Le précepte de la prière

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Laetitia
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Le précepte de la prière

Message par Laetitia »

  Oeuvres de Bourdaloue a écrit :
Précepte de la prière.

Saint Augustin s'étonnait que Dieu nous eût fait un commandement de l'aimer, puisque de Lui-même Il est souverainement aimable, et qu'indépendamment de toute loi, tout nous porte à ce divin amour et tout nous l'inspire. Conformément à cette pensée du saint docteur, n'y a-t-il pas lieu de nous étonner aussi nous-mêmes que Dieu nous ait fait un commandement de prier, puisque tout nous y engage, et que d'abandonner la prière, c'est abandonner tous nos intérêts qui en dépendent  ?

Commandement certain et indispensable ; et sans insister sur tous les autres motifs qui regardent Dieu plus immédiatement, et le culte de religion que nous devons à cette majesté souveraine, commandement fondé, par une raison spéciale, sur la charité que nous nous devons à nous-mêmes. Car à quoi nous oblige étroitement et incontestablement cette charité propre ? à prendre tous les moyens que nous jugeons nécessaires pour nous soutenir au milieu de tant de périls qui nous environnent, et pour échapper à tant d'écueils où sans cesse nous pouvons échouer et nous perdre. Or entre ces moyens il n'en est point de plus efficace ni de plus absolument requis que la prière : comment cela ? parce que, dans l'impuissance naturelle et l'extrême faiblesse où nous sommes, nous ne pouvons nous suffire à nous-mêmes ; c'est-à-dire que nous ne pouvons par nous-mêmes résister à toutes les tentations, nous préserver de tous les dangers, fournir à tous les besoins qui, dans le cours des choses humaines, se succèdent sans interruption les uns aux autres ; d'où il s'ensuit qu'il nous faut donc du secours, et un prompt secours, et un secours puissant, et un secours continuel, qui est le secours de Dieu et de sa grâce. Mais ce secours, par où l'obtiendrons-nous ? par la prière. C'est ainsi que le Fils de Dieu nous l'a déclaré, et qu'il s'en est expliqué dans les termes les plus formels :  Si vous demandez quelque chose à mon Père, et que vous le demandiez en mon nom, il vous le donnera (Joan., XIV.). Ce qui nous fait entendre, par une règle toute contraire, que si nous ne demandons pas, Dieu ne nous donnera pas. Or, si Dieu ne nous donne pas nous manquerons de secours ; si nous manquons de secours, nous ne nous soutiendrons pas, nous succomberons ; si nous succombons, nous périrons, et nous périrons par notre faute, puisqu'il ne tenait qu'à nous de prier, et par conséquent de ne pas périr. Dieu donc, qui ne veut pas qu'aucun périsse, et qui par la loi de la charité que nous ne pouvons sans crime nous refuser à nous-mêmes, nous ordonne de n'omettre aucun moyen nécessaire pour éviter notre perte, veut que nous ayons recours à la prière, et nous en fait un précepte.
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Laetitia
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Re: Le précepte de la prière

Message par Laetitia »

Précepte qui nous marque deux choses les plus dignes de notre étonnement : l'une de la part de Dieu, l'autre de la part de l'homme. Quelle providence dans Dieu, quelle bonté, quel excès de miséricorde et de libéralité nous fait voir ce commandement ! Tout ce que nous pouvons attendre des maîtres de la terre, et en quoi consiste auprès d'eux notre plus haute faveur, c'est que, par une affection particulière et qui ne s'étend qu'à un petit nombre de favoris, ils soient disposés à écouter nos demandes et à nous les accorder. Mais ils s'en tiennent là, et ils ne nous font point une obligation étroite de leur demander quoi que ce soit : ils nous laissent là-dessus dans une liberté entière.

Vous, mon Dieu, Père tout-puissant et tout bon, Vous ne Vous contentez pas d'une telle disposition de Votre Cœur à notre égard. C'est trop peu pour Vous, et Vous ne nous dites pas seulement : Demandez, et vous recevrez (Joan., 16.); mais Vous nous ordonnez de demander, mais Vous nous faites un devoir de demander, mais Vous nous reprochez comme un crime, et un crime capital, de ne pas demander. Hé ! que Vous importent, Seigneur, tous les vœux que nous formons et que nous Vous adressons  ? Que dis-je, ô mon Dieu ! Vous nous aimez, et cela suffit. Votre amour veut se satisfaire; il veut s'exercer, et que nous nous mettions en état d'attirer sur nous vos dons, et d'en profiter. Point d'autre intérêt qui Vous touche que le nôtre.
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Laetitia
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Re: Le précepte de la prière

Message par Laetitia »

D'ailleurs, ce que nous découvre dans l'homme ce même précepte de la prière, n'est pas moins surprenant. C'est l'aveuglement le plus prodigieux, et la plus mortelle insensibilité pour nous-mêmes. Quoi ! nous avons continuellement besoin du secours de Dieu ; sans cette assistance et ce secours d'en-haut nous ne pouvons rien ; qu'il vienne un moment à nous manquer, nous sommes perdus : et cependant, pour exciter notre zèle et notre vigilance à l'implorer, ce secours du ciel dont nous ne pouvons nous passer, Dieu a jugé qu'il fallait un commandement exprès ! D'où nous devons conclure combien sur cela il nous a donc connus aveugles et insensibles. Or une telle insensibilité, un tel aveuglement ne tient-il pas du prodige ?

Oui sans doute, c'est un prodige ; mais toute prodigieuse qu'est la chose, voici néanmoins, j'ose le dire, un autre prodige plus inconcevable : et quoi ? c'est qu'après même et malgré le commandement de Dieu, nous recourions encore si peu à la prière, et que nous en fassions si peu d'usage.

S'il nous survient quelque affaire fâcheuse ; si nous craignons quelque disgrâce temporelle dont nous sommes menacés ; si nous avons quelque intérêt à ménager dans le monde et quelque avantage à obtenir, que faisons-nous d'abord, et quelle est notre ressource ? On pense à tous les moyens que peut suggérer l'industrie, l'intrigue, la prudence du siècle ; on cherche des patrons en qui l'on met sa confiance, et dont on tâche de s'appuyer ; on intéresse, autant qu'il est possible, les hommes en sa faveur : mais de s'adresser à Dieu avant toutes choses ; de lui recommander les desseins qu'on a formés, afin qu'il les bénisse ; de lui représenter dans une fervente prière les dangers où l'on se trouve et les calamités dont on est affligé, c'est ce qui ne vient pas à l'esprit, et à quoi l'on ne fait nulle attention : comme si Dieu n'entrait point dans tous les événements humains ; comme s'il n'y avait aucune part, et qu'il n'étendît pas jusque-là sa providence ; comme si nos soins, indépendamment de lui, pouvaient nous suffire, et qu'il y eût moins à compter sur les secours qu'il nous a promis, que ceux qu'on attend d'un ami, ou de quelque autre personne que ce soit, qui veut bien s'employer pour nous. Outrage dont Dieu se tient et doit se tenir grièvement offensé.
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Laetitia
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Re: Le précepte de la prière

Message par Laetitia »

De là qu'arrive-t-il ? le Saint-Esprit nous l'apprend : Malheur à celui qui se confie dans la créature aux dépens du Créateur, et qui prend pour son soutien un bras de chair (Jerem., 17.) !

Dieu permet que nos projets échouent, que nos mesures deviennent inutiles, que nos espérances soient trompées, que tous les maux dont on voulait se garantir viennent fondre sur nous, que des parents, des amis, de prétendus protecteurs manquent, ou de pouvoir pour nous soutenir, ou de bonne volonté pour y travailler.

Dieu, dis-je, le permet ; et c'est alors que, forcés par une dure nécessité, et n'ayant plus d'autre refuge, nous commençons à lever les mains vers Lui, et à réclamer son assistance.

Or, en de pareilles conjonctures, qu'aurait-Il droit de nous répondre ?  S'il pensait et s'il agissait en homme, il nous rejetterait de sa présence, il refuserait de nous écouter, il nous renverrait à ces faux dieux que nous lui avons préférés, il nous abandonnerait à nous-mêmes, il insulterait à notre misère et il s'en ferait un triomphe, bien loin d'y compatir en aucune sorte et de la soulager.

Mais c'est ici le miracle et le comble de Sa miséricorde. Miracle que nous ne pouvons assez admirer, et qui mérite toute notre reconnaissance. Quoiqu'Il soit le dernier à qui nous allions, et que nous n'allions même à Lui que par une espèce de contrainte, Il veut bien néanmoins encore nous entendre ; Il veut bien nous ouvrir son sein et prêter l'oreille à nos prières ; Il veut bien y condescendre, et devenir notre  appui, notre consolateur, notre restaurateur ; Il veut bien, pour nous rétablir et nous relever, nous tendre les bras et répandre sur nous ses dons.

Voilà ce qui n'appartient qu'à une  bonté  souveraine. C'est être miséricordieux et bienfaisant en Dieu.
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