Sermon du Vénérable Louis de Grenade sur la Passion.

Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Sermon de Saint Louis de Grenade sur la Passion.

Message par Laetitia »

Mais la cruauté des ennemis du Sauveur n'est pas encore rassasiée.Ce n'est pas assez d'avoir percé ses pieds et ses mains avec des clous, ils s'étudient à percer son âme avec leurs langues. « Branlant la tête, ils disent : Toi qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même et descends de la croix. Les princes des prêtres, avec les scribes, le raillant aussi, se disaient l'un à l'autre : Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même. » Marc. xv, 30-32. « S'il est le roi d'Israël, qu'il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui. Il s'est confié en Dieu : si Dieu l'aime, qu'il le délivre maintenant. » Matth. xxvii, 42, 43. Ainsi la rage des pontifes et des Pharisiens n'est pas satisfaite ; mais ne pouvant rien ajouter aux tourments corporels qu'ils lui ont infligés, ils comblent la mesure au moyen de la raillerie et du blasphème. Il a dit par la bouche du Prophète : « Celui que vous avez frappé, ils l'ont persécuté ; et ils ont ajouté à la douleur de mes plaies des douleurs nouvelles. » PS. LXVIII, 31. Le Sauveur, du reste, ressentait encore moins de peine de leurs injures, que de la volonté perverse qui les leur inspirait. Il s'affligeait du sort de ses persécuteurs, en pensant aux malheurs qu'attirait sur eux cet horrible forfait. « Quand on l'a chargé de malédictions, dit saint Pierre, il n'a point répondu par des injures ; quand on l'a maltraité, il n'a point fait de menaces; mais il s'est livré entre les mains de celui qui le jugeait injustement. » I Petr. 11, 23.

Encore un trait de cruauté inouïe, mes frères ! Epuisé de sang, les veines brûlantes et la gorge desséchée, le Sauveur est dévoré d'une soif ardente, et il dit : « J'ai soif. » Que fait le peuple, ce peuple que le Sauveur a cultivé comme une vigne de choix avec tant de soin ? Ce peuple ingrat lui donne des fruits sauvages pour de bons raisins, du vinaigre pour du vin. Traiter de la sorte un homme suspendu an gibet, meurtri, couvert de blessures, dont l'aspect attendrirait des cours de fer ; non-seulement lui refuser une goutte d'eau, mais l'abreuver de vinaigre, n'est-ce pas tout ce qu'on peut imaginer de plus barbare ? Le Seigneur s'est plaint par la bouche du Prophète de tant de cruauté : « Ils m'ont donné du fiel pour ma nourriture, et, dans ma soif, ils m'ont présenté du vinaigre à boire. » Ps. LXVIII, 26. Voilà donc où l'amour du salut des hommes a conduit le Fils unique de Dieu, « en qui tous les trésors de la science et de la sagesse sont renfermés ! » Coloss. II, 3. Attaché à la croix, il n'a pas eu une goutte d'eau pour apaiser sa soif ; et la couronne d'épines ne lui permettait pas même d'appuyer sur le bois sa tête sacrée ! Pourquoi cela, mes frères, que nous devinssions riches par son dénûment, » sinon afin comme parle l’Apôtre : Ut illius inopia vos divites essetis. II Cor. VIII, 9. « Le Sauveur, dit saint Léon-le-Grand, a fait avec nous un traité d'échange qui est tout à notre avantage. Nous lui donnons de ce qui est à nous, il nous donne de ce qui est à lui; nous l'outrageons, il nous honore ; nous le persécutons, il nous sauve ; nous lui donnons la mort, il nous rend la vie. Il avait à ses ordres, pour renverser ses ennemis, plus de douze légions d'anges ; mais il a choisi d'être victime pour nos faiblesses, plutôt que de triompher par sa puissance. » Quiconque méditera sérieusement sur toutes ces souffrances que notre Seigneur a endurées dans son corps et dans son âme, restera convaincu de ce que nous avons dit en commençant, savoir, que toutes les douleurs imaginables, réunies ensemble, ne seraient pas comparables à, son immense douleur.
(à suivre)
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Sermon de Saint Louis de Grenade sur la Passion.

Message par Laetitia »

III.


Et maintenant tirons, en philosophes, les conséquences de ce que nous venons de dire. Car il n'y a pas de philosophie plus élevée que celle de la croix, comme l'atteste saint Paul, qui, ravi au troisième ciel, initié aux secrets de la divine sagesse, « fait profession de ne savoir autre chose que Jésus-Christ, et Jésus Christ crucifié. » I Cor. 11, 2. Une telle parole suffit pour nous révéler l'excellence de la philosophie de la croix. Prions donc, mes frères, notre commun Maître, de nous envoyer un rayon de sa lumière, pour nous faire découvrir tous les mystères que renferme la croix.
(à suivre)
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Sermon de Saint Louis de Grenade sur la Passion.

Message par Laetitia »

Le triste et douloureux aspect du divin Sauveur, suspendu à la croix, doit nous inspirer tout d'abord une tendre compassion. Pourrions-nous, mes frères, ne pas ouvrir nos cœurs à ce sentiment ? Voudrions-nous encourir le reproche que saint Jérôme adresse aux chrétiens indifférents ? « Toutes les créatures sont émues de la mort de Jésus-Christ, dit-il, le soleil s'obscurcit, la terre tremble, les pierres se fendent, les sépulcres s'ouvrent, le voile du temple se déchire : l'homme seul, celui-là même pour lequel le Christ meurt, ne compatit pas à la mort du Christ ! Quoi de plus odieux qu'une telle insensibilité, qu'une telle cruauté ? »

En second lieu, souvenons-nous, comme nous y invitent les paroles mêmes de mon texte, « de la grâce que nous fait Celui qui répond pour nous; car il a livré sa vie pour notre salut. » Eccli. XXIX, 20. Tant qu'il nous restera un souffle de vie, ayons devant les yeux cette grâce insigne, et ne cessons d'en remercier le divin Maître. N'oublions pas qu'il aurait pu nous sauver par une infinité d'autres moyens qui ne lui auraient coûté ni fatigue ni peine, mais qu'il a daigné faire choix du moyen le plus douloureux, afin d'apporter à notre misère un remède plus efficace et d'assurer notre salut par des grâces plus abondantes. Quoi de plus capable, en effet, d'exciter en nous la confiance en Dieu, de nous le faire craindre et aimer, de nous inspirer le mépris du monde, la haine du péché, la patience dans les épreuves, la véritable humilité, la mortification et le crucifiement de la chair, quoi de plus capable enfin de nous enflammer d'amour pour toutes les vertus, que le mystère de la croix de Jésus-Christ ? Mais il serait trop long de développer ces pensées. Bornons-nous donc à dire qu'il y a deux choses à considérer dans le bienfait dont nous sommes redevables au Sauveur : la rédemption en elle-même, et le moyen par lequel la rédemption a été accomplie. Or, le moyen est plus digne d'admiration et de reconnaissance que l’œuvre elle-même.

Sénèque était convaincu que les hommes sont trop peu de chose devant Dieu, pour que ce souverain Maître les ait eus en vue en créant les corps célestes, ou en leur imprimant le mouvement. « Nous nous estimons trop nous-mêmes, dit ce philosophe, si nous nous croyons assez importants pour que Dieu ait mis en mouvement les corps célestes à cause de nous. En vertu des lois qui leur sont propres, ils n'obéissent qu'à l'ordre éternel. » Celui qui ne croyait pas que les corps célestes eussent pu être créés pour le service de l'homme, qu'eut-il dit s'il avait su que non seulement le soleil et les astres ont été faits pour les hommes, mais que le Créateur de toutes choses s'est fait lui-même leur serviteur, qu'il leur a lavé les pieds, et que pour eux il a été crucifié entre deux voleurs ? Plaise à Dieu, mes frères, que nous soyons animés de l'esprit de ce grand philosophe, et que, comme il eût été ravi d'étonnement en présence d'un si grand mystère, nous aussi nous admirions la bonté de Dieu à notre égard, et lui soyons reconnaissants des magnifiques témoignages qu'il nous en a donné.
(à suivre)
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Sermon de Saint Louis de Grenade sur la Passion.

Message par Laetitia »

Ne vous imaginez pas que la dette de la reconnaissance soit moindre, parce que Dieu n'est pas mort pour vous seul, mais pour tous. Il est certain d'abord que sa charité a été si grande, que, s'il l’eût fallu, il aurait donné autant de vies qu'il y aurait eu d'âmes à racheter. De plus, comme le soleil ne donne pas à un homme moins de lumière et de chaleur, en luisant pour tout le monde, que s'il luisait pour celui-là seul : ainsi la passion, offerte pour tous, est aussi profitable à chaque individu en particulier, que si Jésus l'avait endurée pour lui seul. L'Apôtre était pénétré de cette pensée quand il disait : « C'est moi qu'il a aimé, c'est pour moi qu'il s'est livré lui-même à la mort. » Qui dilescit me, et tradidit semetipsum pro me. Gal. 11, 20. Et l'Apôtre lui était aussi reconnaissant de la grâce du salut, que si cette grâce n'avait été accordée qu'à lui seul.

Nous tous donc, mes frères, pour qui le Sauveur s'est jeté dans cet océan de maux afin de nous en retirer nous-mêmes, pénétrons-nous des sentiments de pieuse reconnaissance qui animaient saint Augustin, et disons avec cet illustre docteur : « Qu'avez-vous fait, ô doux Sauveur, pour être jugé si sévèrement par les Juifs ? Quel crime avez-vous commis ? En quoi avez-vous mérité d'être condamné et de mourir ? Ah ! c'est moi qui vous ai blessé, moi qui suis cause de votre mort ! Ô jugement étrange ! Ô mystère ineffable ! Le méchant a péché, et le juste est puni; le coupable commet la faute, et l'innocent en porte la peine; l'impie se révolte, et le saint est condamné; ce que mérite l'homme méchant, l'homme juste le souffre ; la dette que contracte l'esclave, le maître la paie ; l'homme agit, et Dieu est responsable ! Jusqu'où donc, ô Fils de Dieu, l'humilité vous abaisse-t-elle ? De quels feux vous embrase la charité ? Où vous entraîne votre bonté ? A quels excès se porte votre miséricorde ? A quel sublime degré s'élève votre amour ? Jusqu'où va votre compassion ? Vous êtes châtié pour le mal que j'ai fait ; Dieu venge sur vous le crime dont je suis coupable ; vous subissez d'affreuses tortures pour le forfait horrible que j'ai commis ! Pour mon orgueil, vous êtes humilié ; pour mon arrogance, couvert de mépris ; pour ma révolte, obéissant jusqu'à la mort ; pour ma gourmandise, dénué de tout; pour les honteux désordres de la chair, crucifié par la plus héroïque charité ? Ô Roi de gloire, ma méchanceté est patente, et votre bonté éclate ! Voilà l'excès de mes iniquités, et voilà le triomphe de votre justice ! Ô mon Roi, ô mon Dieu, que vous rendrai-je pour tous les biens que j'ai reçus de vous ? L'homme peut-il trouver en lui de quoi reconnaître de telles faveurs ? Quelle invention de son génie atteindrait jamais la grandeur de la bonté divine ? » Ainsi parle saint Augustin. Entrons, mes frères, à son exemple, dans les sentiments d'une tendre piété et d'une vive reconnaissance envers l'adorable mystère de notre salut.

(à suivre)
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Sermon de Saint Louis de Grenade sur la Passion.

Message par Laetitia »

Que faut-il conclure encore ? Il faut conclure, mes frères, que nous devons détester le péché, cause principale de sa mort, et éviter de le commettre à l'avenir. Car si nous nous en rendions coupables, nous crucifierions de nouveau Jésus-Christ et le ferions souffrir (s'il pouvait souffrir encore ) plus cruellement que sur le Calvaire. Le grand saint Bernard prête au Sauveur ce langage : « Ô homme, n'ai-je pas été chargé de plaies pour toi ? N'ai-je pas été brisé à cause de tes péchés ? Pourquoi ajouter à mes douleurs de nouvelles douleurs ? Les blessures que tes offenses font à mon âme sont plus cruelles que les blessures dont mon corps est couvert. »

Concluons, en second lieu, que l'homme ne doit se faire l'esclave de personne, lui qui a été ennobli et glorifié au prix du sang d'un Dieu. C'est pourquoi saint Augustin a dit : « Si jusqu'ici, connaissant votre faiblesse, vous vous êtes crus peu de chose, estimez-vous maintenant d'après le prix que vous avez coûté. » Eusébe d’Emèse nous donne le même avertissement : « Que l'homme, dit-il, sache ce qu'il vaut et ce qu'il a coûté, et que, pensant à cela, il cesse de se compter pour rien. Conservons donc précieusement ce que le Christ a acheté si cher, et souvenons-nous qu'ayant été purifiés par sa passion et par sa mort, nous sommes responsables, non de peu de chose, mais du sang d'un Dieu. »

En troisième lieu, le Seigneur exige de nous ce que l’Époux des Cantiques réclamait de son Épouse : « Je vous ai ressuscitée sous le pommier : c'est là que votre mère s'est corrompue ; c'est là que celle qui vous a donné la vie a perdu sa pureté. » Cantic. VIII, 5. Il est fait allusion dans ces paroles à la chute du genre humain et à la rédemption. Ève, la mère de tous les vivants, s'étant approchée de l'arbre dont Dieu lui avait défendu de goûter le fruit, a écouté les suggestions du serpent, et a été corrompue en perdant l'intégrité de la grâce divine et de la justice originelle. Mais le Seigneur, dans sa miséricorde, l'a réhabilitée sur l'arbre du sacrifice, c'est-à-dire sur le bois de la croix, alors que le mérite des abaissements et de l'obéissance de l'innocent a réparé la transgression et la révolte du coupable. Aussi, après que le céleste Époux a rappelé la grandeur du bienfait, il fait connaître aussitôt ce qu'il exige en échange : « Mettez-moi comme un sceau sur votre cour, comme un sceau sur votre bras. » Ibid. 6. C'est bien là la voix de l’Époux qui, du haut de la croix, demande à l’Épouse, c'est-à-dire à l'âme fidèle, de conserver gravée et inaltérable dans son cour l'image du Dieu crucifié, afin qu'en aucun temps nous ne laissions périr en nous la mémoire d'un si grand bienfait, et que, pour me servir d'un mot de saint Augustin, « il soit cloué en nous comme il a été cloué pour nous sur la croix. »
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Sermon de Saint Louis de Grenade sur la Passion.

Message par Laetitia »

Non content d'être en possession de notre cœur, le Sauveur veut que nous montrions aussi son image dans nos membres, c'est-à-dire dans nos œuvres et dans la conduite ordinaire de la vie, de sorte que chacun de nous puisse dire avec l'Apôtre : « Je porte imprimées sur mon corps les marques du Seigneur Jésus. » Gal. VI, 17. Or, ceux-là portent ces marques sacrées, qui « crucifient leur chair avec ses passions et ses désirs déréglés, » Ibid. V, 24, qui mortifient leurs sens, qui méprisent les plaisirs et les délices, qui portent constamment leur croix, qui se renoncent eux-mêmes, qui « s'offrent tous les jours à Dieu comme une hostie vivante, sainte et agréable à ses yeux, » Rom. XII, 1, qui, voyant leur divin Maître boire jusqu'à la lie le calice de la passion, s'efforcent de l'imiter et sont prêts à souffrir pour lui les plus dures épreuves. Car il est mort afin de nous servir de modèle. Pour réparer tous les péchés du monde, une seule goutte de son sang, uni à la divinité, eût suffi ; mais il a voulu répandre ce sang précieux jusqu'à la dernière goutte afin qu'un si grand bienfait enflammât notre amour, et que l'exemple d'une patience si admirable nous encourageât à supporter de la même manière le poids de nos maux. Il a pris sur lui tous ces maux le premier, pour nous délivrer de la crainte et de l'effroi qu'ils inspirent à notre faible nature.

Cette considération mettait dans le cœur de l'Apôtre une résignation si parfaite, qu'il s'écriait : « J'ai été crucifié avec Jésus-Christ. Et je vis, ou plutôt ce n'est plus moi qui vis, mais c'est Jésus-Christ qui vit en moi. » Et il en donne aussitôt la raison : « Il m'a aimé, et il s'est livré lui-même à la mort pour moi. » Gal. 11, 19, 20, 21. N'est-il donc pas juste et nécessaire que je me livre à mon tour pour celui qui s'est livré pour moi ? C'est dans ce but que le Sauveur a voulu souffrir une passion si douloureuse ; il nous l'apprend dans ce passage de saint Jean, où parlant de lui comme s'il s'agissait d'un autre, il dit : « Lui-même, quand il mène ses brebis, marche devant elles, et les brebis le suivent. » Joann. X, 4. C'est-à-dire, il a souffert le premier toutes sortes de travaux et de fatigues, beaucoup de jeunes, de fréquentes veilles, de cruelles douleurs, la pauvreté, la nudité, des persécutions de toutes sortes. Il précède donc ses brebis, et ses brebis le suivent dans cette voie de l'humilité et de la patience. D'où nous devons conclure, mes frères, qu'on n'appartient pas au troupeau des brebis du Christ, si on refuse de le suivre dans la voie où il marche ; car c'est le propre des brebis de suivre leur pasteur. Il serait vraiment absurde que, quand le maître innocent souffre dans l'intérêt de l'esclave coupable, celui-ci ne voulût rien souffrir dans son intérêt propre.
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Sermon de Saint Louis de Grenade sur la Passion.

Message par Laetitia »

Si vous alléguez que la nature humaine a horreur des souffrances, dominée qu'elle est par l'amour des délices charnelles, je vous citerai la réponse que le Seigneur a faite lui-même à cette objection, lorsqu'il a dit : « L'amour est fort comme la mort..... Ses lampes sont comme des lampes de feu et de flammes. Les grandes eaux n'ont pu éteindre la charité, et les fleuves n'auront point la force de l'étouffer.» Cant. VIII, 6, 7. Le Seigneur nous fait connaître par ces paroles la force et la puissance de l'amour. Quand il s'agit de la gloire de l'objet aimé, celui qui aime ne redoute aucun obstacle, ne craint aucun péril, ne s'effraie d'aucun travail ; il ne tient pas même à la vie, et, inébranlable au milieu du combat, il peut mourir, mais non pas être vaincu. Car, vous venez de l'entendre : « Les grandes eaux n'ont pu éteindre la charité, et les fleuves n'auront point la force de l'étouffer. » Cette charité, enflammée par la considération de la tendresse et de la miséricorde que Jésus-Christ nous a montrées dans sa passion, méprise toutes les difficultés et toutes les douleurs, et forme en nous l'image de Jésus crucifié, ce que ce divin Maître réclame à bon droit de tous, au nom de sa passion.

Mais comme nous ne pouvons rien faire sans le secours de la grâce divine, nous devons implorer ce précieux secours par de continuelles prières, offrant au Père céleste les mérites de Jésus Christ notre Seigneur, afin que les douleurs qu'il a endurées pour notre salut nous obtiennent ce que nous ne pouvons pas attendre de nos propres bonnes œuvres. Dans toutes nos prières, ayons soin de ne paraître devant la face du Père qu'avec l'assistance du Fils ; présentons-lui les souffrances du divin Médiateur en acquit de nos dettes, et sollicitons en son nom les grâces dont nous avons besoin.

On a vu des femmes garder les vêtements sanglants de leurs maris assassinés, afin que leurs fils, devenus grands, fussent excités, en les voyant, à venger la mort de leurs pères. Agissons de même pour atteindre une autre fin : prenons le vêtement du nouveau Joseph, c'est-à-dire le corps ensanglanté de notre divin Sauveur, et offrons-le au Père éternel, non pas pour exciter sa colère et sa vengeance, mais pour fléchir sa justice et attirer sa miséricorde. Le Seigneur a figuré autre fois ce mystère, lorsqu'il donna l'ordre aux Israélites de prendre du sang de l'agneau et d'en mettre sur les poteaux et sur le haut des portes des maisons, afin que, voyant cette marque, l'ange détournât de leurs maisons l'épée qui frappait les Égyptiens. Car il leur dit : « Le sang dont sera marquée chaque maison où vous demeurerez servira de signe à votre égard. Je verrai ce sang, et je passerai vos maisons, et la plaie de mort ne vous touchera point lorsque j'en frapperai toute l’Égypte. » Exod. XII, 13. Qu'aviez-vous besoin, Seigneur, de ce signe pour distinguer les maisons des enfants d'Israël de celles des Égyptiens, Voựs, aux yeux de qui tout est nu et à découvert ? Par là vous avez voulu nous apprendre que pour attirer sur nous vos faveurs, nous aurions à mettre sous vos yeux le précieux sang de votre Fils répandu pour nous sur la croix, et à vous conjurer, par ce sang adorable, de nous être propice ; par ce sang, dis-je, « qui crie pour nous mieux que celui d'Abel, » car le sang d’Abel appelait la vengeance, et le sang de Jésus appelle la miséricorde.
Avatar de l’utilisateur
Laetitia
Messages : 2607
Inscription : ven. 20 oct. 2006 2:00

Re: Sermon de Saint Louis de Grenade sur la Passion.

Message par Laetitia »

Voilà, mes frères, ce que demande de nous la passion de notre Seigneur. Ce bienfait est si grand, et il lui a coûté si cher, que nous devons nous efforcer de l'honorer et de le faire pénétrer tous les jours plus avant dans nos cœurs par l'amour le plus ardent, par la piété la plus tendre, par la reconnaissance la plus vive et par un souvenir éternel. Daigne le Seigneur Jésus nous accorder cette grâce, lui qui, avec le Père et le Saint-Esprit, vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

Offrons le sacrifice de nos privations des cérémonies pascales, en union au Très Saint Sacrifice de Notre Divin Rédempteur et à la compassion de Notre Dame...
Répondre

Revenir à « Temporal&Sanctoral de l'année liturgique »

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 0 invité