La sainte Quarantaine

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Laetitia
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Voici quelques rappels, extraits du Traité de Droit Canon, publié sous la direction de Raoul NAZ et datant de 1954.
Raoul Naz, dans le Traité de Droit Canonique, tome III, livre III a écrit :

Des Temps Sacrés

Définition.
— CAN. 1243.

Les temps dits sacrés, ou consacré, à Dieu, sont les jours de fête ainsi que les jours d'abstinence et de jeûne (fixés par l'autorité ecclésiastique).

Si Dieu, en effet, doit être honoré par un culte direct, il doit l'être aussi par la mortification, considérée comme un moyen de purifier l'âme pour la mettre en état de rendre ses devoirs au Seigneur et de lutter contre le péché. Jejunium animae optima custodia, corporis socius securus, dit S. Basile.

On distingue deux sortes de temps sacrés. Les uns doivent être observés par l'Église universelle, les autres ne sont déterminés que pour les habitants d'une circonscription donnée.

Réglementation générale des temps sacrés. — CAN. 1244.

§ 1. Il appartient dans l'Église à l'autorité suprême de déterminer, de transférer ou d'abolir les jours de fête, de même que les jours d'abstinence et de jeûne communs à toute l'Église.

§ 2. Les Ordinaires des lieux peuvent ordonner des jours particuliers de fête, de jeûne ou d'abstinence pour leurs diocèses ou leurs territoires, mais seulement per modum actus

Longtemps les Papes ont laissé aux Évêques la faculté d'établir des fêtes locales perpétuelles. Urbain VIII est le premier qui, par la Constitution Universa (13 septembre 1642), les ait engagés à ne plus en user, mais c'est seulement le Code qui a pris dans le même sens une mesure définitivement restrictive en décidant au can. 1244, §2, que les Ordinaires locaux ne peuvent pas instituer pour leur territoire des jours de fête, de jeûne ou d'abstinence obligatoires à perpétuité. Ils ne peuvent en établir que per modum actus, c.-à-d. à célébrer une ou deux fois.
En ne reconnaissant ce pouvoir qu'aux Ordinaires locaux, le Code semble le refuser aux supérieurs majeurs des religieux. Il n'y a aucun doute en ce qui concerne l'établissement des fêtes; mais il semble, d'après le can. 1253, que les supérieurs religieux aient le pouvoir pour imposer des jours de jeûne ou d'abstinence par la voie de la règle, sans qu'il y ait strict précepte ecclésiastique, c.-à-d. sans engager leur pouvoir de juridiction.

Réglementation particulière. — CAN. 1245.

§ 1. Non seulement les ordinaires des lieux mais encore les curés, dans des cas isolés et pour un juste motif, peuvent dispenser leurs sujets pris individuellement et les familles, même hors de leur territoire, et dans leur territoire, même les étrangers, de la loi commune de l'observance des fêtes, de même que de l'observance de l'abstinence et du jeûne, ou encore des deux.

§ 2. Les ordinaires, pour le motif spécial d'un grand concours de peuple ou à cause de la santé publique, peuvent dispenser tout leur diocèse ou un lieu déterminé du jeûne et de l'abstinence, ou encore des deux lois en même temps.

§ 3. Dans une religion cléricale exempte, les supérieurs ont le même pouvoir de dispenser que les curés à l'égard des personnes visées par le can. 514, §1.

La réglementation dite particulière des temps sacrés est celle qui résulte des dispenses dérogeant à la loi générale. Le droit canonique ne réserve pas au pouvoir suprême la faculté d'accorder ces dispenses. Il la reconnait aux Ordinaires et aux curés, considérés comme étant plus proches des circonstances susceptibles de les motiver et mieux à même de les apprécier.

Leur pouvoir de dispense concerne toutes les observances propres aux temps sacrés : assistance à la messe, jeûne et abstinence.

Les pouvoirs respectifs des Ordinaires, des curés et des supérieurs religieux ne sont d'ailleurs pas les mêmes. Les dispenses collectives relèvent des Ordinaires seuls; les dispenses individuelles relèvent des curés et des supérieurs religieux, et des Ordinaires, a fortiori.

1° Dispense individuelle - Elle peut être accordée par le curé, par le supérieur, majeur ou local, des religions cléricales exemptes aux conditions suivantes :
a) Dans un cas particulier, ce qui ne signifie pas pour un jour, mais pour aussi longtemps que durera le motif allégué en vue de justifier la concession de la dispense.
b) A chacun de leurs sujets. Donc, pour le curé à tous ses paroissiens. Pour le supérieur, à tous ceux que vise le canon 514, §1, c'est-à-dire les personnes, religieux ou laïques, qui se trouvent dans leur maison de façon permanente pour raison de service, d'éducation, d'hospitalité ou de maladie.
Le curé peut encore accorder dispense à ces individualités morales que sont les familles. De même les supérieurs aux groupements analogues au groupe familial que forment dans leur maison : les scolastiques, les hôtes, les novices, etc.

2° Dispense collective - Celle-ci est réservée aux Ordinaires, qui peuvent l'accorder à des groupes plus importants que la famille, et même à leur diocèse tout entier.
La concession de la dispense est un acte de juridiction personnelle; Celui qui l'exerce peut donc s'en servir même hors de son territoire, à condition qu'il s'agisse de ses sujets.
La même juridiction présente aussi un caractère territorial, car celui qui l'exerce dans son territoire peut l'appliquer à tous ceux qui s'y trouvent, simples passagers ou résidents, sans qu'ils aient à y posséder ni domicile, ni quasi-domicile.

Étant aussi de juridiction ordinaire, le pouvoir de dispenser peut être délégué, par ex. aux confesseurs.

Dans tous les cas la dispense doit être motivée par une cause spéciale, c.-à.-d. par un événement qui ne se produit qu'une ou deux fois par an, quel qu'en soit le caractère (1); par un concours extraordinaire de foule, même s'il intéresse les habitants d'une seule paroisse (2) ou par les exigences de la santé publique en temps d'épidémie.

L'existence du juste motif est requise pour la validité de la dispense. Sa gravité doit être appréciée d'après la gravité de la loi à laquelle il s'agit de déroger. Les motifs sont d'ordre interne ou intime, tenant à la psychologie du sollicitant; ou d'ordre externe, tenant aux dispositions du concédant qui a des raisons de se montrer libéral, ou au concessionnaire qui est spécialement méritant, ou au bien commun, telle la perspective de la violation générale d'une loi que l'Ordinaire veut éviter.

L'effet de la dispense est radical. Par ex. en matière de jeûne ou d'abstinence, leur anticipation n'est plus requise comme avant le Code, de même que l'usage d'aliments gras, quand il est permis, n'est plus limité à un seul plat ou à un seul repas. De même le pouvoir d'accorder dispense n'implique pas pouvoir de commuer en d'autres œuvres celles dont on dispense. Pour substituer une obligation légale à une autre, il faudrait jouir pleinement du pouvoir législatif, or la faculté d'accorder une dispense n'implique pas la possession en propre d'un tel pouvoir. Tout ce que le concédant peut faire, c'est prescrire une bonne œuvre destinée à jouer le rôle de motif complémentaire, justifiant la concession d'une dispense qui, sans elle, risquerait de n'être pas assez motivée.

Si la dispense a un effet radical, elle est cependant d'interprétation stricte. Ainsi, relativement au repos du dimanche, la S. Cong. de la Propagande a répondu à un vicaire apostolique que la permission donnée de travailler le dimanche, à l'occasion de la moisson, autorisait tous les travaux relatifs à celle-ci, mais non pas toutes les œuvres serviles, en particulier celles qui seraient étrangères à la moisson (3).

(1) La S. Congr. du Concile a autorisé les évêques des États-Unis à dispense du jeûne et de l'abstinence à l'occasion des fêtes civiles (15 octobre 1931).
(2) Commiss. d'interprét. du Code, 12 mars 1929 (Acta, t. XXI, p. 170).
(3) 2 décembre 1922, Sylloge, Vatican, 1939, p. 208.


Computation des temps sacrés. — CAN. 1246.

Les jours qui constituent les temps sacrés doivent être comptés de minuit à minuit, réserve faite de la computation spéciale prévue par le can. 953.

Il s'agit du gain des indulgences qui peut commencer non pas le jour fixé dès minuit, mais la veille à partir de midi.

Les jours sacrés sont répartis en deux groupes, les jours de fête ou de joie et les jours de pénitence.
Dernière modification par Laetitia le mar. 28 févr. 2023 17:32, modifié 1 fois.
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Raoul Naz, dans le Traité de Droit Canonique, tome III, livre III a écrit :

De l'abstinence et du jeûne
(CAN. 1250-4254)

L'abstinence. — CAN. 1250.

La loi de l'abstinence défend de manger de la viande et du jus de viande, mais non pas des oeufs, des laitages et de tous les condiments tirés de la graisse des animaux.
A la différence de ce qui se passait avant le Code, l'usage des oeufs et laitages est permis, quoique procédant du corps des animaux, de même que l'emploi de tous autres condiments, y compris la graisse des animaux, tel le saindoux qui est ainsi assimilé au beurre, à l'huile, à la margarine ou à la végétaline.

N'est pas considérée comme viande la chair des poissons, et plus généralement de tous les animaux à sang froid qui vivent dans l'eau. On n'est pas d'accord pour assimiler aux poissons les animaux aqua¬tiques comme les poules d'eau ou les canards sauvages. On s'en tiendra sur ce point à l'usage local.

Par jus on entend tout ce qui est extrait de la viande ou des os, comme le sang, le bouillon, la moelle, mais non le lait ou la graisse, qui sont expressément permis par le can. 1250.


Le jeûne. — CAN. 1251.

§ 1. La loi du jeûne prescrit qu'il ne soit fait qu'un repas par jour; mais elle ne défend pas de prendre un peu de nourriture matin et soir, en observant toutefois la coutume approuvée des lieux, relativement à la quantité et à la qualité des aliments.

§ 2. Il n'est pas défendu de consommer viandes et poissons au même repas ; ni de remplacer la réfection du soir par celle de midi.

La notion de jeûne a été profondément modifiée par le Code. Avant le Code, trois éléments entraient dans la définition du jeûne qui comportait : un seul repas par jour, abstention de laitage et de viande, un moment déterminé pour ce repas.

La loi du jeûne prescrit qu'on ne fasse qu'un repas par jour (can. 1251), un repas complet s'entend. Le même canon ajoute en effet qu'il est désormais permis, tout en jeûnant, de prendre un peu de nourriture matin et soir; de manger viande et poisson au même repas; de placer le principal repas à midi ou le soir au gré de l'intéressé. Il est donc permis de manger de la viande au principal repas les jours de jeûne où l'abstinence n'est pas prescrite. Ni la durée ni la consistance de ce repas ne sont limitées.

Pas plus que jadis le liquide ne rompt le jeûne.

L'heure des repas du soir et du matin est laissée au choix de l'intéressé. La nature et la quantité des aliments sont à déterminer d'après la coutume locale à laquelle le can. 1251 reconnaît force de loi en cette matière. La coutume à observer est celle du lieu où le repas est pris, non pas celle du domicile ou du quasi-domicile de la personne qui jeûne. Ainsi il est d'usage, dans certains pays, de ne prendre ni oeufs ni laitages au repas du soir, mais il est toujours permis d'user de mets apprêtés avec de la graisse animale. La quantité d'aliments consommés à ce repas peut atteindre 250 grammes mais ne doit pas dépasser 300. Le matin, l'usage du lait est admis dans certains pays, et la quantité d'aliments solides ne doit pas dépasser 60 grammes.Les jours de jeûne où l'abstinence n'est pas prescrite, l'usage demeure de n'user de viande qu'au principal repas .


Les jours de jeûne et d'abstinence. — CAN. 1252.

§ 1. Il y a des jours où seule l'abstinence est prescrite : ce sont les vendredis de chaque semaine.

§ 2. Il y a des jours où sont prescrits à la fois le jeûne et l'abstinence : ce sont le mercredi des Cendres, les vendredis et samedis de Carême, les jours des Quatre-Temps ; les vigiles de la Pentecôte, de l'Assomption, de la Toussaint et de Noël.

§ 3. Il y a enfin des jours où seul le jeûne est prescrit ; ce sont tous les jours du Carême (autres que le mercredi des Cendres, les vendredi et samedi de chaque semaine).

§ 4. La loi de l'abstinence, ou la loi de l'abstinence et du jeûne, ou la loi du jeûne seulement, cesse d'obliger les dimanches et jours de fête de précepte, sauf quand ces fêtes tombent en carême, et les vigiles n'ont pas à être anticipés ; l'obligation disparaît de même le samedi saint après midi.

Les jours où seul le jeûne est prescrit il est permis d'user d'aliments gras au principal repas, puisque la consistance des collations du soir et du matin est déjà fixée autrement.

Toute obligation soit au jeûne soit à l'abstinence, soit aux deux réunis disparaît le samedi saint après midi; les dimanches et les jours de fêtes de précepte. La double obligation subsiste cependant les jours de fête de précepte qui tombent en carême. La Commission d'interprétation du Code l'a précisé en ce qui concerne la fête de S. Joseph, fête de précepte d'après le can. 1247, § 1, qui tombe ordinairement en carême (24 novembre 1920, Acta, t. XII, p. 576). Le même document déclare que lorsqu'une vigile échoit un dimanche ou un jour de fête de précepte, elle n'a pas à être anticipée, quel que soit le moment de l'année où l'on se trouve.

En harmonie avec le can. 4, le can. 1253 déclare que rien n'est changé au régime particulier du jeûne et de l'abstinence qui résulte d'induits, de voeux, de constitutions ou règles propres aux religieux, aux instituts approuvés d'hommes ou de femmes vivant en commun, même sans voeux.

Dans certains pays, l'abstinence du samedi est transférée par indult au mercredi. Lorsqu'un étranger appartenant à un pays où ce transfert n'est pas autorisé se trouve dans un pays où il l'est, il peut adopter ce régime particulier et à son choix faire abstinence le mercredi ou le samedi (can. 14, § 1). S'il a déjà fait maigre le mercredi, il ne sera pas tenu d'observer encore l'abstinence du samedi la même semaine, s'il se retrouve ce jour-là dans son pays où elle est obligatoire, sous réserve du scandale à éviter.


Les sujets de la loi. — CAN. 1254.

§ 1. Sont obligés par la loi de l'abstinence tous ceux qui ont atteint sept ans révolus (même s'ils n'ont pas encore l'usage de la raison) ;

§ 2. Par la loi du jeûne, ceux qui ont accompli leur vingt et unième année, et ce jusqu'au commencement de leur soixantième.

L'exonération du jeûne laisse subsister l'obligation de l'abstinence.
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Dom Guéranger, dans [i]L'Année liturgique[/i] a écrit :
[...] On voit que partout l'Eglise, préoccupée du bien spirituel de ses enfants, a cherché à maintenir, dans leur intérêt, tout ce qu'elle a pu conserver des salutaires observances qui doivent les aider à satisfaire à la justice de Dieu.

C'est en vertu de ce principe que Benoît XIV, alarmé de l'extrême facilité avec laquelle dès son temps les dispenses de l'abstinence se multipliaient de toutes parts, a renouvelé par une solennelle Constitution, en date du 10 juin 1745, la défense de servir sur la même table du poisson et de la viande aux jours de jeûne.

Ce même Pontife, que l'on n'a jamais accusé d'exagération, adressa dès la première année de son pontificat, le 30 mai 1741, une Lettre Encyclique à tous les Evoques du monde chrétien, dans laquelle il exprime avec force la douleur dont il est pénétré à la vue du relâchement qui déjà s'introduisait partout au moyen des dispenses indiscrètes et non motivées.

« L'observance du Carême, disait le Pontife, est le lien de notre milice ; c'est par elle que nous nous distinguons des ennemis de la Croix de Jésus-Christ ; par elle que nous détournons les fléaux de la divine colère ; par elle que, protégés du secours céleste durant le jour, nous nous fortifions contre les princes des ténèbres.

Si cette observance vient à se relâcher, c'est au détriment de la gloire de Dieu, au déshonneur de la religion catholique, au péril des âmes chrétiennes ; et on ne doit pas douter que cette négligence ne devienne la source de malheurs pour les peuples, de désastres dans les affaires publiques et d'infortunes pour les particuliers. »
(1)

Un siècle s'est écoulé depuis ce solennel avertissement du Pontife, et le relâchement qu'il eût voulu ralentir est toujours allé croissant. Combien compte-t-on dans nos cités de chrétiens strictement fidèles à l'observance du Carême, en la forme pourtant si réduite que nous avons exposée?

(1) - Constitution : Non ambigimus.
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Message par Laetitia »

Dom Guéranger, dans L'Année liturgique a écrit :
[...] Mais, dira-t-on, n'y a-t-il pas des dispenses légitimes ?

Assurément, il en est, et, dans ce siècle d'épuisement général, beaucoup plus que dans les âges précédents. Mais que l'on prenne garde à l'illusion.

Si vous avez des forces pour supporter d'autres fatigues, pourquoi n'en auriez-vous pas pour remplir le devoir de l'abstinence ?

Si la crainte d'une légère incommodité vous arrête, vous avez donc oublié que le péché ne sera pas remis sans l'expiation.

Le jugement des hommes de l'art, qui prédisent un affaiblissement de vos forces comme la suite du jeûne, peut être fondé en raison ; la question est de savoir si ce n'est pas précisément cette mortification de la chair que l'Eglise vous prescrit dans l'intérêt de votre âme.

Mais admettons que la dispense soit légitime, que votre santé encourrait un risque véritable, que vos devoirs essentiels souffriraient, si vous observiez à la lettre les prescriptions de l’Église ; dans ce cas, songez-vous à substituer d'autres œuvres de pénitence à celles que vos forces ne vous permettent pas d'entreprendre ?

Eprouvez-vous un vif regret, une confusion sincère de ne pouvoir porter avec les vrais fidèles le joug de la discipline quadragésimale ? Demandez-vous à Dieu la grâce de pouvoir, une autre année, participer aux mérites de vos frères, et accomplir avec eux ces saintes pratiques qui doivent être le motif de la miséricorde et du pardon ?

S'il en est ainsi, la dispense ne vous aura pas été nuisible; et quand la fête de Pâques conviera les fidèles enfants de l’Église à ses joies ineffables, vous pourrez vous joindre avec confiance à ceux qui ont jeûné ; car si la faiblesse de votre corps ne vous a pas permis de les suivre extérieurement dans la carrière, votre cœur est demeuré fidèle à l'esprit du Carême.


Que de choses nous aurions à dire encore sur les illusions dont se berce la mollesse de nos jours, quand il s'agit du jeûne et de l'abstinence !

Il n'est pas rare de rencontrer des chrétiens qui remplissent le devoir pascal, qui se font honneur d'être enfants de l'Eglise catholique, et chez lesquels la notion même du Carême a totalement péri.

Ils en sont venus à n'avoir pas même une idée précise de l'abstinence et du jeûne. Ils ignorent que ces deux éléments du Carême sont tellement distincts, que la dispense de l'un n'emporte en aucune façon celle de l'autre.
Si, pour une raison fondée ou non, ils ont obtenu l'exemption de l'abstinence, il ne leur vient pas même en pensée que l'obligation de pratiquer le jeûne durant quarante jours est demeurée tout entière; de même, si on leur a accordé l'exemption du jeûne, ils en concluent qu'ils peuvent faire servir sur leur table toute sorte d'aliments : tant est grande la confusion qui règne de toutes parts ; tant sont rares les exemples d'une parfaite exactitude aux ordonnances et aux traditions de l’Église.
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Re: La sainte Quarantaine

Message par Laetitia »

Dom Guéranger, dans [i]L'Année liturgique[/i] a écrit :
[...] Entrons donc avec résolution dans la voie sainte que l'Eglise ouvre devant nous, et fécondons notre jeûne par les deux autres moyens que Dieu nous propose dans les saints Livres : la Prière et l'Aumône.

De même que sous le nom de Jeûne, l'Eglise entend toutes les œuvres de la mortification chrétienne ; sous le nom de la Prière elle comprend tous les pieux exercices par lesquels l'âme s'adresse à Dieu.

La fréquentation plus assidue de l'Eglise, l'assistance journalière au saint Sacrifice, les lectures pieuses, la méditation des vérités du salut et des souffrances du Rédempteur, l'examen de la conscience, l'usage des Psaumes, l'assistance aux prédications particulières à ce saint temps, et surtout la réception des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, sont les principaux moyens par lesquels les fidèles peuvent offrir au Seigneur l'hommage de la Prière.

L'Aumône renferme toutes les œuvres de miséricorde envers le prochain : aussi les saints Docteurs de l'Eglise l'ont-ils unanimement recommandée comme le complément nécessaire du Jeûne et de la Prière pendant le Carême.

C'est une loi établie de Dieu, et à laquelle il a daigné lui-même se soumettre, que la charité exercée envers nos frères, dans le but de lui plaire, obtient sur son cœur paternel le même effet que si elle s'exerçait directement envers lui-même.

Telle est la force et la sainteté du lien par lequel il a voulu unir les hommes entre eux ; et de même qu'il n'accepte pas l'amour d'un cœur fermé à la miséricorde, de même il reconnaît pour véritable, et comme se rapportant à lui, la charité du chrétien qui, soulageant son frère, rend hommage au lien sublime par lequel tous les hommes s'unissent dans une même famille dont Dieu est le père.

C'est par ce sentiment que l'aumône n'est plus seulement un acte d'humanité, mais s'élève à la dignité d'un acte de religion qui monte directement à Dieu et apaise sa justice.

Rappelons-nous la dernière recommandation du saint Archange Raphaël à la famille de Tobie, au moment de remonter au ciel : « La prière accompagnée du jeûne et de l'aumône vaut mieux que tous les trésors ; l'aumône délivre de la mort, efface les péchés, ouvre la miséricorde et la vie éternelle. »

La doctrine des Livres Sapientiaux n'est pas moins expresse : « De même que l'eau éteint le feu le plus ardent, ainsi l'aumône détruit le péché. Renferme ton aumône dans « le sein du pauvre, et elle priera pour que tu sois délivré du mal.»

Que ces consolantes promesses soient toujours présentes à la pensée du fidèle, mais plus encore dans le cours de la sainte Quarantaine ; et que le pauvre qui jeûne toute l'année s'aperçoive qu'il est aussi un temps où le riche s'impose des privations. Une vie plus frugale produit ordinairement le superflu, relativement aux autres temps de l'année ; que ce superflu serve au soulagement de Lazare.

Rien ne serait plus contraire à l'esprit du Carême que de rivaliser en luxe et en dépenses de table avec les saisons où Dieu nous permet de vivre selon l'aisance qu'il nous a donnée.

Il est beau que, dans ces jours de pénitence et de miséricorde, la vie du pauvre devienne plus douce, en proportion de ce que celle du riche participe davantage à la frugalité et à l'abstinence qui sont le partage de la plupart des hommes.

C'est alors que pauvres et riches se présenteront avec un sentiment vraiment fraternel à ce solennel banquet de la Pâque que le Christ ressuscité nous offrira dans quarante jours.
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Re: La sainte Quarantaine

Message par Laetitia »

Dom Guéranger, dans [i]L'Année liturgique[/i] a écrit :
Enfin, il est un dernier moyen d'assurer en nous les fruits du Carême: c'est l'esprit de retraite et de séparation du monde.

Les habitudes de ce saint temps doivent trancher en toutes choses sur celles du reste de l'année
; autrement l'impression salutaire que nous avons reçue, au moment où l'Eglise imposait la cendre sur nos fronts, se dissiperait en peu de jours.

Le chrétien doit donc faire trêve aux vains amusements du siècle, aux fêtes mondaines, aux réunions profanes. Quant à ces spectacles pervers ou amollissants, à ces soirées de plaisirs qui sont l'écueil de la vertu et le triomphe de l'esprit du monde, si dans aucun temps il n'est permis au disciple de Jésus-Christ de s'y montrer autrement que par position et par nécessité, comment pourrait-on y paraître en ces jours de pénitence et de recueillement, sans abjurer en quelque sorte son titre de chrétien, sans rompre avec tous les sentiments d'une âme pénétrée de la pensée de ses fautes, et de la crainte des jugements de Dieu ?

La société chrétienne n'a plus aujourd'hui, durant le Carême, cet extérieur si imposant de deuil et de sévérité que nous avons admiré dans les siècles de foi ; mais de Dieu à l'homme et de l'homme à Dieu, rien n'est changé. C'est toujours la grande parole : « Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous ».

Aujourd'hui, il en est peu qui prêtent l'oreille à cette parole ; et c'est pourquoi beaucoup périssent. Mais ceux sur qui tombe cette parole doivent se souvenir des avertissements que nous donnait le Sauveur lui-même, au Dimanche de la Sexagésime. Il nous disait qu'une partie de la semence est foulée sous les pieds des passants, ou dévorée par les oiseaux du ciel; une autre desséchée par l'aridité de la pierre qui la reçoit ; une autre enfin étouffée par des épines.

N'épargnons donc aucun soin, afin de devenir cette bonne terre dans laquelle la semence non seulement est reçue, mais fructifie au centuple pour la récolte du Seigneur qui approche.
Je vous souhaite donc à tous un bon et saint Carême !
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