Sermon sur la sagesse et la douceur de la loi chrétienne.

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Laetitia
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Re: Sermon sur la sagesse et la douceur de la loi chrétienne.

Message par Laetitia »

 Que sera-ce, si j'ajoute que cette loi de grâce est encore une loi de charité et d'amour ? Amour et charité, dont l'effet propre est d'adoucir tout, de rendre tout, non-seulement possible, mais facile ; non-seulement supportable, mais agréable ; d'ôter au joug toute sa pesanteur, et, si j'ose le dire, d'en faire même un joug d'autant plus léger qu'il est plus pesant. Paradoxe que saint Augustin explique par une comparaison très-naturelle, et dont je puis bien me servir après ce Père. Car vous voyez les oiseaux, dit ce saint docteur : ils ont des ailes, et ils en sont chargés, mais ce qui les charge fait leur agilité , et plus ils en sont chargés, plus ils deviennent agiles. Ôtez donc à un oiseau ses ailes, vous le déchargez ; mais en le déchargeant, vous le mettez hors d'état de voler : Quoniam exonerare voluisti, jacet. Au contraire, rendez-lui ses ailes, qu'il en soit chargé tout de nouveau, c'est alors qu'il s'élèvera : pourquoi ? parce qu'au môme temps qu'il porte ses ailes , ses ailes le portent. Il les porte sur la terre, et elles le portent vers le ciel : Redeat omis, et volabit. Telle est, reprend saint Augustin , la loi de Jésus-Christ : Talis est Christi sarcina; nous la portons, et elle nous porte; nous la portons en lui obéissant, en la pratiquant ; mais elle nous porte en nous excitant, en nous fortifiant, en nous animant. Tout autre fardeau n'a que son poids, mais celui-ci a des ailes : Alia sarcina pondus habet, Christi pennas.

Laissons cette figure, Chrétiens, et parlons encore plus solidement. Dieu, souverain Créateur, possédait trois qualités par rapport à ses créatures : celle de maître, qui nous soumettait à lui en qualité d'esclaves ; celle de rémunérateur, qui nous attirait à lui en qualité de mercenaires ; celle de père, qui nous attache à lui en qualité d'enfants. Or, selon ces trois qualités (c'est la réflexion de saint Bernard), Dieu a donné trois lois aux hommes : une loi d'autorité comme à des esclaves, une loi d'espérance comme à des mercenaires, et une loi d'amour comme à des enfants. Les deux premières furent des lois de travail et de peine, mais la troisième est une loi de consolation et de douceur.

Qu'est-il arrivé de là ? Les hommes, dit saint Augustin, ont gémi sous ces lois de travail, de peine, de crainte ; mais leurs gémissements, leurs peines et leurs craintes n'ont pu leur faire aimer ce qu'ils pratiquaient ; au lieu que les chrétiens ont trouvé dans la loi de grâce un goût qui la leur rend aimable, et une onction qui la leur fait observer avec plaisir : Timuerunt, et non impleverunt ; amaverunt et impleverunt. Les hommes, sous les deux premières lois, intéressés et avares, craignaient un Dieu vengeur de leur convoitise ; mais malgré cette crainte, ils ne laissaient pas de commettre les plus injustes violences, de ravir le bien d'autrui, ou du moins de le désirer : au lieu que dans la loi nouvelle ils se sont attachés amoureusement à un Dieu pauvre ; et par amour pour lui, bien loin d'enlever des biens qui ne leur appartenaient pas, ils ont donné leurs biens propres, et se sont volontairement dépouillés de toutes choses : Timuerunt, et rapuerunt res alienas ; amaverunt, et donaverunt suas.
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Laetitia
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Re: Sermon sur la sagesse et la douceur de la loi chrétienne.

Message par Laetitia »

 Voilà ce que les amateurs du monde ne comprennent pas, et ce qu'ils pourraient néanmoins assez comprendre par eux-mêmes et par leurs propres sentiments. Ils ne nous entendent pas quand nous leur parlons des merveilleux effets de la charité de Dieu dans un cœur ; mais qu'ils en jugent par ce que fait dans eux l'amour même du monde. A quelles lois les tient-il asservis, ce monde qu'ils idolâtrent ? lois de devoir, justes, mais pénibles ; lois de péché, injustes et honteuses ; lois de coutume, extravagantes et bizarres ; lois de respect humain, cruelles et tyranniques ; lois de bienséance, ennuyeuses et fatigantes.

Cependant, parce qu'ils aiment le monde, ce qu'il y a dans le service du monde de plus fâcheux, de plus incommode, de plus dur, de plus rebutant, leur devient aisé. Rien ne leur coûte pour satisfaire aux devoirs du monde, pour se conformer aux coutumes du monde, pour observer les bienséances du monde, pour mériter la faveur du monde. Or, qu'ils aiment Dieu comme ils aiment le monde, que, sans changer de sentiments, mais seulement d'objet, au lieu de demeurer toujours attachés au monde, ils commencent à s'attacher à Dieu : cette loi du Seigneur, qui leur paraît impraticable, changera, pour ainsi dire, de nature pour eux. Ils travailleront, et dans leur travail ils trouveront le repos ; ils combattront, et dans leurs combats ils trouveront la paix ; ils renonceront à tout, et dans leurs renoncements, ils trouveront leur trésor; ils endureront tout, ils se mortifieront en tout, et dans leurs mortifications et leurs pénitences ils trouveront leur bonheur.

C'est ainsi que la loi de Dieu est tout à la fois un joug et un soulagement, un fardeau et un soutien. Si vous en doutez, j'en appelle, non point à votre témoignage, puisque vous ne pouvez rendre témoignage de ce que vous n'êtes point en état de sentir, mais au témoignage de tant de saints, qui l'ont éprouvé, et de tant d'âmes justes qui l'éprouvent encore tous les jours. Eh quoi ! cette loi de charité n'a-t-elle pas changé les chaînes en des liens d'honneur ? témoin un saint Paul. N'a-t-elle pas donné des charmes à la croix ? témoin un saint André. N'a-t-elle pas fait trouver du rafraîchissement au milieu des flammes ? témoin un saint Laurent. N'opère-t-elle pas encore à nos yeux tant de miracles ? N'est-ce pas elle qui fait porter à tant de vierges chrétiennes toutes les austérités du cloître ? N'est-ce pas elle qui engage tant de pénitents dans une sainte guerre contre eux-mêmes, et qui leur apprend à crucifier leur corps ? N'est-ce pas elle qui fait préférer la pauvreté aux richesses, l'obéissance à la liberté, la chasteté aux douceurs du mariage, les abstinences et les jeûnes, les haires et les cilices à toutes les commodités de la vie ? Que dis-je dont vous n'ayez pas des exemples présents et fréquents ? et ces exemples que vous voyez, ne sont-ce pas autant de leçons pour vous ?

Si donc, conclut saint Jérôme, la loi vous paraît difficile, ce n'est point à la loi qu'il s'en faut prendre ni à ses difficultés, mais à vous-mêmes et à votre indifférence pour Dieu. Elle est difficile à ceux qui la craignent, à ceux qui la voudraient élargir, à ceux que l’Esprit de Dieu, cet Esprit de grâce, cet Esprit de charité, ne réveille point, n'anime point, ne touche point, parce qu'ils n'en veulent pas être touchés. Mais prenons confiance, et, dans un saint désir de plaire à Dieu, entrons dans la voie de ses commandements : nous y marcherons comme David, nous y courrons, nous arriverons au terme de l'éternité bienheureuse....
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