MARTYRE DE QUATRE CHRÉTIENS IROQUOIS, A ONNONTAGUÉ, AU MOIS DE SEPTEMBRE 1690 ET PENDANT LES ANNÉES SUIVANTES.

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gabrielle
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MARTYRE DE QUATRE CHRÉTIENS IROQUOIS, A ONNONTAGUÉ, AU MOIS DE SEPTEMBRE 1690 ET PENDANT LES ANNÉES SUIVANTES.

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MARTYRE DE QUATRE CHRÉTIENS IROQUOIS, A ONNONTAGUÉ,
AU MOIS DE SEPTEMBRE 1690 ET PENDANT LES ANNÉES SUIVANTES.

Lettre du P. Cholenec au P. du Halde.
La paix de N.-S.



J'apprends avec beaucoup de consolation qu'on a été édifié en France du précis que j'y ai envoyé des vertus de la jeune vierge iroquoise qui est morte ici en odeur de sainteté, et que nous regardons comme la protectrice de cette colonie (1). C'est la mission de Saint- François -Xavier-du-Sault qui l'a formée au christianisme, et les impressions que ses exemples y ont laissées durent encore, et dureront longtemps, comme nous l'espérons de la miséricorde de Dieu. Elle avait prédit la mort glorieuse de quelques chrétiens de cette mission longtemps avant qu'elle arrivât, et il est à croire que c'est elle qui, du ciel où elle est placée, a soutenu le courage de ces généreux fidèles, lesquels ont signalé leur constance et leur foi dans les plus affreux supplices. Je vous rapporterai en peu de mot l'histoire de ces fervents néophytes, et je me persuade que vous en serez touché.

Les bourgades iroquoises se dépeuplaient insensiblement par la désertion de plusieurs familles qui se réfugiaient dans la mission du Sault pour y embrasser le christianisme. Etienne te Granonakoa fut de ce nombre. Il vint y demeurer avec sa femme, une belle-soeur et six enfants. Il avait alors environ trente-cinq ans ; son naturel n'avait rien de barbare et la solidité de son mariage, dans un pays où règne la licence et où l'on change aisément de femme, était une preuve de la vie innocente qu'il avait menée. Tous ces nouveaux venus demandèrent instamment le baptême, et on le leur accorda après les épreuves et les instructions accoutumées. On fut bientôt édifié dans le village de l'union qui était dans cette famille, et du soin qu'on y avait d'honorer Dieu. Etienne veillait à l'éducation de ses enfants avec un zèle digne d'un missionnaire. Il les envoyait tous les jours, soir et matin, aux prières et aux instructions qu'on fait à ceux de cet âge : il ne manquait pas lui-même de leur donner l'exemple par son assiduité à tous les exercices de la mission, et par la fréquente participation des sacrements.


1. Lettre du P. Cholenec au P. Auguste le Blanc, 27 août 1715. Lettres édifiantes (éd. Aimé Martin), t. I, p. 647 sq

LES MARTYRS
TOME IX
Le XVIIe Siècle
Recueil de pièces authentiques sur les martyrs depuis les origines
du christianisme jusqu'au XXe siècle
TRADUITES ET PUBLIÉES
Par te R. P. Dom H. LECLERCQ


à suivre
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C'est par une conduite si chrétienne qu'il se préparait à triompher des ennemis de la religion et à défendre sa foi au milieu des plus cruels tourments. Les Iroquois avaient mis tout en oeuvre pour engager tous ceux de leur nation qui étaient au Sault à retourner dans leur terre natale : les prières et les présents ayant été inutiles, ils en vinrent aux menaces et ils leur signifièrent que s'ils persistaient dans leur refus, ils ne les regarderaient plus comme parents ou amis, mais que leur haine deviendrait irréconciliable, et qu'ils les traiteraient alors en ennemis déclarés.

La guerre qui était alors entre les Français et les Iroquois, servit de prétexte à ceux-ci pour assouvir leur rage sur ceux de leurs compatriotes qui, après les avoir ainsi abandonnés, tombaient entre leurs mains. Etienne partit en ce temps-là, vers le mois d'août de l'année 1690, pour la chasse d'automne : il était accompagné de sa femme et d'un sauvage du Sault. Le mois de septembre suivant, ces trois néophytes furent surpris dans les bois par un parti ennemi de quatorze Goïogoens, qui se saisirent d'eux, les enchaînèrent, et les menèrent captifs dans leur pays.

Aussitôt qu'Etienne se vit à la merci des Goïogoens, il ne douta point qu'il ne dût être bientôt livré à la mort la plus cruelle. Il s'en expliqua ainsi à sa femme, et lui recommanda sur toutes choses de persévérer dans la foi, et au cas qu'elle retournât au Sault, d'élever ses enfants dans la crainte de Dieu. Il ne cessa pendant tout le chemin de l'exhorter à la constance et de la fortifier contre les dangers où 'elle allait être exposée parmi ceux de sa nation.
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Les trois captifs furent conduits non pas à Goïogoen, où il était naturel qu'on les menât, mais à Onnontagué. Dieu voulait, ce semble, que la force et la constance d'Etienne éclatât dans un lieu qui était pour lors célèbre par la quantité de sauvages qui y étaient assemblés en foule, et qui s'y plongeaient dans les plus infâmes débauches. Quoique ce soit la coutume d'attendre les captifs à l'entrée du village, la joie qu'ils eurent d'avoir entre les mains des habitants du Sault, les fit tous sortir de leur bourgade pour aller assez loin au-devant de leur proie. Ils s'étaient parés de leurs plus beaux habits, comme pour un jour de triomphe ; ils étaient armés de couteaux, de haches, de bâtons, et de tout ce qu'ils avaient trouvé sous la main ; la fureur était peinte sur leurs visages.

Quand ils eurent joint les captifs, l'un de ces barbares abordant Etienne : « Mon frère, lui dit-il, tu es mort, ce n'est pas nous qui te tuons, c'est toi qui te tues toi-même, puisque tu nous as quittés pour demeurer parmi les chrétien, mais il n'est pas moins vrai que je me fais gloire de l'être. Faites de moi tout ce qu'il vous plaira, je ne crains ni vos outrages ni vos tourments ; je donne volontiers ma vie pour un Dieu qui a répandu tout son sang pour moi. »


A peine eut-il achevé ces paroles...
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A peine eut-il achevé ces paroles, que ces furieux se jetèrent sur lui et lui firent de cruelles incisions aux bras, aux cuisses et par tout le corps qu'ils ensanglantèrent en un instant. Ils lui coupèrent plusieurs doigts des mains et lui arrachèrent les ongles. Ensuite un de la troupe lui cria : « Prie Dieu ». « Oui, je le prierai », dit Etienne ; et levant ses mains liées, il fit le mieux qu'il put le signe de la croix en prononçant à haute voix et en leur langue ces paroles : Au nom du Père, etc. Aussitôt ils lui coupèrent la moitié des doigts qui lui restaient et lui crièrent une seconde fois : « Prie Dieu maintenant ». Etienne fit de nouveau le signe de la croix, et à l'instant ils lui coupèrent tous les doigts jusqu'à la paume de la main. Puis, ils l'invitèrent unes troisième fois à prier Dieu en l'insultant et vomissant contre lui toutes les injures que la rage leur dictait. Comme ce généreux néophyte se mettait en devoir de faire le signe de la croix avec la paume de la main, ils la lui coupèrent entièrement. Non contents de ces premières saillies de fureur, ils lui tailladèrent la chair dans tous les endroits qu'il avait marqués du signe de la croix, c'est-à-dire au front, à l'estomac et au-devant de l'une et de l'autre épaule, comme pour effacer ces augustes marques de la religion qu'il venait d'y imprimer.

Après ce sanglant prélude, on mena les captifs au village. On arrêta d'abord Etienne auprès d'un grand feu qui y était allumé et où l'on avait fait rougir des pierres. On lui mit des pierres entre les cuisses, en les pressant violemment l'une contre l'autre. On lui ordonna alors de chanter à la manière iroquoise ; et comme il refusa de le faire, et qu'au contraire il répétait à haute voix les prières qu'il récitait tous les jours, un de ces furieux prit un tison ardent et le-lui enfonça bien avant dans la bouche. Puis sans lui donner le temps de respirer, on l'attacha au poteau.


Quand le néophyte se vit
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Quand le néophyte se vit au milieu des fers rouges et des tisons ardents, loin de témoigner de la frayeur, il jeta un regard tranquille sur toutes ces bêtes féroces qui l'environnaient, et leur parla ainsi : « Repaissez-vous, mes frères, du plaisir barbare que vous vous faites de me brûler ; ne m'épargnez pas, mes péchés méritent encore plus de souffrances que vous ne m'en procurez ; plus vous me tourmenterez, plus vous augmenterez la récompense qui m'est préparée dans le ciel. »

Ces paroles ne servirent qu'à augmenter leur fureur : chacun des sauvages prit à l'envi des tisons ardents et des fers rouges, dont ils brûlèrent lentement tout le corps d'Etienne. Le courageux néophyte souffrit tous ces tourments sans pousser le moindre soupir. Il paraissait tranquille, les yeux élevés au ciel, où son âme était attachée par une oraison continuelle. Enfin, lorsqu'il sentit ses forces défaillir, il demanda trêve pour quelques instants, et alors ranimant toute sa ferveur, il fit sa dernière prière, il recommanda son âme à Jésus-Christ, et le pria de pardonner sa mort à ceux qui le traitaient avec tant d'inhumanité. Enfin, après de nouveaux tourments, soufferts avec la même constance, il rendit son âme à son Créateur, triomphant par son courage de toute la cruauté iroquoise.

On donna la vie à sa femme, comme il l'avait prédit. Elle resta encore quelque temps captive dans le pays, sans que ni les prières ni les menaces pussent ébranler sa foi. S'étant rendue à Agnié, qui est le lieu de sa naissance, elle y demeura jusqu'à ce que son fils l'allât chercher et la ramenât au Sault.
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Au regard du sauvage qui fut pris en même temps qu'Etienne, il en fut quitte pour avoir quelques doigts coupés, avec une grande incision qu'on lui fit à la jambe. Il fut conduit à Goïogoen, où on lui accorda la vie. On mit tout en oeuvre pour l'engager à s'y marier et à se livrer aux désordres ordinaires de la nation ; mais il répondit constamment que sa religion lui défendait ces sortes d'excès. Enfin étant venu un parti de guerriers vers Montréal, il se rendit à la mission du Sault, où il a vécu depuis avec beaucoup de piété.

Deux ans après, une femme de la même mission fit paraître une constance pareille à celle d'Etienne, et finit comme lui sa vie dans les flammes. Elle s'appelait François e Gonannhatenha. Elle était d'Onnontagué, et avait été baptisée par le père Frémin. Toute la mission était édifiée de sa piété, de sa modestie et de la charité qu'elle exerçait envers les pauvres. Comme elle était à son aise, elle partageait ses biens à plusieurs familles qui se soutenaient de ses libéralités. Ayant perdu son premier mari, elle épousa un vertueux chrétien qui était d'Onnontagué comme elle, et qui demeurait depuis longtemps à Chasteau-Guay, qui est à trois lieues du Sault. Il y passait tous les étés à la pêche, et il y était actuellement, lorsqu'on lui apprit la nouvelle d'une incursion des ennemis. Aussitôt François e se mit en canot avec deux de ses amies pour aller chercher son mari et le délivrer du péril où il se trouvait. Elles y arrivèrent à temps et cette petite troupe se croyait en sûreté, lorsqu'à un quart de lieue du Sault, elle fut prise à l'imprévu par l'armée ennemie, qui était composée d'Onnontagués, de Tsounontouans et de Goïogoens. On coupa sur-le-champ la tête au mari, et les trois femmes furent emmenées captives .
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La cruauté qu'on exerça sur elles, la première nuit qu'elles passèrent dans le camp iroquois, leur fit juger qu'elles devaient s'attendre aux traitements les plus inhumains. Ces barbares se divertirent à leur arracher les ongles et à leur fumer les doigts dans leurs calumets ; c'est, dit-on, un tourment très douloureux. Des avant-coureurs portèrent à Onnontagué la nouvelle de la prise qu'on venait de faire. Les deux amies de Françoise furent aussitôt données à Onneïout et à Tsonnontonan, et l'on donna Françoise à sa propre soeur, qui était fort considérée dans le village. Celle-ci, se dépouillant de la tendresse que la nature et le sang devaient lui inspirer, l'abandonna à la discrétion des anciens et des guerriers, c'est-à-dire qu'elle la destina au feu.

A peine les captives furent-elles arrivées à Onnontagué qu'on fit monter François e sur un échafaud qui était dressé au milieu du village. Là, en présence de ses parents et de tous ceux de sa nation, elle déclara à haute voix qu'elle était chrétienne de la mission du Sault, et qu'elle s'estimait heureuse de mourir dans son pays et de la main de ses proches, à l'exemple de Jésus-Christ qui avait été mis en croix par ceux mêmes de sa nation qu'il avait comblés de bienfaits.

Un parent de la néophyte qui était présent, avait fait un voyage au Sault cinq ans auparavant pour l'engager à retourner avec lui. Tous les artifices qu'il employa pour lui persuader de quitter la mission furent inutiles ; elle lui répondit constamment qu'elle estimait plus sa foi que son pays et sa vie, et qu'elle ne voulait point risquer un si précieux dépôt. Le barbare entretenait depuis longtemps dans son coeur l'indignation qu'il avait conçue d'une pareille résistance, et, piqué encore plus d'entendre les discours de Françoise, il sauta sur l'échafaud, il lui arracha un crucifix qu'elle portait au col, et, d'un couteau qu'il tenait à la main, il lui fit une double incision en forme de croix. « Tiens, lui dit-il, voilà la croix que tu estimes tant et qui t'empêcha d'abandonner le Sault, lorsque je pris la peine de t'aller chercher. » « Je te remercie, mon frère, lui répondit Françoise ; je pouvais perdre cette croix que tu m'as ôtée, mais tu m'en donnes une que je ne perdrai qu'avec la vie. »
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Elle continua ensuite à entretenir ses compatriotes des mystères de la foi, et elle leur parla avec une véhémence et une onction qui étaient au-dessus de sa portée et de ses talents : « Enfin, dit-elle en finissant, quelque affreux que soient les tourments auxquels vous me destinez, ne croyez pas que mon sort soit à plaindre, c'est le vôtre qui mérite des pleurs et des gémissements ; ce feu que vous allumez pour mon supplice, ne durera que quelques heures, mais pour vous un feu qui ne finira jamais vous est préparé dans les enfers. Il est pourtant encore en votre pouvoir de l'éviter : suivez mon exemple, faites-vous chrétiens, vivez selon les règles d'une loi si sainte, et vous vous déroberez aux flammes éternelles. Du reste, je vous déclare que je ne veux aucun mal à ceux que je vois tout prêts à m'arracher la vie non seulement je leur pardonne ma mort, mais je prie encore le souverain arbitre de la vie et de la mort d'ouvrir leurs yeux à la vérité, de toucher leurs cœurs, de leur faire la grâce de se convertir et de mourir chrétiens comme moi. »

Ces paroles de Françoise, loin de fléchir ces coeurs barbares, ne firent qu'augmenter leur fureur. Ils la promenèrent trois nuits de suite par toutes les cabanes, pour en faire le jouet d'une populace brutale. Le quatrième jour, ils l'attachèrent au poteau pour la brûler. Ces furieux lui appliquèrent à toutes les parties du corps des tisons ardents et des canons de fusil tout rouges. Ce supplice dura plusieurs heures, sans que cette sainte victime poussât le moindre cri ; elle avait les yeux sans cesse élevés au ciel, et l'on eût dit qu'elle était insensible à des douleurs si cuisantes. M. de Saint-Michel, seigneur de la côte de ce nom, qui était alors captif à Onnontagué, et qui s'échappa comme par miracle des mains des Iroquois une heure avant le temps où ils le devaient brûler, nous raconta toutes ces circonstances dont il fut témoin. La curiosité attirait autour de lui tous les habitants de Montréal, et la simple exposition de ce qu'il avait vu tirait des larmes de tout le monde. On ne pouvait se lasser d'entendre parler d'un courage qui tenait du prodige.

Quand les Iroquois se sont divertis longtemps à brûler peu à peu leurs captifs, ils leur cernent la tête, ils leur enlèvent la chevelure, ils leur jettent sur la tête de la cendre chaude, et ils les détachent du poteau ; après quoi, ils prennent un nouveau plaisir à les faire courir, à les poursuivre avec des huées horribles, et à les assommer à coups de pierres. Ils en usèrent de la même sorte à l'égard de François e. M. de Saint-Michel nous rapporta que ce spectacle le fit frémir ; mais qu'un moment après il fut attendri jusqu'aux larmes, lorsqu'il vit cette vertueuse néophyte se jeter à genoux, et, levant les yeux au ciel, offrir à Dieu en sacrifice les derniers souffles de vie qui lui restaient. Elle fut accablée à l'instant d'une grêle de pierres que lui jetèrent les Iroquois, et elle mourut, comme elle avait vécu, dans l'exercice de la prière, dans l'union avec Notre-Seigneur.
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Une troisième victime de la mission du Sault fut sacrifiée l'année suivante à la fureur des Iroquois. Son sexe sa grande jeunesse, et l'excès des tourments qu'on lui fit souffrir, rendent sa constance mémorable. On la nommait Marguerite Garangoüas : elle n'avait que vingt-quatre ans, elle était d'Onnontagué, et elle avait reçu le baptême à l'âge de treize ans. Elle se maria peu après, et Dieu bénit son mariage en lui accordant quatre enfants qu'elle élevait avec grand soin dans la piété. Le plus jeune était encore à la mamelle, et elle le portait entre ses bras lorsqu'elle fut surprise.

Ce fut vers l'automne de l'année 1693, qu'étant allée visiter son champ à un quart de lieue du fort, elle tomba entre les mains de deux sauvages d'Onnontagué : ils étaient de son pays et il est même probable qu'ils étaient de ses parents. La joie qu'on avait eue à Onnontagué de la prise des deux premiers chrétiens du Sault, fit juger à ces sauvages que cette nouvelle captive leur attirerait de grands applaudissements. Ils la menèrent donc en diligence à Onnontagué.

Au premier bruit de son arrivée, tous les sauvages sortirent du village, et allèrent attendre la captive sur une éminence où elle devait passer. Une fureur nouvelle s'était emparée de tous les esprits. Dès que Marguerite parut, elle fut reçue avec des cris affreux, et elle ne fut pas plus tôt sur l'éminence, qu'elle se vit investie de tous ces barbares, au nombre de plus de quatre cents. On lui arracha d'abord son enfant, on la dépouilla de ses habits, ensuite tous se jetèrent sur elle pêle-mêle, et ils l'ensanglantèrent à coups de couteaux. Tout son corps était devenu une seule plaie. Un de nos Français, qui fut témoin d'un si effroyable spectacle, attribuait à une espèce de miracle qu'elle n'ait pas expiré sur l'heure. Marguerite l'aperçut, et le nommant par son nom : « Hé bien ! lui dit-elle, vous voyez quel est mon sort ; il n'y a plus que quelques instants de vie pour moi. Dieu en soit béni ! Je n'appréhende point la mort, quelque cruelle que soit celle qu'on me prépare : mes péchés en méritent davantage ; priez le Seigneur qu'il me les pardonne, et qu'il me donne la force de souffrir. » Elle parlait à haute voix et dans la langue. On ne pouvait assez s'étonner que, dans le triste état où elle était réduite, elle eût encore l'esprit si présent.
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On la conduisit pour peu de temps dans la cabane d'une Française, habitante de Montréal, qui était aussi en captivité. La Française prit ce temps-là pour encourager Marguerite, et pour l'exhorter à souffrir avec constance un tourment passager, en vue des récompenses éternelles dont il serait suivi. Marguerite la remercia des conseils charitables qu'elle lui donnait, et elle lui répéta ce qu'elle avait déjà dit : qu'elle n'avait nulle appréhension de la mort, et qu'elle l'acceptait de bon coeur. Elle ajouta même que, depuis son baptême, elle avait demandé à Dieu la grâce de souffrir pour son amour, et que voyant son corps tout déchiré, elle :ne pouvait douter que Dieu n'eût exaucé sa prière ; qu'elle mourait contente, et qu'elle ne souhaitait aucun mal à ses parents ni à ses compatriotes qui devenaient ses bourreaux ; qu'au contraire elle priait Dieu de leur pardonner leur crime et de leur faire la grâce de se convertir à la foi. C'est une chose remarquable que les trois néophytes dont je parle aient prié à la mort pour le salut de ceux qui les traitaient si cruellement ; c'est une preuve bien sensible de la charité qui règne dans la mission du Sault. Les deux captives s'entretenaient encore des vérités éternelles et du bonheur des saints dans le ciel, lorsqu'une troupe de sauvages vint chercher Marguerite, pour la conduire au lieu où elle devait être brûlée. Ils n'eurent nul égard ni à sa jeunesse, ni à son sexe, ni à sa patrie, ni à l'avantage qu'elle avait d'être la fille d'un des plus distingués du village, qui était même comme le chef et au nom duquel se faisaient toutes les affaires de la nation. Tout cela aurait infailliblement sauvé la vie à toute autre qu'à une chrétienne de la mission du Sault.

Marguerite fut donc liée au poteau, et on lui brûla tout le corps avec une cruauté qu'il n'est pas aisé de décrire. Elle souffrait ce long et rigoureux supplice sans donner aucun signe de douleur. On l'entendait invoquer les saints noms de Jésus, de Marie et de Joseph et les prier de la soutenir dans ce rude combat, jusqu'à ce que son sacrifice fût consommé. Elle demandait aussi de temps en temps un peu d'eau ; mais après quelques réflexions, elle pria qu'on lui en refusât, quand même elle en demanderait : « Mon Sauveur, dit-elle, eut soif en mourant pour moi sur la croix, n'est-il pas juste que je souffre la même incommodité ? » Les Iroquois la tourmentèrent depuis midi jusqu'au soleil couché. Dans l'impatience où ils étaient de lui voir rendre le dernier soupir, avant que la nuit les forçât de se retirer, ils la détachèrent du poteau, ils lui arrachèrent la chevelure, ils lui couvrirent la tête de cendre chaude, ils lui ordonnèrent de courir. Elle, au contraire, se mit à genoux en levant les yeux et les mains au ciel, elle recommanda son âme au Seigneur. Ces barbares lui déchargèrent sur la tête plusieurs coups de, bâton, sans qu'elle discontinuât de prier. Enfin l'un d'eux s'écriant ; « Est-ce que ce chien de chrétien ne peut mourir », prit un couteau tout neuf, et le lui enfonça dans le bas-ventre. Le couteau, quoique poussé avec roideur, se brisa, au grand étonnement des sauvages, et les morceaux tombèrent à ses pieds. Un autre prit le poteau même où elle avait été attachée, et lui en frappa violemment la tête. Comme elle donnait encore quelques signes de vie, ils mirent le feu à un tas de bois sec qui était dans la place, et ils y jetèrent son corps qui fut bientôt consumé. C'est de là que Marguerite alla sans doute recevoir au ciel la récompense que méritait une sainte vie terminée par une mort si précieuse.
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