Formidables similitudes entre le portrait de la société romaine avant son effondrement et notre époque

Mercè
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Formidables similitudes entre le portrait de la société romaine avant son effondrement et notre époque

Message par Mercè »

Je souhaite vous faire part d'un texte tiré de la préface de l'ouvrage suivant: "S. Jérôme, la société chrétienne à Rome et l'Emigration en Terre Sainte - Tome 2" par Amédée Thierry. Il se trouve dans la Préface au chapitre traitant de l'histoire de Placidie.
L'analyse de l'auteur de cette période mouvementée du Ve siècle, prélude à l'effondrement de l'empire Romain d'Occident, est paru en 1867.
16 siècles séparent ces évènements de nous, et pourtant…..

Le morceau qui précède nous présente, autour de la grande figure de saint Jérôme, le travail du christianisme sur les classes élevées de la ville de Rome.
On y voit le patriciat, cette élite des dominateurs de la terre, saisi d’une soudaine et irrésistible passion pour la destruction de son propre ouvrage, courant avec foi et joie à sa ruine, comme à celle de la patrie ; et l’orgueil séculaire du Romain faisant place à un fanatisme d’humilité et de pauvreté jusqu’alors inconnu.
Ce fut la crise féconde qui prépara au fond des cœurs l’enfantement d’un ordre social nouveau, et accéléra le nivellement universel d’où devait sortir le monde moderne, sous la double action des idées chrétiennes et de l’épée barbare.
Le morceau qui va suivre initiera le lecteur à la seconde phase de ce travail de rénovation. Celle-ci est tout à la fois matérielle et morale. Elle consiste dans le mélange de la vie barbare à la vie romaine sur le sol romain, mélange d’abord lent et mesuré, opéré par le contact et la fusion régulière des races, sans idée de ruine ou d’extermination de l’une par l’autre, puis précipité et violent, quand les événements se succèdent sans ordre ni mesure, déroutant les prévisions humaines et les calculs d’une politique raisonnable.
Ce que Rome républicaine avait fait avec les peuples de l’Italie, de l’Espagne, de la Pannonie, de la Gaule, pour se les assimiler, Rome impériale le tenta durant quatre siècles avec les Germains et les Sarmates.
Elle porta chez eux la civilisation par les armes; elle la leur infusa dans son propre sein, avec plus de promptitude et de sûreté, au moyen de transportations par masses sur ses frontières et de colonies à l’intérieur sur des territoires dégarnis; leur ouvrant en outre dans ses armées une large voie vers la Romanité, au moyen du service auxiliaire. A la fin du IVèmè siècle, l’empire se trouva donc contenir dans son enceinte des peuples entiers d’étrangers, restés plus ou moins autonomes ou devenus plus ou moins romains, qui, sous les noms de fédérés, de colons barbares, de bêtes, composèrent, à côté des Romains proprement dits, une sorte de réserve de la Romanité.
L’empire, dans cette situation, formait une grande hiérarchie de membres divers d’origine, d’obligations et de droits, mais concourant tous par leur action à la vitalité du corps politique.
On conçoit que ce contact de deux races, l’une civilisée, l’autre demi-barbare, sous le même drapeau, autour des mêmes demeures, au milieu des mêmes périls ou des mêmes labeurs, amenât entre elles, par le cours naturel des choses, une fusion plus ou moins complète; que les deux sociétés en un mot cherchassent à se pénétrer l’une l’autre, heureusement pour toutes deux, et dans le but final d’une communauté fraternelle. Ce but fut en partie atteint. Les plus distingués des barbares, placés dans ces conditions, aspirèrent à devenir Romains et le furent souvent avec gloire. Et de même que jadis, nombre de généraux, d’écrivains, de magistrats, sortis de la Gaule, de l’Espagne, de l’Afrique, s’étaient trouvés des personnages importants sous les premiers Césars, alors même que leur pays n’était pas entièrement romain; de même on vit sous Constantin, sous Julien, sous Théodose principalement, des Germains, soit de l’intérieur de l’empire, soit du dehors, jouer un rôle militaire ou politique prédominant, commander les armées, siéger au sénat, porter la trabée consulaire, se faire enfin chefs de partis, pour ou contre les empereurs, dans les guerres civiles de Rome.

[...]

On ne saurait trop le redire. Le Vème siècle de l’ère chrétienne est un des plus importants à étudier pour qui veut connaître à fond l’histoire des nations modernes.
C’est de là qu’elles datent pour la plupart. Elles y sont nées de ce mariage du monde civilisé et du monde barbare, se donnant la main sur des ruines comme Ataülf et Placidie sur les débris de Rome saccagée.
Quand bien même l'histoire du Vème siècle n’aurait pas pour nous, peuple sorti de ce mélange, une sorte de droit au respect filial, il en aurait un certainement à l'intérêt du philosophe qui recherche curieusement les métamorphoses diverses de l’humanité, car nulle époque ne fut remplie de plus bizarres contrastes, de changements plus imprévus, de plus immenses misères, produits du contact violent d’une civilisation efféminée avec une barbarie graduée à l’infini, et qui allait s’élevant jusqu’à la férocité de la bête fauve dans le Ruge, l’Hérule ou le Hun.
Ce temps d’ailleurs est fécond en enseignements de toute sorte. A côté du barbare en proie aux séductions romaines, entraîné, vaincu comme Ataülf aux pieds de Placidie, il nous montre la décadence d’un pays civilisé, et nous fait voir dans cette société si grande encore pour les yeux qu’elle éblouit, si faible en réalité, un monde périssant sous l’atteinte portée à sa vie morale.
Un signe qui ne trompe jamais sur la mort des sociétés, le sceau fatal qui proclame leur dissolution prochaine, c’est l'abaissement des caractères dans les individus, l'absence de règle dans les masses ; c’est l’égoïsme poussé jusqu’à l'indifférence des autres et de soi-même.
Quand l'homme ne sait plus ce qu’il doit vouloir, il cesse bientôt de savoir ce qu’il veut. Pourtant une lumière se montre au fond de ces ténèbres, et l’on sent que l’humanité ne périra pas. Des représentants d’un avenir inconnu apparaissent çà et là, leur parole relève les âmes déchues, et fait descendre dans ce néant le sentiment d’une résurrection future. Un de ces personnages consolants figurera dans nos récits.
La plus grande misère de cette société, c’est que les barbares y sont partout : quand ils n’y entrent pas de force, elle les appelle et les prend pour se détruire. Instruments de la dissolution universelle, les masses les invoquent comme un remède extrême à leurs souffrances, un de ces remèdes qui guérissent en tuant : le pauvre les suscite contre le riche, l’ambitieux contre le gouvernement qu’il sert ou contre le rival qu’il veut perdre. Le Goth, le Vandale, le Hun, remplacent dans les désordres du Vème siècle les bandes d’Italiens et de Latins que soulevaient les tribuns de Rome républicaine et qui firent la guerre sociale. A la moindre souffrance, à la moindre rancune, à la moindre velléité ambitieuse, l’exterminateur est là; on l’arme, on le déchaîne sur son pays. Attila fut conduit en Gaule par un chef de Bagaudes. Chose triste à dire ! il y entra comme l’allié d’une Jacquerie romaine. La colère d’un général romain livre l’Afrique aux Vandales, l’ambition d’un autre livre l’Illyrie, partout l’instrument devient maître.


...toutes ressemblances entre ce portrait et notre réalité serait (nous dit-on) totalement fictive!
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