Gloria in excelsis Deo !
Et in terra pax hominibus bonae voluntatis !
C'est le message de Noël adressé à chaque âme de bonne volonté.
Voici pour nous y inviter une lecture sur la Paix de l'âme :
L'abbé Baudrand a écrit :
La paix intérieure est l'état d'une âme qui est avec Dieu, qui a le bonheur de vivre dans la grâce et l'amitié de Dieu ; qui, sans pouvoir se dire, non plus que l'Apôtre, qu'elle est justifiée devant Dieu, peut cependant se rendre ce doux témoignage, que sa conscience ne lui reproche rien : que, s'il fallait mourir et paraître devant Dieu, elle espérerait trouver grâce à ses yeux; la paix véritable est l'état d'un ami qui évite avec soin toute faute volontaire et délibérée, quelque légère qu'elle paraisse ; qui vit dans une fidélité inviolable à la grâce, qui craint souverainement de lui résister, de la contrister ; qui tâche de retrancher dans elle tout ce qui pourrait être un obstacle à cette paix. Si elle a des doutes, elle les éclaircit ; si elle a des remords, elle en retranche la cause ; si elle a des retours, des inquiétudes et des peines, elle les offre à Dieu dans le sein de la résignation. Ainsi à couvert des doutes, des retours et des peines, elle ne s'occupe qu'à servir le Seigneur, à observer sa sainte loi, à se conserver dans la crainte salutaire de ses jugements, et plus encore dans la douce espérance en ses miséricordes.
Voilà la paix véritable, en voilà la source, la base et les fondements. Or c'est de cette paix que l'on peut dire, heureuse, mille fois heureuse l'âme qui la possède, qui en connaît le prix, qui en conserve la possession. Jugeons-en par les prodiges que cette paix opère dans l'âme, et par les délices ineffables qu'elle sait goûter, mille fois préférables aux plaisirs des sens : Pax Dei qua exsuperat omnem sensum.
Cette paix entre-t-elle dans l'âme ? Tous les biens entrent de concert avec elle : l'ordre, le calme, la tranquillité, la joie, la consolation, la douceur ; avantages précieux qui font dire avec le sage, le prince pacifique par excellence : Tous les biens me sont venus avec elle : Venerunt mihi omnia bona pariter c*m illa. On est à Dieu, on vit avec Dieu ; on est content dans l'union de son Dieu : ni l'inquiétude ne fait point ses agitations, ni les chagrins ne viennent point verser leur funeste poison, ni les alarmes ne viennent point porter leurs cruelles atteintes. Dans un calme profond des passions, dans une tranquillité immuable de sentiments, l'âme se possède elle-même et se laisse posséder à son Dieu ; l'âme est dans la paix, la paix est dans l'âme : l'âme et la paix sont dans Dieu. Pax Dei.
Cette paix est-elle établie dans l'âme, l'âme, dès lors, devient, le véritable règne de Dieu : Regnum intra vos est. Dieu veut régner dans une âme, mais il veut y régner en paix. Non, Dieu n'habite point dans l'agitation: Non in commotione Dominus. Quand une âme est dans le trouble, c'est comme lorsqu'un état est agité par des guerres civiles, et déchiré par des guerres intestines. Le trouble, l'effroi, le fer, le feu, le carnage y dominent, et avec eux toutes les horreurs. Dans un état paisible, au contraire, tout est calme, tout est tranquille ; les lois y sont observées, les vertus honorées, le peuple heureux, le monarque respecté : cette douce paix devient comme l'âme de cet empire ; elle s'insinue dans ses membres pour les animer, et faire couler partout la joie et l'abondance avec elle. Voilà le règne de Dieu dans une âme ; par cette paix elle devient son trône, son séjour, son empire. C'est le trône où il veut se placer, c'est le séjour où il veut habiter, c'est l'empire où il veut résider ; toutes ses perfections résident de concert dans cette âme ; il la sanctifie par sa présence, il y préside par sa sagesse, il y commande par son autorité, il y domine par sa puissance ; il aime la paix, il cherche la paix ; il est par excellence le Dieu de la paix ; c'est par elle qu'il règne, c'est avec elle qu'il veut régner : Pax Dei.
Cette paix est-elle dans l'âme ? L'âme est alors semblable à une vaste mer, à un océan pacifique et immense. Si les vents se déchaînent, si les flots se brisent, si la fureur de la tempête et l'orage s'élèvent, c'est le règne de l'horreur et de la confusion. Si la mer est paisible, tout change de face ; cette douce tranquillité se fait-elle sentir, le calme étend bien au loin son empire, la sérénité règne dans les airs. Belle image de l'âme en paix ! L'étendue immense de cette mer représente l'étendue de l'empire qu'elle exerce sur elle-même ; la profondeur de cette mer représente la profondeur de la paix dont elle jouit ; et la quantité immense des eaux que la mer renferme représente les biens immenses que cette paix porte dans son sein et fait goûter avec elle : Pax Dei.
Disons plus encore, l'âme est-elle dans cette paix ? Elle devient le miroir fidèle de Dieu et de ses perfections adorables. Non, rien ne représente si vivement, si sensiblement la majesté éternelle de Dieu, que cette paix inaltérable de l'âme. Comme il n'est rien de plus ordinaire parmi les hommes que le trouble, l'inquiétude, la vicissitude et le changement, quand on voit une âme se posséder constamment elle-même dans le repos imperturbable de cette paix, elle parait élevée au-dessus de la condition humaine, et comme transportée jusqu'aux confins de la Divinité. Car qu'est-ce qui nous donne plus l'idée de Dieu et nous fait plus admirer la grandeur de son Être, si ce n'est de le voir toujours le même, toujours inaltérable, toujours invariable, toujours immuable; toujours inaltérable dans la possession de sa paix, toujours invariable dans le calme de ses sentiments, toujours immuable dans la consistance de son Être et de son bonheur ? Voilà Dieu, voici son image ; une âme dans le sein de la paix. Eh ! quoi de plus grand, de plus sublime, de plus divin, que de voir cette âme toujours la même, toujours paisible, toujours tranquille, sans agitation, sans variation, sans altération ; toujours dans la même assiette et dans le même état, toujours se possédant intérieurement elle-même ? Voilà l'image la plus sensible de Dieu. Le ciel représente sa gloire, la terre représente sa stabilité, la mer représente sa profondeur ; l'âme représente sa paix et toutes ses perfections ineffables, parce que toutes ses perfections sont établies dans le sein de la paix. Pax Dei.
Disons, s'il se peut, quelque chose de plus grand encore. Cette âme a-t-elle la paix ? Dans cette paix et par cette paix, elle parait dès lors entrer comme en part de la félicité et de la joie des élus dans la gloire ; elle porte jusque-là son bonheur. Ce qui fait proprement le bonheur des Saints dans le ciel, c'est cette paix inaltérable dont ils jouissent et qui les met en état d'entrer dans la jouissance de Dieu ; c'est cette paix qui possède leur âme, c'est cette paix qui inonde leur coeur ; c'est cette paix qui les fait nager dans des torrents de délices ; c'est dans cette paix qu'ils vivent, qu'ils règnent, qu'ils vivront, qu'ils régneront à jamais.
Or, voilà ce que la paix de l'âme produit en quelque manière dès cette vie ; elle fait goûter les prémices de cette joie ; elle en donne l'idée, elle en présente l'attrait, elle en donne le gage ; et dans cette vie même, dans le pèlerinage de cette terre, elle donne un avant goût des délices célestes : Pax Dei.