Re: Le secret admirable du Très Saint Rosaire
Publié : lun. 07 sept. 2015 17:25
Saint Louis Marie Grignion de Monfort a écrit :
Rose 45
129. J'ajoute qu'il faut réciter le saint Rosaire avec modestie, c'est-à-dire, autant qu'on peut, à genoux, les mains jointes, le rosaire en mains. Si cependant on est malade, on peut le dire en son lit ; si on est en voyage, on peut le dire en marchant ; si pour quelques infirmités on ne peut être à genoux, on peut le dire debout ou assis. On peut même le réciter en travaillant, lorsqu'on ne peut pas quitter son travail, pour satisfaire aux devoirs de sa profession, car le travail manuel n'est pas toujours contraire à la prière vocale. J'avoue que notre âme étant limitée dans son opération, quand elle est attentive au travail des mains, elle en est moins attentive aux opérations de l'esprit, telle qu'est la prière; mais cependant, dans la nécessité, cette prière a son prix devant la sainte Vierge, qui récompense plus la bonne volonté que l'action extérieure.
130. Je vous conseille de partager votre Rosaire en trois chapelets ou trois différents temps de la journée ; il vaut mieux le partager ainsi que de le dire tout à la fois. Si vous ne pouvez pas trouver assez de temps pour en dire le tiers de suite, dites-en une dizaine ici et une dizaine là ; vous pourrez faire en sorte, malgré toutes vos occupations et affaires, que vous ayez dit votre Rosaire tout entier avant de vous mettre au lit. Imitez en cela la fidélité de saint François de Sales. Etant un soir fort fatigué des visites qu'il avait faites pendant la journée, et étant près de minuit, il se ressouvint qu'il lui restait quelques dizaines de son Rosaire à dire, il se mit à genoux et les récita avant de se coucher, malgré tout ce que son aumônier, qui le voyait fatigué, lui pût dire pour l'engager à remettre à dire au lendemain ce qui lui restait de prières. Imitez encore la fidélité, modestie et dévotion de ce saint religieux, dont parlent les chroniques de saint François, qui avait coutume, avant le dîner, de réciter un chapelet avec beaucoup d'attention et de modestie... J'en ai parlé ci-devant.
Rose 46
131. De toutes les manières de réciter le saint Rosaire, la plus glorieuse à Dieu, la plus salutaire à l'âme et la plus terrible au diable, c'est de le psalmodier ou réciter publiquement à deux choeurs. Dieu aime les assemblées. Tous les anges et les bienheureux assemblés dans le ciel y chantent incessamment ses louanges. Les justes assemblés en plusieurs communautés sur la terre y prient en commun jour et nuit. Notre-Seigneur a expressément conseillé cette pratique à ses apôtres et disciples, et leur promit que toutes les fois qu'ils seraient au moins deux ou trois assemblés en son nom, il se trouverait au milieu de ceux qui sont assemblés pour prier en son mon et réciter sa même prière. Quel bonheur d'avoir Jésus-Christ en sa compagnie ! Pour le posséder il ne faut que s'assembler pour dire le chapelet. C'est la raison pourquoi les premiers chrétiens s'assemblaient si souvent pour prier ensemble, malgré les persécutions des empereurs, qui leur défendaient les assemblées. Ils aimaient mieux s'exposer à la mort que de manquer à s'assembler pour avoir la compagnie de Jésus-Christ.
132. Cette manière de prier est plus salutaire à l'âme :
1 - parce que l'esprit est ordinairement plus attentif dans une prière publique que dans une particulière ;
2 - quand on prie en commun, les prières de chaque partriculier deviennent communes à toute l'assemblée et ne font toutes ensemble qu'une même prière, en sorte que, si quelque particulier ne prie pas si bien, un autre dans l'assemblée qui prie mieux supplée à son défaut. Le fort supporte le faible, le fervent embrase le tiède, le riche enrichit le pauvre, le mauvais passe parmi le bon. Comment vendre une mesure d'ivraie ? Il ne faut pour cet effet que la mêler avec quatre ou cinq boisseaux de bon blé; le tout est vendu.
3 - Un personne qui récite son chapelet toute seule n'a que le mérite d'un chapelet; mais si elle le dit avec trente personnes, elle a le mérite de trente chapelets. Ce sont les lois de la prière publique. Quel gain ! quel avantage !
4 - Urbain huitième, étant fort satisfait de la dévotion du saint Rosaire qu'on récitait à deux choeurs, en plusieurs lieux de Rome, particulièrement au couvent de la Minerve, donna cent jours d'indulgences toutes les fois qu'on le réciterait à deux choeurs : Toties quoties. Ce sont les termes de son bref qui commence: Ad perpetuum rei memoriam, an 1626. Ainsi, toutes les fois qu'on dit le chapelet en commun, on gagne cent jours d'indulgences.
5 - C'est que cette prière publique est plus puissante, pour apaiser la colère de Dieu et attirer sa miséricorde, que la prière particulière, et l'Eglise, conduite par le Saint- Esprit, s'en est servie dans tous les temps de calamités et de misères publiques. Le pape Grégoire XIII déclare, par sa bulle, qu'il faut pieusement croire que les prières publiques et processions des confrères du saint Rosaire avaient beaucoup contribué à obtenir de Dieu la grande victoire que les chrétiens gagnèrent au golfe de Lépante sur l'armée navale des Turcs, le 1er dimanche d'octobre en 1571.
133. Louis le Juste, d'heureuse mémoire, assiégeant La Rochelle, où les hérétiques tenaient leurs forts, écrivit à la reine sa mère de faire faire des prières publiques pour la prospérité de ses armes. La reine résolut de faire réciter le Rosaire publiquement dans l'église des Frères prêcheurs du faubourg Saint-Honoré de Paris, ce qui fut exécuté par les soins de Monseigneur l'archevêque. On commença cette dévotion le 20 mai 1628. La reine mère et la reine régnante s'y rendirent, avec Monseigneur le duc d'Orléans, les cardinaux de la Rochefoucault et de Bérulle, plusieurs prélats, toute la cour et une foule innombrable de peuple. Monseigneur l'archevêque lisait à haute voix les méditations sur les mystères du Rosaire, il commençait ensuite le Pater et l'Ave de chaque dizaine et les religieux avec les assistants répondaient ; après le chapelet, on portait l'image de la sainte Vierge en procession, en chantant ses litanies. On continua cette dévotion tous les samedis avec une ferveur admirable et une bénédiction du ciel évidente, car le roi triompha des Anglais à l'île de Ré et entra victorieux dans La Rochelle, le jour de la Toussaint de la même année. On voit par là quelle est la force de la prière publique.
134. Enfin le Rosaire récité en commun est bien plus terrible au démon, puisqu'on fait, par ce moyen, un corps d'armée pour l'attaquer. Il triomphe quelquefois fort facilement de la prière d'un particulier, mais si elle est unie à celle des autres, il n'en peut venir à bout que difficilement. Il est aisé de rompre une houssine toute seule ; mais si vous l'unissez avec plusieurs autres et en faites un faisceau, on ne peut plus la rompre. "Vis unita fit fortior". Les soldats s'assemblent en corps d'armée pour battre leurs ennemis ; les méchants s'assemblent souvent pour faire leurs débauches et leurs danses ; les démons même s'assemblent pour nous perdre; pourquoi donc les chrétiens ne s'assembleront-ils pas pour avoir la compagnie de Jésus-Christ, pour apaiser la colère de Dieu, pour attirer sa grâce et sa miséricorde, et pour vaincre et terrasser plus puissamment les démons ? Cher confrère du Rosaire, si vous demeurez à la ville ou à la campagne, auprès de l'église de la paroisse ou d'une chapelle, allez-y au moins tous les soirs, avec permission de monsieur le recteur de ladite paroisse, et là en compagnie de tous ceux qui voudront y venir réciter le chapelet à deux choeurs ; faites la même chose dans votre maison ou celle d'un particulier du village, si vous n'avez pas la commodité de l'église ou de la chapelle.
135. C'est une sainte pratique que Dieu, par sa miséricorde, a établie dans les lieux ou j'ai fait des missions, pour en conserver et augmenter le fruit, pour empêcher le péché. On ne voyait dans ces bourgs et villages, auparavant que le chapelet y fût établi, que danses, débauches, dissolutions, immodesties, jurements, querelles, divisions; on n'y entendait que des chansons déshonnêtes, paroles à double entente. A présent on n'y entend que le chant des cantiques et la psalmodie du Pater et de l'Ave ; on n'y voit que de saintes compagnies de 20, 30, 100 personnes et plus, qui chantent comme des religieux les louanges de Dieu à une heure réglée. Il y a même des lieux où on récite le Rosaire en commun tous les jours, en trois temps de la journée. Quelle bénédiction du ciel! Comme il y a des réprouvés partout, ne doutez pas qu'il n'y ait, dans les lieux où vous demeurez, quelques méchants qui négligeront de venir au chapelet, qui s'en railleront peut-être même et feront tout ce qu'ils pourront, par leurs mauvaises paroles et leurs mauvais exemples, pour vous empêcher de continuer ce saint exercice ; mais tenez bon. Comme ces malheureux doivent être à jamais séparés de Dieu et de son paradis, dans l'enfer, il faut qu'ici-bas, par avance, ils se séparent de la compagnie de Jésus-Christ et de ses serviteurs et servantes.