LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

CHAPITRE III. Le malheur du monde dans ses ténèbres.


Malheur sur malheur au monde dans ses
ténèbres; car non-seulement il est aveugle,
et il ne connaît pas son aveuglement, mais
il s'imagine avoir beaucoup de lumière. Les
mondains marchent dans les ténèbres, mais
dit le Saint-Esprit par le Psalmiste, ils n'en
connaissent rien, et ne le comprennent pas :

au moins les aveugles du corps le savent
bien ;
s'ils pouvaient recouvrer la vue par
quelques remèdes, ils n'oublieraient rien
pour s'en servir:
ils croient à ceux qui ont
de bons yeux, qui leur enseignent le chemin
qu'ils doivent tenir: ils les en remercient:

mais les mondains dans leur aveuglement,
s'imaginant bien voir, méprisent ce qu'on
leur dit, et ils rejettent la lumière qui leur
est présentée.
La lumière est venue au
monde,
dit le saint évangéliste (Joan. III,
19) ; et les hommes ont mieux aimé les ténèbres
que la lumière.
De cette manière , pour
me servir des termes de l'Ecriture ( Job, v,
IV; Deut. xxvin, 29), ils ont tâtonné le mur
en plein midi, comme font les aveugles
corporels pour se conduire; et au milieu
des plus beaux jours de la grâce ils sont
demeurés ensevelis dans l'ombre de la
mort.



Ils regardent même ceux qui sont divinement
éclairés, comme des idiots. C'est pour
cela qu'ils diront après leur mort, comme
nous l'apprend le Saint-Esprit : Insensés que
nous sommes, nous croyions que leur vie fût
une folie, et que leur fin dût être sans honneur;
mais voyez comme ils ont été mis au
nombre des enfants de Dieu, et que leur partage
est entre les saints.
(Sap. V, 4-6. ) En
effet, mes frères, s'écrie le grand Apôtre,
considérez ceux que Dieu a appelés parmi
vous, il n'y en a pas beaucoup de sages selon
la chair; mais Dieu a choisi ceux qui semblent
sans esprit dans le monde, afin de confondre
les sages ; et ce qui semble folie en
Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui
semble faiblesse en Dieu est plus puissant
que les hommes.
(I Cor., 1, 27 et seq.)


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InHocSignoVinces
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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

Mais ce qui est grandement étonnant, est
que cette funeste illusion ne se trouve pas
seulement parmi les infidèles, mais en des
Chrétiens qui dans leur état devraient être
des enfants de lumière; et qui disent, comme
parle le prophète, que le mal est bien,
et que le bien est mal
(Isa. V, 20) :
qui donnent
aux ténèbres le nom de lumière, et à la
lumière le nom de ténèbres : qui changent
le mal en bien, estimant les personnes qui
vivent selon les désirs du siècle, comme des
personnes sages et de grand esprit, dans la
poursuite des biens temporels, des honneurs
et des aises de la vie ; et approuvant la voie
large qui conduit à la mort pour une voie
sûre qui conduit à la vie: qui changent le
bien en mal en déshonorant la vertu, et traitant
de ridicule ceux qui la pratiquent. C'est
de la sorte qu'ils se raillent de ceux qui font
profession de la dévotion, qu'ils paraissent
à leurs yeux des gens vils et méprisables,
des gens, comme dit l'Apôtre, qui semblent
sans esprit ; et qu'ils donnent le nom de
ténèbres à la lumière, et se perdant dans la
vanité de leurs raisonnements et de leur
esprit insensé, se disant sages ils sont devenus
fous.



Car y a-t-il une folie pareille, un aveuglement
semblable à celui du monde, qui
préfère les sens à la raison, le temps à l'éternité,
la créature à Dieu ?
Qui ne pense
qu'aux divertissements de la vie présente,
pendant que les feux sont allumés dans
l'enfer qui le doivent brûler pour un jamais.



O enfer ! qui est bientôt dit, mais qui passe
toutes les pensées des hommes , et en la
grandeur de ses supplices, et en leur durée
qui ne finira jamais; ô jamais ! ô jamais !
ô éternité, éternité, éternité qui vous pourra
comprendre ?



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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

Cependant le Fils de Dieu vous déclare
que la plupart des hommes iront dans ce
lieu funeste de tourments incompréhensibles,

puisqu'il nous enseigne qu'il y a peu de
personnes sauvées.
Après une vérité si certaine,
nous étant révélée par un Dieu qui
est la vérité même,
que les libertins ne disent
plus qui est revenu de l'autre monde
pour nous en apprendre des nouvelles.

Voilà le Fils de Dieu qui en est venu, qui
nous assure de cette vérité, dont non-seulement
tous les catholiques, mais les hérétiques
demeurent d'accord. Il y a plus, les
Turcs font profession de croire un enfer; et
les nations infidèles conviennent qu'il y a
une autre vie que celle-ci où le vice est puni
et la vertu récompensée.



Aussi si vous interrogez ces personnes,
elles vous répondront qu'elles croient un
paradis et un enfer : et après cela le monde
vit comme s'il n'y en avait point. Quand on
serait certain que l'on serait infailliblement
sauvé, on ne pourrait pas s'en mettre moins
en peine. Le grand Apôtre (I Cor. IX, 27),
le prodige de la grâce et du divin amour,
s'écrie qu'il a peur d'être réprouvé, et les
mondains parmi toute leur corruption sont
dans l'assurance.



La religion nous apprend que l'on est
damné pour un seul péché notable ; et
les mondains criminels non-seulement d'un
péché mortel, mais souvent d'un grand
nombre, se réjouissent et dorment à leur
aise dans un état si lamentable. Où est la foi
des vérités de la religion ? Y a-t-il une seule
personne qui voulût s'exposer à dormir dans
un lit plein de dragons et de serpents ? et on
dort paisiblement avec le péché, qui non-seulement
nous peut faire perdre une vie
qui passera bien vite, mais qui nous engage
à une mort éternelle.
Eh ! combien de personnes
sont passées de leur lit dans les flammes
éternelles ? Où est la foi des vérités de
la religion? Quelles inquiétudes à des gens
qui auraient offensé outrageusement quelque
grand monarque ! quelle peine à leurs
familles, à leurs amis !
et on traite le crime
de lèse-majesté divine comme une affaire de
rien.
Le pécheur se divertit ayant pour ennemi
un Dieu ; les parents et les amis n'en
sont point touchés. Où est la foi des vérités
de la religion ? Où trouvera-t-on une personne
qui, étant tombée dans l'ordure, aussitôt
ne s'applique à se nettoyer ? S'il rejaillit
quelque peu de boue sur le visage, aussitôt
on l'ôte, et, si on ne le faisait pas, ceux
qui le verraient en donneraient avis. On
demeure néanmoins dans l'horrible état du
péché mortel les jours, les semaines, les
mois et les années. Etat si affreux, que si
on en connaissait l'abomination, if n'y a
personne qui le pût souffrir sans mourir.

Souvent les amis, les proches, les pères, les
mères, les maris, les femmes, les maîtres le
voient, et on pense peu à y remédier.
Un
serviteur de Dieu se trouvant dans une assemblée
où il y avait plusieurs princesses,
et nous l'avons appris de l'une de ces princesses,
il leur dit : Mesdames, ayez autant
de soin de vos âmes que vous l'avez de vos
souliers, et vous serez sauvées. Cette proposition,
qui est d'un grand saint, paraîtra de
prime abord surprenante, et cependant elle
est bien vraie ; car, si les gens de qualité
donnaient autant d'application à tenir leurs
âmes dans la pureté qu'ils en ont pour avoir
leurs souliers propres et bien nets, sans
doute qu'ils vivraient en bons chrétiens, et
qu'ensuite ils seraient sauvés.



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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

Oh! que c'est bien ici qu'il faut crier : Ah !
la folie ! ah ! l'aveuglement ! qu'il faut dire
qu'il n'y a point d'aveugle semblable à ceux
mêmes qui doivent être les enfants de lumière.
(Luc. XVI, 8.) C'est bien ici que ces
paroles de Dieu, par le prophète Isaïe : Ecoutez,
sourds ; aveugles, ouvrez les yeux et voyez

(XLII, 18) , doivent être appliquées, (jui est
l'aveugle sinon mon serviteur ? Oui est le
sourd sinon celui à qui j'ai envoyé mes prophètes ?
Mais il faut dire aux Chrétien , sinon
à celui à qui Dieu a envoyé son propre
Fils : Qui est l'aveugle sinon le serviteur du
Seigneur ? Vous qui voyez, n'observez-vous
point ce que vous voyez ? Vous qui avez les
oreilles ouvertes, n'entendez- vous point ?
C'est ainsi que Dieu se plaint de l'aveuglement
et de l'insensibilité du peuple qui fait
profession d'être à son service.
Ah ! il est
vrai, le diable et le monde ont des gens qui
les servent, qui ont les yeux, les oreilles et
les coeurs ouverts à tout ce qu'ils désirent
d'eux, et Dieu n'est ni regardé, ni
écouté, ni obéi, pendant qu'on est actif et
intelligent en toute autre chose qu'en ce
qui le regarde.



Mais qu'il faut bien dire que le malheur
du monde est bien grand dans ses ténèbres,
puisque la mort, qui est si capable de détacher
des choses de la vie présente, ne sert
qu'à en augmenter la cupidité. Ainsi la mort
sert d'occasion à une infinité de procès, et
entre les personnes les plus proches, qui
disputent pour de faux biens temporels, que
la mort a enlevés pour un jamais à ceux
dont ils prétendent les héritages, ne pensant
point qu'il leur faudra aussi bientôt
les quitter pour une éternité.
Disons encore
que la mort, ce temps si redoutable, sert
d'occasion à plusieurs bénéficiers de leur
damnation éternelle, résignant ou changeant
leurs bénéfices, ou enfin procurant qu'ils
tombent entre les mains de personnes qui
n'en sont pas dignes, la vue de la chair et
du sang, le respect humain, les vues temporelles
dominant encore lorsque l'on est prêt
de paraître au terrible jugement de Dieu, et
cet aveuglement arrivant quelquefois à
des personnes qui ont, d'autre part, quelque
probité, perdant de la sorte leurs âmes par
une maudite complaisance. Il se rencontre
même des confesseurs qui y contribuent
malheureusement, qui crient au pauvre malade :
Monsieur, vous ne pensez pas à votre
parent; pourquoi laisser aller votre bénéfice
en des mains étrangères ?
La parenté ne
s'oublie pas ; on presse et on fait tout ce que
l'on peut pour conserver le bénéfice dans
la famille, sans se mettre en peine de la
damnation où l'on engage le misérable parent.



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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

Mais n'est-ce pas encore la mort qui sert
d'occasion à la poursuite des bénéfices à
charge d'âme, ou de ceux que l'on appelle
simples ? On est dans l'attente inquiète des
nouvelles de la mort des malades, et à même
temps qu'on les a apprises, on court la poste
pour les bénéfices ; et ceux, dit le saint livre

de l'Imitation de Notre-Seigneur, qui'à peine
feraient un pas pour la vie éternelle, courent
bien loin pour la moindre prébende.
Ce sont pourtant des gens qui ont pris le
Seigneur pour la part de leur héritage dès
lors qu'ils sont entrés dans l'état ecclésiastique.



On se laisse emporter à la cupidité des
revenus des bénéfices simples, ne considérant
pas qu'ils sont le prix des péchés,
comme les Pères disent, les fidèles les ayant
donnés pour la rémission de leurs fautes, et
qu'ils sont le patrimoine des pauvres; et
que l'on n'en doit user, après ce que l'on en
a pris pour le nécessaire, que selon les usages
pour qui ils sont destinés. Comme ils
sont le patrimoine des pauvres, les saints
Pères, parlant de ceux qui en usent mal, ne
font point de difficulté de dire, qu'ils sont
plus méchants que les larrons et les voleurs
publics. Et certainement si prendre à un
pauvre une somme modique, est un très grand
péché, que sera-ce de leur ravir tous
les ans des sommes si considérables ? Quelle
attente terrible du jugement de Dieu à ces
gros bénéficiers, qui leur auront ravi chaque
année dix, vingt mille livres et plus, et cela
quelquefois durant dis, vingt, trente années ?

Il ne faut pas s'y tromper, on n'échappera
pas le jugement de Dieu.
Que dirait-on d'un
administrateur d'un hôpital qui en aurait
employé une partie des revenus à se divertir
et à se donner du plaisir ? Si c'est une
vérité de foi que nous devons rendre compte
au redoutable jugement d'une parole inutile,
ô Dieu, quel compte à rendre du patrimoine
des pauvres que l'on aura dissipé ! Saint
Prosper proteste qu'il ne peut pas expliquer
l'énormité du crime des ecclésiastiques qui
font un mauvais usage des biens destinés
pour les pauvres. Saint Jérôme assure même
que les bénéficiers, qui ont du bien de leur
patrimoine pour se nourrir et s'entretenir,
ne peuvent rien prendre pour leurs usages
des revenus de leurs bénéfices ; que s'ils
font autrement, ils commettent un sacrilège,
et ils boivent et mangent leur condamnation.

Il cite sur ce sujet Notre-Seigneur, qui,
en saint Matthieu au chap. XVII, ne voulut
pas payer le tribut qu'on lui demandait des
aumônes qu'il recevait, mais envoya saint
Pierre pêcher un poisson, où il trouva dans
sa bouche un sicle qu'il donna pour payer
pour lui et pour son apôtre.


Ces obligations des bénéfices simples sont
capables de donner de la frayeur à ceux qui
les poursuivent; mais les devoirs des bénéfices
qui ont charge des âmes doivent percer
de crainte ceux qui les recherchent.
Saint Chrysostome les considérant, s'écrie,
qu'il s'étonne comment un curé se sauve.
On comprendra facilement le sentiment de
ce Père, si d'un côté l'on fait une forte réflexion,
que les curés sont les coadjuteurs
de Jésus-Christ, envoyés comme cet adorable
Sauveur pour le salut des hommes;
qu'ils ont pour règle dans la conduite d'une
affaire qui est d'une conséquence infinie,
l'amour et les travaux d'un Homme-Dieu;
que c'est sur cet Homme-Dieu agissant,
instruisant, souffrant, qu'ils se doivent former,
devant être les copies de ce divin modèle,
qu'une seule des âmes qui leur sont
commises est plus précieuse aux yeux de
Dieu que tous les royaumes et l'univers ensemble ;
que le gain ou la perte d'une seule
âme est de plus grande importance que la
possession ou la perte de tous les empires;
qu'il n'y en a pas une seule qui ne soit
d'un prix infini, ayant coûté le sang d'un
Dieu; et qu'ainsi la perte d'une seule âme
est un plus grand mal que si l'on avait perdu
tout le monde ensemble : ce qui a fait dire à
saint Bernard que le poids de la charge des
âmes était redoutable même aux forces des
esprits célestes.
Et si ensuite de ces réflexions
on médite sérieusement d'autre part
les obligations étroites que l'on a de veiller
sur ces âmes, que l'on en répondra âme pour
âme, nous le répétons, il est facile de concevoir
le sentiment de saint Chrysostome.



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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

Il faut premièrement connaître toutes les
personnes dont l'on est chargé, au moins
autant que cela se peut faire; car le Saint-
Esprit nous dit dans les Proverbes, qu'il faut
avoir une exacte connaissance de son troupeau ;
et notre divin Sauveur nous enseigne
dans l'Evangile (Joan. x, 3), que le véritable
Pasteur des brebis les appelle par leur
nom quand il les conduit. Les paysans et
les bergers savent précisément le nombre
de leurs moutons et de leurs agneaux.
Jacob le savait si bien qu'il en répondait, et
payait à Laban chaque bête que le loup emportait.
C'est pourquoi il y a plusieurs rituels,
comme le rituel romain, celui du diocèse
d'Evreux, qui ordonnent aux curés
d'avoir un livre de l'état des âmes dans lequel
le nom de tous leurs paroissiens avec
leurs qualités, conditions et besoins, soit
marqué. On voit dans les Actes de l'Eglise
de Milan
un formulaire de ce registre, où
chaque famille est marquée page par page
tout de suite. Le nom du père de famille y
est en tète, son âge, sa condition, ses besoins,
ensuite celui de sa femme, de ses
enfants, de ses serviteurs. Aux deux côtés
de la page on marque s'ils sont instruits du
catéchisme, s'ils communient, ou s'ils sont
en état, ne communiant pas encore, de se
confesser, et les autres observations nécessaires
sur leur manière de vie, afin qu'on puisse
travailler à apporter l'ordre en toutes
choses.



Sans ces soins il est difficile qu'il ne se
trouve plusieurs personnes qui ne soient pas
instruites des vérités au moins fondamentales
de la religion, et qui ne soient hors de
l'état du salut : ce que l'expérience fait voir
tous les jours dans les paroisses de la campagne,
où l'on pourrail bien garder cet ordre,
et dans lesquelles on trouve même des jeunes
gens qui ont parfaitement l'usage de la
raison qui jamais ne se sont confessés.

Cependant le curé doit répondre de toutes
ces personnes en particulier; et s'il n'a pas
soin de les instruire toutes, s'il n'a pas soin
de leurs moeurs, dans quel état est-il ? puisque
l'Apôtre prononce hautement (I Tim, V,
8), que les maîtres qui n'ont pas soin de
leurs domestiques renoncent la foi, et sont
pires que les infidèles. Car ordinairement les
infidèles ne manquent pas de zèle pour leurs
erreurs.
Si des personnes séculières sont
dans un état si déplorable, négligeant le soin
de quelques serviteurs, que doit-on penser
des pasteurs des âmes, si par leur faute une
seule périt par défaut d'instruction et des
autres soins nécessaires ?



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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

Mais si tous les Chrétiens en qualité de
membres de Jésus-Christ, doivent être saints
(1 Cor. vi, 15), quelle obligation aux ecclésiastiques
à la sainteté, puisqu'ils sont les
principales parties du corps mystique du
Fils de Dieu, qu'ils en sont les yeux, et
qu'ils sont appelés par notre Sauveur la lumière
du monde. (Matth. v, 14.)
L'habit du
pontife de l'ancienne loi où étaient attachées
des clochettes, était une figure de la vie
exemplaire qu'ils douent mener. Tout doit
être voix en eux. Tout ce qu'ils font, tout ce
qu'ils disent, leurs conversations, leur habit,
leur manière d'agir, toute leur vie doit être
devant Dieu la bonne odeur de Jésus-Christ,

comme parle l'Apôtre (II Cor. ii, 1). Tout doit
annoncer la grandeur du divin maître, dont
ils sont les ministres. Ils sont le sel de la terre
(Matth. v, 13) ; mais si le sel devient insipide,
avec quoi pourra-t-on le saler. Il ne
pourra servir, dit le Fils de Dieu, ni pour
la terre, ni pour le fumier, il ne sera plus
bon à rien qu'à être jeté dehors.
Que celui-là
m'entende qui a des oreilles pour entendre.

Oh! plût à Dieu qu'une doctrine si sainte
fût entendue ! il n'y a point de principe en
la nature qui puisse redonner la force au
sel quand il l'a perdue.
Qui redonnera donc
aux ecclésiastiques la bonne odeur de Jésus-
Christ qu'ils sont obligés de répandre partout,
quand leur vie peu édifiante fait tout
le contraire ? Les Pères disent qu'ils sont
coupables d'autant de péchés, qu'ils en causent
par leurs mauvais exemples; et saint
Bernard les traite de persécuteurs de l'Eglise
de Dieu. Leurs moindres défauts, à raison de
la sainteté de leur état, sont bien grands aux
yeux de Dieu et de ses anges; et nous lisons
de saint Ambroise, qu'il refusa d'admettre
aux ordres deux personnes dont les
gestes n'étaient pas assez modestes.



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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

Certainement le grand Apôtre veut même
que la modestie de tous les Chrétiens soit
connue à tous les hommes (Philip, iv, 5);
et il se sert de la modestie de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, pour exhorter les Corinthiens
recevoir les vérités qu'il leur enseigne.
(II Cor. x, 1.) On ne peut dire combien
cette vertu a de force sur les esprits, et
combien les coeurs en sont touchés. On rapporte
de saint Lucien, martyr, que sa modestie
convertissait les païens et leur persuadait
d'embrasser la foi de Jésus-Christ.
Ce qu'ayant appris l'empereur Maximien
qui l'avait condamnée la mort, et ayant eu
la curiosité de le voir, il n'osa jamais le
regarder quand il fut devant lui, de peur de
se faire Chrétien.
Il y a eu des saints, comme
saint François, qui seulement en se montrant
ont fait de forts sermons. Enfin saint
Paul aux Philippiens ( iv , 8 ) veut que
tout ce qui est véritable, tout ce qui est charitable,
tout ce qui est juste, tout ce qui est
pur et saint, tout ce qui nous acquiert de la
réputation, s'il y a quelque vertu à pratiquer,
s'il y a quelque conduite digne de
louange, que ce soit l'occupation de l'esprit
des Chrétiens.
Ces paroles qui sont un abrégé
de toute la piété et de la sainteté morale qui
regardent les Chrétiens de toutes sortes de
conditions, conviennent d'une manière bien
plus particulière aux ecclésiastiques, dans
lesquels tout ce qui est pur et saint, toute
la conduite digne de louange, doivent éclater
avec édification.



Quelle misère donc si ceux qui sont la lumière
du monde en deviennent les ténèbres !
si ceux qui en doivent prêcher hautement
le mépris en inspirent la vanité! Quel aveuglement
dans ces derniers temps, où bien
loin de servir à la réforme de ia corruption
du siècle, plusieurs contribuent par leur
habit et leur extérieur à soutenir le luxe.
Ils ont dû en entrant dans l'état ecclésiastique,
mettre bas et se dépouiller de l'ignominie
de l'habit séculier, c'est comme parle
l'Eglise, et il semble qu'ils ont peur de porter
l'habit de Jésus-Christ. L'habit long, ou
la soutane, est peu porté, à peine se distingue-
t-on des séculiers.
Los cheveux empruntés,
que les saints n'ont pu souffrir
dans les femmes, je parle des perruques,
leur sont ordinaires. Encore si pour la dernière
nécessité ils en portaient de conformes
à la modestie cléricale; mais ils en ont
comme les séculiers, et quelquefois avec
plus de vanité. O l'horreur ! plusieurs se
font couper leurs cheveux pour porter ces
perruques; et ils les portent jusqu'aux autels,
ils les portent en célébrant les redoutables
mystères, ils les portent avec une
élévation présomptueuse, lorsqu'un Dieu
s'anéantit soi-même, je me sers de l'expression
de l'Apôtre (Philip, II, 7), sous l'apparence
d'une petite hostie et de la moindre
particule de l'hostie. L'Eglise sous le Pape
Zacharie était bien en d'autres sentiments,
lorsque dans le concile romain, elle défendait
aux prêtres de porter la calotte pendant
la messe.



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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

La vie des clercs en toutes choses doit être
si éloignée des manières du siècle, que le
second concile d'Orléans ne voulait pas même
qu'ils demeurassent avec les séculiers.

Et le concile troisième de Cologne invective
avec force contre ceux qui y demeurent, y
servant de précepteurs ou de chapelains, à
la grande ignominie du clergé, ce sont les
paroles du concile, qui gémit de voir que
ceux qui sont les conducteurs du troupeau
de Jésus-Christ, et qui y doivent être à la
tête, y paraissent les derniers, et soient quelquefois
employés bassement à des affaires
temporelles.



C'est encore pour la même raison que les
conciles ont défendu aux ecclésiastiques
d'avoir des femmes qui demeurent chez eux.

Il est vrai qu'il y en a qui exceptent les plus
proches parentes, comme les mères et les
soeurs; mais il y en a aussi, comme celui de
Reims, sous Adrien Ier , du temps de Charlemagne,
qui ne veulent pas que les parentes
y logent sous prétexte de pauvreté, car on
les peut assister ailleurs. Le concile troisième
de Mayence défend même que les
soeurs y demeurent ; et le troisième concile
de Constantinople, qui est le sixième général,
n'excepte que la mère. La discipline de
l'Eglise gallicane ne permet pas aucunes servantes
quelque âgées qu'elles soient. Le
concile de Mayence, sous Carloman, et celui
de Soissons, où saint Médard assista, ont
fait des ordonnances très-sévères sur ce
sujet. Le second concile de Tours sous Pelage Ier
ne souffre pas même qu'un clerc
fasse seulement travailler chez lui une couturière;
ce qui avait été auparavant défendu
dans le concile d'Agde. Enfin, tous les conciles,
dans toutes les provinces chrétiennes,
défendent la demeure des servantes chez les
clercs, et très-particulièrement les ménages
des personnes mariées. Saint Cyprien déplore
le malheur de ceux qui ont la témérité
de contrevenir à ces ordres. Saint Jérôme,
saint Grégoire Je Grand, et les autres Pères
se récrient contre.
Et l'Eglise donne tous ces
ordres pour apprendre aux ecclésiastiques
combien leur vie doit être sainte par l'éloignement
de tout ce qui pourrait servir
d'occasion à en obscurcir la pureté.



C'est une obligation commune à tous les
clercs, et particulièrement aux prêtres,
dont la promotion sacrée les élève en quelque
façon au-dessus des anges ; et l'on peut
dire que la grandeur et la sainteté de leur
état est quelque chose de si divin que, si
l'on était vivement pénétré, on n'aurait jamais
la hardiesse d'y entrer. Un ange en
ayant révélé quelque chose à saint François,
ce saint, quoique la merveille des saints,
n'a jamais osé entrer dans le sacerdoce.



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Re: LE MALHEUR DU MONDE, par Henri-Marie Boudon, grand archidiacre d'Évreux

Message par InHocSignoVinces »

Après cela ne faut-il pas déplorer amèrement
le malheur des ténèbres du monde, où
l'on voit tant de personnes s'ingérer dans un
état si saint, sans en craindre les suites. On
s'y ingère de soi-même, les parents et les
amis y introduisent ; les pères et mères y
destinent leurs enfants auparavant même
qu'ils soient capables de faite un juste choix
d'un état de vie.
Et voici que l'Apôtre s'écrie
aux Hébreux (V, 4, 5): Personne
ne s'attribue cet honneur, mais il faut y être
appelé de Dieu comme Aaron. Aussi Jésus-
Christ ne s'est point glorifié lui-même pour
être pontife, mais il a été glorifié lui-même
par celui qui lui a dit : Vous êtes mon Fils.

O paroles! ô vérités ! qui sont autant de foudres
épouvantables pour écraser l'entreprise
téméraire et de ceux qui entrent dans le
clergé sans vocation, et de ceux qui coopèrent
à leur entrée. Que les pères et les mères,
les parents, ne se flattent point de l'éducation
pieuse qu'ils donneront aux jeunes
gens à qui ils procureront des bénéfices
simples, qu'on les élèvera dans des séminaires.

Si le Seigneur n'édifie la maison, en vain
travaillent ceux qui tâchent de la bâtir.
(Psal.
cxxvi, 1.) On a vu, dans nos jours, de ces
jeunes gens nourris dans des séminaires les
plus exemplaires de la France, y donner
beaucoup d'édification pour un temps, mais
qui, en étant sortis, ont été d'étranges sujets
de scandale. On ne fera jamais rien de bien,
si on n'est appelé de Dieu.
Il n'y a point à
douter sur ce sujet.
Toute plante, dit notre
divin maître en saint Matthieu (XV, 13),
qui n'aura point été plantée par mon Père
céleste, sera arrachée.
Ecoutez, pères, écoutez,
parents et amis, voici ce que vous dit
l'Esprit de Dieu par le prophète Isaïe (XXX,
1) : Malheur à vous qui faites des desseins
sans moi, qui formez des entreprises qui ne
viennent pas de mon Esprit, pour ajouter
toujours péché sur péché.
Cruels parents, qui
sont cause souvent de la damnation éternelle
par les bénéfices qu'ils procurent, et
par la destination qu'ils font des personnes
à l'état ecclésiastique, et même à d'autres
emplois sans l'ordre de Dieu. Rebuffe dit des
ecclésiastiques non appelés qu'il eût mieux
valu qu'on les eût attachés à une roue, et
qu'on les y eût rompus. Ce désordre terrible
ne laisse pas néanmoins de régner.


On demeure tout plongé dans la terre, on ne rêve
et on ne parle que des choses temporelles.
Ainsi on appelle dans les familles, les uns
monsieur l'abbé, qualité ridicule à un jeune
homme, puisque le nom même d'abbé marque
une paternité spirituelle à l'égard des
moines ou religieux ; les autres, monsieur
le chevalier, qui est un autre dérèglement
effroyable, quand l'effet en arrive que l'on
entre dans l'ordre de Malte, qui est un ordre
vraiment religieux, et dans lequel on fait
une profession solennelle des trois voeux de
la religion, et qu'on y entre sans une vocation
spéciale, qui doit être singulière, à raison
que les chevaliers, qui ont les mêmes
obligations que les autres religieux, sont
tous les jours dans des occasions dangereuses
de violer les promesses qu'ils ont faites
à Dieu, dont les autres sont exempts.
Et cependant ces chevaliers n'ont-ils pas une âme
à perdre comme les autres ? ne subiront-ils
pas le jugement de Dieu ? ne sont-ils pas
obligés de rendre au Seigneur Dieu les voeux
qu'il ont faits ? Au Dieu terrible, dit le Psalmiste,
qui ôte la vie des princes, et qui se
montre terrible à tous les rois de la terre !



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