Sermon du Vénérable Louis de Grenade pour le IVème dimanche après Pâques

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Laetitia
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Re: Sermon de Saint Louis de Grenade pour le IVème dimanche après Pâques

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Maintenant si vous me demandez ce que c'est que la grâce, et ce qu'elle opère dans les âmes des justes, j'aurais beau m'étendre sur cette question, jamais je ne l'épuiserais. La grâce a pour principal résultat de rendre l'âme de l'homme agréable à Dieu, de la faire participer à la nature divine. Et ses deux propriétés qui se rattachent le plus à notre sujet sont, d'abord, d'éclairer l'entendement sur toutes les œuvres du salut ; et ensuite, ce qui est plus merveilleux, de porter une volonté languissante et faible à accomplir ces mêmes œuvres.

Saint Augustin (Serm. de Verb. Dom.) expose ainsi ces propriétés : « Par la grâce seule les hommes sont délivrés du mal; sans elle, ils ne peuvent ni penser, ni vouloir, ni exécuter rien de bon ; en sorte que non seulement, sous sa direction, ils savent ce qu'il faut faire ; mais encore que par ses inspirations ils font avec amour ce qu'ils savent. »

Au reste, le Seigneur le promet clairement par la bouche de Jérémie, quand il dit : « Le temps vient où je ferai une nouvelle alliance avec la maison de Juda, non selon l'alliance que je fis avec leurs pères, etc. Mais j'imprimerai ma loi dans leurs entrailles, et je l'écrirai dans leurs cœurs. » Jerem. XXXI, 31 et seq. Ainsi l'ancienne alliance fut écrite sur des tables de pierre. Exod. XXXI, 18. Mais la nouvelle fut gravée dans les cœurs mêmes des fidèles. Car la sagesse divine, dont les œuvres sont parfaites, voyant que ce n'était pas assez, pour le salut des hommes, de leur avoir montré, comme du doigt, le chemin du ciel, en leur écrivant la loi de sa propre main, et cela parce qu'une nature faible et dégénérée se refusait à marcher par ce chemin ; la divine sagesse, dis-je, ajouta la loi nouvelle, qui non-seulement enseigne l'ignorant, mais de plus guérit et fortifie le malade; et qui non-seulement éclaire l'intelligence, pour qu'elle sache ce qu'elle a à faire, mais encore meut la volonté pour qu'elle exécute le bien que l'intelligence a compris.

Vous voyez, mes frères, de combien de manières Jésus-Christ a allégé le fardeau de la loi divine, quand il a retranché du nombre des commandements, tout en ajoutant à la rémunération du travail; et, ce qui est plus important, quand il a donné de nouvelles forces pour agir, et guéri la nature au moyen de la grâce. Voilà donc la justice que, par sa mort, Jésus-Christ a apportée au monde ; la justice par laquelle il a admirablement remédié à ce qu'il y avait de défectueux dans l'ancienne loi ; de sorte que le lâche n'a plus d'excuse à alléguer pour justifier son inertie.
(à suivre)
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Laetitia
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IV.


Le Saint-Esprit convaincra donc à bon droit le monde, non seulement sur le jugement, mais encore sur la justice que Jésus-Christ a apportée au monde, et que les méchants ont négligée, tandis qu'ils eussent pu facilement l'acquérir. « Parce que, dit le Sauveur, je vais à mon Père, et vous ne me verrez plus. » Aller à son Père, c'est aller à la mort, par le mérite de laquelle le monde allait recevoir cette justice : car c'est le mot qu’emploient les Évangélistes pour exprimer la mort de Jésus-Christ. Le sens est donc : Le Saint-Esprit accusera le monde sur la justice, que, par ma mort, je vais apporter au monde. Car cette mort abolira la loi, ouvrira aux exilés la porte du royaume céleste, conférera la grâce aux hommes, jettera dehors le prince de ce monde. Ces faits accomplis, qu'est-ce que les méchants pourront attendre de plus, et qu'auront-ils à répondre à l'accusation de Dieu ?

« Car je vais à mon Père, et vous ne me verrez plus. » C'est comme s'il avait dit : Avant que mon Père m'eût envoyé en ce monde, tout espoir de salut se concentrait dans mon avènement. Les Juifs, les Samaritains mêmes l'attendaient; bien plus la Samaritaine entretenait cette espérance, quand elle disait : « Je sais que le Messie, c'est-à-dire le Christ, doit venir ; quand il sera venu, il nous annoncera toutes choses. » Joan. IV, 25. Ainsi tout ce qui est nécessaire au salut devait être annoncé et apporté par moi. Maintenant donc le Messie est venu, la promesse est accomplie, les hommes sont en possession de tout ce qui peut les aider pour le salut, et il ne reste rien à attendre. Car l’œuvre du salut et de la rédemption ayant été consommée sur la croix, je retourne à mon Père, et vous ne me verrez plus. Si donc, après un tel bienfait, le monde est encore plongé dans un sommeil de mort, et n'a pas été réveillé par cette clarté nouvelle, quel autre remède peut-il attendre à ses maux, quel prétexte valable peut-il alléguer pour justifier sa nonchalance et son impiété ?
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Laetitia
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Message par Laetitia »

Viendra donc, oui viendra le jour où l'homme rendra compte d'une si inconcevable démence. Et l'auteur de notre salut et de notre liberté sera aussi le juge de notre vie. Car celui qui a tant donné sait ce qu'il est en droit de demander. Homme misérable, quelle sera donc alors ton excuse ? Sera-ce le poids de la loi mosaïque ? Mais il a été changé en un léger fardeau, en un joug suave. Sera-ce d'avoir été soumis à des observances impuissantes et vides, qui imposaient une charge, sans conférer aucune grâce ? Mais aujourd'hui ce qu'on te propose est un fardeau qui soulage et qui confère la grâce à celui qui le porte. Seront-ce les ruses et la puissance du démon ? Mais le prince de ce monde est jugé. Sera-ce le pouvoir de ta chair, c'est-à-dire d'un ennemi domestique ? Mais notre vieil homme a été crucifié avec Jésus-Christ.
Diras-tu que la récompense était trop faible, et peu faite pour animer au travail, alors que la loi promettait seulement les biens de la terre ? Voilà que non seulement on te promet, mais même qu'on t'assure le royaume des cieux.

Enfin, mettras-tu en avant la multitude des préceptes de la loi mosaïque? Eh bien, les voilà tous condensés en un seul, la charité. Dis-moi donc, si Dieu avait droit de commander aux hommes quelque chose, que pouvait-il commander de plus doux et de plus suave que l'amour ? S'il fallait instituer un remède pour l'expiation des crimes, en était-il un plus facile, plus simple, que la contrition et la confession, sans aucune immolation de victimes ?

En outre, pour acquérir le secours de la grâce divine, quoi de plus facile, de plus consolant que de recevoir pieusement et saintement la sainte Eucharistie, c'est-à-dire le pain des anges « qui renferme en soi tout ce qu'il y a de délicieux, et tout ce qui peut être agréable au goût? » Sap. XVI, 20. Dans tout cela, rien que de doux et d'agréable. Ô homme, qu'as-tu donc à répondre au juge qui t'interrogera ? Assurément, celui qui a tout donné, n'a laissé aucune excuse à notre nonchalance.

Aussi l'Apôtre s'écrie : « Nous devons nous attacher avec plus de soin aux choses que nous avons entendues, pour n'être pas comme des vases entr'ouverts qui laissent écouler ce qu'on y met. Car si la loi, qui a été annoncée par les anges, a été inviolable, de sorte que toute transgression et toute désobéissance a reçu la juste punition qu'elle méritait, comment l'éviterons-nous, si nous négligeons une parole si salutaire. » Hebr. II, 1, 2, 3. Comme s'il disait : Si ceux qui étaient écrasés sous le joug intolérable de la loi, et qui étaient privés de la vertu fortifiante de nos sacrements, étaient si cruellement punis de leurs transgressions, quel châtiment ne sera pas réservé à ceux qui, délivrés de ce joug, et comblés des secours de la grâce, repoussent loin d'eux le léger fardeau de Jésus-Christ ? Si ceux qui n'avaient guère d'autre moyen de salut que la loi gravée sur des tables de pierre, étaient si rudement châtiés; je vous le demande, nous à qui tant de sacrements, tant de bienfaits, tant d'exemples, tant de mystères, tant d'exhortations, enfin une telle abondance de dons et de grâces célestes, viennent en aide pour le salut, que pouvons nous attendre, si nous trébuchons encore dans la voie de la piété et du devoir ?
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Laetitia
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Dans la même épître, saint Paul reprend sa pensée en ces termes : « Celui qui a violé la loi de Moïse est mis à mort sans miséricorde sur la déposition de deux ou de trois témoins. Songez combien celui-là sera jugé plus coupable, qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu ; qui aura tenu pour une chose vile et profane le sang de l'alliance par lequel il avait été sanctifié, et qui aura fait outrage à l'Esprit de la grâce. Car nous savons quel est celui qui a dit : C'est à moi qu'appartient la vengeance, et je saurai bien la faire. » Hebr. x, 28 et seq. Quelle sera donc cette vengeance ? En d'autres termes, de quelle sentence seront frappés ceux qui ont méprisé criminellement l'offre d’un salut acheté si cher, acheté au prix du sang de l'alliance, c'est-à-dire, mérité par la mort du Fils unique de Dieu ? Rappelez-vous, mes frères, ce que nous disions en commençant. Rappelez-vous ce que notre Seigneur recommanda à ses disciples, quand il les envoya pour annoncer l’Évangile. Il leur dit que là où on ne voudrait pas les recevoir et les entendre, ils devaient secouer la poussière de leurs pieds, en signe de l'offre et du rejet du salut. Matth. X, 14. Ecoutez maintenant quelle peine est réservée à ceux qui ont ainsi repoussé la doctrine du salut : « Je vous déclare, dit le Seigneur, qu'au jour du jugement le pays de Sodome sera traité moins rigoureusement que cette ville. » Dico vobis quia Sodomis remissius erit in die judicii, quam civitati illi. Matth. XI, 24.

Parole effrayante ! Sentence formidable ! Que faisons-nous donc, mes frères ? A quoi pensons-nous ? D'où vient notre confiance, quand notre salut court tant de dangers ? Si ceux-là, pour avoir une fois refusé le salut qui leur était offert, sont dans une condition pire que les habitants de Sodome, et seront dans les enfers punis de plus affreux supplices ; que ne devons-nous pas craindre, nous à qui, durant de longues années, la même lumière et le même salut ont été annoncés et offerts par tant d'exhortations de l'Eglise ? La poussière, secouée sur ceux-là, criera contre eux au jour du jugement ; mais les murs de ce temple ébranlés par les cris de tant de prédicateurs, porteront témoignage de notre impiété et de notre insouciance. Si Moïse appelle comme témoins le ciel et la terre contre la désobéissance et la rébellion des Juifs, à qui n'avaient servi ni tant de lois divines, ni tant de bienfaits reçus; est-ce que Jésus-Christ n'appellera pas en témoignage contre nous tant de sermons entendus en vain, tant de promesses d'éternel bonheur, tant de facilités accordées pour le salut, tant de bienfaits départis, tant de fléaux envoyés pour nous faire venir à résipiscence, et surtout son sang répandu pour nous sur la croix ?
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Laetitia
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Que personne ne se fasse donc illusion, mes frères ; que personne ne s'imagine qu'il n'aura à rendre compte que de ses crimes. Car nous serons examinés non pas seulement sur les péchés que nous aurons commis, mais aussi sur les grâces que nous aurons reçues, et sur les avertissements salutaires que nous avons entendus tant de fois. En effet, rien d'étonnant que l'homme, conçu dans l'iniquité, engendre l'iniquité ; mais ce qui est étonnant, ce qui est indigne, c'est que, malgré tant de grâces au moyen desquelles il nous serait aisé de pratiquer la piété et de remplir nos devoirs, nous ne voulions pas obtempérer aux préceptes divins. Voilà surtout ce qui gâtera notre cause au tribunal du souverain Juge.

Aussi saint Paul a-t-il raison de nous avertir de ne pas recevoir inutilement la grâce de Dieu, II Cor. VI, 1, de peur que dans la suite nous ne regrettions en vain de l'avoir négligée. Le Seigneur emploie le même argument pour nous appeler à lui quand il charge les ministres de l’Évangile de nous tenir ce langage : « J'ai préparé mon festin, j'ai fait tuer mes bœufs et tout ce que j'avais fait engraisser ; tout est prêt, venez aux noces : » Dicite invitatis : Ecce prandium meum paravi, tauri mei et altilia occisa sunt, et omnia parata : venite ad nuptias. Matth. XXII, 4. Je vous appelle, non pas à la croix, ni aux fatigues, mais à des noces, c'est-à-dire au banquet céleste, à un joyeux festin. Pourquoi donc tant d'hésitations et de négligence ?

Si vous me demandez une conclusion pratique, voici un facile moyen de salut : c'est de ruminer, comme « les animaux purs, » Levit. XI, Deut. XIV, de ruminer, dis-je, dans le secret, dans le silence de votre cœur, ce que nous avons dit des bienfaits divins, de la mort de Jésus-Christ, du compte à rendre soit à votre mort, soit au jugement dernier, et, en outre, de demander sans cesse à Dieu la grâce de la nouvelle alliance, pour que vous puissiez observer ses saintes lois, et vous abstenir de tout péché mortel.

Nul doute que si vous suivez ce conseil, le Père suprême de miséricorde n'exauce vos demandes, ne cède à vos importunités, et dans sa clémence n'accorde à vos sollicitations, d'abord la grâce, et ensuite l'héritage de l'éternelle gloire, spécialement promis dans la loi nouvelle.
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