserait lever contre soi-même l'étendard de la guerre ? qui prendrait les armes pour se frapper ? qui pourrait espérer de donner la mort à ses passions ? qui pousserait le courage jusqu'à se haïr soi-même et à vaincre les propensions de sa nature ? Au reste, mes frères, cela se comprend. Il faut au navigateur hardi qui, livrant sa vie et sa fortune aux flots trompeurs, parcourt le monde et ne craint pas d'aller aborder sur les rivages les plus éloignés des Indes, il faut, dis-je, à cet homme un motif pressant, une soif passionnée de conquérir de l'or ; sans cela, il se gardera de s'exposer aux chances multipliées de la mer. Il faut aussi à l'homme un certain avant goût de la douceur de l'amour de Dieu, pour qu'il travaille avec joie à sa circoncision spirituelle, c'est-à-dire aux sacrifices si pénibles de la mortification. Jamais la haine ne produisit l'amour ; c'est plutôt l'amour qui engendre la haine de soi-même et la répression des passions. C'est ce que signifie dans l'Evangile ce marchand, qui, dès qu'il eut rencontré les trésors de l'amour divin, sacrifia et vendit tout ce qu'il avait pour les posséder. L'époux des Cantiques nous fait concevoir une haute idée de ces deux vertus, d'abord quand il nomme l'encens et la myrrhe parmi les vertus les plus agréables, car, vous le savez, l'encens est le symbole de la prière, et la myrrhe celui de la mortification ; ensuite et surtout, quand il parle de la saison des chants et de la voix de la tourterelle. La voix de la tourterelle, mes frères, qu'est-ce autre chose que la voix de la prière, les soupirs embrasés et les gémissements inénarrables de l'âme chaste désirant jouir de la présence de son époux ?

Quant à la saison des chants, vous comprenez ce que nous devons entendre par là ; c'est l'époque de l'année où l'on coupe avec soin les rameaux stériles des vignes, qui par leur verdure inutile nuiraient à la fécondité, pour laisser croître et se développer les branches qui doivent porter des fruits ; elle nous est donc un signe évident de la circoncision spirituelle et de la mortification, vertus inséparables l'une de l'autre.
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Laetitia
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Re: Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour la fête de la Circoncision

Message par Laetitia »

Permettez-moi, chrétiens, de vous indiquer la marche que vous devez suivre dans cette ascension de votre âme vers l'amour de Dieu, et dans la mortification de vous-mêmes. Dans cette science divine, comme dans les autres, il ne faut pas agir à l'aventure et par caprice ; il y a des degrés, et partant, nous devons proportionner nos efforts à nos forces. Si vous êtes encore novices dans cet art divin, nourrissez-vous de lait, c'est-à-dire de bonnes prières et de saintes méditations ; vous vous élèverez ensuite de vous-mêmes, après avoir goûté les douceurs de la piété et les consolations de la ferveur, jusqu'aux plus rudes épreuves de la mortification de la chair ; vous prendrez sans hésitation les armes contre vous-mêmes, et vous porterez joyeusement la croix de Jésus-Christ. D'où vous pourrez conclure, malgré ce que nous avons dit de l'intime affinité de ces deux devoirs de la vie spirituelle, que vous devez au commencement de votre sainte entreprise faire ce qui offre le moins de difficulté, et réserver les œuvres les plus difficiles pour des temps où vous serez plus forts.

Notre-Seigneur a voulu vous donner cette leçon dans ce passage de l’Évangile où il dit qu'il faut placer le vin nouveau dans des vases nouveaux et non dans des vases anciens. Cette comparaison nous apprend que les plus affermis doivent seuls entreprendre de pratiquer les vertus les plus difficiles, tandis que les faibles, ceux qui ne peuvent point encore compter sur leurs forces, doivent s'attacher aux pratiques les moins rigoureuses et les moins austères. C'est encore la signification de ces deux coupes remplies de vin et de lait, auxquelles le Seigneur nous convie par la bouche de son prophète Isaïe : l’une, la coupe qui contient le lait, est destinée aux enfants en Jésus-Christ ; l'autre, la coupe remplie de vin, contient le breuvage des adultes et des âmes fortes dans le même Jésus-Christ.

(à suivre)
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