Saint Thomas et l'Immaculée

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Abbé Zins
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Saint Thomas et l'Immaculée

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Revue Sub Tuum Praesidium, n ̊ 105 (Janvier 2011)


3. Actualité doctrinale



Saint Thomas et l'Immaculée



En une controverse sur la Tribune Micael en avril 2010, X a écrit :

« Pendant tous les temps du Moyen-Âge, "l'opinion commune", en ce qui concerne la très-sainte Vierge, a été le sentiment maculiste et non pas le sentiment immaculiste qui devait s'imposer par la suite, lentement, fort humblement & péniblement dans les départs, pour finir par triompher royalement sur la place ecclésiale en aboutissant, comme chacun sait, à la proclamation du dogme de l'Immaculée-Conception par le pape Pie IX en 1854. Même saint Bernard, pourtant fort marial, abondait dans le sens de "l'opinion commune" moyenâgeuse, maculiste, quoique la réduisant à son plus petit sens possible en s'imaginant que l'âme de la Mère de Dieu & notre mère, parfaitement sainte, avait cependant connu, "un instant fugace", la trace du péché originel… Cependant, en tant que catholique qui vivez après la proclamation dogmatique de Pie IX, vous êtes bien à même de voir que cette "opinion commune" moyenâgeuse n'émanait pas de Dieu. Il en est de même des écrits de saint Thomas d'Aquin.»

D’où ma réponse :

Quoique cette partie ne me soit point adressée, il me paraît utile d'y répondre.

D'abord parce que l'affirmation de l'existence d'une "opinion commune moyenâgeuse maculiste" est inexacte.

Ensuite et surtout, car tous ceux qui sont gênés par la grande précision du Docteur Commun et Universel de l'Eglise et par son immense autorité doctrinale, mettent cette apparence de défaillance en avant, soit pour repousser ce qui les dérange dans les exposés de l'Aquinate, soit parfois pour diminuer le poids de son autorité, voire pour l'écarter d'un revers de main.

Or, l'attribution à Saint Thomas de ce point d'enseignement demeure pour le moins controversée, comme l’a démontré Saint Jean Eudes.

Avant d'aborder, avec l'inspirateur et l'auteur du culte liturgique envers les Saints Coeurs de Jésus et Marie, les doutes fondés concernant l'attribution à l'Aquinate d'assertions inexactes, notons d'abord ces réflexions et avis qui valent pour tous les Saints Docteurs spécialement déclarés tels par notre Mère,
la Sainte Eglise :
Saint Jean Eudes a écrit :
« Quoi qu'il en soit, on ne peut pas se persuader, sans faire un tort notable à la très profonde humilité de ce saint Docteur, que, s'il était maintenant en la terre, il souffrît qu'on préférât sa pensée au sentiment des Souverains Pontifes, des Conciles généraux, de toutes les Universités catholiques, et de l'Église universelle.

Oh ! que de bon coeur il renoncerait à son propre sens, pour se soumettre à l'Esprit-Saint qui conduit l'Église, vu qu'il enseigne lui-même qu' il faut plus déférer à l'autorité de l'Église, qu'à ce qui a été avancé par saint Jérôme, par saint Augustin, et par quelque Docteur que ce soit, parce que la doctrine des Docteurs catholiques n'a aucun poids que celui que l'Église lui donne :

Magis standum est auctoritati Ecclesia, quam Hieronymi, vel Augustini, vel cujusque Doctoris, quia et ipsa doctrina catholicorum Doctorum ab Ecclesia auctoritatem habet

(Saint Jean Eudes, L’Enfance Admirable de la bienheureuse Vierge, 1676, t. 5)
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Abbé Zins
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A ce sujet, trois points sont à préciser et à garder en mémoire.


1̊ Quand la Sainte Eglise, après un examen fouillé des écrits d'un Saint, lui accorde le titre spécial de Docteur de l'Eglise, Elle approuve ainsi d'une manière particulière l'ensemble de sa doctrine en la faisant comme sienne, sans pour autant ni la déclarer de soi infaillible ni comme de fait sans la moindre inexactitude en tel de ses points.


2̊ Quand un de ses points s'avère de fait soit en opposition soit en écart vis-à-vis d'une définition subséquente ou d'une décision d'autorité, il ne saurait plus être mis en avant et tenu à l'encontre de cette définition ou décision.

Et comme le précise Saint Jean Eudes, les Saints Docteurs eux-mêmes seraient contrariés qu'on s'appuie sur une de leurs rares assertions défectueuses à l'encontre de l'autorité de l'Eglise ayant tranché depuis en sens opposé.


3̊ Cette partielle inexactitude ou erreur sur un point particulier n'infirme nullement la spéciale approbation par l'Eglise de l'ensemble de leur doctrine qui leur a valu le grand honneur d'être gratifié du glorieux et vénérable titre de Docteur de l'Eglise. (Cf. STP n° 98, 5/2009)


Qui plus est, quand, fait singulier et unique, un seul d'entre eux a été solennellement déclaré comme LE Docteur Commun et Universel de l'Eglise ; quand l'autorité de sa doctrine est telle que, lors du Saint Concile de Trente, sa Somme Théologique a été seule placée sur l'autel aux côtés de la Sainte Ecriture pour servir à la consultation des Evêques et docteurs réunis en ce Sacro-Saint Concile, notre piété et docilité doit être d'autant plus grande. (..)


Venons-en, à présent à la démonstration de Saint Jean Eudes (L’Enfance Admirable de la bienheureuse Vierge, 1676, t. 5) concernant l'attribution pour le moins controversée à Saint Thomas de diverses assertions inexactes.

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Saint Jean Eudes, L’Enfance Admirable de la bienheureuse Vierge a écrit :


« SECTION II. - Réponse à ce qu'on allègue de saint Thomas :


« Vous ne manquerez pas d'alléguer saint Thomas comme un de ceux qui ont enseigné que cette divine Mère a contracté la souillure du péché originel.

Mais on vous dira, premièrement, que cela n'est pas si certain qu'il n'y ait lieu d'en douter.

Car, quelle apparence qu'un si saint Docteur se soit opposé au sentiment de son père saint Dominique, qui, selon le témoignage de plusieurs célèbres auteurs, a enseigné et prêché le contraire ; et d'Alexandre de Halès, dont il a été le disciple ; et de son grand maître saint Augustin, qui, dans le livre qu'il a fait de la Nature et de la Grâce, contre l'hérésiarque Pélagius, qui niait le péché originel, et qui assurait que l'on pouvait vivre sans aucun péché actuel ; après avoir dit qu'il n'y a aucune créature humaine qui n'ait été sans péché, il excepte ensuite la sainte Vierge, protestant que, quand il s'agit des péchés, il n'entend point parler d'elle en aucune façon.

« Car nous savons, dit-il, que parce qu'elle a mérité de concevoir et d'enfanter celui qui n'a jamais eu de péché, elle a reçu une grâce très abondante pour vaincre entièrement le péché.»

Et, dans les livres qu'il a faits contre Julien, évêque de Capoue, il assure comme une maxime indubitable, « que celui qui, dans le cours de sa vie, n'a fait aucun péché actuel, ni mortel, ni véniel, doit être censé n'avoir point aussi contracté le péché originel.»

D'où il faut conclure que la bienheureuse Vierge en a été exempte, puisque c'est une chose constante, par le commun consentement des saints Pères, du sacré Concile de Trente, et, par conséquent, de toute l'Église, qu'elle n'a jamais fait aucun péché, ni mortel, ni véniel.

Si vous prétendez que saint Thomas ait parlé contre cette très pure Conception, dans ses Commentaires sur le chapitre troisième de l'Épître aux Galates, leçon sixième, et dans la troisième partie de sa Somme, question 27, article 2, on vous répondra que tant s'en faut que ce saint Docteur ait écrit les choses qui se lisent aujourd'hui dans ces livres sur ce sujet, que l'on voit tout le contraire dans plusieurs anciennes impressions.

Car, premièrement, dans ses Commentaires sur le chapitre troisième de l'Épître aux Galates, leçon sixième, il dit :

« Que tous les enfants d'Adam sont conçus en péché, excepté la très pure et très digne Vierge Marie, qui à été entièrement préservée de tout péché originel et véniel.»


Ces paroles se voient dans les impressions des dits Commentaires, qui se gardent depuis plus de six vingts ans dans la bibliothèque de la Compagnie de Jésus, à Vienne en Dauphiné ; et dans l'édition de l'an 1529, qui est chez les Pères Minimes de Toulouse ; et chez Henrique, Jésuite, lib. 3 Summa, cap. 11, littera M ; et chez Pineda, in cap. 7 Ecclesiastis, v. 29, n. 8 ; et dans l'impression de Paris de l'année 1542, qui se garde dans la bibliothèque du Collège de Bourges, de la même Compagnie, là où Honorat Niquet, Jésuite, assure avoir vu et lu les mêmes Commentaires de saint Thomas sur l'Épître aux Galates, des susdites impressions de Venise et de Paris, dans lesquelles saint Thomas parle en la manière que je viens de dire.

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Saint Jean Eudes L’Enfance Admirable de la bienheureuse Vierge, 1676, t. 5 a écrit :

Secondement, le même saint Thomas, en sa troisième Partie, quest. 27, art. 2, parle en cette manière :

« La bienheureuse Vierge a été sanctifiée dès le ventre de sa mère, lorsque son âme a été unie avec son corps.»

Ces paroles se lisent dans un livre fort ancien, qui se garde dans un couvent de Saint-François, proche les murailles de Séville. Et le dit Honorat, religieux très vertueux et très digne de foi de la Compagnie de Jésus, assure qu'il a vu et lu un livre dans leur bibliothèque de Bourges, que j'ai vu et lu aussi dans la bibliothèque du collège de Caen, de la même Compagnie, et dans celle de notre séminaire de Coutances, et que l'auteur de ce livre, nommé Joannes Bromiardus, qui vivait en l'an 1260, selon les chroniques de l'Ordre de Saint-Dominique, alléguant saint Thomas dans sa troisième Partie, quest. 27, article 2, sur la Conception de la bienheureuse Vierge, lui fait dire les mêmes paroles que nous venons de rapporter, à savoir qu'elle a été exempte du péché originel et du péché véniel.


En troisième lieu, Bernardinus de Bustis, Salmeron, et Canisius, écrivent qu'autrefois saint Thomas, écrivant sur la Salutation angélique, parlait en cette façon :

« Marie a toujours été très pure de toute sorte de coulpe, parce que ni le péché originel, ni le mortel, ni le véniel, n'ont jamais eu aucune part en elle ; Maria purissima fuit quantum ad omnem culpam, quia nec originale, nec mortale, nec veniale peccatum incurrit.»


Et le Cardinal de Turrecremata, quoiqu'il tienne l'opinion opposée, reconnaît néanmoins que ces paroles sont de saint Thomas.

Et cependant on trouve maintenant tout le contraire dans ce lieu du même Saint, aussi bien que dans les autres précédents sur l'Épître aux Galates, et dans sa troisième Partie.

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Saint Jean Eudes L’Enfance Admirable de la bienheureuse Vierge, 1676, t. 5 a écrit :

Quelle conséquence peut-on tirer de toutes ces choses, sinon que tous ces lieux de saint Thomas, dans lesquels on voit maintenant une doctrine opposée à celle qui y était dans les anciennes impressions, sinon qu'on y a apporté de l'altération et du changement ?

Aussi lisons-nous chez Théophile Raynaud, de la Compagnie de Jésus, que dans une impression qui se fit à Anvers, des oeuvres de saint Thomas, en l'année 1613, chez un libraire nommé Joannes Keerbergius, celui qui la faisait faire fut accusé devant le Pape Paul V, par un docteur d'Espagne appelé Bernardus de Thoro, qui s'employait pour lors à Rome pour l'affaire de la Conception immaculée de la Reine du ciel : accusé, dis-je, d'avoir corrompu ce que saint Thomas a dit en faveur de cette très pure Conception, dans ses Commentaires sur le premier livre des Sentences, dont nous avons parlé ci- dessus ; et que Sa Sainteté l'en ayant repris et puni sévèrement, il changea le feuillet qui contenait ce qui était dépravé.

Après cela, si vous nous faites voir quelque autre lieu, dans les livres de saint Thomas, où il semble parler contre la Conception immaculée de notre divine Mère, nous aurons droit de le soupçonner de corruption, vu particulièrement que ce saint Docteur s'explique si clairement dans ses Commentaires sur le premier des Sentences, où il dit que la bienheureuse Vierge a été pure de tout péché, et qu'elle a possédé le souverain degré de la pureté, c'est-à-dire, qu'elle est, comme dit saint Anselme, la plus éclatante pureté qui se puisse imaginer, après la pureté infinie de Dieu : « Pervenit ad summum puritatis.»

Et sur le premier encore des Sentences, il parle le même langage qu'il a tenu dans les lieux sus-allégués, avant le changement qu'on y a fait.

Voici ces paroles :

« Potest aliquid creatum inveniri, quo nihil purius esse potest in rebus creatis. Et talis fuit puritas beatae Virginis, quae a peccato originali et actuali fuit immunis » ;

« On peut trouver quelque créature si pure, qu'il ne puisse rien être de plus pur parmi les choses créées. Telle a été la pureté de la bienheureuse Vierge, qui a été exempté de tout péché originel et actuel



Ce que confirme un autre fait historique, pareillement exposé en un autre ouvrage de Saint Jean Eudes (Le Coeur admirable de la Très Sacrée Mère de Dieu, 1681, t. 7, L. 9, Ch I).


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Saint Jean Eudes Le Coeur admirable de la Très Sacrée Mère de Dieu, 1681, t. 7, L. 9, Ch I a écrit :


« SECTION PREMIÈRE. - Mésaventure de Jean de Monson :


« J'ai dit plusieurs autres choses très considérables au chapitre 8e du livre que Dieu m'a fait la grâce de mettre au jour, sur l'Enfance admirable de la bienheureuse Vierge, qui font voir manifestement que jamais aucun péché n'a eu de part en son très saint Coeur, mais qu'il a toujours été rempli de grâce dès le moment de sa très pure conception.

Mais pour établir et affermir de plus en plus cette vérité, j'ajouterai ici ce qui est rapporté par le Révérend Père Louis Maimbourg, de la Compagnie de Jésus, dans son Histoire du grand schisme d'Occident, au livre 3e, en cette façon.

Voici les propres termes :

« Jean de Monson, Docteur et professeur en théologie, de l'Ordre de Saint-Dominique, avait proposé publiquement, dans la salle de Saint Thomas, des thèses dans lesquelles il y avait quatorze propositions très dangereuses ; et entre celles-ci, quatre ou cinq contre l'Immaculée Conception de Notre-Dame.

Car il soutenait non seulement qu'elle avait été conçue dans le péché originel, mais aussi que c'est une erreur contre la foi, que de dire qu'elle ne l'eût pas été.

Et en même temps quelques-uns de ses Confrères prêchèrent, dans Paris et ailleurs, la même chose et d'autres encore très désavantageuses à l'honneur de la sainte Vierge.

Cela ne se put faire sans un furieux scandale dans toute la ville, et surtout dans l'université, qui a toujours été très zélée pour la gloire de la Mère de Dieu.

Mais comme le doyen de la Faculté, auquel on s'était adressé pour faire réprimer cette scandaleuse entreprise, eut fait rapport à la Faculté de ces propositions, sans en nommer l'auteur, celui-ci qui était présent, bien loin de se rétracter ou de s'excuser, protesta qu'il n'avait rien fait en cela que par l'avis des principaux de sa religion, et même par ordre, et qu'il était résolu de soutenir sa doctrine jusqu'à la mort.

C'est pourquoi, comme on vit qu'il persistait toujours dans son opiniâtreté, et qu'après avoir promis une fois de se rétracter, il n'en avait voulu rien faire, la Faculté premièrement, et puis toute l'Université en corps, censura et condamna ses thèses, comme fausses, téméraires, scandaleuses et contraires à la piété des fidèles.

L'Évêque de Paris, Pierre d'Orgemont, auquel ce célèbre corps s'était adressé, comme au juge de la doctrine dans son diocèse, après avoir imploré l'assistance du Saint-Esprit par une procession générale, et fait examiner de nouveau très exactement ces propositions, confirma la censure qu'on en avait faite, et les condamna solennellement par une sentence juridique, qu'il prononça en cérémonie, revêtu de ses habits pontificaux, dans le parvis de Notre-Dame, dont la place et les environs étaient remplis d'une infinité de personnes de toutes les conditions, accourues de tout Paris à ce spectacle, comme au triomphe de la sainte Vierge.

Jean de Monson, qui, prévoyant sa condamnation, s'était retiré à la Cour d'Avignon, où ceux de son Ordre avait du crédit, appela de cette sentence au Pape, et protesta, comme firent aussi ses confrères, qu'il s'agissait en cette cause de la doctrine de saint Thomas, approuvée de l'Église, et laquelle en suite ni l'université, ni l'Évêque de Paris n'avaient pu condamner.


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Saint Jean Eudes Le Coeur admirable de la Très Sacrée Mère de Dieu, 1681, t. 7, L. 9, Ch I a écrit :

Sur cela l'Université, quoique un peu surprise de ce qu'on l'avait citée sur les plaintes d'un particulier, qui avait débité mille faussetés à la cour du Pape, y députa quatre des plus fameux Docteurs : Pierre d'Ailly, grand-maître de Navarre, qui fut depuis Évêque de Cambrai, Gilles des Champs et Jean de Neuville, Bernardins ; et Pierre d'Allainville, Docteur et professeur en Droit Canon ; et en même temps elle fit courir partout une excellente lettre circulaire à tous les fidèles, pour justifier sa conduite contre les Jacobins qui abusaient du nom et de la doctrine de saint Thomas, qu'on n'avait jamais prétendu condamner, et auquel ils faisaient dire, comme il leur plaisait, ce à quoi il n'avait jamais pensé.

Les quatre députés furent reçus à la Cour du Pape avec toute sorte d'honneur.

Ils eurent audience en particulier, et puis en plein Consistoire, trois jours durant, et ils y parlèrent avec tant de force et solidité, en justifiant leur censure et la sentence de l'Évêque de Paris, qu'il s'attirèrent l'admiration de toute cette auguste Assemblée, et que le Pape ne put s'empêcher de faire hautement l'éloge de cette illustre et savante Université, qui produisait de si grands hommes.

Enfin, après que Jean de Monson eut produit tout ce qu'il voulait dire, et de vive voix en plein Consistoire, et par les écrits qu'il distribuait pour sa défense ; et que les députés, et surtout le docte Pierre d'Ailly, l'eurent confondu dans la dispute, et par un excellent traité où ils firent voir clairement, entre autres chose, que ce qu'on avait condamné n'était nullement la doctrine de saint Thomas, qui ne disait rien moins que ce que prétendait ce Jacobin : le Pape, ayant bien fait examiner la chose devant soi à diverses reprises, durant près d'un an, confirma la sentence de l'évêque de Paris et la censure de l'Université, à laquelle il envoya Jean de Monson avec ordre de se soumettre entièrement à sa correction.

Il le promit pour se garantir des prisons du Pape ; mais la nuit suivante il s'enfuit et se sauva dans son pays, en Aragon.

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Abbé Zins
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Saint Jean Eudes (Le Coeur admirable de la Très Sacrée Mère de Dieu, 1681, t. 7, L. 9, Ch I a écrit :

Les députés ensuite retournèrent comme triomphants à Paris, où ils furent reçus avec de grandes acclamations de tous les Ordres, pour avoir si bien maintenu la gloire de la sainte Vierge.

Et parce que les Jacobins, se croyant bien appuyés de Guillaume de Valen, leur confrère, qui était Évêque d'Évreux et confesseur du Roi, ne laissaient pas de soutenir encore ces propositions trois fois condamnées, il s'éleva contre eux la plus terrible tempête qu'on vit jamais.

Car l'Université les retrancha tous de son corps ; l'Évêque de Paris les interdit de la prédication et des confessions ; on en mit plusieurs en prison ; on ne voulut plus leur faire d'aumônes ; et ceux qui osaient sortir du couvent étaient poursuivis du peuple et accablés d'injures par les rues, comme des ennemis déclarés de la sainte Vierge. Il y eut plus.

Le Pape ayant appris la fuite de Jean de Monson et l'opiniâtreté de ses adhérents, les excommunia par une bulle qui fut envoyée d'Avignon pour être fulminée en France.

Ferry Cassinel, Évêque d'Auxerre, fut choisi pour la présenter au Roi et pour en poursuivre l'excommunication ; ce qu'il fit avec tant de zèle et de force, comme c'était un des plus fameux Docteurs de Paris, que le Roi ordonna non seulement qu'elle fût publiée, mais aussi que l'on arrêtât prisonniers tous ceux qui parleraient ou écriraient contre l'Immaculée Conception de Notre-Dame, et qu'on les amenât à Paris pour être soumis à la correction de l'Université.

Enfin la tempête ne put cesser, jusqu'à ce que les Jacobins se fussent dédits publiquement et qu'ils eussent promis de célébrer la fête de l'Immaculée Conception, et de ne plus jamais rien dire qui lui fût contraire.

Ce qu'il y eut de plus fort en cela, fut que l'Université ; ne pouvant souffrir que l'Évêque d'Évreux, Jacobin et confesseur du Roi, se moquât de la victoire qu'elle avait remportée, et se vantât qu'il tiendrait toujours la doctrine de Jean de Monson, fit de si fortes remontrances au Roi sur ce sujet, qu'il fallut que ce Prélat se rétractât et condamnât cette doctrine par un acte public, comme il fit en présence du Roi, des Princes, du Connétable de Clisson, des Seigneurs de la Cour, et du Conseil, et du Recteur de l'Université accompagné des députés des quatre Facultés.

Et la chose alla si avant, que le Roi ne voulut plus se servir de lui, et que nonobstant cette rétractation, son Ordre ne fut rétabli que plusieurs années après dans l'Université ; tant la dévotion solide que toute la France témoigne envers la sainte Vierge, immaculée dans sa Conception, avait jeté dès ce temps-là de profondes racines dans les coeurs de nos ancêtres et surtout de nos Rois.»


Voilà ce qui est rapporté par le Père Maimbourg et par plusieurs autres graves auteurs très dignes de foi.

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Abbé Zins
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Saint Jean Eudes Le Coeur admirable de la Très Sacrée Mère de Dieu, 1681, t. 7, L. 9, Ch I a écrit :

Ce qui nous fait voir combien c'est une chose pernicieuse de s'attacher à son propre sens et de résister à l'esprit de Dieu qui parle par la bouche de l'Église.

Certainement nous devons plus redouter notre propre esprit que tous les esprits malins de l'enfer.

Car il est si rempli de ténèbres, que souvent il nous fait prendre le noir pour le blanc et le blanc pour le noir, l'amer pour le doux et le doux pour l'amer, la vertu pour le vice et le vice pour la vertu.

Quoique les malins esprits puissent bien nous suggérer des pensées et sentiments contre la pureté de la foi et des bonnes moeurs, comme ils sont néanmoins hors de nous, ils ne peuvent pas verser si facilement le poison de leur orgueil et de leur rébellion contre Dieu et son Église.

Mais notre propre esprit étant toujours avec nous et en nous, peut aisément répandre le venin de la superbe et de son opiniâtreté dans le fond de nos coeurs et de nos âmes.

C'est pourquoi nous avons grand sujet de faire souvent cette prière à Dieu :

Domine, Pater vitae meae, extollentiam oculorum meorum ne dederis mihi, et animo irreverenti et infrunito ne tradas me :

« O mon Seigneur et mon Père, ne m'abandonnez pas à l'esprit du superbe, à cet esprit qui n'a aucun respect ni soumission pour les ordres de votre Église, ni de ceux qui la gouvernent, mais qui est plein de présomption et d'arrogance, résiste en face impudemment et insolemment aux ordres et aux décrets des souverains Prélats de la même Église.

O mon Dieu, donnez-nous la vraie humilité qui écrase entièrement en nous cet exécrable orgueil du Prince de la superbe.»


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Laetitia
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Dans le même registre voici un extrait de l'ouvrage de Cardinal Gousset, La croyance générale et constante de l'Église touchant l'Immaculée Conception datant de 1855 (page 715 et suivantes).
Saint Thomas d'Aquin, surnommé le Docteur Angélique, mort en 1274. On est forcé de convenir, déjà depuis longtemps, qu'on n'a pu se prévaloir d'un aussi grand nom, pour soutenir que Marie a contracté le péché originel. D'abord il dit qu'il n'y a jamais eu la moindre tache ni dans le Christ, ni dans la Vierge Marie. In Christo et in Virgine Maria nulla omnino macula fuit (1). Nous lisons aussi dans un de ses opuscules : « Le souverain ouvrier, voulant donner une preuve plus éclatante de son art, a fait un miroir plus resplendissant que la lumière, un séraphin si brillant qu'on ne peut rien imaginer de plus pur après Dieu, j'entends la personne de la très-glorieuse Vierge Marie. » Sur quoi saint Anselme dit : « Il convenait que la conception de l'Homme-Dieu eût lieu dans le sein de Marie très-pure, et d'une pureté telle qu'après Dieu on ne pût en concevoir une plus grande (2). » Ailleurs : « La pureté s'apprécie par l'éloignement de son contraire ; et voilà pourquoi il est possible de trouver quelque créature plus pure que les autres choses créées, à savoir, si elle n'a été infectée d'aucune contagion du péché; et telle a été la pureté de la Bienheureuse Vierge, qui a été exempte du péché originel et du péché actuel (3).

Il est vrai que l'on oppose plusieurs passages du même docteur qui seraient contraires à l'Immaculée Conception. Comment donc concilier saint Thomas avec saint Thomas ? Comment expliquer qu'il ait enseigné sur le même sujet deux doctrines contradictoires ? Se serait il contredit ? ou bien, lorsqu'il a avancé que Marie avait contracté le péché d'origine, aurait-il oublié qu'il avait précédemment assuré qu'elle a été exempte de ce même péché ? Mais se contredire n'était point dans le caractère du Docteur Angélique, qui dans tous ses ouvrages se montre toujours conséquent avec lui-même. Se serait-il rétracté, en enseignant le contraire de ce qu'il aurait enseigné auparavant ? Cela est possible, et il vaudrait mieux admettre cette supposition, que de supposer qu'il ait été en pleine contradiction avec lui-même.

(1) In Psalmum XIV.
(2) Fecit Summus Artifex in ostentionem pleniorem artis suæ speculum unum clarissimo clarius, Seraphim tertius, ut purius intelligi non posset, nisi Deus esset ; personam, scilicet, gloriosissimæ Virginis, de quo Anselmus : Decebat illius conceptio hominis de Maria purissima fieret, ea puritate quæ major sub Deo nequit intelligi. Opusc. De Dilectione Dei et proximi.
(3) Puritas intenditur per recessum a contrario, et ideo potest aliquid creatum reperire, quo nihil purius esse potuit in rebus creatis, si nulla contagione peccati infectum sit ; et talis fuit puritas Beatæ Virginis quæ a peccato originali et actuali immunis fuit. In I Sent., dist. 44, quæst. 1, art.3
(à suivre)
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