Cette prophétie n'est, à tout bien considérer, qu'une pseudo-prophétie !
- Pseudo-prophétie parce que forgée de toute pièce en amalgamant deux textes étrangers l'un à l'autre.
- Pseudo-prophétie parce que forgée sur une traduction faussée afin de lui donner un sens eschatologique temporairement consolant. L'exemple typique nous en ai donné par le marquis qui n'hésite pas à supprimer purement et simplement un bout du texte parce que trop tristement réel, et dans l'ajout par cette école d'une factice durée perpétuelle !
- Pseudo-prophétie parce qu'il n'y a qu'à (re)lire ce passage tiré du premier livre des Paralipomènes :
I Paralipomène, XXVIII, 7-8 a écrit : 7 - Et firmabo regnum ejus usque in aeternum, si perseveraverit facere praecepta mea et judicia, sicut et hodie.
8 - Nunc ergo coram universo coetu Israel audiente Deo nostro custodite et perquirite cuncta mandata Domini Dei nostri, ut possideatis terram bonam et relinquatis eam filiis vestris post vos usque in sempiternum
7 - Et j'affermirai son règne à jamais, pourvu qu'il persévère dans l'observance de mes préceptes et de mes jugements, comme il le fait présentement.
8 - Je vous conjure donc maintenant en présence de toute l'assemblée du peuple d'Israël, et devant notre Dieu qui nous entend, de garder avec exactitudes tous les commandements du Seigneur, notre Dieu, et de rechercher à les connaître, afin que vous possédiez cette terre qui est remplie de bien, et que vous la laissiez pour jamais à vos enfants après vous.
Ou cet autre passage tiré, quant à lui, de l'Écclésiastique :
Ecclésiastique, X - 8 a écrit : - Regnum a gente in gentem transfertur propter injustitias, et injurias, et contumelias, et diversos dolos.
- Un royaume est transféré d'un peuple à un autre à cause des injustices, des violences, des outrages et des différentes tromperies qui s'y commettent.
pour s'apercevoir que si prophétie il y a, elle n'est pas de saint Remy, elle est de nul autre que de Dieu lui-même ! Mais dans ce cas, est-ce vraiment une prophétie ? Ne serait-ce pas plutôt une loi divine ?
Alors ?
Alors que Jérusalem, la patrie de Notre Seigneur, sur laquelle il a pleuré, n'a pas échappé à cette loi divine, la France, en vertu d'une volonté humaine aurait ce privilège ?
Privilège en quel honneur ?
Et voyant ce qu'elle est devenue aujourd'hui ... Privilège jusqu'à quel point ?
Celui-ci :
[i]Le grand pape et le grand monarque[/i], p. 45 a écrit :... il durera jusqu'à la fin des temps ...
D'où sort ce rajout ? Qui peut se permettre de se moquer ainsi de la justice divine ?
Non, je tiens à le dire :
De Dieu, on ne se moque point !
Et la chute des nations anciennement chrétiennes est là pour nous le rappeler.
Cela nous amène, tout naturellement, à faire la corrélation avec un autre texte que nous propose dom Mabillon :
Mabillon - Acta sanctorum ordinis S. Benedicti. Paris, 1668, pp. 100-101 a écrit : Vita S. Chrotildis reginae Francorum
Ex MS. cod. S. Germani Pratensis
7 - Eo tempore magnus Sacerdos et Pontifex REMIGIUS Cathedram Remensis Ecclesiae regebat strenue. Hunc Regina accersivit, deprecans ut ostenderet Regi viam salutis. Tunc Pontifex ante Regem venit, quem honorifice suscepit et ait : Audiam te libenter, beatissime Pater, et quod jusseris exequar obedienter. B. Remigius respondens dixit ad Regem : Est Deus in coelo Rex Regum et Dominus Dominorum, ipse enim dixit ; Per me Reges regnant. In quem si credere volueris, et sacro baptismate ablutus fueris, omnium peccatorum tuorum remissionem habebis, omnes inimicos tuos superabis, et in futuro saeculo cum eo sine fine regnabis.
Audiens Rex Flodoveus haec verba sancti Praesulis Remigii, obortis lacrymis dixit : Deum credo, baptizari desidero, per eum vivere et in eo mori cupio.
Orat sancta Regina Chrothildis indesinenter Deum, expetit suppliciter ut eripiat Regem cum populo a laqueo diabolico, et ut purgetur baptismate sacro, operante in eo Spiritu Sancto. Ornat praeterea ecclesiam cortinis et palliis et ceteris ecclesiasticis ornamentis. Venit novus Constantinus ad baptismum, praecedente B. Remigio, subsequente beata Chrothilde, haec omnia Spiritu sancto typice operante. Erat enim congruum ut veniente Rege Pagano ad baptismum praecederet S. Remigius vice Christi Iesu, et subsequeretur sancta Regina Chrothildis vice Ecclesiae Deum interpellantis. Consecrat Sanctus Praesul fontem ; Rex indumentis corporalibus exuitur, et a praedicto Praesule baptizatur.
Cumque chrisma defuisset, Dei nutu in specie Columba venit Spiritus sanctus portans duas ampullas (1) oleo et chrismate plenas, quas B. Remigius devote suscepit, Regemque more ecclesiastico perunxit, vocavitque eum LUCDOVICUM, quasi laudabilem virum. Felix Gallia, laetare et exulta, gratulare in Domino, delectare in Deo vero : tuus enim Rex primus a coelesti Rege electus, precibus sanctae Chrothildis Ecclesiae typum gerentis a cultu daemonum avulsus, praedicatione B. Remigii ad Deum conversus, et ab eo baptizatus, chrismate coelesti per Spiritum Sanctum adlato carne est delibutus, a Divino amore corde spiritaliter perunctus. Coepit ergo Rex consilio beatae Chrothildis fana destruere, ecclesias aedificare, easque terris et muneribus copiose ditare, pauperibus eleemosynam largiter erogare, viduis et orphanis misericorditer subvenire, cunctisque bonis operibus sedule et devote insistere. Peperit ergo beata Chrothildis filium, cui in sacro baptismate nomen imposuit, eumque LOTHARIUM vocavit.
8 - Post haec Rex Lucdovicus, qui et Flodoveus, veniens in civitatem Parisius ait ad Reginam suam sanctam Chrothildem : Incongruum est et indecens, quod Gothi Ariani optimam partem Galliae tenent : cum Dei auxilio eamus, eosque de ipsa terra ejiciamus. Placuit hoc consilium Reginae, universisque proceribus Galliae. Tunc beata Chrothildis ad Regem dixit : Si vis, Domine Rex, regnum tuum terrenum dilatare, et in coelesti regno cum Christo regnare, fac in hoc loco ecclesiam in S. Petri Principis Apostolorum honore, ut eo auxiliante valeas tibi Arianam gentem subjugare, et eo praeduce cum victoria redire.
Placuit consilium Regi quod Regina dedit. Tunc cum exercitu magno Rex perrexit, Regina Parisius remansit, ecclesiamque sanctorum Apostolorum aedificavit. Reversusque victoria adepta regnum Francorum strenue rexit, monasteria plurima aedificavit, et sicut a sancto Remigio et a beata Chrothilde didicerat, vitam religiosam usque ad mortem deduxit. Post haec vero mortuus est Rex Lucdovicus in pace anno quinto (2) postquam cum ALARICO Rege Gothorum pugnavit ; regnavit quoque simul annis triginta, et sepultus est in Basilica S. Petri Apostoli quam ipse vel Regina aedificaverant. A transitu S. Martini usque ad transitum Lucdovici Regis fuerunt anni centum duodecim.
(1) - Nullus antehac, opinor, meminit duarum ampullarum. Nam Hincmarus, quo antiquiorem hujus miraculi scriptorem non habemus, testatur in vita sancti Remigii Columbam attulisse ampullam chrismate sancto plenam.
(2) - Hunc calculum istius vitae scriptor mutuatus est ex Gregorio Turon. in libri 2. Hist. cap. 43. de quo calculo, praecipue a transitu S. Martini, non leuis difficultas. Chlodoueum anno Christi D. XI. obijsse, receptior hodie sententia est.
Texte dont voici la traduction :
Vie de Sainte Clotilde, reine des Francs
tirée d'un manuscrit de l'abbaye de Saint Germain des Près
7 - En ce temps là, le grand Prêtre et Pontife Rémi régissait avec diligence la Chaire du diocèse de Reims. C'est à lui que la Reine s'adressa, en le priant de montrer au Roi la voie du salut. Alors le Pontife vint devant le Roi, qui le reçut avec honneur et lui dit : Je vous écouterai volontiers, bienheureux Père, et je suivrai avec obéissance ce que vous commanderez. Répondant au Roi, le B. Rémi déclara : Dieu est dans le ciel le Roi des Rois et le Seigneur des Seigneurs, et c'est Lui-même qui a affirmé : "C'est par Moi que règnent les Rois.". Si vous voulez croire en Lui et être purifié par le saint baptême, vous obtiendrez la rémission de tous vos péchés, vous surpasserez tous vos ennemis, et vous règnerez avec Lui sans fin dans le siècle futur.
En entendant ces paroles du Saint Evêque Rémi, le Roi Clovis dit en versant des larmes : Je crois en Dieu, je désire être baptisé, j'espère vivre par Lui et mourir en Lui.
La Sainte Reine Clotilde pria incessamment Dieu, L'implora avec supplications de délivrer le Roi avec son peuple des filets du diable, et pour qu'il soit purifié par le saint baptême, par l'oeuvre du Saint-Esprit en lui. En outre, elle orna l'église de voiles, tissus et autres ornements ecclésiastiques. Le nouveau Constantin vint au Baptême, précédé du B. Rémi et suivi de la bienheureuse Clotilde, tout cela étant typiquement opéré par l'Esprit-Saint. Il était en effet convenable que le Roi venant du paganisme soit précédé de S. Rémi comme vicaire du Christ-Jésus, et suivie de la sainte Reine Clotilde comme représentant l'Eglise interpellant Dieu. Le Saint Evêque consacra la fontaine ; le Roi se dépouilla de ses vêtements corporels, et fut baptisé par le susdit Evêque.
Mais comme le chrême fit défaut, sur l'indication de Dieu le Saint-Esprit vint sous la forme d'une Colombe portant deux ampoules (1) remplies d'huile et de chrême, que le B. Rémi reçut avec dévotion et il oignit selon l'usage ecclésiastique le Roi, le nomma LOUIS, comme pour exprimer homme louable. Heureuse Gaule, réjouis-toi et exulte, remercie le Seigneur, délecte-toi dans le vrai Dieu : car ton Roi a été le premier à être élu par le Roi céleste, détourné du culte des démons grâce aux prières de Sainte Clotilde remplissant la figure de l'Eglise, converti à Dieu (retourné vers Dieu) par la prédication du B. Rémi et baptisé par lui, oint en sa chair par un chrème céleste apporté par le Saint-Esprit, entièrement enduit spirituellement en son coeur par le Divin Amour. Sur le conseil de la bienheureuse Clotilde, le Roi commença donc à détruire ce qui était voué aux idoles, à édifier des églises, à les enrichir copieusement de terres et de revenus, à donner avec largesse l'aumône aux pauvres, à subvenir miséricordieusement aux veuves et orphelins, à s'appliquer avec zèle et dévotion à toutes les bonnes oeuvres. Ainsi, la bienheureuse Clotilde mit au monde un fils, auquel on imposa le nom lors du saint Baptême et qui fut appelé Lothaire.
8 - Après cela le Roi Louis, qui est Clovis, venant en la ville de Paris dit à sa Reine Sainte Clotilde : Il ne convient pas et il est indécent que les Goths ariens tiennent une grande partie de la Gaule ; allons, avec le secours de Dieu et chassons-les de la terre elle-même. Cet avis plut à la Reine et à tous les grands de la Gaule. Alors la Reine Clotilde dit au Roi : Si vous voulez, Seigneur Roi, dilater (étendre) votre royaume terrestre, et régner avec le Christ dans le Royaume céleste, faites bâtir en ce lieu une église en l'honneur de S. Pierre le Prince des Apôtres, afin qu'avec son aide vous puissiez subjuguer (vaincre) la nation arienne et sous sa conduite rentrer victorieux.
Ce conseil donné par la Reine plut au Roi. Puis, avec une grande armée le Roi s'en fut, tandis que la Reine demeura à Paris, et édifia l'église des saints Apôtres. De retour, une fois remportée la victoire, il gouverna le royaume des Francs avec ardeur, édifia de multiples monastères, et comme il l'avait appris de saint Rémi et de la bienheureuse Clotilde, il mena une vie religieuse jusqu'à sa mort. Le Roi Louis mourut donc après cela en paix cinq ans après (2)) qu'il est combattu le Roi des Goths Alaric ; il a régné en tout trente ans, et fut enseveli dans la Basilique de l'Apôtre S. Pierre que lui-même et la Reine avaient édifiée. Du trépas de S. Martin à celui du Roi Louis s'écoulèrent cent douze ans.
(1) Il me semble que nul, avant ce document, ne mentionne deux ampoules. Car Hincmar atteste en la vie de saint Rémi, alors que nous n'avons pas de relation écrite plus ancienne de ce miracle, qu' "une Colombe apporta une ampoule pleine de saint-chrème".
(2)) - Ce calcul de sa vie est emprunté à (Saint) Grégoire de Tours en son livre 2 ch. 43 de son Histoire des Francs, dont le calcul, surtout depuis le trépas de S. Martin, n'aplanit pas les difficultés. La sentence la plus reçue aujourd'hui est que Clovis est mort en l'an du Christ 511.
Nous voyons ici une version personnalisée (basée sur la même vérité divine) de la promesse faite à Clovis par saint Remy.
Ne touche-t-on pas, en fait, à l'authentique prédication de S. Rémi ? Promettant, à qui reste fidèle, la protection et bénédiction divine, et le Royaume éternel du Ciel.
N'y a-t-il pas eu chez le sourcier et ses suiveurs transposition du sens évangélique et spirituel en un sens rabbinisant de messianisme temporel et désiré perpétuel ?